S. 57 / Nr. 11 Markenschutz (f)

BGE 73 II 57

11. Arrêt de la Ire Cour civile du 6 mai 1947 dans la cause S.A. Mido contre
S.A. Paul-Virgile Mathez.

Regeste:
Marques de fabrique, imitation (art. 24 et 6 LMF).
Action en radiation intentée par le titulaire de la marque «Mido» contre un
concurrent titulaire de la marque «Smidor» les deux marques étant destinées à
des montres et parties de montres en or. Action admise.
Fabrikmarken; Nachahmung (Art. 24 und 6 MSchG).
Klage des Inhabers der Marke «Mido» gegen den Inhaber der Marke «Smidor» auf
Löschung dieser Marke, die wie diejenige des Klägers für Uhren und
Uhrenbestandteile aus Gold bestimmt ist. Die Klage wird geschützt.
Marche di fabbrica, imitazione (art. 24 e 6 LMF).
Azione promossa dal titolare della marca «Mido» per ottenere la cancellazione
della marca «Smidor» di cui è titolare un concorrente, le due marche essendo
destinate ad orologi e a parti di orologi d'oro. Accoglimento dell'azione.


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A. ­ La maison demanderesse, qui fabrique et vend des montres, a été fondée en
1918 à Soleure. La raison de commerce était primitivement «G. Schaeren & Co.
Mido Watch». En 1925, elle s'est transformée en Société anonyme Mido. En 1934,
elle a fixé son siège à Bienne. Dès sa fondation la demanderesse a employé
pour ses montres comme marque principale le mot «Mido». Elle a fait
enregistrer cette marque en date du 23 décembre 1918 pour «montres de tout
genre, mouvements, cadrans, fournitures de montres». Le 17 août 1925, la
marque a été à nouveau enregistrée et le 11 mai 1945, le renouvellement en a
été demandé conformément à l'art. 8 LMF.
La maison défenderesse, qui également fabrique et vend des montres, a été
fondée en 1934, avec siège à Tramelan-dessus. Elle avait repris la maison feu
Paul-Virgile Mathez, naguère fabricant d'horlogerie, à Tramelan, dès 1918. Le
29 janvier 1946, la défenderesse a fait enregistrer la marque «Smidor» pour
«montres et cadrans en or ainsi que mouvements» en s'obligeant à n'utiliser la
marque «Smidor» que pour des produits en or.
B. ­ Par acte du 26 avril 1946, la S.A. Mido a intenté action à la S.A.
Paul-Virgile Mathez devant le Tribunal de commerce de Berne, en concluant,
plaise à celui-ci:
«1) Condamner la défenderesse à cesser tout emploi de la marque «Smidor» pour
des montres et pour des parties de montres et lui interdire sous commination
des peines prévues d'employer ladite marque «Smidor» pour des montres et pour
des parties de montres;
2) ordonner la radiation de la marque «Smidor» que la défenderesse a fait
enregistrer le 29 janvier 1946 sous le no 114.415
3) condamner la défenderesse à payer à la demanderesse une somme à fixer dans
le jugement avec intérêts à 5% dès le 5 juin 1945
4) ordonner la publication du jugement, aux frais de la défenderesse, dans la
«Feuille officielle suisse du commerce» et dans la «Fédération horlogère».»
La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
Statuant le 29 novembre 1946, le Tribunal de commerce de Berne a débouté la
demanderesse de ses conclusions.
C. ­ Contre cet arrêt, la S.A. Mido recourt au Tribunal

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fédéral en concluant à la cessation par la défenderesse de tout emploi de la
marque «Smidor» et à la radiation de ladite marque, sans reprendre ses autres
conclusions en dommages-intérêts et en publication de jugement.
L'intimée conclut au rejet du recours.
Considérant en droit.
1. ­ Aux termes de l'art. 24 LMF, sera poursuivi par la voie civile quiconque
notamment «aura contrefait la marque d'autrui ou l'aura imitée de manière à
induire le public en erreur». Il ne peut être question ici que d'imitation,
non de contrefaçon. Il y a imitation lorsqu'une marque ne se distingue pas,
par des caractères essentiels, d'une autre marque qui se trouve déjà
enregistrée (art. 6 al. 1 LMF). La défense d'imiter une marque déposée ne
tombe que si la marque nouvelle est destinée à des produits ou marchandises
«d'une nature totalement différente» (art. 6 al. 3). Non seulement ce n'est
pas le cas en l'espèce, puisque les parties vendent toutes deux sous leurs
marques des pièces d'horlogerie, mais les deux marques sont employées pour
désigner des produits identiques. Le Tribunal de commerce constate en effet
que si la marque «Smidor» ne se rapporte pas à des montres ordinaires, la
demanderesse vend aussi sous sa marque des montres ou cadrans en or. Dans un
cas semblable, c'est-à-dire lorsqu'il s'agit de marques destinées à des
marchandises du même genre, la jurisprudence veut qu'on apprécie avec plus de
rigueur les caractères distinctifs de la marque nouvelle (RO 52 II 166; 56 II
222
; 63 II 283).
La Cour cantonale retient toutefois que les marques en question s'appliquent à
des montres de qualité, autrement dit à des articles coûteux qui ne sont pas
d'usage courant. Il est exact que, d'après la jurisprudence actuelle, on est
en droit d'exiger des acheteurs d'articles de ce genre une plus grande
attention dans le choix de la marchandise et, par conséquent, dans la
discrimination des marques (RO 58 II 457; 61 II 57 /58). Cette considération a
sa

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valeur pour des objets d'un prix particulièrement élevé, comme des
automobiles, des pianos, des machines à écrire, voire des câbles (cf. RO 61 II
57
). Mais, hormis ces cas, on ne peut pas, d'une façon générale, mesurer le
pouvoir de discernement de l'acheteur au montant de sa dépense. L'importance
d'un achat dépend en effet des ressources dont chacun dispose, de telle sorte
que le critère en question n'apparaît guère susceptible d'une application
uniforme. Et si l'on peut se montrer particulièrement sévère pour la
différenciation de marques appliquées à des marchandises de consommation ou
d'usage tout à fait courants, comme des denrées alimentaires ou des articles
de toilette (RO 52 II 166, 47 II 362), on n'a pas de raison d'atténuer les
exigences de la loi pour la grande masse des objets d'un certain prix dont
l'achat, sans être fréquent, n'a cependant rien d'exceptionnel. Pour cette
catégorie de produits et de marchandises, la seule distinction à faire, quant
au pouvoir de discrimination du client, est celle qui existe entre le public
en général et des cercles déterminés d'acheteurs: industriels ou commerçants
d'une branche donnée. Ce n'est que de cette clientèle spécialisée qu'on peut
véritablement attendre qu'elle examine de plus près les marques de fabrique et
de commerce, et soit attentive même à des différences relativement faibles
(cf. RO 61 II 57 consid. 1). Quant aux objets offerts au public en général,
tout au plus peut-on réserver ceux pour lesquels même le profane. attache à la
marque une importance spéciale, comme les médicaments (RO 27 II 627).
Les montres que fabriquent et vendent les deux maisons en litige, et même
leurs articles en or qui entrent plus spécialement en ligne de compte, ne sont
pas d'un prix particulièrement élevé et ne représentent pas des achats de
caractère exceptionnel. Par ailleurs, ces montres sont offertes non à des
milieux spécialisés, mais au grand public. Il n'y a donc pas lieu de juger
selon des normes moins rigoureuses si la marque «Smidor» se distingue
suffisamment de la marque «Mido». Au contraire, car les

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montres en question sont certainement aussi destinées à l'exportation; or la
clientèle étrangère est en général moins apte que la clientèle suisse à
discerner les différences entre les marques d'horlogerie (cf. RO 50 II 76).
Il est vrai que si, jusqu'à présent, la jurisprudence a exigé de l'acheteur de
montres un degré particulier d'attention, c'est aussi parce que, dans le
domaine de l'horlogerie, le choix d'une nouvelle marque est passablement
restreint par le grand nombre de marques employées et qu'ainsi il devient
difficile d'éviter tout rappel d'un signe existant (RO 31 II 736, 39 II 123).
Dans sa généralité, cette considération ne peut toutefois être maintenue, car
les ressources de la langue sont pratiquement inépuisables et offrent à la
fantaisie un choix quasi illimité de combinaisons de lettres et de sons. Il se
peut certes qu'en tolérant un certain nombre de marques voisines, le titulaire
d'une marque voie à la longue s'affaiblir son propre signe, en ce sens que le
public s'habitue à la coexistence de marques peu différenciées. Mais, s'il
peut ainsi perdre le droit d'invoquer le risque de confusion contre les
titulaires de ces autres marques (RO 47 II 237; voir aussi 56 II 407), il
reste en mesure de s'opposer à l'emploi d'une nouvelle marque qui ne se
distingue pas, par des caractères essentiels, de sa marque propre, et cela
quoi qu'il en soit de l'existence d'autres marques similaires.
2. ­ ....
3. ­ Les marques «Mido» et «Smidor» sont des marques purement verbales. Elles
n'offrent ni l'une ni l'autre de signification quelconque. Il est vrai que la
finale de la seconde peut évoquer l'idée d'articles en or; c'est de là qu'est
parti le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle pour obliger la
défenderesse à ne vendre sous la marque «Smidor» que des montres et parties de
montres en or. Mais cette allusion ­ d'ailleurs assez faible ­ n'existe que
pour la langue française, alors que les produits de la défenderesse sont
destinés aussi à une clientèle parlant d'autres langues, notamment l'allemand.
Visuellement,

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les deux marques se distingueraient peut-être suffisamment l'une de l'autre,
bien que la marque «Smidor» contienne tout entière, entre les lettres
extrêmes, la succession de lettres formant la marque «Mido». Mais, s'agissant
de comparer des marques verbales, il faut avant tout considérer l'effet
auditif qu'elles produisent (RO 42 II 666). Or, à cet égard, les différences
que présentent les deux marques litigieuses ne suffisent pas à écarter, pour
une clientèle non avertie, le risque de confusion entre des marchandises par
ailleurs identiques.
Le r final, dans la marque «Smidor», a un certain pouvoir distinctif en
français, car il rend le o ouvert, tandis que le o de «Mido» est fermé. Mais
ce n'est pas le cas en allemand où le o de «Smidor» est sourd, et où le r
s'efface dans la prononciation du fait que l'accent tonique est placé sur
«Smi». La sifflante s placée devant le «mi» de «Smidor» a plus de force,
surtout en allemand, tandis qu'en français elle se trouve atténuée du fait que
l'accent est porté sur la consonne finale «dor». Toutefois, même en allemand,
le s peut s'estomper lorsque le mot «Smidor» se combine avec un mot neutre et
que le mot composé est précédé de l'article «das»: «das Smidoruhrwerk» ou en
dialecte «d's Smidoruhrwerk». Quoi qu'il en soit de ce dernier cas. la
présence dans la marque «Smidor» du son initial s et du son final r ne
différencie pas suffisamment cette marque de la marque «Mido» pour qu'un
acheteur moyen, à qui l'on a offert un jour une montre «Mido» et qui garde de
cette désignation un souvenir grossier (cf. RO 62 II 333), ne croie pas avoir
affaire à la même marque le jour où on prononce devant lui le mot «Smidor». En
exigeant que les marques se distinguent par des «caractères essentiels», la
loi vise des différences nettes et tranchées, qui doivent l'être davantage
encore lorsque les marques sont formées de mots empruntés au domaine illimité
de la fantaisie (RO 52 II 166). C'est la condition d'une concurrence loyale.
D'autre part, il ne se vérifie pas que la défenderesse

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aurait éprouvé un réel embarras à trouver une marque nouvelle, même si elle
avait voulu rester dans les associations de consonnes qu'elle avait à
l'esprit; il lui suffisait de choisir d'autres voyelles ou des diphtongues
(par ex., Smadur). La terminaison «ido» est, il est vrai, assez courante
(Dido, Lido, Fido, etc.) et la demanderesse ne saurait la monopoliser. Mais le
signe complet «Mido» mérite protection, car il n'est nullement tombé dans le
domaine public. D'autre part, il existe sans doute ou il a existé un assez
grand nombre de marques qui ne se distinguent guère plus de la marque «Mido»
que la marque «Smidor», telles les marques «Nidor», «Mimo», «Mitom», «Miton»,
«Mitot», «Mita». Mais l'existence de ces marques, que la demanderesse peut
avoir tolérées, ne l'empêchait pas de s'élever contre une nouvelle imitation
de sa marque (ci-dessus, consid. 1 in fine). C'est ce qu'elle a fait à l'égard
de la marque «Smidor», de date toute récente. Dès qu'elle en a eu
connaissance, elle a fait des représentations à la maison Mathez. Vis-à-vis de
celle-ci, Mido S.A. ne peut donc nullement être considérée comme déchue de ses
droits.
La marque Mido étant plus ancienne, l'action doit être admise dans la mesure
des conclusions que la demanderesse a maintenues devant le Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est réformé dans le sens de l'admission
des deux premiers chefs de la demande. En conséquence:
la défenderesse est condamnée à cesser tout emploi de la marque «Smidor» pour
des montres et parties de montres, et il lui est interdit sous commination des
peines prévues d'employer ladite marque «Smidor» pour des montres et parties
de montres;
il est ordonné la radiation de la marque «Smidor» enregistrée le 29 janvier
1946 sous le no 114 415.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 73 II 57
Date : 01. Januar 1947
Publié : 05. Mai 1947
Source : Bundesgericht
Statut : 73 II 57
Domaine : BGE - Zivilrecht
Objet : Marques de fabrique, imitation (art. 24 et 6 LMF).Action en radiation intentée par le titulaire de...


Répertoire des lois
LMF: 6  8  24  24e
Répertoire ATF
27-II-620 • 31-II-731 • 39-II-121 • 42-II-666 • 47-II-226 • 47-II-360 • 50-II-73 • 52-II-159 • 56-II-222 • 56-II-407 • 58-II-449 • 61-II-54 • 62-II-331 • 63-II-282 • 73-II-57
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
montre • acheteur • allemand • tribunal de commerce • tombe • tribunal fédéral • risque de confusion • quant • décision • société anonyme • rejet de la demande • membre d'une communauté religieuse • protection des marques • calcul • marchandise • sommation • fin • bénéfice • condition • formation continue • machine à écrire • denrée alimentaire • falsification • examinateur • marque verbale • feuille officielle suisse du commerce • imitation • automobile • domaine public • raison de commerce • voisin • dommages-intérêts • fabricant • bâtiment d'habitation • doute
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