Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour V

E-6729/2016

Arrêt du10 avril 2017

William Waeber (président du collège),

Composition François Badoud, Christa Luterbacher, juges,

Isabelle Fournier, greffière.

A._______, née le (...),

Burkina Faso,

représentée par (...),
Parties
Centre Suisses-Immigrés (C.S.I.),

(...)

recourante,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Asile et renvoi ;
Objet
décision du SEM du 26 octobre 2016 / N (...).

Faits :

A.
La recourante a déposé, le 8 septembre 2016, une demande d'asile en Suisse. Le 13 septembre 2016, elle a été entendue par le SEM sur ses données personnelles, au centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe. L'audition sur ses motifs d'asile a eu lieu le 7 octobre 2016.

Selon ses déclarations, elle a connu une enfance difficile, élevée par son oncle paternel après le départ de sa mère, chassée du village quelques années après le décès de son père. A l'âge de 18 ans, elle aurait été mariée contre son gré à un homme bien plus âgé qu'elle, dont elle aurait été la troisième épouse. Il aurait été très sévère à son endroit et, après quelques années de mariage, aurait voulu la faire exciser une seconde fois (elle l'aurait été alors qu'elle était toute petite) parce qu'elle ne lui donnait pas d'enfant. Elle aurait alors fui son village, en 2009 ou 2010, et aurait rejoint, après environ une journée de voyage par route, Ouagadougou où elle aurait, dans un premier temps, trouvé un logement et du travail auprès d'une vieille dame. Depuis 2012, elle aurait vécu seule dans un autre logement et aurait trouvé un emploi de femme de ménage dans une auberge. Là, elle aurait fait la connaissance d'un homme d'affaires blanc, de nationalité française, un certain B.______, client de l'hôtel. Elle se serait, petit à petit, confiée à lui. Elle aurait été en effet, à l'époque, en proie à des difficultés avec le fils de la vieille dame chez laquelle elle avait logé, décédée dans l'intervalle, car il l'aurait accusée de l'avoir mal soignée et l'aurait menacée. En outre, elle n'aurait vu aucun avenir pour elle dans la capitale, coupée de sa famille depuis qu'elle avait quitté son village pour fuir son époux. Sensible à sa situation difficile, B._______ lui aurait proposé de l'épouser et d'aller vivre en Europe où elle trouverait du travail. En 2013, il l'aurait invitée à l'y accompagner, afin qu'elle puisse voir où il vivait, avant d'accepter sa proposition. Il aurait obtenu pour elle un visa de l'Ambassade de (... [nom du pays]). Ils seraient demeurés un mois environ « chez les Blancs » (elle a dit ne pas savoir dans quel pays, dont elle n'aurait pas compris la langue). Durant cette période, B_______. se serait montré gentil avec elle. Elle serait ensuite retournée, seule, au Burkina Faso, où elle n'aurait pas pu reprendre son emploi à l'auberge. Elle aurait finalement trouvé du travail de nettoyage, sur appel. De retour au Burkina Faso, B._______ l'aurait à nouveau contactée. Il lui aurait demandé de l'épouser et elle aurait finalement accepté, car sa situation était précaire. En 2015, ils auraient pris l'avion pour se rendre en Europe, où ils devaient se marier et seraient arrivés dans un pays francophone (elle a dit ignorer lequel). Dès leur arrivée, il lui aurait confisqué tous ses documents d'identité et l'aurait conduite dans une maison située à la campagne où il l'aurait contrainte à la prostitution. Elle aurait reçu de la nourriture, mais jamais d'argent, et, vivant seule dans une
chambre, n'aurait eu de contact avec personne, sinon les clients qu'il amenait. Devenu complètement différent de l'homme qu'il était auparavant, B._______ l'aurait même menacée, une fois, avec un fusil pour le cas où elle refuserait un client. Elle aurait été toujours enfermée, ne sachant pas où elle se trouvait. Souffrant de maux de ventre, elle aurait, un jour, perdu connaissance et se serait retrouvée dans un hôpital où B._______ l'aurait emmenée pour y être opérée (elle n'aurait jamais su de quoi). Il l'aurait ensuite ramenée dans la même chambre et, après quelques jours, lui aurait à nouveau amené des clients. Un de ceux-ci, sensible à son désespoir, l'aurait finalement aidée à s'échapper, la faisant sortir de nuit avec l'aide d'une autre personne. Il l'aurait conduite jusqu'à Vallorbe.

B.
Par décision du 26 octobre 2016, le SEM a refusé de reconnaître à la recourante la qualité de réfugiée et a rejeté sa demande d'asile, considérant qu'elle provenait d'un Etat réputé exempt de persécutions (« safe country ») et que son dossier ne contenait aucun indice de nature à renverser cette présomption. Il a, sur ce point, retenu qu'elle avait vécu plusieurs années à Ouagadougou sans contact avec son époux et qu'elle n'avait, par ailleurs, pas revu le fils de son ancienne logeuse depuis 2013, ce qui démontrait qu'elle n'avait pas de crainte fondée de préjudices de leur part à l'époque de son départ du pays. Enfin, il a relevé que, contrairement à ce qu'elle alléguait, elle aurait pu utilement déposer plainte contre B._______, puisque le Burkina Faso possédait une législation et des institutions spécifiques pour lutter contre la traite des êtres humains, de sorte qu'elle était en mesure d'obtenir une protection des autorités en cas de besoin. Par la même décision, le SEM a prononcé le renvoi de l'intéressée et ordonné l'exécution de cette mesure, considérée comme licite, possible et raisonnablement exigible.

C.
Le 1er novembre 2016, l'intéressée a recouru contre cette décision, en concluant à son annulation. Elle a, en substance, rappelé les faits allégués lors de ses auditions et a fait valoir qu'elle serait concrètement en danger en cas de retour à Ouagadougou, privée du soutien de sa famille et ne pouvant retourner dans son village.

D.
Invité à se déterminer sur le recours, le SEM en a proposé le rejet, dans sa réponse du 25 novembre 2016. Il a souligné qu'il n'y avait pas de lien de causalité temporelle entre la fuite de l'intéressée de son village et son départ du Burkina Faso, cinq ans plus tard. Il a en outre relevé qu'elle avait vécu cinq ans dans la capitale et était parvenue à subvenir à ses besoins.

E.
La recourante a répliqué, le 19 janvier 2017. Elle a souligné qu'à Ouagadougou, elle avait vécu cachée, craignant toujours que son époux ne la retrouve. Elle a également mis en évidence qu'elle était une victime de la traite des êtres humains et que l'exploitation sexuelle forcée devait être considérée comme une persécution déterminante pour la reconnaissance de la qualité de réfugié. Elle a joint un rapport, daté du (...) 2017, émanant d'une collaboratrice du centre de consultation pour aide aux victimes d'infractions vers lequel elle avait été dirigée.

F.
Le SEM a reçu, le 14 février 2017, un rapport médical concernant l'intéressée, daté du 9 février 2017, document qu'il a fait suivre au Tribunal.

Droit :

1.

1.1 En vertu de l'art. 31 LTAF (applicable par renvoi de l'art. 105 LAsi [RS 142.31]), le Tribunal administratif fédéral (ci-après: le Tribunal) connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

En particulier, les décisions rendues par le SEM concernant l'asile peuvent être contestées, devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (cf. art. 83 let. d ch. 1 LTF), exception non remplie en l'espèce.

Le Tribunal est, par conséquent, compétent pour statuer sur la présente cause.

1.2 La recourante a qualité pour recourir (cf. art. 48 PA). Présenté dans la forme (cf. art. 52 al. 1 PA) et dans le délai (cf. art. 108 al. 2 LAsi) prescrits par la loi, le recours est recevable.

2.

2.1 Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (art. 3 al. 1 LAsi). Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (art. 3 al. 2 LAsi).

2.2 Quiconque demande l'asile doit prouver ou du moins rendre vraisemblable qu'il est un réfugié (art. 7 al. 1 LAsi). La qualité de réfugié est vraisemblable lorsque l'autorité estime que celle-ci est hautement probable (art. 7 al. 2 LAsi). Ne sont pas vraisemblables notamment les allégations qui, sur des points essentiels, ne sont pas suffisamment fondées, qui sont contradictoires, qui ne correspondent pas aux faits ou qui reposent de manière déterminante sur des moyens de preuve faux ou falsifiés (art. 7 al. 3 LAsi).

3.

3.1 Aux termes de l'art. 6a al. 2 LAsi, le Conseil fédéral désigne les Etats d'origine ou de provenance sûrs, à savoir ceux dans lesquels il estime que le requérant est à l'abri de toute persécution. En vertu de l'art. 40 LAsi, si l'audition fait manifestement apparaître que le requérant n'est pas parvenu à prouver sa qualité de réfugié ni à la rendre vraisemblable et si aucun motif ne s'oppose à son renvoi de Suisse, sa demande est rejetée sans autres mesures d'instruction. La décision doit être motivée au moins sommairement.

3.2 Le Burkina Faso a été désigné comme Etat d'origine sûr par le Conseil fédéral et fait toujours partie de la liste des Etats considérés comme exempts de persécutions (cf. annexe 2 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile [OA 1, RS 142.311]). Dès lors qu'il n'avait pas jugé utile de procéder à d'autres mesures d'instruction, le SEM a fixé un délai de recours de cinq jours ouvrables à l'intéressée (cf. art. 108 al. 2 let. b LAsi en relation avec les art. 6a et 40 LAsi).

4.

4.1 La recourante a fait valoir des persécutions subies ou redoutées de la part de tierces personnes, à savoir son mari qui aurait eu l'intention de lui faire subir des mutilations génitales, le fils de sa logeuse qui l'aurait menacée et enfin le dénommé B._______, qui l'aurait emmenée en Europe sous de fausses promesses et l'aurait ensuite contrainte à la prostitution. Le SEM ne s'est pas prononcé sur la vraisemblance des faits relatés par l'intéressée.

4.2 La crainte face à de sérieux préjudices à venir, telle que comprise à l'art. 3 LAsi, contient un élément objectif, au regard d'une situation ancrée dans les faits, et intègre également dans sa définition un élément subjectif. Sera reconnu comme réfugié, celui qui a de bonnes raisons, c'est-à-dire des raisons objectivement reconnaissables pour un tiers (élément objectif), de craindre (élément subjectif) d'avoir à subir selon toute vraisemblance et dans un avenir prochain une persécution. Sur le plan objectif, cette crainte doit être fondée sur des indices concrets qui peuvent laisser présager l'avènement, dans un avenir peu éloigné et selon une haute probabilité, de mesures déterminantes selon l'art. 3 LAsi. Il ne suffit pas, dans cette optique, de se référer à des menaces hypothétiques, qui pourraient se produire dans un avenir plus ou moins lointain. En ce sens, doivent être prises en considération les conditions existant dans le pays d'origine au moment de la décision sur la demande d'asile, respectivement sur le recours interjeté contre un refus d'asile, mais non les déductions ou les intentions du candidat à l'asile. Ainsi, la crainte d'une persécution future n'est objectivement fondée que si, placée dans les mêmes conditions, une personne douée d'une sensibilité normale aurait des raisons objectivement reconnaissables de craindre d'être victime d'une persécution à tel point que l'on ne saurait exiger d'elle qu'elle rentre dans son pays (cf. ATAF 2010/57 consid. 2.5, ATAF 2010/44 consid. 3.3 et 3.4).

4.3 S'agissant en l'occurrence des préjudices redoutés par la recourante de la part de son mari, le SEM a retenu que sa crainte n'était pas objectivement fondée au moment de son départ du pays, dès lors qu'elle avait quitté son village depuis plusieurs années et n'avait jamais revu son époux depuis lors. Il a encore relevé, dans sa réponse au recours, qu'il n'y avait pas de rapport de causalité entre les événements qui auraient poussé l'intéressée à fuir son village et son départ du pays, près de cinq ans plus tard. Dans son recours, l'intéressée a, quant à elle, fait valoir qu'elle était toujours exposée au même risque d'excision si elle retournait dans son village et qu'à Ouagadougou, elle ne disposait d'aucun réseau familial et vivait dans une situation de précarité totale qui la mettait concrètement en danger. Le Tribunal ne saurait nier la difficulté, pour une femme seule, de vivre en ville, éloignée des membres de sa famille. Il ressort toutefois clairement des déclarations de l'intéressée que celle-ci a trouvé les moyens d'assurer sa subsistance pendant les cinq années durant lesquelles elle aurait vécu, seule, dans la capitale, grâce à des emplois successifs. Il en ressort également qu'elle y était à l'abri des menaces de son mari. On ne peut donc admettre ni l'existence d'un rapport de causalité temporelle et matérielle entre les faits qui l'auraient amenée à quitter son village et sa fuite du Burkina Faso, ni l'existence d'une crainte objectivement fondée de subir des préjudices de la part de son mari à l'époque de son départ du pays. Il est à relever également que l'intéressée ne prétend pas avoir cherché de l'aide contre les menaces alléguées. Selon ses déclarations, les gens de son village n'étaient pas informés de l'interdiction des mutilations génitales, mais elle aurait appris, après son arrivée à Ouagadougou, que la loi les interdisait (cf. pv de l'audition sur les motifs, R. à Q. 51-52). Rien n'indique qu'elle n'aurait pas pu, le cas échéant, obtenir protection de la part des autorités ou d'autres organisations privées pour se défendre contre les agissements de son mari. Le SEM a donc, à bon droit, conclu à l'absence d'indices de risque de mutilations sexuelles au moment du départ du pays.

4.4 S'agissant des menaces dont l'intéressée aurait fait l'objet de la part du fils de son ex-logeuse, le SEM a retenu à bon droit que l'intéressée disait ne plus avoir entendu parler de cette personne depuis 2013 et qu'elle n'avait, au demeurant, aucunement établi qu'elle ne pourrait pas, le cas échéant, obtenir la protection adéquate en s'adressant à la police. En tout état de cause, il ne s'agirait pas de persécutions pour des motifs prévus à l'art. 3 LAsi. La qualité de réfugié ne peut donc lui être reconnue à ce titre.

4.5 Quant aux préjudices subis par la recourante de la part du dénommé B._______, ceux-ci sont, certes, susceptibles de constituer des persécutions au sens de l'art. 3 al. 2 LAsi. Le SEM a cependant considéré que le Burkina Faso disposait d'une loi spécifique de lutte contre la traite des personnes, prévoyant de lourdes peines contre les trafiquants. Il a relevé que l'intéressée s'était limitée à déclarer qu'un éventuel dépôt de plainte ne servirait à rien parce que B._______ était un Blanc, mais qu'elle n'avait, au-delà de ces simples allégations, pas fait valoir d'indices concret permettant de conclure à une absence de volonté de protection de la part des autorités.

Le Tribunal examinera ci-après la question des obligations découlant pour la Suisse du droit international, en présence d'indice de traite d'êtres humains. S'agissant de la pertinence des faits allégués pour la reconnaissance de la qualité de réfugiée de l'intéressée, la décision du SEM est cependant bien fondée. En effet, d'éventuelles persécutions de la part de tiers ne revêtent un caractère déterminant pour la reconnaissance de la qualité de réfugié que si l'Etat n'accorde pas la protection nécessaire, comme il en a la capacité et l'obligation. Selon le principe de la subsidiarité de la protection internationale par rapport à la protection nationale, principe consacré à l'art. 1A ch. 2 de la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 (Conv. Réfugiés, RS 0.142.30), on peut exiger d'un requérant d'asile qu'il ait épuisé, dans son propre pays, les possibilités d'obtenir protection contre d'éventuelles persécutions avant de solliciter celle d'un Etat tiers (ATAF 2013/5 consid. 5.1 ; 2011/51 consid. 6.1 ; 2010/41 consid. 6.5.1).

Dans le cas d'espèce, l'affirmation de la recourante, selon laquelle il aurait été inutile de s'adresser aux autorités de son pays dès lors que les Blancs n'y sont pas poursuivis, ne repose sur aucun élément concret et convaincant. Partant, il n'y a pas lieu de retenir un risque de persécution à ce titre. La décision du SEM est, sur ce point, conforme à l'art. 3 LAsi. Cela dit, il importe, comme il sera développé ci-après, que la recourante - à supposer qu'elle doive être reconnue comme une victime de traite des êtres humains - soit aidée dans ses démarches.

4.6 En définitive, la recourante n'a pas établi l'existence d'indices objectifs et concrets renversant la présomption selon laquelle elle ne sera pas exposée, dans son pays d'origine, à des préjudices pertinents au regard de l'art. 3 LAsi, contre lesquels elle ne pourrait pas obtenir de la part des autorités de son pays la protection nécessaire.

5.
En conclusion, en tant qu'il porte sur la reconnaissance de la qualité de réfugié et l'octroi de l'asile (points 1 et 2 de la décision attaquée), le recours doit être rejeté.

6.

6.1 Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, le SEM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 OA 1, lorsque le requérant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition, ou d'une décision d'expulsion selon l'art. 121 al. 2 Cst et 68 LEtr, ou encore d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).

6.2 Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.

7.

7.1 Il reste à examiner si les conditions de l'exécution du renvoi sont remplies. Aux termes de l'art. 83 al. 1 LEtr - auquel renvoie l'art. 44 LAsi - le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée.

7.2 Les trois conditions posées par l'art. 83 al. 2 à 4 LEtr, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité et impossibilité), sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable (arrêt du Tribunal E-5316/2006 du 24 novembre 2009 consid. 5 [non publié dans l'ATAF 2009/41] ; arrêt E-2775/2007 du Tribunal du 14 février 2008 consid. 6.4 [non publié dans l'ATAF 2008/2] ; Jurisprudence et informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 2006 n° 30 consid. 7.3).

7.3 En l'occurrence, le SEM ne s'est pas prononcé sur la vraisemblance des allégations de l'intéressée, mais a retenu, dans l'état de fait de sa décision comme dans ses considérants, que celle-ci avait été « séquestrée » et « contrainte à la prostitution » durant près d'une année. Le SEM a, comme exposé plus haut, retenu que le Burkina Faso possédait une législation et des institutions spécifiques pour lutter contre la traite d'êtres humains sur son territoire et qu'il n'y avait donc pas d'indice permettant de conclure à un manque de protection pour l'intéressée. S'agissant de l'exécution du renvoi de cette dernière, il a considéré que celle-ci était possible, licite, et raisonnablement exigible, retenant notamment qu'ayant vécu durant cinq ans de manière indépendante à Ouagadougou, elle avait les atouts nécessaires pour se réintégrer dans son pays. Il a indiqué dans le dispositif de sa décision qu'elle devait quitter la Suisse le jour suivant l'entrée en force de la décision, le délai de recours étant de cinq jours ouvrables.

7.4 Force est de constater que le SEM ne pouvait pas, dès lors qu'il ne mettait pas en cause la véracité des allégués de l'intéressée, se borner à renvoyer cette dernière à s'adresser aux autorités de son pays d'origine, ni conclure à la licéité et à l'exigibilité de l'exécution de son renvoi et ordonner celle-ci dans un délai aussi court, sans mesures d'instruction complémentaires.

7.4.1 Dans son arrêt D-6806/2013 du 18 juillet 2016, prévu à la publication, le Tribunal a exposé les obligations de droit international qui s'imposent à la Suisse en présence d'indices concrets de traite d'êtres humains, laquelle doit être considérée comme une violation de l'art. 4 CEDH. Ces obligations découlent notamment du Protocole additionnel du 15 novembre 2000 à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (protocole de Palerme, RS 0.311.542) et de la Convention du Conseil de l'Europe, du 15 mai 2005, sur la lutte contre la traite des êtres humains (RS 0.311.543 ; ci-après : la Convention). Il ressort de ces textes une obligation, pour les Etats liés, de mettre en place un système légal qui non seulement punit les auteurs de traite d'êtres humains, mais aussi garantit une protection effective aux victimes, réelles ou potentielles, de tels actes. Celles-ci doivent être identifiées, protégées et soutenues. Les organes étatiques doivent mettre en oeuvre, d'office et sans attendre, les mesures d'investigation utiles à cet effet, dès qu'ils ont connaissance d'un état de fait vraisemblable, susceptible de correspondre à la définition de traite humaine. Ils doivent, en outre, collaborer avec les autres Etats concernés, de provenance, de transit ou de destination. Lorsqu'il y a des motifs raisonnables de penser qu'une personne est une victime de traite, celle-ci doit se voir accorder des mesures minimales d'assistance ainsi que le délai de rétablissement et de réflexion d'au moins 30 jours prévu par la Convention. Les autorités doivent s'assurer que la personne ne soit pas renvoyée du territoire suisse avant que les mesures visant à son identification comme victime d'un acte pénal soient menées à chef. Lorsqu'une victime a été identifiée, des mesures doivent être prises pour la protéger efficacement si le risque de nouveau recrutement ou de représailles est rendu vraisemblable, ainsi que pour protéger d'autres victimes potentielles. Ces obligations s'imposent à toutes les autorités qui peuvent avoir des contacts avec les personnes concernées et donc, en particulier, aux autorités chargées de l'examen d'une procédure d'asile, lorsqu'elles sont en présence, à travers notamment les procès-verbaux d'audition de la personne qui demande protection, d'indices concrets que celle-ci pourrait avoir été victime de traite des êtres humains.

7.4.2 En l'occurrence le SEM n'a pas satisfait à ces obligations alors que, a priori tout au moins, il ne paraît pas avoir mis en doute la véracité des allégués de l'intéressée. Il sied de rappeler que celle-ci a affirmé qu'elle souhaitait déposer plainte contre B._______ si elle en avait la possibilité (cf. pv de l'audition du 7 octobre 2016, rép. aux Q. 257 et 258 p. 22). Invité expressément à se déterminer sur le recours au regard des considérants de l'arrêt D-6806/2013 précité, le SEM n'a fait référence qu'aux préjudices redoutés par la recourante de la part de son mari. Cette dernière n'avait, il est vrai, pas mis l'accent, dans son mémoire de recours, sur la traite dont elle dit avoir été victime. Cela n'est toutefois pas déterminant, puisqu'il appartient, comme dit plus haut, à l'autorité de prendre activement et d'office, sans qu'une plainte de l'intéressée soit nécessaire, les mesures qui s'imposent en présence d'indices de traite d'êtres humains, tant il est vrai que les victimes sont parfois dans l'impossibilité psychique d'agir et qu'il sied de protéger, également, d'autres victimes potentielles de tels actes. Le SEM a, dès lors, violé son devoir d'instruction d'office.

7.5 Il s'impose ainsi tout d'abord de déterminer si la recourante doit être identifiée comme victime de traite. A cet égard, on relèvera que si la question de la vraisemblance des allégués de l'intéressée, sur laquelle le SEM ne s'est pas prononcé, est sans incidence pour la reconnaissance de la qualité de réfugié, dès lors que les motifs d'asile ne sont pas pertinents, elle n'en demeure pas moins essentielle dans le cadre de l'examen des conditions de l'exécution du renvoi. Aux fins de déterminer si la recourante doit être identifiée comme victime de traite, il sera éventuellement nécessaire de la réentendre, étant rappelé que les conventions précitées insistent sur la nécessité de procéder à de telles auditions avec des collaborateurs sensibilisés au domaine, et de prendre, le cas échéant contact avec d'autres personnes auxquelles elle a pu se confier, en particulier la collaboratrice de l'organisme d'aide aux victimes ou le médecin qu'elle a consultés. Si, après de telles mesures d'instruction, il apparaît que la recourante a effectivement été victime de traite, elle devra être identifiée comme telle. En outre, des mesures actives, en collaboration avec le pays de destination, s'imposeront vraisemblablement avant de procéder à l'exécution de son renvoi. Le fait que le Burkina Faso possède une législation et des institutions ad hoc ne suffit en effet pas à libérer les autorités suisses de leurs obligations de soutien à la recourante, si celle-ci est identifiée comme victime de traite.

8.
Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi. La décision entreprise doit être annulée sur ce point et la cause renvoyée au SEM pour mesures d'instruction complémentaire et nouvelle décision, dans le sens des considérants.

9.

9.1 Conformément à l'art. 63 al. 1 PA, les frais de procédure sont mis, dans le dispositif, à la charge de la partie qui succombe. Aucun frais n'est mis à la charge de l'autorité inférieure déboutée (cf. art. 63 al. 2 PA).

9.2 En l'espèce, la recourante n'a eu que partiellement gain de cause, de sorte qu'une partie des frais de procédure devrait être mise à sa charge.

9.3 Toutefois, elle a demandé à être dispensée des frais de procédure. Cette requête doit être admise, les conditions de l'art. 65 al. 1 PA étant réunies.Partant, il n'est pas perçu de frais de procédure.

10.

10.1 Aux termes de l'art. 64 al. 1 PA, l'autorité de recours peut allouer, d'office ou sur requête, à la partie ayant entièrement ou partiellement gain de cause, une indemnité pour les frais indispensables et relativement élevés qui lui ont été occasionnés (cf. également art. 7 ss du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).

10.2 En l'occurrence, il se justifie d'allouer des dépens réduits à la recourante, qui a partiellement gain de cause. Ceux-ci sont fixés en tenant compte du fait qu'elle n'était pas représentée par un mandataire avant le stade de la réplique.

Ils sont arrêtés à 300 francs, sur la base du dossier, à défaut de décompte de prestations de la mandataire (cf. art. 14 al. 2 FITAF).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté en tant qu'il porte sur le refus de la qualité de réfugié et de l'asile.

2.
Le recours est admis, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi. La décision du 26 octobre 2016 est annulée sur ce point et la cause renvoyée au SEM pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

3.
La demande d'assistance judiciaire partielle de la recourante est admise.

4.
Il n'est pas perçu de frais.

5.
Le SEM versera à la recourante la somme totale de 300 francs à titre de dépens.

6.
Le présent arrêt est adressé à la mandataire de la recourante, au SEM et à l'autorité cantonale.

Le président du collège : La greffière :

William Waeber Isabelle Fournier
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : E-6729/2016
Data : 10. aprile 2017
Pubblicato : 02. maggio 2017
Sorgente : Tribunale amministrativo federale
Stato : Inedito
Ramo giuridico : Asilo
Oggetto : Asile et renvoi (délai de recours raccourci); décision du SEM du 26 octobre 2016


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Parole chiave
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aiuto alle vittime • assistenza giudiziaria gratuita • aumento • autorità cantonale • autorità di ricorso • autorità inferiore • autorità svizzera • autorizzazione o approvazione • burkina faso • calcolo • candidato • cedu • centro di registrazione • consiglio d'europa • consiglio federale • consultorio • conteggio delle prestazioni • convenzione sullo statuto dei rifugiati • costituzione federale • d'ufficio • dati personali • decisione di rinvio • decisione • dichiarazione • direttore • dubbio • entrata nel paese • esaminatore • esigibilità • esposizione a pericolo della vita • fuga • futuro • giorno determinante • giorno feriale • illiceità • indicazione erronea • informazione • integrità fisica • legittimazione ricorsuale • leva • membro di una comunità religiosa • mese • mezzo di prova • moneta • motivo d'asilo • nesso causale • notizie • notte • orologio • parlamento • periodico • permesso di dimora • persona interessata • potere legislativo • pressione • procedura d'asilo • procedura incidentale • protocollo addizionale • prova facilitata • provvedimento d'istruzione • provvisorio • punto essenziale • rapporto medico • razza • richiedente l'asilo • ripristino dello stato anteriore • segreteria di stato • stato d'origine • sussidiarietà • svizzera • tennis • termine ricorsuale • timore • titolo • tratta di esseri umani • tribunale amministrativo federale • verbale • violenza carnale • zio
BVGE
2013/5 • 2010/44 • 2010/57 • 2009/41 • 2008/2
BVGer
D-6806/2013 • E-2775/2007 • E-5316/2006 • E-6729/2016
GICRA
2006/30