Urteilskopf

91 II 57

7. Arrêt de la IIe Cour civile du 7 janvier 1965 dans la cause Albertano contre Légeret et consorts.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 58

BGE 91 II 57 S. 58

A.- Le 12 novembre 1958, Guido Albertano vendit son scooter de marque Vespa à Marcel Légeret, domicilié comme lui à Genève. L'acquéreur loua un emplacement dans un garage, pour y entreposer son véhicule, à partir du 15 novembre 1958. Le même jour, l'Union Suisse, compagnie générale d'assurances, établit un avenant par lequel elle transférait à Légeret, lequel avait signé une proposition, le contrat d'assurance contre les risques de la responsabilité civile qu'elle avait conclu avec Albertano. Celui-ci ne reçut aucun avis. Il avait payé la prime jusqu'au 31 décembre 1958. Par lettre du 20 novembre 1958, le Service genevois des automobiles invita le nouveau propriétaire à procéder au transfert du permis de circulation à son nom jusqu'au 26 novembre. Légeret n'avait qu'un permis d'élève conducteur.

B.- Le 22 novembre 1958, à l'angle de la rue Liotard et de la rue de la Poterie, à Genève, le scooter conduit par Albertano, qui transportait Légeret sur le siège arrière, entra en collision avec une automobile venant de droite, pilotée par André Philippe. Le conducteur du motocycle n'avait pu s'arrêter assez tôt pour céder le passage au véhicule prioritaire. Souffrant d'une fracture du crâne, d'une double fracture de la jambe droite et d'une commotion cérébrale, Légeret fut hospitalisé. Le jour de l'accident, le permis de circulation et les plaques de police étaient encore au nom d'Albertano.
C.- Par exploit du 16 mai 1960, Légeret fit assigner solidairement devant le Tribunal de première instance de Genève Albertano, l'Union Suisse, André Philippe et La Bâloise, son assureur en responsabilité civile, en paiement de 26 024 fr. 15 à titre de dommages-intérêts pour perte de salaire, frais de guérison et dégâts divers.
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Albertano conclut au rejet de la demande et, subsidiairement, à ce que l'Union Suisse fût condamnée à le relever et garantir de toute condamnation éventuelle au profit du demandeur. L'Union Suisse, André Philippe et La Bâloise conclurent tous trois au rejet des conclusions prises contre eux par leurs adversaires.
D.- Le 5 février 1963, le tribunal débouta Légeret et Albertano de leurs conclusions dirigées contre l'Union Suisse, qu'il mit hors de cause, et ordonna l'administration des preuves pertinentes pour juger l'action intentée aux autres défendeurs. A son avis, Légeret était détenteur du scooter, le jour de l'accident. La compagnie n'était dès lors pas tenue de couvrir la responsabilité civile du conducteur Albertano envers le demandeur, qui s'était substitué à lui dans la police d'assurance. Statuant en appel le 22 septembre 1964, la Deuxième Chambre de la Cour justice du canton de Genève confirma le jugement partiel et renvoya la cause au Tribunal de première instance pour qu'il procède à la suite de l'instruction et aujugement sur le fond entre les parties restant en cause.
E.- Albertano recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il persiste à demander que l'Union Suisse soit condamnée à le relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui, au bénéfice de Légeret, à la suite de l'accident du 22 novembre 1958. Il prétend qu'au moment de l'accident, l'assurance qu'il avait conclue auprès de ladite compagnie était encore en vigueur.
F.- La Bâloise, André Philippe et l'Union Suisse concluent au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt attaqué. Quant à Légeret, il conclut à l'admission du recours et à la réforme de l'arrêt cantonaldans le sensdemandé par le recourant.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. Confirmant un jugement partiel rendu conformément à l'art. 108 de la loi de procédure civile genevoise, la Cour de justice a rejeté les conclusions du demandeur dans la mesure où elles sont dirigées contre l'une des parties défenderesses, qu'elle a mis définitivement hors de cause. Selon l'art. 48 OJ, le recours en réforme n'est recevable que s'il est dirigé contre une décision finale. La jurisprudence entend par là un prononcé qui termine définitivement le procès, soit qu'il tranche le fond, soit que, sans l'aborder parce qu'une condition
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de procédure n'est pas remplie, il mette néanmoins l'intéressé hors d'état d'exercer son action (RO 88 II 59, consid. 2, et références citées). En principe, la décision déférée au Tribunal fédéral doit résoudre toutes les questions litigieuses. Un jugement qui statue sur une partie seulement des conclusions des plaideurs ne satisfait pas à cette exigence (BIRCHMEIER, Bundesrechtspflege, p. 167). Par exemple, le prononcé qui renvoie la décision sur certains chefs de conclusions, afin de compléter l'instruction dans la même instance, n'est pas une décision finale susceptible de recours en réforme.
Lorsque la demande est dirigée, comme en l'espèce, contre plusieurs défendeurs (cumul subjectif d'actions), le Tribunal fédéral a généralement considéré la décision mettant fin au procès à l'égard de l'un des défendeurs seulement comme un jugement au fond ou principal (Haupturteil), au sens de l'art. 58 OJ du 22 mars 1893. Ainsi, en présence d'un jugement cantonal qui admettait la responsabilité de l'un des codéfendeurs et renvoyait la cause à l'autorité inférieure pour fixer le montant de l'indemnité, mais déboutait le demandeur de ses conclusions contre l'autre défendeur, il a déclaré le recours recevable dans la mesure où il visait la dernière décision (RO 30 II 429 ss., 44 II 442 ss,. concernant deux procédures ouvertes séparément, puis jointes par le tribunal en cours d'instance, et abandonnant l'exigence formulée au RO 37 II 390 que les défendeurs aient été actionnés en vertu de rapports de droit différents). En revanche, un arrêt plus ancien a jugé irrecevable comme prématuré le recours en réforme dirigé contre une décision rejetant la demande à l'égard de quatre défendeurs et ordonnant un complément de preuves pour ce qui avait trait au cinquième (RO 24 II 935 ss.). Cependant, le recours formé contre un prononcé rejetant la demande déposée contre une des trois compagnies d'assurances défenderesses et suspendant le procès contre les deux autres a été jugé recevable (RO 63 II 348). De la jurisprudence citée, laquelle demeure valable en dépit de la revision législative qui n'a pas apporté sur ce point de modification essentielle, il résulte qu'en règle générale, le recours en réforme ne peut être interjeté qu'une seule fois dans une même contestation groupant plusieurs chefs de conclusions, et cela lorsque les plaideurs sont en mesure de soumettre au Tribunal fédéral la question litigieuse dans son ensemble et dans toute son étendue (BIRCHMEIER, op.cit,. p. 161; RO 60 II 361/2, 61 II 270,
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62 II 216 et 227). GULDENER partage cette manière de voir (Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2e éd., p. 560 n. 17 et 2e supplément p. 44, ad p. 191 de l'ouvrage principal). WEISS approuve l'arrêt publié au RO 24 II 935 ss., mentionné plus haut; ilpropose toutefoisd'admettre exceptionnellement la recevabilité du recours lorsque l'autorité cantonale a disjoint les causes introduites simultanément contre plusieurs adversaires et lorsqu'un règlement définitif de la question préjudicielle, par exemple la responsabilité du défendeur, éviterait les frais d'une procédure probatoire onéreuse (Die Berufung an das Bundesgericht in Zivilsachen, p. 45/7). WUTHRICH préconise aussi la recevabilité du recours contre un jugement partiel en invoquant des raisons pratiques et pour éviter des frais inutiles (Teilklage und Teilurteil, thèse Zurich 1952, p. 61). Quant à WURZBURGER, il estime que la partie à l'égard de laquelle la juridiction cantonale a statué devrait pouvoir saisir le Tribunal fédéral - ou résister à un recours en réforme interjeté par son adversaire - sans attendre la fin du procès entre les autres plaideurs, qui ne la concerne pas directement et que les intéressés risquent de prolonger longtemps, voire de ne jamais terminer; il propose la même solution lorsque la Cour cantonale ne s'est prononcée que sur le litige concernant les parties principales, à l'exclusion du différend opposant le demandeur à un intervenant (cf. RO 35 II 456) ou le défendeur à l'évoqué en garantie (Les conditions objectives du recours en réforme au Tribunal fédéral, thèse Lausanne 1964, p. 201).
2. En l'espèce, Légeret a introduit une action en dommages intérêts tendant à la condamnation solidaire de quatre défendeurs. L'un d'eux, Albertano, a pris des conclusions subsidiaires contre l'Union Suisse, codéfenderesse, afin qu'elle le relève de toute condamnation éventuelle envers le demandeur. Pratiquement, il a évoqué en garantie la compagnie d'assurances déjà citée en justice comme défenderesse. L'Union Suisse a conclu à libération des fins de la demande et de l'évocation en garantie dirigées contre elle. La Cour de justice genevoise s'est bornée à rendre une décision séparée niant la responsabilité de l'Union Suisse et rejetant à la fois la demande et l'évocation en garantie formulées contre cette compagnie d'assurances. Elle n'a pas encore statué sur la responsabilité des trois codéfendeurs restant en cause, ni réparti entre eux la charge à supporter, ni même fixé le montant du dommage à réparer.
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Aucune raison pratique ne commande que le Tribunal fédéral se prononce maintenant déjà sur la responsabilité de l'Union Suisse. La solution définitive de cette question n'éviterait pas les frais de la procédure probatoire ordonnée par le Tribunal de première instance et n'en diminuerait pas non plus le montant.
3. Le recourant invoque en vain l'art. 50 OJ. La jurisprudence n'applique en effet cette disposition légale que si l'autorité cantonale a rendu, sur une question de fond, une décision préjudicielle ou incidente de telle nature que le litige serait terminé dans l'hypothèse où le Tribunal fédéral trancherait différemment le point litigieux (cf. notamment RO 81 II 308 et 398, 82 II 171, 84 II 231/2, 85 II 52, 86 II 294, 89 II 29 et 403). Les conditions requises ne sont pas réunies en l'espèce. Il est vrai que tous les défendeurs ne sont pas attaqués en vertu du même rapport de droit. Le demandeur invoque contre Albertano la responsabilité du détenteur d'un véhicule automobile. Il s'en prend à l'Union Suisse comme assureur dudit détenteur contre les risques de la responsabilité civile. Il attaque André Philippe en sa qualité de conducteur, voire de détenteur de la voiture impliquée dans l'accident de circulation dont il a été victime. Il actionne enfin La Bâloise comme assureur en responsabilité civile d'André Philippe. Les quatre défendeurs ne seront donc pas tenus de réparer le dommage, s'ils sont jugés responsables, en vertu des règles de la solidarité parfaite. Leurs intérêts réciproques sont assurément en connexité étroite. Néanmoins, le demandeur aurait pu, à la rigueur, introduire des actions séparées. La solution définitive du différend concernant l'Union Suisse ne saurait donc aboutir à une décision finale qui termine le procès à l'égard de toutes les parties litigantes. De plus, elle ne diminuerait pas les frais judiciaires. L'application de l'art. 50 OJ est dès lors exclue.
4. Au surplus, le recours en réforme n'est recevable que dans la mesure où son auteur est lésé par la décision attaquée (RO 74 II 177, 85 II 599, 86 II 383; BIRCHMEIER, op.cit., p. 74). Assurément, le recourant a un intérêt à faire annuler ou réformer l'arrêtde la Courde justice qui rejette ses conclusions subsidiaires et à faire condamner l'Union Suisse à le relever de sa responsabilité éventuelle à l'égard du demandeur. Cependant, l'atteinte ainsi portée à sa situation juridique n'est encore que virtuelle. Elle ne deviendra effective que s'il est condamné à payer des dommages-intérêts à Légeret pour réparer tout ou partie du
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dommage consécutif à l'accident du 22 novembre 1958. Contrairement aux allégations figurant dans le recours, cette condition n'est pas réalisée pour le moment. A supposer que la juridiction cantonale le condamne plus tard à payer une indemnité au demandeur, Albertano aura la faculté d'interjeter un recours en réforme en se prévalant d'un intérêt actuel et immédiat à la modification du jugement partiel qui rejette son évocation en garantie de l'Union Suisse. La décision attaquée condamne certes le recourant à supporter une partie des frais de la procédure cantonale. Mais cela ne suffit pas pour obliger le Tribunal fédéral à résoudre maintenant déjà, dans la forme d'un prononcé en constatation de droit, la question tranchée séparément par la Cour de justice. Le recours est ainsi prématuré. La décision partielle niant la responsabilité de l'Union Suisse n'entre pas en force de chose jugée. Elle pourra être déférée au Tribunal fédéral en même temps que la décision finale statuant sur les conclusions du demandeur contre les trois défendeurs restant en cause.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral,
Déclare le recours irrecevable.