Urteilskopf

97 IV 124

26. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 14 mai 1971 dans la cause Simone Applegate contre Procureur général du canton de Genève.
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 125

BGE 97 IV 124 S. 125

A.- Le 8 avril 1969, aux environs de 17 h. 30, les époux Scherrer quittèrent le jardin botanique de Genève avec l'intention de regagner la ville en suivant la route de Lausanne. Le trottoir longeant cette artère du côté du parc était impraticable sur une longueur de quelque 120 m en raison de travaux; aussi, pour utiliser celui d'en face, le couple entreprit-il de traverser la chaussée, bien qu'à cet endroit elle ait 15 m de large et qu'elle soit dépourvue de passage pour piétons. Aucun véhicule ne survenant sur leur gauche, ils atteignirent sans encombre le milieu de la route, délimité par une double ligne de sécurité. Là, ils s'arrêtèrent un instant pour regarder sur leur droite. Bien qu'il aperçût, à une distance de 100 m environ, trois automobiles venant du BIT et s'approchant l'une derrière l'autre à une vitesse de l'ordre de 60 km/h, Kilian Scherrer estima pouvoir passer sans danger. Il fit un signe de la main et mena son épouse par le bras sur la moitié de la chaussée qui lui restait à franchir. La première voiture de la colonne qui s'approchait était pilotée par Simone Applegate. Celle-ci remarqua le couple, au milieu de la route; elle vit également le signe de la main de Kilian Scherrer. Elle hésita d'abord sur le parti à prendre puis, voyant le couple poursuivre sa traversée de façon continue, le mari conduisant son épouse qui se déplaçait difficilement, décida de freiner énergiquement. Elle n'était toutefois à ce moment plus éloignée des piétons que d'une distance de 25 à 30 m, trop courte pour lui permettre d'arrêter à temps son véhicule roulant à 60 km/h. La voiture accrocha donc les

BGE 97 IV 124 S. 126

époux Scherrer, alors qu'ils ne se trouvaient plus qu'à 1 m 20 du trottoir. Ils furent blessés; Gertrude Scherrer subit des lésions corporelles graves laissant des séquelles permanentes.
B.- Le 30 juillet 1970, le Tribunal de police du canton de Genève a condamné Simone Applegate, en vertu des art. 33 al. 1
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 33 - 1 Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
1    Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
2    Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent.123
3    Aux endroits destinés à l'arrêt des véhicules des transports publics, le conducteur aura égard aux personnes qui montent dans ces véhicules ou qui en descendent.
et 90 ch. 2
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 90 - 1 Celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.
1    Celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.
2    Celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
3    Celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans.
3bis    En cas d'infractions au sens de l'al. 3, la peine minimale d'un an peut être réduite en présence d'une circonstance atténuante conformément à l'art. 48 du code pénal244, en particulier si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable.245
3ter    En cas d'infractions au sens de l'al. 3, l'auteur peut être puni d'une peine privative de liberté de quatre ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'a pas été condamné, au cours des dix années précédant les faits, pour un crime ou un délit routier ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers ou ayant entraîné des blessures ou la mort de tiers.246
4    L'excès de vitesse est particulièrement important lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée:
a  d'au moins 40 km/h, là où la limite est fixée au plus à 30 km/h;
b  d'au moins 50 km/h, là où la limite est fixée au plus à 50 km/h;
c  d'au moins 60 km/h, là où la limite est fixée au plus à 80 km/h;
d  d'au moins 80 km/h, là où la limite est fixée à plus de 80 km/h.247
5    Dans les cas précités, l'art. 237, ch. 2, du code pénal248 n'est pas applicable.
LCR, ainsi que de l'art. 125 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 125 - 1 Quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    Si la lésion est grave, l'auteur est poursuivi d'office.
CP, à une amende de 200 fr. avec un délai d'épreuve et de radiation d'un an. Le 2 avril 1971, la Cour de justice a confirmé le jugement attaqué. Dans ses motifs, elle relève que l'autorité de première instance a omis par inadvertance d'indiquer dans le dispositif que l'art. 125 al. 2 était également applicable.
C.- Simone Applegate s'est pourvue en nullité auprès du Tribunal fédéral; elle conclut à libération.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. ...

2. Les époux Scherrer, ainsi que le relève la recourante, ont commis une faute. On ne peut certes reprocher à Gertrude Scherrer, âgée de 67 ans et malade du coeur, d'avoir renoncé à utiliser le passage souterrain situé à 150 m de la sortie du parc en direction de Lausanne; mais les époux avaient la faculté de rebrousser chemin et de passer par l'intérieur du jardin botanique. Se sachant incapables de se déplacer rapidement, ils auraient dû préférer cette solution. Ayant choisi celle, peu raisonnable, qui consistait à traverser une artère large et fréquentée en dehors des passages de sécurité, ils auraient dû, à tout le moins, accorder la priorité aux véhicules; un signe de la main ne les en dispensait pas. Contrairement à l'opinion exprimée par les autorités cantonales, les époux Scherrer ont donc manqué objectivement à leur devoir de prudence et violé le droit de priorité de la recourante (art. 49 al. 2
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 49 - 1 Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités.
1    Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités.
2    Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste.131
LCR; art. 47 al. 1
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR)
1    Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m.
2    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184
3    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185
4    ...186
5    Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules.
6    ...187
et 5
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR)
1    Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m.
2    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184
3    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185
4    ...186
5    Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules.
6    ...187
OCR). Le seul point douteux est de savoir si, subjectivement, ils ont commis une faute. Cette question peut toutefois rester indécise, car le comportement même illicite des piétons ne saurait atténuer ou supprimer une faute pénale de la recourante.
3. ...

4. La recourante conteste avoir enfreint les règles de la circulation. Se fondant sur l'arrêt Catterini, du 15 novembre 1968, publié au RO 94 IV 140, elle affirme que les époux Scherrer,
BGE 97 IV 124 S. 127

en faisant irruption de façon soudaine et imprévue sur sa voie, ont violé la priorité qu'ils devaient lui accorder en vertu de l'art. 47 al. 5
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR)
1    Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m.
2    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184
3    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185
4    ...186
5    Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules.
6    ...187
OCR. a) Comme le droit de priorité qui s'exerce entre véhicules aux intersections, celui dont bénéficie l'automobiliste à l'égard du piéton qui traverse la chaussée en dehors des passages de sécurité (art. 47 al. 5
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR)
1    Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m.
2    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184
3    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185
4    ...186
5    Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules.
6    ...187
OCR) n'est pas absolu (cf. art. 33 al. 1
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 33 - 1 Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
1    Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
2    Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent.123
3    Aux endroits destinés à l'arrêt des véhicules des transports publics, le conducteur aura égard aux personnes qui montent dans ces véhicules ou qui en descendent.
LCR; art. 6 al. 3
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 6 - (art. 33 LCR)
1    Avant d'atteindre un passage pour piétons où le trafic n'est pas réglé, le conducteur accordera la priorité à tout piéton ou utilisateur d'un engin assimilé à un véhicule qui est déjà engagé sur le passage ou qui attend devant celui-ci avec l'intention visible de l'emprunter.61 Il réduira à temps sa vitesse et s'arrêtera, au besoin, afin de pouvoir satisfaire à cette obligation.62
2    Aux intersections où le trafic est réglé, les conducteurs qui obliquent sont tenus d'accorder la priorité aux piétons et aux utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules engagés sur la chaussée transversale.63 Cette prescription ne s'applique pas lorsque le passage est donné par la flèche verte d'une signalisation lumineuse et qu'aucun feu jaune ne clignote.
3    Sur une chaussée dépourvue de passage pour piétons, le conducteur circulant dans une colonne s'arrêtera au besoin lorsque des piétons ou des utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules attendent de pouvoir traverser.64
4    Les aveugles non accompagnés bénéficieront toujours de la priorité, lorsqu'en levant leur canne blanche ils indiquent leur intention de traverser la chaussée.
5    Lorsque des bus scolaires signalés comme tels s'arrêtent et que leurs feux clignotants sont enclenchés (art. 23, al. 3, let. a), les conducteurs ne les dépasseront qu'à une allure réduite et en faisant preuve d'une prudence particulière; au besoin, ils s'arrêteront.65
et 14 al. 2
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 14 Exercice du droit de priorité - (art. 36, al. 2 à 4, LCR)
1    Celui qui est tenu d'accorder la priorité ne doit pas gêner dans sa marche le conducteur bénéficiaire de la priorité. Il réduira sa vitesse à temps et, s'il doit attendre, s'arrêtera avant le début de l'intersection.
2    Le bénéficiaire de la priorité aura égard aux usagers de la route qui ont atteint l'intersection avant d'avoir pu apercevoir son véhicule.
3    Lorsque des véhicules circulant en files parallèles ont la priorité, cette dernière doit être respectée même si la file la plus rapprochée est arrêtée.
4    Les cavaliers et les conducteurs de chevaux et d'autres gros animaux sont assimilés aux conducteurs de véhicules en ce qui concerne la priorité.87
5    Les conducteurs feront particulièrement attention et régleront entre eux l'ordre de priorité lorsque se présente une situation qui n'est prévue par aucune prescription, par exemple lorsque des véhicules venant de toutes les directions parviennent simultanément à une intersection.
OCR); il est tempéré par le principe formulé à l'art. 26
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 26 - 1 Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
1    Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
2    Une prudence particulière s'impose à l'égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées, et de même s'il apparaît qu'un usager de la route va se comporter de manière incorrecte.
LCR (RO 94 IV 141). Si des indices donnent à penser au conducteur prioritaire que son droit ne sera pas respecté, il doit faire preuve d'une prudence particulière et tout entreprendre pour éviter un accident (RO 90 IV 90; 92 IV 139; 93 IV 33). Par contre, en l'absence de tels indices, il lui est loisible d'exercer son droit, dont il peut escompter l'observation par autrui; il n'a pas, en vertu du principe dit de confiance, à prendre des mesures particulières pour le cas où il n'en serait pas ainsi (RO 92 IV 139; 93 IV 34). De même, il ne doit pas s'attendre qu'un piéton, lui refusant la priorité, traversera brusquement devant lui, en dehors d'un passage de sécurité. Il n'est même pas tenu de réduire sa vitesse en voyant un piéton s'engager sur la chaussée, à sa gauche, si rien ne fait prévoir un comportement incorrect. En effet, le piéton traverse souvent en deux temps: il marche tout d'abord jusqu'au milieu de la chaussée, s'y arrête et y attend le moment où il pourra continuer son chemin sans danger (RO 93 IV 142). Si, après avoir suspendu son mouvement, il décide de le reprendre, à courte distance d'un véhicule qui s'approche à une vitesse normale, aucun grief ne peut être fait à l'automobiliste qui, malgré une réaction immédiate, ne peut éviter une collision.
b) S'agissant de la rencontre de piétons et de véhicules, il convient de se montrer large quant à l'appréciation des indices qui doivent éveiller l'attention de l'automobiliste et le rendre circonspect; d'une part, les conséquences d'un accident sont presque toujours sérieuses dans cette éventualité et, d'autre part, la proportion des piétons qui ignorent les rudiments des règles de la circulation est plus grande que pour n'importe quelle autre catégorie des usagers de la route. Ainsi, lorsqu'il voit un piéton traverser la rue sans s'arrêter, le conducteur ne présumera pas que son droit de priorité sera respecté. De même, si, dans une colonne, il laisse un espace relativement grand entre son véhicule et celui qui le précède, il doit prévoir qu'un piéton
BGE 97 IV 124 S. 128

s'élance devant lui, en croyant pouvoir profiter de l'ouverture pour passer (RO 94 IV 142). De plus, en général et conformément à l'art. 26 al. 2
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 26 - 1 Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
1    Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
2    Une prudence particulière s'impose à l'égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées, et de même s'il apparaît qu'un usager de la route va se comporter de manière incorrecte.
LCR, une prudence particulière s'impose à l'égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées. c) A la lumière des principes rappelés ci-dessus, le cas présent se distingue nettement du précédent évoqué par la recourante. Celle-ci avait en effet de multiples raisons de se douter que son droit de priorité ne serait pas respecté. D'abord, les époux Scherrer n'ont pas fait une véritable halte au milieu de la chaussée; ils n'ont suspendu leur marche que le temps de regarder à droite. A ce moment, ils se trouvaient à 100 m environ de la recourante. Il tombait sous le sens qu'ils allaient profiter de cet espace, suffisant pour une personne ingambe, pour quitter leur position dangereuse au milieu de la route. Ensuite, Kilian Scherrer a fait de la main, avant de poursuivre son chemin, un geste non équivoque dont la recourante a compris la signification. Certes, un tel signe, en dehors d'un passage de sécurité, ne supprime pas le droit de priorité de l'automobiliste, mais il n'en constitue pas moins une indication claire dont ce dernier doit tenir compte. Enfin, les deux époux, qui se déplaçaient difficilement, étaient visiblement des vieillards; or ceux-ci sous-estiment souvent les périls de la circulation, dont beaucoup méconnaissent d'ailleurs les règles. d) Devant inférer des circonstances que le couple Scherrer allait couper sa trajectoire, la recourante aurait dû soit ralentir immédiatement, de façon à pouvoir stopper le cas échéant, soit user de son avertisseur pour montrer clairement qu'elle entendait exercer son droit de priorité. Au lieu de cela, elle a hésité plusieurs secondes. De plus, ayant réagi trop tard, il est incompréhensible qu'elle ait continué sa course droit devant elle. En effet, son véhicule a happé les piétons à 1 m 20 seulement du bord du trottoir. C'est dire qu'elle disposait encore, sur la portion droite de la chaussée, d'un espace supérieur à 6 m, dans lequel elle aurait pu s'engager en obliquant légèrement à gauche. Elle a donc été condamnée à bon droit, car elle n'a pas réagi de façon adéquate.
Dispositiv

Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Rejette le pourvoi.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 97 IV 124
Date : 14 mai 1971
Publié : 31 décembre 1971
Source : Tribunal fédéral
Statut : 97 IV 124
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : Art. 26 al. 2; 49 al. 2 LCR; 47 al. 1 et 5 OCR. 1. Un signe de la main ne dispense pas le piéton qui traverse la chaussée


Répertoire des lois
CP: 125
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 125 - 1 Quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
1    Quiconque, par négligence, fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
2    Si la lésion est grave, l'auteur est poursuivi d'office.
LCR: 26 
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 26 - 1 Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
1    Chacun doit se comporter, dans la circulation, de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies.106
2    Une prudence particulière s'impose à l'égard des enfants, des infirmes et des personnes âgées, et de même s'il apparaît qu'un usager de la route va se comporter de manière incorrecte.
33 
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 33 - 1 Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
1    Le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée.122
2    Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s'arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s'y engagent.123
3    Aux endroits destinés à l'arrêt des véhicules des transports publics, le conducteur aura égard aux personnes qui montent dans ces véhicules ou qui en descendent.
49 
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 49 - 1 Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités.
1    Les piétons utiliseront le trottoir. À défaut de trottoir, ils longeront le bord de la chaussée et, si des dangers particuliers l'exigent, ils circuleront à la file. À moins que des circonstances spéciales ne s'y opposent, ils se tiendront sur le bord gauche de la chaussée, notamment de nuit à l'extérieur des localités.
2    Les piétons traverseront la chaussée avec prudence et par le plus court chemin en empruntant, où cela est possible, un passage pour piétons. Ils bénéficient de la priorité sur de tels passages, mais ne doivent pas s'y lancer à l'improviste.131
90
SR 741.01 Loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR)
LCR Art. 90 - 1 Celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.
1    Celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d'exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l'amende.
2    Celui qui, par une violation grave d'une règle de la circulation, crée un sérieux danger pour la sécurité d'autrui ou en prend le risque est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
3    Celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles est puni d'une peine privative de liberté d'un à quatre ans.
3bis    En cas d'infractions au sens de l'al. 3, la peine minimale d'un an peut être réduite en présence d'une circonstance atténuante conformément à l'art. 48 du code pénal244, en particulier si l'auteur a agi en cédant à un mobile honorable.245
3ter    En cas d'infractions au sens de l'al. 3, l'auteur peut être puni d'une peine privative de liberté de quatre ans au plus ou d'une peine pécuniaire s'il n'a pas été condamné, au cours des dix années précédant les faits, pour un crime ou un délit routier ayant gravement mis en danger la sécurité de tiers ou ayant entraîné des blessures ou la mort de tiers.246
4    L'excès de vitesse est particulièrement important lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée:
a  d'au moins 40 km/h, là où la limite est fixée au plus à 30 km/h;
b  d'au moins 50 km/h, là où la limite est fixée au plus à 50 km/h;
c  d'au moins 60 km/h, là où la limite est fixée au plus à 80 km/h;
d  d'au moins 80 km/h, là où la limite est fixée à plus de 80 km/h.247
5    Dans les cas précités, l'art. 237, ch. 2, du code pénal248 n'est pas applicable.
OCR: 6 
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 6 - (art. 33 LCR)
1    Avant d'atteindre un passage pour piétons où le trafic n'est pas réglé, le conducteur accordera la priorité à tout piéton ou utilisateur d'un engin assimilé à un véhicule qui est déjà engagé sur le passage ou qui attend devant celui-ci avec l'intention visible de l'emprunter.61 Il réduira à temps sa vitesse et s'arrêtera, au besoin, afin de pouvoir satisfaire à cette obligation.62
2    Aux intersections où le trafic est réglé, les conducteurs qui obliquent sont tenus d'accorder la priorité aux piétons et aux utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules engagés sur la chaussée transversale.63 Cette prescription ne s'applique pas lorsque le passage est donné par la flèche verte d'une signalisation lumineuse et qu'aucun feu jaune ne clignote.
3    Sur une chaussée dépourvue de passage pour piétons, le conducteur circulant dans une colonne s'arrêtera au besoin lorsque des piétons ou des utilisateurs d'engins assimilés à des véhicules attendent de pouvoir traverser.64
4    Les aveugles non accompagnés bénéficieront toujours de la priorité, lorsqu'en levant leur canne blanche ils indiquent leur intention de traverser la chaussée.
5    Lorsque des bus scolaires signalés comme tels s'arrêtent et que leurs feux clignotants sont enclenchés (art. 23, al. 3, let. a), les conducteurs ne les dépasseront qu'à une allure réduite et en faisant preuve d'une prudence particulière; au besoin, ils s'arrêteront.65
14 
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 14 Exercice du droit de priorité - (art. 36, al. 2 à 4, LCR)
1    Celui qui est tenu d'accorder la priorité ne doit pas gêner dans sa marche le conducteur bénéficiaire de la priorité. Il réduira sa vitesse à temps et, s'il doit attendre, s'arrêtera avant le début de l'intersection.
2    Le bénéficiaire de la priorité aura égard aux usagers de la route qui ont atteint l'intersection avant d'avoir pu apercevoir son véhicule.
3    Lorsque des véhicules circulant en files parallèles ont la priorité, cette dernière doit être respectée même si la file la plus rapprochée est arrêtée.
4    Les cavaliers et les conducteurs de chevaux et d'autres gros animaux sont assimilés aux conducteurs de véhicules en ce qui concerne la priorité.87
5    Les conducteurs feront particulièrement attention et régleront entre eux l'ordre de priorité lorsque se présente une situation qui n'est prévue par aucune prescription, par exemple lorsque des véhicules venant de toutes les directions parviennent simultanément à une intersection.
47
SR 741.11 Ordonnance du 13 novembre 1962 sur les règles de la circulation routière (OCR)
OCR Art. 47 Traversée de la chaussée - (art. 49, al. 2, LCR)
1    Les piétons s'engageront avec circonspection sur la chaussée, notamment s'ils se trouvent près d'une voiture à l'arrêt, et traverseront la route sans s'attarder. Ils utiliseront les passages pour piétons183 ainsi que les passages aménagés au-dessus ou au-dessous de la chaussée qui se trouvent à une distance de moins de 50 m.
2    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé, les piétons ont la priorité, sauf à l'égard des tramways et des chemins de fer routiers. Ils ne peuvent toutefois user du droit de priorité lorsque le véhicule est déjà si près du passage qu'il ne lui serait plus possible de s'arrêter à temps.184
3    Sur les passages pour piétons où le trafic n'est pas réglé et qu'un refuge coupe en deux tronçons, chacun d'eux est considéré comme un passage indépendant.185
4    ...186
5    Hors des passages pour piétons, les piétons accorderont la priorité aux véhicules.
6    ...187
Répertoire ATF
90-IV-86 • 92-IV-138 • 93-IV-120 • 93-IV-32 • 94-IV-140 • 97-IV-124
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
automobile • se déplacer • montre • trottoir • diligence • lausanne • viol • règle de la circulation • quant • cour de cassation pénale • route • passage pour piétons • personne âgée • première instance • membre d'une communauté religieuse • danger • privilège • priorité • décision • calcul
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