Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal
Numéro de dossier: BB.2012.63
Décision du 20 décembre 2012 Cour des plaintes
Composition
Les juges pénaux fédéraux Stephan Blättler, président, Tito Ponti et Giorgio Bomio,
la greffière Maria Ludwiczak
Parties
A., représenté par Me Yvan Jeanneret, avocat,
recourant
contre
Ministère public de la Confédération,
partie adverse
Objet
Séquestre (art. 263 ss
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable: |
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1 | Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable: |
a | qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves; |
b | qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités; |
c | qu'ils devront être restitués au lésé; |
d | qu'ils devront être confisqués; |
e | qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149. |
2 | Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit. |
3 | Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal. |
Faits:
A. Suite à la réception d’une demande d’entraide formulée par les Etats-Unis d’Amérique, le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert, le 5 octobre 2009, une enquête de police judiciaire contre inconnu pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 322septies - Quiconque offre, promet ou octroie un avantage indu à une personne agissant pour un État étranger ou une organisation internationale en tant que membre d'une autorité judiciaire ou autre, en tant que fonctionnaire, en tant qu'expert, traducteur ou interprète commis par une autorité, ou en tant qu'arbitre ou militaire, en faveur de cette personne ou d'un tiers, pour l'exécution ou l'omission d'un acte en relation avec son activité officielle et qui est contraire à ses devoirs ou dépend de son pouvoir d'appréciation, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455 |
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1 | Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.455 |
2 | Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.459 |
a | agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter); |
b | agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent461; |
c | réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent. |
3 | Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.462 |
B. Les investigations conduites à l'étranger portent sur la société américaine B. et sur les versements qu’elle aurait opérés en faveur des membres du gouvernement du pays Z. ou de cadres supérieurs de la société C., afin de favoriser la société B. dans la négociation de divers contrats. Dans ce contexte, A., ancien Ministre du pétrole du pays Z. mais aussi président du conseil d’administration de la société C., aurait été le destinataire d’un montant de près de USD 2 millions transférés depuis un compte ouvert au nom d’une société détenue par D. en date du 3 octobre 2003.
C. Le 5 octobre 2009, le MPC a rendu une décision de blocage de USD 1'999'994.-- sur le compte n° 1 ouvert au nom de A. auprès de la banque E. Saisi d’une demande de levée le 7 juin 2010, le MPC l’a rejetée en date du 9 juin 2010. Cette décision a été confirmée par la Cour de céans par arrêt du 15 octobre 2010 (cause BB.2010.50), puis par le Tribunal fédéral par arrêt du 14 mars 2011 (cause 1B_380/2010).
D. Dans l’intervalle, le MPC a constaté une erreur dans la décision de séquestre. En effet, le compte ayant reçu les fonds est le n° 2 ouvert au nom de A. auprès de la banque E., tandis que le compte séquestré est le n° 1. Cependant, seul ce dernier compte abrite encore des fonds à hauteur de la somme prétendument illicite. Ainsi, en date du 20 janvier 2011, le MPC a rendu une nouvelle décision de saisie de USD 1'999'994.-- sur le compte n° 1, justifiant désormais le blocage par une éventuelle créance compensatrice au sens de l’art. 71 al. 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 71 - 1 Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70, al. 2, ne sont pas réalisées. |
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1 | Lorsque les valeurs patrimoniales à confisquer ne sont plus disponibles, le juge ordonne leur remplacement par une créance compensatrice de l'État d'un montant équivalent; elle ne peut être prononcée contre un tiers que dans la mesure où les conditions prévues à l'art. 70, al. 2, ne sont pas réalisées. |
2 | Le juge peut renoncer totalement ou partiellement à la créance compensatrice s'il est à prévoir qu'elle ne serait pas recouvrable ou qu'elle entraverait sérieusement la réinsertion de la personne concernée. |
3 | ...117 |
E. A. a formulé une nouvelle demande de levée du séquestre par courrier du 4 avril 2012 (act. 1.6). Le MPC a rendu une décision de refus en date du 26 avril 2012 (act. 1.2).
F. Par acte du 10 mai 2012, A. recourt contre ladite décision de refus, dont il demande l'annulation, et conclut à la levée du séquestre sur le compte n° 1. De plus, il requiert la production de la commission rogatoire adressée le 27 février 2012 par le MPC aux autorités de Guernesey ainsi que du rapport d'analyse du Centre de compétence des experts économiques et financiers (ci-après: CCEF) du 14 mars 2012 (act. 1).
G. Invité à répondre, le MPC, par acte du 24 mai 2012, conclut au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité, le tout sous suite de frais (act. 3).
Appelé à répliquer, le recourant persiste dans ses conclusions par acte du 12 juin 2012 (act. 5).
Les arguments et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris, si nécessaire, dans les considérants en droit.
La Cour considère en droit:
1.
1.1 En tant qu’autorité de recours, la Cour des plaintes examine avec plein pouvoir de cognition en fait et en droit les recours qui lui sont soumis (Message relatif à l’unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1057, 1296 in fine; Stephenson/Thiriet, Commentaire bâlois, Schweizerische Strafprozessordnung, n° 15 ad art. 393; Keller, Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung [StPO], [Donatsch/Hansjakob/Lieber, éd.], n° 39 ad art. 393; Schmid, Handbuch des schweizerischen Strafprozessrechts, Zurich/Saint-Gall 2009, n° 1512).
1.2 Les décisions du MPC peuvent faire l'objet d'un recours devant la Cour de céans (art. 393 al. 1 let. a
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable: |
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1 | Le recours est recevable: |
a | contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions; |
b | contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure; |
c | contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte, pour autant que le présent code ne les qualifie pas de définitives. |
2 | Le recours peut être formé pour les motifs suivants: |
a | violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié; |
b | constatation incomplète ou erronée des faits; |
c | inopportunité. |
SR 173.713.161 Règlement du 31 août 2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (Règlement sur l'organisation du TPF, ROTPF) - Règlement sur l'organisation du TPF ROTPF Art. 19 - 1 La Cour des plaintes accomplit les tâches qui lui incombent en vertu des art. 37 et 65, al. 3, LOAP ou d'autres lois fédérales.28 |
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1 | La Cour des plaintes accomplit les tâches qui lui incombent en vertu des art. 37 et 65, al. 3, LOAP ou d'autres lois fédérales.28 |
2 | ...29 |
3 | La Cour des plaintes statue à trois juges sauf si la direction de la procédure est compétente. Elle peut statuer par voie de circulation s'il y a unanimité et que ni un juge, ni le greffier de la composition n'a requis de délibération.30 |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 396 Forme et délai - 1 Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours. |
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1 | Le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours. |
2 | Le recours pour déni de justice ou retard injustifié n'est soumis à aucun délai. |
1.3 Le recours est recevable à la condition que le recourant dispose d'un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision entreprise (art. 382 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 382 Qualité pour recourir des autres parties - 1 Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. |
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1 | Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci. |
2 | La partie plaignante ne peut pas interjeter recours sur la question de la peine ou de la mesure prononcée. |
3 | Si le prévenu, le condamné ou la partie plaignante décèdent, leurs proches au sens de l'art. 110, al. 1, CP268 peuvent, dans l'ordre de succession, interjeter recours ou poursuivre la procédure à condition que leurs intérêts juridiquement protégés aient été lésés. |
2. Par un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.
2.1 Il invoque tout d’abord l’absence de décision motivée portant sur la restriction du droit d’être entendu dont il a fait l’objet lors de la consultation du dossier de la procédure.
Le droit de consulter le dossier est un aspect du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 101 Consultation des dossiers dans le cadre d'une procédure pendante - 1 Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé. |
|
1 | Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé. |
2 | D'autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu'elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. |
3 | Des tiers peuvent consulter le dossier s'ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 101 Consultation des dossiers dans le cadre d'une procédure pendante - 1 Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé. |
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1 | Les parties peuvent consulter le dossier d'une procédure pénale pendante, au plus tard après la première audition du prévenu et l'administration des preuves principales par le ministère public; l'art. 108 est réservé. |
2 | D'autres autorités peuvent consulter le dossier lorsqu'elles en ont besoin pour traiter une procédure civile, pénale ou administrative pendante et si aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. |
3 | Des tiers peuvent consulter le dossier s'ils font valoir à cet effet un intérêt scientifique ou un autre intérêt digne de protection et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose. |
En l’espèce, A. a été autorisé à consulter le dossier de la procédure le 7 mars 2012. Tel que mis à la disposition de son conseil, le dossier de la cause ne contenait pas la commission rogatoire adressée par le MPC aux autorités de Guernesey en date du 27 février 2012, ni ne mentionnait l’existence d’une telle pièce. Dans la mesure où les prévenus, y compris le recourant, n’avaient encore jamais été entendus, que dite commission rogatoire n’avait pas été complètement exécutée et que le MPC entendait confronter le recourant, une fois toutes les pièces reçues, aux informations ainsi obtenues, il y a lieu de constater que l’administration de preuves principales n’était pas achevée. Le prévenu n’avait ainsi pas droit à consulter le dossier.
Néanmoins, au vu du fait que le MPC a autorisé une telle consultation, il aurait dû préciser que le dossier n’était pas complet en tant que certaines pièces en avaient été extraites. En l’absence d’une telle précision, le recourant était fondé à croire que le MPC n’avait pas accompli d’actes complémentaires depuis le 22 mars 2011, date du dernier acte porté à sa connaissance.
Partant, le droit d’être entendu du recourant a été violé sur ce point.
2.2 Le recourant soutient également que son droit d’être entendu a été violé du fait de l’impossibilité pour lui de s’exprimer sur les pièces avant que la décision ne soit rendue. Il argue du fait que la décision de refus de levée du séquestre frappant son compte repose exclusivement sur les pièces dont il ignorait non seulement le contenu, mais aussi l’existence.
Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
Ce droit n'est toutefois pas absolu, et peut être restreint ou supprimé notamment lorsque l'intérêt de la poursuite pénale commande que certaines pièces soient tenues secrètes (ATF 126 I 7 consid. 2b). Aux termes de l’art. 108 al. 4
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 108 Restriction du droit d'être entendu - 1 Les autorités pénales peuvent restreindre le droit d'une partie à être entendue: |
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1 | Les autorités pénales peuvent restreindre le droit d'une partie à être entendue: |
a | lorsqu'il y a de bonnes raisons de soupçonner que cette partie abuse de ses droits; |
b | lorsque cela est nécessaire pour assurer la sécurité de personnes ou pour protéger des intérêts publics ou privés au maintien du secret. |
2 | Le conseil juridique d'une partie ne peut faire l'objet de restrictions que du fait de son comportement. |
3 | Les restrictions sont limitées temporairement ou à des actes de procédure déterminés. |
4 | Tant que le motif qui a justifié la restriction subsiste, les autorités pénales ne peuvent fonder leurs décisions sur des pièces auxquelles une partie n'a pas eu accès que si celle-ci a été informée de leur contenu essentiel. |
5 | Lorsque le motif qui a justifié la restriction disparaît, le droit d'être entendu doit être accordé sous une forme adéquate. |
Le MPC n’a pas fait état de l’existence de la commission rogatoire adressée aux autorités de Guernesey en date du 27 février 2012 et du rapport d’analyse du CCEF du 14 mars 2012 avant de rendre sa décision. Ne disposant pas du contenu essentiel desdites pièces, le recourant n’a pas pu exercer son droit d’être entendu avant que la décision de refus de levée des séquestres ne soit rendue. Certes, la décision ne repose pas exclusivement sur ces pièces mais aussi sur d’autres éléments accessibles au recourant, à savoir la note au dossier établie par le CCEF en date du 3 novembre 2010, la commission rogatoire adressée par la Suisse à la Principauté du Lichtenstein le 8 novembre 2010 ainsi que la perquisition dans les locaux de la fiduciaire F. du 22 mars 2011. Cependant, force est de constater que les deux pièces tenues secrètes sont décisives pour démontrer autant la continuité de l’activité déployée par le MPC que le renforcement, en cours d’enquête, des soupçons sur la culpabilité du prévenu. Le recourant aurait dû être informé du contenu essentiel de la commission rogatoire du 27 février 2012 et du rapport d’analyse du 14 mars 2012 avant que la décision ne soit prise, afin de lui permettre d’exercer son droit d’être entendu.
Ainsi, le droit d’être entendu du recourant a été violé sur ce point également.
2.3 Néanmoins, la décision attaquée reflète le contenu essentiel des pièces maintenues secrètes en tant qu’elle précise que dans la commission rogatoire "il est notamment question de retracer les flux de fonds versés depuis les comptes ouverts à Guernesey par D. à A." et qu’"il ressort [du Rapport d’analyse du CCEF] qu’entre le 29 mars 1999 et le 3 octobre 2003, A. a reçu, sur différents comptes dont il est titulaire ou ayant droit économique, une vingtaine de versements pour un montant total de quelque USD 24 millions en provenance de comptes dont D. est l’ayant droit économique". Le recourant a eu la possibilité de s’exprimer librement dans le cadre de son recours devant la Cour de céans, laquelle dispose du même pouvoir d’examen, plein et entier, que l’autorité inférieure (art. 393 al. 2
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 393 Recevabilité et motifs de recours - 1 Le recours est recevable: |
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1 | Le recours est recevable: |
a | contre les décisions et les actes de procédure de la police, du ministère public et des autorités pénales compétentes en matière de contraventions; |
b | contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, sauf contre ceux de la direction de la procédure; |
c | contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte, pour autant que le présent code ne les qualifie pas de définitives. |
2 | Le recours peut être formé pour les motifs suivants: |
a | violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, le déni de justice et le retard injustifié; |
b | constatation incomplète ou erronée des faits; |
c | inopportunité. |
2.4 Partant, les griefs relatifs à la violation du droit d’être entendu doivent être rejetés dans la mesure où ces violations ont pu être réparées dans le cadre de la présente procédure. Il en sera tenu compte dans le calcul de l’émolument de justice.
3. Dans un troisième moyen, le recourant se prévaut du principe de la bonne foi. Le MPC aurait violé dit principe en n’attirant pas l’attention du recourant sur le fait que ce dernier ne disposait pas d’un accès complet au dossier lorsqu’il en a autorisé la consultation.
Le principe de la bonne foi est le corollaire d’un principe plus général, celui de la confiance, lequel suppose que les rapports juridiques se fondent et s’organisent sur une base de loyauté et sur le respect de la parole donnée (Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, Vol. II, 2ème éd., Berne 2006, n° 1159). Ancré à l'art. 9
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 9 Protection contre l'arbitraire et protection de la bonne foi - Toute personne a le droit d'être traitée par les organes de l'État sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi. |
Comme constaté ci-dessus, le recourant avait le droit à être informé du fait que le dossier auquel il a eu accès n’était pas complet. En revanche, force est de constater également que le résultat du manquement du MPC a été réparé devant la Cour de céans (supra consid. 2.3). Partant, le recourant n’a pas subi de préjudice et le principe de la bonne foi n’a pas été violé.
Le grief relatif à la violation du principe de la bonne foi doit être rejeté.
4. Dans un troisième moyen, le recourant estime que le maintien du séquestre sur le compte n° 1 ne se justifie plus. D’après lui, en soustrayant les pièces du dossier à la connaissance de A. et l’empêchant ainsi d’apporter la contre-preuve, le MPC n’aurait pas démontré l’aggravation, en cours d’enquête, des charges pesant sur le recourant.
Le séquestre prévu par l’art. 263
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 263 Principe - 1 Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable: |
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1 | Des objets et des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers peuvent être mis sous séquestre, lorsqu'il est probable: |
a | qu'ils seront utilisés comme moyens de preuves; |
b | qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités; |
c | qu'ils devront être restitués au lésé; |
d | qu'ils devront être confisqués; |
e | qu'ils seront utilisés pour couvrir les créances compensatrices de l'État selon l'art. 71 CP149. |
2 | Le séquestre est ordonné par voie d'ordonnance écrite, brièvement motivée. En cas d'urgence, il peut être ordonné oralement; toutefois, par la suite, l'ordre doit être confirmé par écrit. |
3 | Lorsqu'il y a péril en la demeure, la police ou des particuliers peuvent provisoirement mettre en sûreté des objets et des valeurs patrimoniales à l'intention du ministère public ou du tribunal. |
Dans ses précédents arrêts en relation avec le séquestre du compte litigieux (causes BB.2010.50 et BB.2011.14) auxquels il y a lieu de renvoyer, la Cour de céans a considéré que cette mesure de contrainte était justifiée au vu des soupçons de blanchiment pesant sur A. et sur l’origine douteuse des fonds versés à ce dernier par D.
Comme le retient à juste titre le MPC, l’instruction contre A. s’est poursuivie de manière continue depuis le 15 octobre 2010, date à laquelle la Cour de céans s’est prononcée sur la question, à ce jour. En particulier, le MPC a été informé par le CCEF, en date du 3 novembre 2010, de l’existence de virements bancaires provenant de comptes ouverts au nom d’une société détenue par D. à destination d’un compte ouvert au Lichtenstein au nom d’une société dont il était présumé qu’elle était détenue par A. Suite à cela, le MPC a décerné une commission rogatoire aux autorités de la Principauté du Lichtenstein le 3 novembre 2010, et établi ainsi que A. était le bénéficiaire dudit compte. Le 16 février 2011, le MPC a également procédé à une perquisition des locaux de la fiduciaire zurichoise F., servant d’adresse de correspondance pour ce compte. Egalement, le MPC a adressé une commission rogatoire aux autorités de Guernesey le 27 février 2012. Bien que les pièces ainsi reçues soient encore en cours d’examen, il a pu d’ores et déjà être établi que A. est le destinataire de plusieurs transferts opérés depuis des comptes ouverts par D. à Guernesey. Finalement, il ressort du rapport d’analyse rendu par le CCEF le 14 mars 2012 que A. est le destinataire de plusieurs virements effectués entre mars 1999 et octobre 2003 depuis des comptes dont D. est l’ayant droit économique pour un montant total de quelque USD 24 millions. Les actes entrepris par le MPC depuis le 15 octobre 2010 viennent souligner le caractère complexe de l’instruction aux multiples ramifications internationales, justifiant par là sa durée.
Il ressort de ce qui précède que les actes entrepris par le MPC depuis le 15 octobre 2010 à ce jour ont permis de renforcer les soupçons à l’encontre de A. et le lien entre les infractions prétendues et les avoirs séquestrés. Dans la mesure, d’une part, où le cheminement et le contexte financier ayant mené au versement litigieux n’est toujours pas établi et que la découverte d’autres versements de D. à A. alourdit les soupçons pesant sur le recourant, et, d’autre part, que la mesure ne peut être considérée comme disproportionnée tant quant à son principe que du point de vue de sa durée, le maintien du séquestre sur le compte n° 1 se justifie à ce jour.
Partant, le recours doit être rejeté.
5. Selon l’art. 428 al. 1
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 428 Frais dans la procédure de recours - 1 Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé. |
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1 | Les frais de la procédure de recours sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles ont obtenu gain de cause ou succombé. La partie dont le recours est irrecevable ou qui retire le recours est également considérée avoir succombé. |
2 | Lorsqu'une partie qui interjette un recours obtient une décision qui lui est plus favorable, les frais de la procédure peuvent être mis à sa charge dans les cas suivants: |
a | les conditions qui lui ont permis d'obtenir gain de cause n'ont été réalisées que dans la procédure de recours; |
b | la modification de la décision est de peu d'importance. |
3 | Si l'autorité de recours rend elle-même une nouvelle décision, elle se prononce également sur les frais fixés par l'autorité inférieure. |
4 | S'ils annulent une décision et renvoient la cause pour une nouvelle décision à l'autorité inférieure, la Confédération ou le canton supportent les frais de la procédure de recours et, selon l'appréciation de l'autorité de recours, les frais de la procédure devant l'autorité inférieure. |
5 | Lorsqu'une demande de révision est admise, l'autorité pénale appelée à connaître ensuite de l'affaire fixe les frais de la première procédure selon son pouvoir d'appréciation. |
SR 173.713.162 Règlement du Tribunal pénal fédéral du 31 août 2010 sur les frais, émoluments, dépens et indemnités de la procédure pénale fédérale (RFPPF) RFPPF Art. 8 Émoluments perçus devant la Cour des plaintes - (art. 73, al. 3, let. c, LOAP, art. 63, al. 4bis et 5, PA, art. 25, al. 4, DPA) |
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1 | Pour la procédure de recours selon les art. 393 ss CPP12 et selon le DPA, des émoluments de 200 à 50 000 francs peuvent être perçus. |
2 | Les émoluments pour les autres procédures menées selon le CPP s'échelonnent de 200 à 20 000 francs. |
3 | Les émoluments perçus pour les procédures selon la PA: |
a | pour les causes où aucun intérêt financier n'entre en ligne de compte: de 100 à 5000 francs; |
b | pour les autres causes: de 100 à 50 000 francs. |
Par ces motifs, la Cour des plaintes prononce:
1. Le recours est rejeté.
2. Un émolument de CHF 1'000.-- est mis à la charge du recourant.
Bellinzone, le 20 décembre 2012
Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: La greffière:
Distribution
- Me Yvan Jeanneret, avocat
- Ministère public de la Confédération
Indication des voies de recours
Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les décisions de la Cour des plaintes relatives aux mesures de contrainte sont sujettes à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). La procédure est réglée par les art. 90 ss
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 90 Décisions finales - Le recours est recevable contre les décisions qui mettent fin à la procédure. |
Le recours ne suspend l’exécution de la décision attaquée que si le juge instructeur l’ordonne (art. 103
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 103 Effet suspensif - 1 En règle générale, le recours n'a pas d'effet suspensif. |
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1 | En règle générale, le recours n'a pas d'effet suspensif. |
2 | Le recours a effet suspensif dans la mesure des conclusions formulées: |
a | en matière civile, s'il est dirigé contre un jugement constitutif; |
b | en matière pénale, s'il est dirigé contre une décision qui prononce une peine privative de liberté ferme ou une mesure entraînant une privation de liberté; l'effet suspensif ne s'étend pas à la décision sur les prétentions civiles; |
c | en matière d'entraide pénale internationale, s'il a pour objet une décision de clôture ou toute autre décision qui autorise la transmission de renseignements concernant le domaine secret ou le transfert d'objets ou de valeurs; |
d | en matière d'assistance administrative fiscale internationale. |
3 | Le juge instructeur peut, d'office ou sur requête d'une partie, statuer différemment sur l'effet suspensif. |