S. 213 / Nr. 43 Handels- und Gewerbefreiheit (f)
BGE 63 I 213
43. Arrêt du 11 juin 1937 dans la cause Travelletti contre Conseil d'Etat da
Canton du Valais.
Regeste:
Liberté du commerce: L'interdiction d'employer des machines telles que les
pelles mécaniques est incompatible avec le principe de la liberté du commerce
et de l'industrie, même lorsqu'elle a pour but de lutter contre le chômage.
Les mesures que l'Etat prend pour maintenir l'ordre public doivent être
adaptées aux circonstances et dirigées contre ceux qui mettent cet ordre en
danger.
Vu les pièces du dossier d'où il ressort
en fait:
A. - Par contrat du 5 mars 1937, le recourant s'est engagé avec J. Rau à
exécuter les travaux de terrassement pour un bâtiment que J. Métry et JOB.
Bruchez voulaient édifier à la Place du Midi, à Sion, et pour lequel
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le Conseil communal de Sion avait accordé, le 19 février 1937, une
autorisation de bâtir.
Les travaux de terrassement devaient commencer le 8 mars 1937. ils devaient
être achevés le 31 mars suivant, sous peine d'une indemnité de 50 francs par
jour de retard. Le devis sur la base duquel les travaux de terrassement
avaient été adjugés prévoyait expressément l'emploi de la pelle mécanique.
Celle-ci fut mise en activité le 9 mars à 7 h. du matin. Mais, dès la veille,
son apparition sur le chantier avait provoqué de l'effervescence dans le monde
ouvrier et dans la population et des démarches avaient été faites auprès des
autorités pour obtenir que son emploi fût interdit.
Le même jour, le Bureau municipal adressa aux propriétaires du bâtiment une
lettre par laquelle il les priait de renoncer à l'emploi de la pelle
mécanique, vu le chômage dont souffrait la main-d'oeuvre sédunoise.
Le 9 mars, la Fédération des ouvriers sur bois et bâtiment (FOBB) invitait le
public à une assemblée de protestation qui devait avoir lieu à 13 h. 30 sur la
Place du Midi, c'est-à-dire au lieu même où fonctionnait la pelle mécanique.
En même temps, une pétition rapidement signée par de nombreux citoyens
demandait l'interdiction de cet engin.
D'urgence, le Conseil municipal fut convoqué pour 11 heures du matin. Il prit
connaissance d'une lettre par laquelle le membre socialiste du Conseil,
Georges Spahr, annonçait que si une décision n'intervenait pas avant midi, les
ouvriers de la FOBB séquestreraient la machine à 13 h. 30.
Le Conseil prit sur-le-champ la décision suivante:
«Le Conseil Municipal de Sion,» Constatant qu'une pelle mécanique est employée
sur la Place du Midi, Chantier «Les Rochers»,
»Vu le chômage qui sévit à Sion,
»Basé sur les démarches déjà entreprises hier par le
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Bureau Municipal, démarches qui sont approuvées par le Conseil,
»En complément de l'autorisation de bâtir concernant la construction
Bruchez-Métry, autorisation accordée le 19 février 1937,
»décide:
»1. D'interdire l'emploi de la pelle mécanique utilisée pour les fouilles de
ladite construction. Cette décision est immédiatement exécutoire.
»2. De repousser la menace de séquestre de la pelle mécanique, faite par la
FOBB, menace qui est illégale et inadmissible.» ...
Contre cette décision de la Municipalité, F. Travelletti recourut au Conseil
d'Etat en faisant valoir qu'elle n'avait aucune base légale.
Par décision du 13 mars 1937, le Conseil d'Etat a rejeté le recours. il
argumente, en bref, comme suit: L'interdiction prononcée par l'autorité
communale constitue une mesure destinée à améliorer les conditions du marché
du travail sur la place de Sion. Elle se justifie par le fait que le chômage
impose de très lourdes charges à la commune. Elle rentre, d'ailleurs, dans les
attributions des autorités communales qui sont chargées d'intervenir pour
faire respecter l'ordre public (art. 5 ch. 9 de la loi du 2 juin 1851 sur le
régime communal-LRC). Elle ne pourrait donc donner lieu à un recours que si
elle était arbitraire, ce qui ne saurait être soutenu en l'espèce.
Le 13 mars 1937, en même temps qu'il rejetait le recours de Travelletti, le
Conseil d'Etat du Canton du Valais prenait l'arrêté suivant:
»Le Conseil d'Etat du Canton du Valais,
»Vu la situation actuelle du marché du travail dans le canton;
»Vu l'article 53, ch. 3, de la Constitution cantonale;
»Sur la proposition du Département de l'Intérieur,
» arrête:
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»Article premier. - L'emploi de pelles mécaniques est interdit en principe sur
tout le territoire du canton, sauf autorisation préalable et formelle de
l'administration communale intéressée.» ...
B. - En temps utile, Ferdinand Travelletti a formé un recours de droit public
au Tribunal fédéral contre:
a) la décision du Conseil communal de Sion du 9 mars 1937;
b) la décision du Conseil d'Etat du 13 mars 1937 rejetant le recours formé
contre la décision désignée sous lettre a);
c) l'arrêté du Conseil d'Etat du 13 mars 1937 concernant l'emploi des pelles
mécaniques.
Le recourant conclut à l'annulation de ces trois décisions et, très
subsidiairement, à l'annulation des deux premières.
Le recours est, en résumé, motivé de la façon suivante: La décision du 9 mars
1937 manque de tout fondement légal. Le seul motif invoqué par le Conseil
communal, est le chômage persistant. Or, une commune ne peut, pour se soulager
des charges que lui impose le chômage, prendre des mesures qui portent
atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie telle que la garantit la
Constitution fédérale. D'ailleurs, la commune n'avait fait aucune réserve en
accordant l'autorisation de bâtir et elle ne pouvait bouleverser les
conditions économiques de l'entreprise en interdisant aux entrepreneurs des
procédés de travail sur lesquels ils avaient compté pour établir leurs prix.
La décision est, de ce fait, arbitraire.
Le Conseil d'Etat, pour justifier la mesure prise par le Conseil communal,
invoque l'art. 5 ch. 9 LRC. Mais il n'y a eu, en l'espèce, ni désordre ni
violence. L'ordre public n'a jamais été troublé. D'ailleurs, même s'il y avait
eu violences et désordres, la commune n'aurait pas eu le droit d'interdire à
un particulier l'emploi d'une machine. Vu l'illégalité flagrante de la mesure
prise par l'autorité communale, le Conseil d'Etat ne pouvait rejeter
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le recours auquel elle avait donné lieu sans commettre un déni de justice.
Quant à l'arrêté du Conseil d'Etat, il se borne à invoquer l'art. 53 ch. 3 de
la Constitution cantonale, qui prévoit que le Conseil d'Etat «pourvoit à
toutes les parties de l'administration et au maintien de l'ordre public». Mais
si l'on voulait interdire l'emploi de la pelle mécanique parce qu'il serait
contraire à l'ordre public, c'est tout le machinisme qu'il faudrait condamner.
L'interdiction de la pelle mécanique porte une atteinte directe à la liberté
du travail que garantit l'art. 31 CF. Seule la loi peut restreindre cette
liberté. L'exécutif s'est indûment substitué au législatif. Reconnaître cette
compétence au Conseil d'Etat serait instaurer un régime de dictature.
Subsidiairement et pour le cas où le Tribunal admettrait que le Conseil d'Etat
avait le droit d'interdire l'emploi de la pelle mécanique sur tout le
territoire du canton, il faudrait néanmoins admettre que la décision du
Conseil communal était irrégulière et illégale pour les raisons indiquées plus
haut.
C. - La Commune de Sion et le Conseil d'Etat ont conclu au rejet du recours.
Les considérations qu'ils font valoir sont, en bref, les suivantes:
En vertu de son règlement sur la police des constructions, la Commune de Sion
jouit d'une large souveraineté en ce qui concerne les autorisations de bâtir.
Elle peut refuser l'autorisation sans devoir, pour cela, aucune indemnité
(art. 2 i. f. et 100 du règlement précité). Le règlement prévoit (art. 8) que
la demande d'autorisation de bâtir sera examinée spécialement au point de vue
de la salubrité et de la sécurité publiques.
Le recourant paraît admettre lui-même que la commune aurait pu, au moment de
la délivrance de l'autorisation de bâtir, interdire l'emploi de la pelle
mécanique. Or, lorsqu'elle a délivré cette autorisation, la Municipalité
ignorait qu'il serait fait emploi de cet engin. Elle pouvait,
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dès lors, poser dans la suite une condition supplémentaire à ce sujet, étant
données surtout les circonstances dans lesquelles elle s'est trouvée.
il y a eu commencement de troubles et menace de désordres plus graves. La
réponse de la commune signale à ce sujet que le machiniste de la pelle
mécanique déclara lui-même au Bureau municipal qu'il préférait partir. Des
femmes d'ouvriers l'invectivaient et lui lançaient des pierres. il sentait,
disait-il, que la machine était sous la menace directe d'un sabotage
dangereux. L'art. 5 ch. 9 LRC justifiait l'intervention de la Municipalité.
Du point de vue de l'ordre public, l'arrêté du Conseil d'Etat était justifié
par l'art. 53 ch. 3 Const. cant. val. Les événements survenus ces mois
derniers dans quantité de villes et localités suisses apportent abondamment la
preuve des désordres souvent graves que suscite l'utilisation de la pelle
mécanique. L'intervention du Conseil d'Etat était également fondée au regard
de l'art. 14 de la Const. cant. val. qui prévoit que l'Etat édicte des
prescriptions concernant la protection ouvrière et la liberté de travail. En
pleine période de crise économique et de chômage, les pouvoirs publics ont le
droit de prendre des mesures propres à assurer à la main-d'oeuvre des
possibilités de travail aussi étendues que possible. Il s'agit là d'un acte
sensé de protection ouvrière, propre à atténuer le malaise profond dont
souffre la population qui travaille et à diminuer dans la mesure du possible
les charges considérables que la lutte contre le chômage impose à la
collectivité.
La situation critique de l'industrie du bâtiment a été reconnue par l'autorité
fédérale qui, par son arrêté du 23 décembre 1936, prévoit des subventions pour
les travaux de bâtiment exécutés soit par des corporations publiques, soit par
des particuliers. Ce serait un véritable non-sens que de dépenser des sommes
énormes pour augmenter les occasions de travail et de tolérer en même temps
des moyens techniques qui diminuent dans une
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proportion considérable les possibilités d'engagement de main-d'oeuvre. La
Confédération n'ayant pris aucune mesure interdisant l'emploi d'outils tels
que les pelles mécaniques, il y avait pour le canton obligation morale
d'introduire de telles dispositions pour éviter que l'octroi des subsides
fédéraux ne se révèle complètement inutile.
L'arrêté du Conseil d'Etat valaisan ne constitue, d'ailleurs, pas une
nouveauté, des mesures analogues ont été prises dans le canton de Genève
(arrêté du Conseil d'Etat du 23 février 1937). De plus, il ne pose qu'une
interdiction de principe et non pas une interdiction absolue et laisse aux
communes le soin de prendre les décisions d'espèces. Celles-ci peuvent, en
outre, être déférées au Conseil d'Etat par la voie du recours.
Considérant en droit:
1. - Toute activité professionnelle exercée à des fins lucratives est comprise
dans la notion du commerce ou de l'industrie de l'art. 31 CF (RO 59 I 111,
consid. 1).
La liberté garantie par cette disposition constitutionnelle comprend,
notamment et en principe, le droit pour chacun de faire de l'utilisation de
n'importe quelle machine, de n'importe quel instrument ou procédé technique
l'objet de son activité professionnelle comme aussi, naturellement, le droit
de se servir de ces machines, instruments ou procédés dans le cadre et pour
les besoins d'une activité professionnelle plus étendue (RO 52 I 300; 54 I
288; SALIS-BURCKHARDT, Droit fédéral no 451 II). Ainsi l'interdiction faite à
un entrepreneur d'employer une pelle mécanique pour ses travaux de
terrassement constitue sans conteste une restriction à la liberté du commerce
et de l'industrie.
Cette liberté n'est, il est vrai, pas absolue, mais elle ne peut être
restreinte que dans les limites fixées par l'art. 31 CF lui-même (RO 56 I 440,
consid. 3).
Par la nature des choses, c'est la réserve de l'art. 31 lit. e CF qui, dans le
cas particulier, entre en ligne de
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compte. Seule une disposition constitutionnelle fédérale pourrait autoriser
les cantons à déroger à l'art. 31 dans une mesure plus large. Or, la
Constitution ne contient pas de disposition semblable. Sur le terrain fédéral,
l'art. 34ter CF pourrait peut-être justifier une dérogation à la liberté du
commerce et de l'industrie (BURCKHARDT P. 295; RÄBER, Die rechtliche Tragweite
des Art. 34ter des Schw. Bundesverfassung pp. 107 SS.). il n'y a pas lieu,
toutefois, de trancher cette question puisque l'art. 34ter ne confère aucun
droit aux cantons. Il faut donc juger, en l'espèce, du point de vue de l'art.
31 lit. e.
Cette disposition autorise uniquement l'Etat à prendre des mesures de police
pour protéger l'ordre, la sécurité, la moralité et la santé publiques, ainsi
que la bonne foi commerciale (RO 51 I 108; 59 I 111). Mais elle prévoit que
ces mesures de police ne peuvent pas être contraires à la liberté du commerce
et de l'industrie. Elles ne devront donc pas, en particulier, entraver le
libre jeu de la concurrence sous prétexte, par exemple, de corriger les
conséquences de telle activité professionnelle dans le domaine économique (RO
52 I 300; 59 I 112). En effet, l'art. 31 CF consacre le système de la libre
concurrence (RO 59 I 61 consid. 2 et les arrêts cités).
2. - La décision du Conseil municipal de Sion confirmée, le 13 mars 1937, par
le Conseil d'Etat, d'une part, l'arrêté du Conseil d'Etat du 13 mars 1937,
d'autre part, sont fondés, en première ligne, sur le fait que le chômage sévit
à Sion et que l'emploi de la pelle mécanique supprime les occasions de travail
dont pourrait bénéficier la population ouvrière.
Ces arguments ne ressortissent en aucune manière à la police du commerce et de
l'industrie, telle qu'il faut l'entendre au sens de l'art. 31 lit. e CF. Ils
ne peuvent justifier une mesure qui porte atteinte à la liberté du commerce et
de l'industrie, en général, et au principe de la libre concurrence, en
particulier (RO 59 I 113). Or, il résulte des principes posés plus haut que
les mesures dont est recours constituent bien une pareille atteinte:
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Un canton ne saurait interdire l'emploi de telle machine pour corriger les
effets de la concurrence que cette machine fait aux travailleurs manuels.
Le recourant relève avec raison que l'interdiction de la pelle mécanique
soulève tout le problème du machinisme. il n'y a, en effet, pas de raison
d'interdire à cause du chômage cet engin plutôt que tout autre destiné, lui
aussi, à remplacer le travail manuel ou à réduire son emploi. Si la pelle
mécanique soulève presque seule des mouvements de protestation qui rappellent
ceux auxquels donna lieu l'apparition des machines aux débuts de la grande
industrie (Grundriss der Sozialökonomie VI, Die Gewerbefreiheit, pp. 21/22),
c'est probablement parce que sa nature même et les conditions dans lesquelles
elle fonctionne rendent tout particulièrement sensible la substitution du
travail mécanique au travail manuel. il n'est nullement exclu, d'ailleurs,
comme le fait aussi valoir le recourant, que l'interdiction d'un tel engin
puisse, en dernière analyse, présenter, même au point de vue de la
multiplication des occasions de travail, plus d'inconvénients que d'avantages.
Il est possible, par exemple, que le renchérissement provoqué par l'emploi du
travail manuel fasse renoncer à telle construction qui aurait pu se faire
moyennant l'emploi de la pelle mécanique.
Mais, même si l'utilité d'une telle interdiction dans la lutte contre le
chômage était certaine, cette interdiction n'en resterait pas moins
inconciliable avec l'art. 31 CF (RO 59 I 111), cela d'autant plus que les
intimés ne prétendent pas et ne peuvent pas prétendre qu'elle soit un moyen
indispensable auquel aucun autre ne saurait suppléer (RO 52 I 226, consid. 5).
Dans ces conditions, l'argument tiré de la lutte contre le chômage ne peut
servir à justifier les mesures dont est recours. Peu importe, du reste, que
d'autres cantons aient pris des mesures semblables.
3. - Mais le Conseil municipal de la ville de Sion et le Conseil d'Etat du
Canton du Valais ont invoqué non seulement la nécessité de lutter contre le
chômage, mais
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encore le devoir qui leur incombe de maintenir l'ordre public.
Le maintien de l'ordre public est un devoir élémentaire des autorités.
Celles-ci doivent le remplir même si aucune disposition légale ne le prévoit
(cf. RO 60 I 121 consid. 3 et les citations). En l'espèce, il découlait, pour
les autorités communales, de l'art. 5 ch. 9 LRC et, pour le Conseil d'Etat, de
l'art. 53 de la Constitution cantonale. D'une manière générale, il oblige
l'Etat à parer aux dangers sérieux qui menacent, de façon directe et évidente,
l'exercice du pouvoir légal ou les biens juridiques des particuliers, tels que
leur vie, leur santé ou leur patrimoine (RO 60 I 121). Les mesures préventives
ou répressives que l'Etat peut ainsi être amené à prendre peuvent, le cas
échéant, restreindre les libertés constitutionnelles en général et la liberté
du commerce et de l'industrie en particulier. En effet, ces libertés trouvent
leurs limites dans l'ordre public (RO 61 I 35 et 110). Mais, ainsi que le
Tribunal fédéral l'a jugé (RO 60 I 121 consid. 3), ces mesures doivent être
appropriées, adaptées aux circonstances et dirigées contre ceux qui mettent
cet ordre en danger.
En ce qui concerne ce dernier point, il y a lieu de relever qu'en l'espèce les
perturbateurs n'étaient pas les entrepreneurs qui, en utilisant une pelle
mécanique, ne faisaient qu'user d'un droit qui leur est garanti par la
Constitution, mais bien ceux qui prétendaient les en empêcher et contraindre
l'autorité à prendre une mesure illégale en menaçant d'imposer leur volonté
par la force.
C'est, dès lors, contre ces derniers et non contre le recourant que l'autorité
aurait dû prendre des mesures pour maintenir l'ordre et assurer le respect de
la loi.
A la rigueur, les pouvoirs publics auraient pu contraindre le recourant à
renoncer momentanément à l'emploi de sa machine si le caractère inopiné de
l'effervescence populaire et la violence du mouvement de protestation les
avaient mis dans l'impossibilité de prévenir autrement des désordres. Il ne se
serait alors agi que de faire dis
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paraître la cause d'une excitation injustifiée jusqu'au retour du calme ou
jusqu'à ce que les autorités aient pu prendre les mesures nécessaires pour
maintenir l'ordre et garantir la liberté du travail (cf., dans un sens
analogue, RO 61 I 111).
Il suit de là que la crainte des désordres ne saurait servir de justification
à l'arrêté de portée générale pris par le Conseil d'Etat. En effet, ce dernier
ne prétend pas que, mis en garde par les incidents de Sion, il n'aurait pas
été en mesure d'en prévenir le retour dans d'autres occasions. Il parle, il
est vrai, dans sa réponse, d'événements survenus ces derniers mois dans un
grand nombre de villes et qui apporteraient abondamment la preuve de désordres
souvent graves que susciterait l'utilisation de pelles mécaniques, mais il ne
fournit, à ce sujet, aucune précision.
Quant à la Municipalité de Sion, elle n'allègue pas s'être trouvée dans
l'impossibilité de maintenir l'ordre et d'assurer l'observation de la loi,
elle n'établit pas avoir pris, comme c'était son devoir, toutes les mesures
pour couper court à l'agitation qui s'était manifestée, en éclairant, par
exemple, la population sur le caractère inadmissible de l'opposition faite à
l'emploi de la pelle mécanique et en menaçant de sanctions ceux qui
troubleraient l'ordre public et se livreraient à des actes de violences ou à
des atteintes à la propriété d'autrui ou à la liberté du travail.
Mais, même si le Conseil communal avait pu craindre de ne pouvoir,
momentanément, assurer au recourant la protection qui lui était due et
empêcher les désordres, il n'avait en tout cas pas le droit de lui interdire
définitivement, comme il l'a fait, l'emploi de la pelle mécanique.
L'interdiction ne pouvait avoir qu'un caractère tout à fait momentané et
devait être limitée au temps strictement indispensable au pouvoir public pour
se rendre maître de la situation.
4. - En résumé, le devoir de maintenir l'ordre public ne peut-pas plus que
l'obligation de lutter contre le
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chômage-justifier l'atteinte portée à la liberté du commerce et de l'industrie
par les autorités valaisannes.
Les mesures dont est recours étant contraires à l'art. 31 CF, elles ne
sauraient être fondées sur des dispositions de droit cantonal. En effet, le
droit cantonal ne peut rien contenir de contraire à la Constitution fédérale.
Ainsi, le Conseil d'Etat ne saurait prétendre que l'art. 14 de la Constitution
cantonale selon lequel «l'Etat édicte des prescriptions concernant la
protection ouvrière» lui permettait d'interdire l'emploi de la pelle mécanique
sur tout le territoire valaisan. En effet, quelle que soit, du Point de vue
cantonal, la nature et la portée de cette disposition, il est certain, vu la
réserve de l'art. 31 lit. e CF, qu'elle ne permet pas aux autorités
valaisannes de prendre des mesures qui restreignent la liberté du commerce.
De même, le Conseil municipal ne saurait fonder sa décision sur l'art. 8 du
«Règlement sur la police des constructions de la Commune de Sion», (du 29 mai
1916). Cet article porte que les autorisations de bâtir doivent être examinées
spécialement du point de vue du développement et de l'embellissement de la
ville, de l'hygiène, de la sécurité et de la salubrité publiques. Ce sont là,
précisément, des mesures de police, telle qu'en prévoit l'art. 31 lit. e CF.
Toute mesure fondée sur l'art. 8 du Règlement précité doit donc être en
rapport avec le but de la police des constructions. Le Conseil municipal
aurait pu, le cas échéant, interdire l'emploi, pour des travaux de
construction, d'une machine qui aurait présenté des inconvénients et des
dangers pour l'hygiène, la santé et la sécurité des ouvriers occupés aux
travaux ou du public. Mais les intimés ne prétendent pas que tel soit le cas
de la pelle mécanique en général, ni, spécialement, de celle des recourants.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Les conclusions principales du recours sont admises.