Urteilskopf

106 Ia 355

60. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public du 30 septembre 1980 dans la cause Groupe Action Prison (GAP), Genève, et dame Marie-Jo Glardon contre Conseil d'Etat du canton de Genève (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 356

BGE 106 Ia 355 S. 356

Destinée à remplacer l'ancienne prison de Saint-Antoine - située au centre de la ville de Genève - la prison de Champ-Dollon, édifiée dans la campagne genevoise, a été inaugurée le 25 mai 1977. Le transfert de l'ensemble des détenus de Saint-Antoine à Champ-Dollon a été effectué en juin 1977. Ce nouvel établissement reçoit principalement les personnes en détention préventive ainsi que celles qui sont condamnées à une peine privative de liberté inférieure à trois mois. Ne voulant pas édicter un nouveau règlement sur des bases trop théoriques, les autorités genevoises ont décidé de faire d'abord leurs premières expériences de la détention à Champ-Dollon. L'ancien règlement de la prison de Saint-Antoine a donc été provisoirement appliqué dans la nouvelle prison de Champ-Dollon. Mais, au dire du chef du Département genevois de justice et police, l'ancien règlement a été peu à peu
BGE 106 Ia 355 S. 357

adapté et, en quelques mois, des améliorations sensibles ont pu de ce fait être apportées au régime genevois de la détention. Elaboré ainsi sur la base des premières expériences faites dans le nouvel établissement et après consultation des autorités judiciaires comme aussi de l'Ordre des avocats, le règlement sur le régime intérieur de la prison de Champ-Dollon a été édicté par le Conseil d'Etat en sa séance du 28 novembre 1977. Publié dans la Feuille d'avis officielle du 7 décembre 1977, il est entré en vigueur le lendemain. Ayant attaqué certaines dispositions du règlement précité par la voie du recours de droit public, le Groupe Action Prison et Marie-Jo Glardon ont demandé au Tribunal fédéral, notamment, de "- Déclarer recevable
le présent recours de droit public présenté conjointement par le Groupe Action Prison, Genève, au nom de ses membres et Mme Marie-Jo Glardon. "- Dire que les dispositions citées de l'arrêté qui fait l'objet du présent recours, et l'absence de dispositions garantissant l'obligation de l'administration d'informer le détenu de tous ses droits et obligations, constituent une violation des droits constitutionnels des détenus et en partie des visiteurs.
"- Annuler le règlement dans la mesure où ses dispositions violent des droits constitutionnels..."
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours, en tant qu'il était recevable, dans le sens des considérants.
Erwägungen

Extrait des motifs:

1. Tout en exprimant ses doutes quant à la qualité pour recourir du Groupe Action Prison, le Conseil d'Etat genevois conclut formellement au rejet du recours. Il ne s'oppose donc pas à l'entrée en matière, mais cela n'est pas décisif car, selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours dont il est saisi, sans être lié par les conclusions des parties. a) Aux termes de l'art. 88
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
OJ, le recours de droit public est ouvert aux particuliers contre les arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou qui sont de portée générale. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement ou pourront un jour être touchés par l'acte
BGE 106 Ia 355 S. 358

attaqué. En soi, une atteinte seulement virtuelle suffit, mais il faut tout de même un minimum de vraisemblance (ATF 103 Ia 371 consid. 1 et les arrêts cités).
En l'espèce, le recours est formé à la fois par Marie-Jo Glardon et par le Groupe Action Prison, qui dit être une association - au sens des art. 60 ss
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 60 - 1 Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
1    Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
2    Les statuts sont rédigés par écrit et contiennent les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l'organisation de l'association.
. CC - constituée dans le but de défendre les droits des détenus dans les prisons romandes, notamment à Genève, et dont tous les membres sont domiciliés dans le canton. Selon la jurisprudence, une association qui a pour but de sauvegarder les intérêts de ses membres peut agir par la voie du recours de droit public sans être elle-même touchée par l'acte attaqué, à la condition que ses membres soient personnellement lésés par cet acte, du moins en majorité ou en grand nombre (ATF 101 Ia 126 consid. 2, ATF 100 Ia 99 consid. 1b et les arrêts cités). Or, en l'espèce, le Groupe Action Prison n'apporte pas la preuve de la réalisation de ces conditions. Il ne produit aucun document - tel le texte de ses statuts - permettant d'admettre qu'il a valablement acquis la personnalité juridique (ATF 99 Ia 396 consid. 1b) et qu'il a réellement pour but statutaire de défendre les intérêts de ses membres. En outre, il ne rend pas même vraisemblable que ces derniers sont - en majorité ou en grand nombre - détenus, ou menacés de l'être, à la prison de Champ-Dollon. Le présent recours est dès lors irrecevable en tant qu'il est formé par le Groupe Action Prison, dont la qualité pour agir n'est pas établie. En revanche, on ne peut pas d'emblée exclure le risque que Marie-Jo Glardon soit un jour arrêtée et mise en détention préventive à Champ-Dollon. Au regard de la jurisprudence, cela suffit pour lui conférer la qualité pour recourir contre un règlement qui pourrait un jour lui être appliqué (ATF 104 Ia 152, 307 consid. 1a). b) En droit genevois, il n'existe aucun moyen de droit cantonal - ordinaire ou extraordinaire - pour faire annuler un arrêté de portée générale édicté par le Conseil d'Etat. En principe, sauf dans les cas particuliers visés par l'art. 10 de la loi genevoise sur le Tribunal administratif et le Tribunal des conflits, le recours au Tribunal administratif n'est pas prévu. En attaquant le règlement de la prison de Champ-Dollon directement devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours de droit public, Marie-Jo Glardon n'a donc pas violé la règle de
BGE 106 Ia 355 S. 359

l'épuisement des instances cantonales, applicable non seulement (sous réserve de quelques exceptions) aux recours formés pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 86 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 60 - 1 Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
1    Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
2    Les statuts sont rédigés par écrit et contiennent les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l'organisation de l'association.
OJ), mais aussi lorsque le recourant fait valoir la violation de droits protégés par une convention - notamment par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) - qui correspondent aux droits constitutionnels des citoyens au sens de l'art. 84 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 60 - 1 Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
1    Les associations politiques, religieuses, scientifiques, artistiques, de bienfaisance, de récréation ou autres qui n'ont pas un but économique acquièrent la personnalité dès qu'elles expriment dans leurs statuts la volonté d'être organisées corporativement.
2    Les statuts sont rédigés par écrit et contiennent les dispositions nécessaires sur le but, les ressources et l'organisation de l'association.
lettre a OJ (ATF 102 Ia 203 consid. 2, ATF 101 Ia 68 ss.). c) Sous réserve de quelques exceptions, dont les conditions ne sont pas réalisées en l'espèce, le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (ATF 103 Ia 235 consid. 1, ATF 101 Ia 439 consid. 2). Un recourant ne peut donc pas demander autre chose que l'annulation - totale ou partielle - de l'arrêté ou de la décision qu'il attaque. De plus, lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, il faut préciser si l'on demande l'annulation pure et simple de ce texte dans son ensemble ou seulement de certaines de ses dispositions. Dans le cas particulier, est donc irrecevable la conclusion tendant à faire constater que "les dispositions citées de l'arrêté constituent une violation des droits constitutionnels des détenus et, en partie, des visiteurs". Formellement, il en va de même de la conclusion tendant à l'annulation du règlement "dans la mesure où ses dispositions violent des droits constitutionnels". En réalité cependant, il faut tout de même considérer - compte tenu des précisions données dans le mémoire de recours - que la recourante demande l'annulation non seulement des art. 21 al. 2, 28 al. 1 et 2, 29 al. 4 et 42 al. 2 du règlement, mais aussi de ce règlement comme tel, dans la mesure où il ne prévoit pas l'obligation d'informer par écrit le détenu de ses droits. Ainsi, précisée par référence aux motifs invoqués dans l'acte de recours, cette conclusion en annulation - ou en cassation - est recevable. d) C'est donc dans la mesure ci-dessus décrite qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours de Marie-Jo Glardon. Il convient en outre de relever que, s'agissant de procéder au contrôle abstrait de la constitutionnalité de prescriptions légales, le Tribunal fédéral se bornera à rechercher s'il est possible, selon les principes d'interprétation reconnus, de donner à la norme attaquée une portée qui la fasse apparaître comme conforme à la constitution. Il n'annulera la disposition cantonale
BGE 106 Ia 355 S. 360

entreprise que si elle ne se prête à aucune interprétation conforme à la constitution; il ne le fera pas si une de ces interprétations peut être admise de façon soutenable (ATF 104 Ia 99 /100 consid. 9, 249 consid. 4c, ATF 102 Ia 109 consid. 1b).
4. La recourante soutient que l'art. 42 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 42 Tâches de la Confédération - 1 La Confédération accomplit les tâches que lui attribue la Constitution.
1    La Confédération accomplit les tâches que lui attribue la Constitution.
2    ...8
du règlement (applicable seulement aux prévenus en détention préventive) viole les art. 22ter et 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. ainsi que la liberté personnelle, "en tant qu'un salaire équitable est une condition fondamentale à l'exercice du droit au travail garanti au détenu notamment par la présomption d'innocence (art. 6 al. 2
IR 0.101 Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH)
CEDH Art. 6 Droit à un procès équitable - 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
1    Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2    Toute personne accusée d'une infraction est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3    Tout accusé a droit notamment à:
a  être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;
b  disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense;
c  se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent;
d  interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l'interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge;
e  se faire assister gratuitement d'un interprète, s'il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l'audience.
CEDH et 4 Cst. gen.) et concrétisé au chiffre 89 de la Résolution (73) 5 du Conseil de l'Europe". De plus, cette disposition réglementaire violerait aussi l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst., "en tant qu'elle manque de base légale, qu'elle est discriminatoire et met le prévenu dans un état de quasi-servitude à l'égard de l'Etat". a) L'art. 42 du règlement de la prison de Champ-Dollon fait partie du chapitre dans lequel sont énoncées les règles particulières applicables aux prévenus. Il dispose ce qui suit: "Sauf ordre contraire de l'autorité compétente, le prévenu peut, sur sa demande, être affecté à un travail dans les ateliers ou les services généraux de l'établissement, ou en cellule, sous réserve des possibilités existantes.
"Le produit de son travail est acquis à l'Etat, sous réserve du règlement concernant le pécule des détenus, du 7 août 1974."
Or ce règlement sur le pécule des détenus n'est pas - et ne peut pas être - attaqué devant le Tribunal fédéral. Un recours dirigé contre cet arrêté de portée générale - entré en vigueur le 15 août 1974 - serait sans aucun doute irrecevable, le délai de 30 jours étant depuis longtemps expiré. En outre, n'étant pas détenue à la prison de Champ-Dollon, la recourante n'aurait évidemment pas qualité pour recourir contre une décision d'application qui ne la concernerait pas. Il ne saurait dès lors être question de remettre en cause - ou de discuter - les dispositions de ce règlement et c'est manifestement à tort que la recourante critique aujourd'hui les bases de calcul du pécule versé aux détenus. En réalité, le problème est de savoir si les prévenus peuvent se prévaloir d'un droit - garanti par la constitution fédérale ou cantonale - à un salaire équitable ou au produit de leur travail. b) A la différence des condamnés, qui sont astreints au

BGE 106 Ia 355 S. 361

travail conformément aux dispositions des art. 37
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
et 37bis
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
CP (art. 44 du règlement de la prison de Champ-Dollon), les prévenus décident librement si et quand (sauf pendant le temps consacré aux audiences d'instruction) ils veulent travailler en atelier, en cellule ou dans les services généraux de la prison (art. 42 al. 1). De ce point de vue, leur liberté personnelle est pleinement sauvegardée. De plus, on voit mal comment un prévenu, libre de travailler ou de ne pas travailler en prison, pourrait se plaindre d'une violation du principe constitutionnel de présomption d'innocence. En fait, c'est au moment où l'autorité judiciaire se prononce sur la détention préventive (dans les conditions fixées aux art. 34
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 34 For en cas d'infractions commises en des lieux différents - 1 Lorsque le prévenu a commis plusieurs infractions en des lieux différents, l'autorité du lieu où a été commise l'infraction punie de la peine la plus grave est compétente pour la poursuite et le jugement de toutes les infractions. Si plusieurs infractions sont punies de la même peine, l'autorité compétente est celle du lieu où les premiers actes de poursuite ont été entrepris.
1    Lorsque le prévenu a commis plusieurs infractions en des lieux différents, l'autorité du lieu où a été commise l'infraction punie de la peine la plus grave est compétente pour la poursuite et le jugement de toutes les infractions. Si plusieurs infractions sont punies de la même peine, l'autorité compétente est celle du lieu où les premiers actes de poursuite ont été entrepris.
2    Lorsqu'au moment de la procédure visant à déterminer le for selon les art. 39 à 42, un acte d'accusation pour une des infractions concernées a déjà été dressé dans un canton, les procédures sont conduites séparément.
3    Lorsqu'une personne a été condamnée par plusieurs tribunaux à plusieurs peines de même nature, le tribunal qui a prononcé la peine la plus grave fixe, à la requête de la personne condamnée, une peine d'ensemble.
et 145
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale
CPP Art. 145 Rapports écrits - L'autorité pénale peut, en lieu et place d'une audition ou en complément de celle-ci, inviter le comparant à lui présenter un rapport écrit sur ses constatations.
ss. CPP gen.) que la présomption d'innocence est prise en considération, non pas lorsque l'inculpé se trouve en détention préventive à Champ-Dollon. Le moyen tiré d'une prétendue violation de la garantie constitutionnelle de la liberté personnelle ou des art. 4
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE)
Cst.-GE Art. 4 Territoire - Le canton comprend le territoire qui lui est garanti par la Confédération. Il est constitué de communes.
Cst. gen. et 6 al. 2 CEDH (présomption d'innocence) n'est donc pas fondé. c) Dans la mesure où la situation du prévenu vis-à-vis de l'Etat pour lequel il travaille en prison est comparable à celle du travailleur vis-à-vis de son employeur, l'art. 42 al. 2 du règlement attaqué énonce simplement un des principes fondamentaux du droit du travail. Le produit - ou le résultat - du travail accompli par l'ouvrier ou l'employé appartient à l'employeur. "Nach arbeitsrechtlichen Grundsätzen hat der Arbeitsgeber Anspruch auf das Resultat der Arbeitsleistung seines Arbeitsnehmers" (voir FRANK VISCHER, Der Arbeitsvertrag, in: Schweizerisches Privatrecht, vol. VII/1, Bâle 1977, p. 399; art. 321b al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 321b - 1 Le travailleur rend compte à l'employeur de tout ce qu'il reçoit pour lui dans l'exercice de son activité contractuelle, notamment des sommes d'argent; il lui remet immédiatement ce qu'il a reçu.
1    Le travailleur rend compte à l'employeur de tout ce qu'il reçoit pour lui dans l'exercice de son activité contractuelle, notamment des sommes d'argent; il lui remet immédiatement ce qu'il a reçu.
2    Il remet en outre immédiatement à l'employeur tout ce qu'il produit par son activité contractuelle.
CO). En droit privé comme en droit public, le travailleur ou le fonctionnaire n'a donc pas - sauf clause contractuelle contraire selon l'art. 322a al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 322a - 1 Si, en vertu du contrat, le travailleur a droit à une part du bénéfice ou du chiffre d'affaires ou participe d'une autre manière au résultat de l'exploitation, cette part est calculée sur la base du résultat de l'exercice annuel, déterminé conformément aux prescriptions légales et aux principes commerciaux généralement reconnus.
1    Si, en vertu du contrat, le travailleur a droit à une part du bénéfice ou du chiffre d'affaires ou participe d'une autre manière au résultat de l'exploitation, cette part est calculée sur la base du résultat de l'exercice annuel, déterminé conformément aux prescriptions légales et aux principes commerciaux généralement reconnus.
2    L'employeur fournit les renseignements nécessaires au travailleur ou, à sa place, à un expert désigné en commun ou par le juge; il autorise le travailleur ou l'expert à consulter les livres de comptabilité dans la mesure où le contrôle l'exige.
3    Si une participation aux bénéfices de l'entreprise est convenue, une copie du compte de résultat est en outre remise au travailleur qui le demande.118
CO - une prétention à faire valoir sur une part du produit de son travail - du résultat d'exploitation ou du chiffre d'affaires réalisé par l'employeur - ni même un droit à ses inventions et autres biens immatériels, lesquels sont acquis à l'employeur (art. 332 ss
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 332 - 1 Les inventions que le travailleur a faites et les designs qu'il a créés, ou à l'élaboration desquels il a pris part, dans l'exercice de son activité au service de l'employeur et conformément à ses obligations contractuelles, appartiennent à l'employeur, qu'ils puissent être protégés ou non.
1    Les inventions que le travailleur a faites et les designs qu'il a créés, ou à l'élaboration desquels il a pris part, dans l'exercice de son activité au service de l'employeur et conformément à ses obligations contractuelles, appartiennent à l'employeur, qu'ils puissent être protégés ou non.
2    Par accord écrit, l'employeur peut se réserver un droit sur les inventions que le travailleur a faites et sur les designs qu'il a créés dans l'exercice de son activité au service de l'employeur, mais en dehors de l'accomplissement de ses obligations contractuelles.
3    Le travailleur qui a fait une invention ou créé un design visé à l'al. 2 en informe par écrit l'employeur; celui-ci lui fait savoir par écrit dans les six mois s'il entend acquérir ou lui laisser l'invention ou le design.
4    Si l'invention ou le design n'est pas laissé au travailleur, l'employeur lui verse une rétribution spéciale équitable, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de la valeur économique de l'invention ou du design, de la collaboration de l'employeur et de ses auxiliaires, de l'usage qui a été fait de ses installations, ainsi que des dépenses du travailleur et de sa situation dans l'entreprise.
. CO). En contrepartie de son travail, l'ouvrier, l'employé ou le fonctionnaire a, contre son employeur, une créance en paiement du salaire qui est fixé selon le principe de la liberté des conventions, indépendamment du résultat d'exploitation. De même, le prévenu qui travaille en prison ne saurait revendiquer
BGE 106 Ia 355 S. 362

une participation au produit de son travail. Il peut obtenir le paiement d'un pécule, c'est-à-dire d'une somme fixée par jour ou par mois de travail, correspondant en somme au salaire du travailleur. Or, dans son principe, l'art. 42 al. 2 du règlement ne dit pas autre chose. Le prévenu qui décide de travailler pendant sa détention préventive à Champ-Dollon reçoit, conformément au principe énoncé au ch. 89 de la Résolution (73) 5 du comité des ministres du Conseil de l'Europe fixant les règles minimales pour le traitement des détenus, une certaine rémunération, mais cette créance contre l'Etat ne jouit en réalité d'aucune garantie constitutionnelle particulière. Pas plus que le traitement des fonctionnaires (ATF 101 Ia 445 ss. consid. 2a et 2b), cette créance ne peut être considérée comme un droit acquis bénéficiant de la garantie de la propriété (art. 22ter Cst.). Il est vrai que le montant de ce pécule - alloué à tous les détenus, qu'ils soient prévenus ou condamnés - est des plus modiques et il apparaît souhaitable qu'il soit revu, comme le Conseil d'Etat l'indique dans ses observations; mais il n'y a pas lieu ici de discuter les bases de calcul fixées dans le règlement du 7 août 1974, lequel ne peut plus être attaqué devant le Tribunal fédéral. Au demeurant, le Conseil d'Etat a relevé avec raison, dans ses observations, que le rendement des détenus travaillant en prison ne peut pas être comparé à celui des ouvriers, des employés ou des fonctionnaires; de plus, il va de soi qu'une prison n'existe pas dans le but de procurer des gains à l'Etat. Dans ces conditions, il n'est pas possible de parler de "confiscation de la quasi-totalité du produit du travail du prévenu", ni d'émolument prélevé à la charge des prévenus qui travaillent à Champ-Dollon. Dès lors, le problème - soulevé par la recourante - de l'exigence d'une base légale ne se pose pas dans le cadre de l'art. 22ter Cst. ou de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst. Le moyen tiré d'une prétendue violation de la garantie constitutionnelle de la propriété n'est donc pas fondé. d) Il en va de même du grief d'atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie. Certes, la doctrine et la jurisprudence ont toujours interprété la notion de commerce et d'industrie dans un sens large. Au regard de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst., une industrie est toute activité rétribuée exercée professionnellement (ATF 87 I 271 consid. 2, 80 I 143 consid. 2, 67 I 87 consid. 3). Dès lors, l'exercice d'une activité
BGE 106 Ia 355 S. 363

professionnelle à des fins lucratives (ATF 63 I 219) ou dans le but d'en tirer un revenu bénéficie en principe de la garantie constitutionnelle (ATF 101 Ia 476 consid. 2b). En outre, sensible aux critiques de la doctrine, le Tribunal fédéral a abandonné, en 1958 déjà, la jurisprudence restrictive selon laquelle un employé ne pouvait pas se prévaloir de la garantie de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. (ATF 84 I 21 consid. 2). Cet article protège donc toute activité économique privée tendant à la production d'un gain et exercée à titre professionnel, soit toute activité déployée par une personne dans un but lucratif (ATF 103 Ia 261 s. consid. 2a).
Dans la mesure où l'on peut considérer que le prévenu travaillant en prison exerce, à titre professionnel, une activité économique privée tendant à la production d'un gain, on doit admettre qu'il pourrait théoriquement se prévaloir de la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie. Mais, dans le cas particulier, c'est en vain que la recourante déclare se fonder sur l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. En effet, il n'a jamais été question, ni en doctrine ni en jurisprudence, d'étendre la notion de commerce et d'industrie au point de reconnaître, dans le cadre de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst., l'existence pour chacun d'un droit - garanti par la constitution - à un salaire équitable. D'ailleurs, ce ne serait guère compatible avec le principe de la liberté des conventions. e) Il découle de ce qui précède que la disposition de l'art. 42 al. 2 du règlement de la prison de Champ-Dollon ne viole aucun des droits constitutionnels dont les prévenus puissent se prévaloir en droit fédéral ou en droit genevois. Contrairement à l'opinion soutenue par la recourante, cette disposition ne crée pas non plus une inégalité de traitement - contraire à l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst. - entre les prévenus qui travaillent et ceux qui ne travaillent pas. L'essentiel est, au fond, que les prévenus - à la différence des condamnés - soient libres de travailler ou non pendant leur détention à Champ-Dollon; ils sont donc libres d'accepter ou de refuser les conditions de rémunération - à vrai dire peu favorables - qui sont fixées. Il convient dès lors de rejeter le recours sur ce point.