Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: RR.2018.156

Arrêt du 2 novembre 2018 Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Giorgio Bomio-Giovanascini, président, Patrick Robert-Nicoud et Stephan Blättler, le greffier David Bouverat

Parties

A., représenté par Mes Jean-Marc Carnicé et Dominique Ritter, avocats,

recourant

contre

Ministère public du canton de Genève, partie adverse

Objet

Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France

Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP)

Faits:

A. Le 18 août 2017, le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux (ci-après: l’autorité requérante) a adressé au Ministère public du canton de Genève (ci-après: le MP-GE) une commission rogatoire internationale en lien avec une procédure ouverte contre les époux B. et C., suspectés d’avoir acquis des immeubles au moyen de fonds d’origine délictueuse. L’autorité requérante demandait en particulier aux autorités suisses la production de la documentation bancaire concernant les comptes nos 1 (titulaire inconnu) et 2 (titulaire: D. SA) ouverts auprès de la banque E., ainsi que la production de la documentation bancaire liée aux comptes ouverts en Suisse par les personnes suivantes: B., C. (épouse de B.), F. (fils des époux B. et C., décédé en 2016) et A. (fils des époux B. et C., né en 2006; v. Commission rogatoire inter­nationale, in: dossier électronique du MP-GE, CP/320/2017, Classeur A, p. 1, 11-13).

B. Par décisions du 27 septembre 2017, le MP-GE est entré en matière sur la demande d’entraide et a prononcé le séquestre, en vue de confiscation, restitution ou créance compensatrice, des avoirs déposés sur les relations bancaires suivantes: n°2 (D. SA), n°3 (F.), n°4 (A.) et n°1 (B. et/ou C.; act. 1.2 et 1.3), ouvertes auprès de la banque E..

C. Par décision de clôture partielle du 9 avril 2018, le MP-GE a ordonné la transmission à l’autorité requérante de la documentation relative aux comptes précités ouverts dans les livres de la banque E. (act. 1.1).

D. Par mémoire du 11 mai 2018, D. SA et A. recourent devant la Cour de céans contre ce prononcé, dont ils demandent l’annulation. Ils concluent, en sub­stance, principalement au rejet de la demande d’entraide du 18 août 2017, subsidiairement à ce que seule une partie de la documentation objet de la décision précitée soit transmise à l’Etat requérant et plus subsidiairement à ce que la cause soit renvoyée au MP-GE pour nouvelle décision (act. 1 p. 1-3).

E. Par arrêt du 29 mai 2018, la Cour de céans prononce la disjonction des causes RR.2018.155 et RR.2018.156 – cette dernière référence ayant été attribuée à l’affaire concernant A. – et déclare irrecevable le recours formé par D. SA (procédure RR.2018.155; act. 7).

F. Invités à se déterminer sur la cause RR.2018.156, le MP-GE et l’Office fédéral de la justice (ci-après: l’OFJ) concluent au rejet du recours (act. 15 et 16). Le recourant n’a pas déposé de réplique dans le délai qui lui avait été imparti pour ce faire.

Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.

La Cour considère en droit:

1. L’entraide judiciaire entre la République française et la Confédération suisse est prioritairement régie par la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ; RS 0.351.1), entrée en vigueur pour la Suisse le 20 mars 1967 et pour la France le 21 août 1967, ainsi que par l’Accord bilatéral complétant cette Convention (RS 0.351.934.92), conclu le 28 octobre 1996 et entré en vigueur le 1er mai 2000. Les art. 48 ss de la Convention d’application de l’Accords de Schengen du 14 juin 1985 (CAAS; n° CELEX 42000A0922[02]; Journal officiel de l’Union européenne L 239 du 22 septembre 2000, p. 19.62) s’appliquent également à l’entraide pénale entre la Suisse et la France (cf. arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.98 du 18 décembre 2008 consid. 1.3). Peut également s’appliquer, en l’occurrence, la Convention européenne relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBI; RS 0.311.53). Le droit interne reste toutefois applicable aux questions non réglées, explicitement ou implicitement, par le traité et lorsqu’il est plus favorable à l’entraide (ATF 142 IV 250 consid. 3; 140 IV 123 consid. 2; 137 IV 33 consid. 2.2.2; 136 IV 82 consid. 3.1; 129 II 462 consid. 1.1; 124 II 180 consid. 1.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2010.9 du 15 avril 2010 consid. 1.3). Le principe du droit le plus favorable à l’entraide s’applique aussi en ce qui concerne le rapport entre elles des normes internationales pertinentes (cf. art. 48 par. 2 CAAS; art. 39 CBI). L’application de la norme la plus favorable doit avoir lieu dans le respect des droits fondamentaux (ATF 135 IV 212 consid. 2.3; 123 II 595 consid. 7c).

2. La Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral est compétente pour connaître des recours dirigés contre les décisions de clôture de la procédure d’entraide rendues par les autorités cantonales ou fédérales d’exécution et, conjointement, contre les décisions incidentes (art. 25 al. 1 et 80e al. 1 EIMP, mis en lien avec l’art. 37 al. 2 let. a ch. 1 de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l’organisation des autorités pénales de la Confédération [LOAP; RS 173.71]).

2.1 Vu la disjonction des causes RR.2018.155 et RR.2018.156 (cf. supra let. E.), le litige porte uniquement sur la transmission aux autorités françaises de la documentation relative au compte n° 4 détenu par le recourant auprès de la banque E..

2.2 Aux termes de l’art. 80h let. b EIMP, a qualité pour recourir en matière d’entraide quiconque est personnellement et directement touché par une mesure d’entraide et a un intérêt digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée. Précisant cette disposition, l’art. 9a let. a OEIMP reconnaît au titulaire d’un compte bancaire la qualité pour recourir contre la remise à l’Etat requérant d’informations relatives à ce compte. En l’espèce, la transmission ordonnée concerne pour partie la documentation bancaire relative au compte n°4, ouvert auprès de la banque E., dont est titulaire le recourant (v. pièces 35, 38 et 42 in: dossier électronique du MP-GE, CP/320/2017, classeur C.2.1). En application des principes susmentionnés, ce dernier est légitimé à recourir à cet égard.

2.3

2.3.1 Selon l’art. 52 PA, le mémoire de recours indique les conclusions, motifs et moyens de preuve et porte la signature du recourant ou de son mandataire; celui-ci y joint l'expédition de la décision attaquée et les pièces invoquées comme moyens de preuve, lorsqu'elles se trouvent en ses mains (al. 1); si le recours ne satisfait pas à ces exigences, ou si les conclusions ou les motifs du recourant n'ont pas la clarté nécessaire, sans que le recours soit manifestement irrecevable, l'autorité de recours impartit au recourant un court délai supplémentaire pour régulariser le recours (al. 2); elle avise en même temps le recourant que si le délai n'est pas utilisé, elle statuera sur la base du dossier ou si les conclusions, les motifs ou la signature manquent, elle déclarera le recours irrecevable (al. 3).

2.3.2 Le recourant est mineur (cf. supra let. A; act. 1.4). Or la capacité d’ester en justice, soit de participer à une procédure, de transiger ou de s’y faire représenter est subordonnée, en droit public comme en droit privé, à l’obtention de la majorité et à la capacité de discernement (art. 12 et 13 CC; ATF 132 I 1 consid. 3; cf. aussi Bovay, Procédure administrative, 2e éd. 2015, p. 185). Partant, le recourant, faute d’avoir atteint la majorité, ne peut agir en justice que par l’intermédiaire de ses représentants légaux.

2.3.3 En l’espèce, la procuration jointe au mémoire de recours est munie de deux signatures illisibles et aucune pièce figurant au dossier n'établit que celles-ci appartiennent bien aux représentants légaux du recourant (act. 1.0B). Partant, il y aurait lieu en principe d'impartir un bref délai à celui-ci pour compléter ses écritures, conformément à l'art. 52 al. 2 PA. Cela étant, la Cour de céans n'a pas interpellé le recourant sur ce point à réception du mémoire de recours et ne saurait le faire à ce stade, sous peine de violer l'interdiction du formalisme excessif, respectivement le principe de la célérité (arrêts du Tribunal fédéral 1P.254/2005 du 30 août 2005, consid. 2.3 ss; 1A.253/2005 du 17 février 2006, consid. 3.4; 2C_341/2007 du 7 août 2007; Seethaler/Portmann, in: Waldmann/Weissenberger [éd.], Praxiskommentar VwVG, 2e éd. 2016, n° 108 ad art. 52 ).

2.4 Le délai de recours contre une ordonnance de clôture est de 30 jours dès la communication écrite de celle-ci (art. 80k EIMP). Déposé à un bureau de poste suisse le 11 mai 2018, le recours, contre un acte notifié le 10 avril 2018, est intervenu en temps utile.

2.5 Le recours étant ainsi recevable, il y a lieu d’entrer en matière.

3.

3.1 Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une violation du principe de la double incrimination. Il soutient en substance que les faits décrits dans la demande d’entraide ne sont constitutifs d’aucune infraction en droit suisse (act. 1 p. 11).

3.2

3.2.1 La condition de la double incrimination est satisfaite lorsque l’état de faits exposé dans la demande correspond, prima facie, aux éléments constitutifs objectifs d’une infraction réprimée par le droit suisse, à l’exclusion des conditions particulières en matière de culpabilité et de répression, et donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (cf. art. 64 al. 1 EIMP cum art. 5 ch. 1 let. a CEEJ; ATF 124 II 184 consid. 4b; 122 II 422 consid. 2a; 118 Ib 448 consid. 3a; 117 Ib 337 consid. 4a). Le juge de l’entraide se fonde sur l’exposé des faits contenu dans la requête. L’autorité suisse saisie d’une requête n’a pas à se prononcer sur la réalité des faits. Elle ne s’écarte des faits décrits par l’autorité requérante qu’en cas d’erreurs, lacunes ou contradictions évidentes et immédiatement établies (ATF 107 Ib 264 consid. 3a; 1A.270/2006 du 13 mars 2007 consid. 2.1; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.69 du 14 août 2008 consid. 3). Il n’est pas nécessaire que les faits incriminés revêtent, dans les deux législations concernées, la même qualification juridique, qu’ils soient soumis aux mêmes conditions de punissabilité ou passibles de peines équivalentes; il suffit qu’ils soient réprimés, dans les deux Etats, comme des délits donnant lieu ordinairement à la coopération internationale (ATF 124 II 184 consid. 4b/cc; 117 Ib 337 consid. 4a; 112 Ib 225 consid. 3c et les arrêts cités; arrêt du Tribunal fédéral 1C_123/2007 du 25 mai 2007 consid. 1.3), et pour autant qu’il ne s’agisse pas d’un délit politique ou fiscal (art. 2 let. a CEEJ). Contrairement à ce qui prévaut en matière d’extradition, il n’est pas nécessaire, en matière de « petite entraide », que la condition de la double incrimination soit réalisée pour chacun des chefs à raison desquels les prévenus sont poursuivis dans l’Etat requérant (ATF 125 II 569 consid. 6; arrêts du Tribunal fédéral 1C_138/2007 du 17 juillet 2007 consid. 2.3.2; 1A.212/2001 du 21 mars 2002 consid. 7). La condition de la double incrimination s’examine selon le droit en vigueur dans l’Etat requis au moment où est prise la décision relative à la coopération, et non selon celui en vigueur au moment de la commission de l’éventuelle infraction ou à la date de la commission rogatoire (ATF 129 II 462 consid. 4.3; 122 II 422 consid. 2a; 112 Ib 576 consid. 2;
arrêt du Tribunal fédéral 1A.96/2003 du 25 juin 2003 consid. 2.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2012.262-263 du 28 juin 2013 consid. 2.1; RR.2011.246 du 30 novembre 2011 consid. 3.2; RR.2007.178 du 29 novembre 2007 consid. 4.3; cf. ég. Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4e éd. 2014, n° 581, p. 584 s.).

3.2.2 Dans la « petite entraide », la réunion des éléments constitutifs d'une seule infraction suffit à l'octroi de l'entraide (ATF 125 II 569 consid. 6; 110 Ib 173 consid. 5b; 107 Ib 268 consid. 3c; arrêt du Tribunal fédéral 1C_138/2007 du 17 juillet 2007, consid. 2.3.2).

3.3 En l’espèce, le MP-GE a rappelé, dans sa décision d’entrée en matière du 27 septembre 2017, qu’en droit français les faits décrits dans la demande d’entraide relèvent du blanchiment d’argent (art. 324 -1 à 324 -6 CP-fr), respectivement de la soustraction et du détournement de biens publics (art. 432 -15 CP-fr). Pour l’autorité d’exécution, ces mêmes faits, transposés en droit suisse, peuvent être qualifiés de blanchiment d’argent et de faux dans les titres (art. 305bis et art. 251 CP).

Selon le recourant, l’infraction suisse de faux dans les titres (art. 251 CP) ne saurait être réalisée dès lors que le délit de soustraction, détournement ou destruction de biens d’un dépôt public par le dépositaire ou l’un de ses subordonnés (art. 432 -15 CP-fr) a été écarté de la procédure française par arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 23 novembre 2017. Quant au concours en bande organisée à une opération de placement, dissimulation ou conversion du produit d’un délit (art. 324 -1 à 324 -6 CP), également mentionnée dans la demande d'entraide et équivalente en droit suisse au blanchiment d’argent (art. 305bis CP), elle ne saurait être retenue, en l’absence d’infraction préalable identifiée ou qualifiée juridiquement par l’autorité requérante (act. 1 p. 12-13).

3.4

3.4.1 L’argumentation du recourant est dénuée de pertinence en ce qu'elle repose sur une analyse à l'aune du droit français des faits investigués dans l'Etat requérant. En effet, conformément à la jurisprudence précitée, l’autorité requise doit se contenter de transposer les faits décrits dans la demande d’entraide comme s’ils s’étaient produits en Suisse afin de vérifier s’ils correspondent, prima facie, à des infractions de droit suisse (v. supra consid. 3.2.1).

3.4.2 Lorsque l’autorité étrangère adresse une requête d’entraide aux fins d’appuyer une enquête menée du chef de blanchiment d’argent, elle ne doit pas nécessairement apporter la preuve de la commission des actes de blanchiment ou de l’infraction préalable; un simple soupçon considéré objectivement suffit pour l’octroi de la coopération sous l’angle de la double incrimination (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2017.99; RR.2017.65/RP.2017.22 du 1er décembre 2017 consid. 4.2 et références citées). La Suisse doit ainsi pouvoir accorder sa collaboration lorsque le soupçon de blanchiment est uniquement fondé sur l’existence de transactions suspectes. Tel est notamment le cas lorsqu’on est en présence de transactions dénuées de justification apparente ou d’utilisation de nombreuses sociétés réparties dans plusieurs pays (arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.69-72 du 14 août 2008 consid. 3.3 et références citées). L’importance des sommes mises en cause lors des transactions suspectes constitue également un motif de soupçon de blanchiment. Cette interprétation correspond à la notion d’entraide « la plus large possible » dont il est question aux art. 1 CEEJ, 7 ch. 1 et 8 CBI (ATF 129 II 97 consid. 3.2).

3.4.3 En l’espèce, l’autorité requérante expose que les époux B. et C., ressortissants ukrainiens domiciliés en France depuis 2013, ont procédé à des acquisitions immobilières dans ce dernier pays, entre 2009 et 2016, pour un montant total de EUR 14'577'890. Dites acquisitions concernaient des biens immobiliers à Paris et à Sanary-sur-Mer ainsi que des biens immobiliers et mobiliers en Gironde pour le compte de leurs sociétés G., H., I. Sarl et le Groupement J.. Les investigations réalisées sur ces acquisitions démontreraient que leur financement est lié à un mécanisme opaque et atypique, comprenant des fausses facturations, et impliquant des sociétés offshore dans le but de dissimuler l’origine illicite des fonds.

En particulier, ces acquisitions auraient été financées à hauteur de EUR 13'525’611.53 par des fonds provenant du compte n°1, ouvert auprès de la banque E., et à concurrence de EUR 1'580'000.-- par un compte bancaire lituanien détenu par K. Ltd, société de droit néo-zélandais dont le gérant, résidant au Panama, serait mis en cause dans une affaire lettone de blanchiment d’argent. De plus, les époux B. et C. disposeraient d’un patrimoine dissimulé derrière la société de droit panaméen D. SA, laquelle aurait opéré des virements bancaires à concurrence de EUR 865'000.-- depuis le compte n°2. De surcroît, les comptes bancaires de cette dernière entité révèleraient d’autres flux financiers atypiques, en provenance de multiples sociétés sises dans plusieurs Etats étrangers, soit:

- EUR 134'000.-- de L. LLP, société britannique détenant un compte auprès de la banque M. en Lettonie

- EUR 111'785.—de N. SA, société panaméenne titulaire d'un compte auprès de la banque M. en Lettonie

- EUR 110'000.—d'O. SIA, société lettone disposant d’un compte en Lettonie

- EUR 103'052.-- de P. Ltd, société sise à St Vincent et Grenadine titulaire d'un compte en Lettonie

- EUR 93'458.-- de Q. Ltd, société sise à Tortola (Iles Vierges Britanniques) et titulaire d'un compte ouvert en Arménie

- EUR 68'340.-- de R. Corp, société sise à Tortola (Iles Vierges Britanniques) détenant un compte en Lettonie

- EUR 48'000.-- de S. Corp, société sise aux Seychelles, détentrice d'un compte en Arménie

- EUR 16'416.-- de T. Ltd, société britannique titulaire d'un compte en Lettonie

- EUR 14'423.—d'AA. Ltd, société sise à Tortola (Iles Vierges Britanniques) détenant un compte en Lettonie,

- EUR 12'408.—de BB. SA, société Suisse (v. Commission rogatoire internationale, in: dossier électronique du MP-GE, CP/320/2017, Classeur A, p. 2-8).

Le recourant ne fournit aucune explication convaincante au sujet de l'arrière-plan économique de ces opérations. Par conséquent, on est en présence de plusieurs transactions dénuées de justification apparente, effectuées par le biais de nombreuses sociétés, réparties dans plusieurs pays, et portant sur des montants globalement conséquents. Force est donc de constater l'existence de soupçons de blanchiment d'argent au sens de la jurisprudence précitée (supra consid. 3.4.2). Dans ces conditions – quoi qu'en dise le recourant –, la condition de la double incrimination est remplie, nonobstant le fait que l'autorité requérante n'a pas précisé en quoi consiste l'infraction principale (cf. la jurisprudence précitée supra [consid. 3.4.2]). Le premier grief soulevé est donc mal fondé.

4.

4.1 Dans un second grief, le recourant invoque la violation du principe de la proportionnalité. Il ne serait pas impliqué dans la procédure pénale diligentée en France, n'aurait que douze ans et le compte bancaire litigieux ne servirait qu’à payer ses frais de scolarité.

4.2

4.2.1 Selon la jurisprudence relative au principe de la proportionnalité, lequel découle de l’art. 63 al. 1 EIMP, la question de savoir si les renseignements demandés sont nécessaires ou simplement utiles à la procédure pénale est en principe laissée à l’appréciation des autorités de poursuite de l’Etat requérant. Le principe de la proportionnalité interdit aussi à l’autorité suisse d’aller au-delà des requêtes qui lui sont adressées et d’accorder à l’Etat requérant plus qu’il n’a demandé. Cela n’empêche pas d’interpréter la demande selon le sens que l’on peut raisonnablement lui donner. Le cas échéant, une interprétation large est admissible s’il est établi que toutes les conditions à l’octroi de l’entraide sont remplies; ce mode de procéder permet aussi d’éviter d’éventuelles demandes complémentaires (ATF 121 II 241 consid. 3a; 118 Ib 111 consid. 6; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2009.286-287 du 10 février 2010 consid. 4.1). Sur cette base, peuvent aussi être transmis des renseignements et documents non mentionnés dans la demande (TPF 2009 161 consid. 5.2; arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.39 du 28 avril 2010 consid. 5.1; RR.2010.8 du 16 avril 2010 con-sid. 2.2). L’examen de l’autorité d’entraide est régi par le principe de l’ « utilité potentielle » qui joue un rôle crucial dans l’application du principe de la proportionnalité en matière d’entraide pénale internationale (ATF 122 II 367 consid. 2c et références citées). Sous l’angle de l’utilité potentielle, il doit être possible pour l’autorité d’investiguer en amont et en aval du complexe de faits décrits dans la demande et de remettre des documents antérieurs ou postérieurs à l’époque des faits indiqués, lorsque les faits s’étendent sur une longue durée ou sont particulièrement complexes (arrêt du Tribunal fédéral 1A.212/2001 du 21 mars 2002 consid. 9.2.2; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2017.53-54 du 2 octobre 2017 consid. 8.2 in fine). C’est en effet le propre de l’entraide de favoriser la découverte de faits, d’informations et de moyens de preuve, y compris ceux dont l’autorité de poursuite étrangère ne soupçonne pas l’existence. Il ne s’agit pas seulement d’aider l’Etat requérant à prouver des faits révélés par l’enquête qu’il conduit, mais d’en dévoiler d’autres, s’ils existent. Il en découle, pour l’autorité d’exécution,
un devoir d’exhaustivité, qui justifie de communiquer tous les éléments qu’elle a réunis, propres à servir l’enquête étrangère, afin d’éclairer dans tous ses aspects les rouages du mécanisme délictueux poursuivi dans l’Etat requérant (arrêts du Tribunal pénal fédéral RR.2010.173 du 13 octobre 2010 consid. 4.2.4/a et RR.2009.320 du 2 février 2010 consid. 4.1; Zimmermann, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 4e éd. 2014, n° 723 s.).

4.2.2 Les autorités suisses sont tenues, au sens de la procédure d’entraide, d’assister les autorités étrangères dans la recherche de la vérité en exécutant toute mesure présentant un rapport suffisant avec l’enquête pénale à l’étranger, étant rappelé que l’entraide vise non seulement à recueillir des preuves à charge, mais également à décharge (ATF 118 Ib 547 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1A.88/2006 du 22 juin 2006 consid. 5.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.287 du 9 avril 2009 consid. 2.2.4 et la jurisprudence citée). L’octroi de l’entraide n’implique pas que la personne soumise à une mesure de contrainte dans l’Etat requis soit elle-même accusée dans l’Etat requérant. Dans le domaine de l’entraide judiciaire, les mesures de contrainte ne sont pas réservées aux seules personnes poursuivies dans la procédure étrangère, mais à toutes celles qui détiendraient des informations, des pièces, des objets ou des valeurs ayant un lien objectif avec les faits sous enquête dans l’Etat requérant (arrêt du Tribunal fédéral 1A.70/2002 du 3 mai 2002 consid. 4.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2013.301 du 22 mai 2014 consid. 6.2).

4.2.3 S’agissant de demandes relatives à des informations bancaires, il convient en principe de transmettre tous les documents qui peuvent faire référence au soupçon exposé dans la demande d’entraide; il doit exister un lien de connexité suffisant entre l’état de fait faisant l’objet de l’enquête pénale menée par les autorités de l’Etat requérant et les documents visés par la remise (ATF 129 II 462 consid. 5.3; arrêts du Tribunal fédéral 1A.189/2006 du 7 février 2007 consid. 3.1; 1A.72/2006 du 13 juillet 2006 consid. 3.1). Lorsque la demande vise à éclaircir le cheminement de fonds d’origine délictueuse, il convient en principe d’informer l’Etat requérant de toutes les transactions opérées au nom des personnes et des sociétés et par le biais des comptes impliqués dans l’affaire, même sur une période relativement étendue (ATF 121 II 241 consid. 3c). L’utilité de la documentation bancaire découle du fait que l’autorité requérante peut vouloir vérifier que les agissements qu’elle connaît déjà n’ont pas été précédés ou suivis d’autres actes du même genre (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1A.259/2006 du 26 janvier 2007 consid. 2.2; 1A.75/2006 du 20 juin 2006 consid. 3.2; 1A.79/2005 du 27 avril 2005 consid. 4.2; 1A.59/2005 du 26 avril 2005 consid. 6.3). Certes, il se peut également que les comptes litigieux n’aient pas servi à recevoir le produit d’infractions pénales, ni à opérer des virements illicites ou à blanchir des fonds. L’autorité requérante n’en dispose pas moins d’un intérêt à pouvoir le vérifier elle-même, sur le vu d’une documentation complète (ATF 118 Ib 547 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1A.88/2006 du 22 juin 2006 consid. 5.3; arrêt du Tribunal pénal fédéral RR.2008.287 du 9 avril 2009 consid. 2.2.4 et la jurisprudence citée). L’autorité d’exécution, respectivement l’autorité de recours en matière d’entraide, ne peut pas se substituer au juge pénal étranger et n’est pas compétente pour se prononcer sur la substance des chefs d’accusation formulés par les autorités de poursuite (v. ATF 132 II 81 consid. 2.1; 122 II 373 consid. 1c p. 375; 112 Ib 215 consid. 5b; 109 Ib 60 consid. 5a p. 63 et renvois).

4.3 En l’espèce, le recourant n’est pas directement mis en cause dans la procédure pénale française. Cela étant, conformément à la jurisprudence précitée (v. supra consid. 4.2.2), l’octroi de l’entraide n’implique pas que la personne soumise à une mesure de contrainte dans l’Etat requis soit elle-même accusée dans l’Etat requérant. Dès lors, l’argument de l'intéressé est mal fondé en ce qu'il porte sur ce point. Au demeurant, la requête d’entraide indique que le recourant a constitué avec ses parents deux sociétés en France (v. Commission rogatoire internationale, in: dossier électronique du MP-GE, CP/320/2017, Classeur A, p. 2). Il se peut ainsi que le compte litigieux ait été partie intégrante des schémas délictueux investigués en France, singulièrement que les parents du recourant aient fait transiter des fonds d’origine illicite par dite relation bancaire. En outre, la demande d’entraide requiert expressément la remise de documents concernant l’ensemble des comptes détenus par le recourant (v. Commission rogatoire internationale, in: dossier électronique du MP-GE, CP/320/2017, Classeur A, p. 12). Dans ces conditions, on ne se trouve manifestement pas en présence d'une recherche de preuve indéterminée, respectivement, la condition de l’utilité potentielle est manifestement remplie.

4.4 Il s'ensuit que le grief de violation du principe de proportionnalité est mal fondé.

5. Au vu de ce qui précède, le recours est intégralement mal fondé. Il n’y a pas lieu de se pencher sur les conclusions subsidiaires, qui figurent dans le mémoire du 11 mai 2018, tendant à ce que seule une partie des pièces objet de la décision attaquée soit transmise à l’autorité requérante (act. 1 p. 2-3). Effectivement, la remise à l'autorité requérante de ces documents, qui concernent uniquement D. SA, dépassent le cadre du présent litige.

6. Les frais de procédure, comprenant l’émolument d’arrêté, les émoluments de chancellerie et les débours, sont mis à la charge de la partie qui succombe (art. 63 al. 1 PA, applicable par renvoi de l’art. 39 al. 2 let. b LOAP). Le montant de l’émolument est calculé en fonction de l’ampleur et de la difficulté de la cause, de la façon de procéder des parties, de leur situation financière et des frais de chancellerie (art. 73 al. 2 LOAP). Le recourant supportera ainsi les frais du présent arrêt, fixés à CHF 3'000.-- (art. 73 al. 2 LOAP et art. 8 al. 3 du règlement du Tribunal pénal fédéral sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale du 31 août 2010 [RFPPF; RS 173.713.162] et art. 63 al. 5 PA), entièrement couverts par l’avance de frais effectuée.

Cela étant, dans l’arrêt du 29 mai 2018 par lequel la Cour de céans rejetait le recours de D. SA formé dans le cadre de la même requête d’entraide formée par la France, les frais de procédure ont été fixés à CHF 2'000.-- (act. 7 p. 6). Or, le même jour, les deux recourants (D. SA et A., représentés par les mêmes avocats) ont versé une avance de frais de CHF 6'000.- (act. 9), conformément à ce qui avait été exigé par la Cour de céans en date du 15 mai 2018 pour les deux procédures de recours à raison de CHF 3'000.-- chacune (act. 3). Ainsi, compte tenu du fait que les versements ont été opérés sans qu’il ne puisse être tenu compte de la disjonction des causes RR.2018.155 et RR.2018.156, il y a lieu de restituer CHF 1'000.-- pour la procédure RR.2018.155.

Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:

1. Le recours est rejeté.

2. Un émolument de CHF 3'000.--, entièrement couvert par l’avance de frais versée, est mis à la charge du recourant.

3. Un montant de CHF 1'000.-- est restitué au sens du considérant 6 in fine.

Bellinzone, le 5 novembre 2018

Au nom de la Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: Le greffier:

Distribution

- Mes Jean-Marc Carnicé et Dominique Ritter

- Ministère public du canton de Genève

- Office fédéral de la justice, Unité Entraide judiciaire

Indication des voies de recours

Le recours contre une décision en matière d’entraide pénale internationale doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 10 jours qui suivent la notification de l’expédition complète (art. 100 al. 1 et 2 let. b LTF).

Le recours n’est recevable contre une décision rendue en matière d’entraide pénale internationale que s’il a pour objet une extradition, une saisie, le transfert d’objets ou de valeurs ou la transmission de renseignements concernant le domaine secret et s’il concerne un cas particulièrement important (art. 84 al. 1 LTF). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu’il y a des raisons de supposer que la procédure à l’étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d’autres vices graves (art. 84 al. 2 LTF).
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : RR.2018.156
Date : 02. November 2018
Publié : 15. Januar 2019
Source : Bundesstrafgericht
Statut : Unpubliziert
Domaine : Beschwerdekammer: Rechtshilfe
Objet : Entraide judiciaire internationale en matière pénale à la France. Remise de moyens de preuve (art. 74 EIMP).


Répertoire des lois
CC: 12  13
CEEJ: 1  2  5
CP: 1  6  15  251  305bis  324  432
EIMP: 25  52  63  64  74  80e  80h  80k
LOAP: 37  39  73
LTF: 84  100
OEIMP: 9a
PA: 52  63
RFPPF: 8
Répertoire ATF
107-IB-264 • 109-IB-60 • 110-IB-173 • 112-IB-215 • 112-IB-225 • 112-IB-576 • 117-IB-337 • 118-IB-111 • 118-IB-448 • 118-IB-547 • 121-II-241 • 122-II-367 • 122-II-373 • 122-II-422 • 123-II-595 • 124-II-180 • 124-II-184 • 125-II-569 • 129-II-462 • 129-II-97 • 132-I-1 • 132-II-81 • 135-IV-212 • 136-IV-82 • 137-IV-33 • 140-IV-123 • 142-IV-250
Weitere Urteile ab 2000
1A.189/2006 • 1A.212/2001 • 1A.253/2005 • 1A.259/2006 • 1A.270/2006 • 1A.59/2005 • 1A.70/2002 • 1A.72/2006 • 1A.75/2006 • 1A.79/2005 • 1A.88/2006 • 1A.96/2003 • 1C_123/2007 • 1C_138/2007 • 1P.254/2005 • 2C_341/2007
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
aa • acte d'entraide • acte de recours • autorité cantonale • autorité d'entraide • autorité de recours • autorité législative • autorité suisse • autorité étrangère • aval • avance de frais • blanchiment d'argent • bref délai • calcul • capacité d'ester en justice • capacité de discernement • cas particulièrement important • communication • compte bancaire • conclusions • condition • confédération • convention d'entraide judiciaire en matière pénale • convention européenne • cour des plaintes • créance compensante • demande d'entraide • demande • destruction • devoir de collaborer • directeur • disjonction de causes • documentation • droit fondamental • droit interne • droit privé • droit public • droit suisse • débat • décision • décision incidente • décompte • délai de recours • enfant • enquête pénale • enquête • entraide judiciaire pénale • entrée en vigueur • examinateur • fausse indication • formalisme excessif • forme et contenu • frais • genève • greffier • inconnu • information • infraction préalable • intérêt digne de protection • jour déterminant • lettonie • libéralité • loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la confédération • marchandise • membre d'une communauté religieuse • mention • mesure de contrainte • motif du recours • moyen de preuve • nombre • nouvelles • office fédéral de la justice • parlement • participation ou collaboration • partie intégrante • principe de la célérité • principe de la double incrimination • procédure administrative • procédure ouverte • procédure pénale • proportionnalité • prévenu • qualité pour recourir • quant • rapport entre • rejet de la demande • renseignement erroné • représentation légale • salaire • seychelles • sida • situation financière • soustraction d'une contribution • suisse • séquestre • titre • traité international • transaction • transmission à l'état requérant • tribunal fédéral • tribunal pénal • tribunal pénal fédéral • ue • ukrainien • viol • virement • vue
BstGer Leitentscheide
TPF 2009 161
Décisions TPF
RR.2008.98 • RR.2012.262 • RR.2018.156 • RR.2007.178 • RR.2010.8 • RR.2017.53 • RR.2010.9 • RR.2009.286 • RR.2008.287 • RR.2009.320 • RR.2013.301 • RR.2017.99 • RP.2017.22 • RR.2018.155 • RR.2008.69 • RR.2010.173 • RR.2010.39 • RR.2017.65 • RR.2011.246