Urteilskopf

93 II 453

58. Arrêt de la Ire Cour civile du 19 décembre 1967 dans la cause Grobéty contre S.I. Pont Bessières-Terrasse SA
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 454

BGE 93 II 453 S. 454

A.- Par contrat du 3 juin 1952, la S.I. Pont Bessières-Terrasse SA a remis à bail à dame Jaquet, dans l'immeuble no 4 de la rue Curtat à Lausanne, des locaux destinés à un caférestaurant devant porter l'enseigne de "Café de l'Evêché". Deux ans auparavant, le café exploité au même endroit avait été fermé et durant cet intervalle l'immeuble avait été démoli puis reconstruit. Le bail a été conclu pour une durée de douze ans dès le 24 juin 1952. Il était renouvelable d'année en année par tacite reconduction, si aucune des parties ne le résiliait, moyennant un congé donné six mois avant son expiration. Sous réserve d'un minimum annuel de 11 000 fr., le loyer était arrêté à 8 1/2% du chiffre d'affaires. La locataire prenait à sa charge l'ameublement et l'installation de l'établissement dont les locaux étaient nus. Elle a investi de ce chef une somme de 66.841 fr. 90. Le contrat renfermait sous chiffre 6 la clause suivante: "La locataire exploitera elle-même le café-restaurant ... Elle ne pourra faire gérer son établissement par un tiers sans le consentement écrit de la société propriétaire".
BGE 93 II 453 S. 455

Dès 1955, dame Jaquet a cherché à remettre le café de l'Evêché. Les pourparlers engagés à ce sujet avec dame Charpilloz, disposée à lui payer 105 000 fr., n'ont pas abouti. L'année suivante, Vallotton s'est intéressé à la reprise du café-restaurant. Dame Jaquet exigea un prix de 120 000 fr. Vallotton désirait aussi racheter l'immeuble. Il a renoncé à cette affaire et reprit un autre établissement. Par lettre de son avocat du 29 octobre 1958, la société a informé le mandataire de dame Jaquet qu'elle consentirait éventuellement à une "cession du bail" à un tiers et serait alors d'accord de payer à sa locataire la contre-valeur de l'agencement du café, qui serait fixée par des experts, ainsi qu'un montant de 15 000 fr. pour le goodwill. Cette offre n'a pas été acceptée. Au printemps 1960, dame Jaquet est tombée malade. Des pourparlers furent engagés pour examiner comment une remise de l'établissement pourrait intervenir. Ils n'ont pas abouti à un accord. La société désirait procéder elle-même à l'opération, quitte à verser un "goodwill équitable" à dame Jaquet. De son côté, celle-ci préférait réaliser l'affaire pour son compte et s'entendre par la suite avec la société au sujet d'une "ristourne éventuelle". En janvier 1961, les parties ont fait appel à un expert. Au mois de juin, celui-ci leur a suggéré de se mettre d'accord sur un programme qui permettrait de réunir les conditions les plus favorables en vue de la remise du café. Sa proposition impliquait la conclusion d'un bail de longue durée. Elle ne convint pas à la société. Le 7 octobre 1961, dame Jaquet a informé la société que Clément s'intéressait à la reprise du café pour 170 000 fr. moyennant la signature d'un bail de quinze ans. Le 10 novembre, la société lui fit savoir qu'elle ne désirait entrer en pourparlers ni avec Clément, ni avec quiconque d'autre. Elle disait vouloir s'en tenir au contrat de bail en vigueur, en particulier à sa clause 6. Par lettre du 23 novembre, le conseil de dame Jaquet a avisé la société que l'état de santé de sa cliente était devenu alarmant et qu'il était urgent de trouver un acquéreur si l'on voulait éviter la fermeture de l'établissement. Eu égard à la position qu'elle avait adoptée le 10 novembre, il l'a sommée de s'occuper elle-même de cette remise à des conditions qui seraient agréées par sa cliente. Il ajoutait: "A ce défaut nous nous verrons obligés de rendre la société responsable du dommage résultant pour Mme Jaquet du fait qu'elle n'aura pas pu remettre son
BGE 93 II 453 S. 456

établissement et qu'elle se trouvera ainsi exposée à perdre à la fois le montant de ses investissements et la valeur de la clientèle créée par ses soins". La société a répondu le 11 janvier 1962 qu'elle entendait que dame Jaquet exécutât le bail jusqu'à son expiration, au besoin avec l'aide d'un gérant pendant sa maladie. Par la suite, l'état de santé de dame Jaquet s'est amélioré. La société l'a laissée poursuivre l'exploitation du café-restaurant jusqu'au 31 octobre 1964 après avoir résilié le bail pour le 30juin. Elle a refusé de lui payer un goodwill et lui a acheté le matériel et le mobilier de l'établissement pour 22 000 fr. Dès le 1er novembre 1964, le café de l'Evêché a étéloué à un nouveau preneur, qui n'a versé aucune indemnité à titre de reprise du fonds de commerce, ni à la société ni à dame Jaquet.
B.- Le 13 novembre 1964, dame Jaquet a assigné la S.I. Pont Bessières-Terrasse SA devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois en paiement de 100 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er novembre 1964. La défenderesse a conclu au rejet de la demande. Une expertise a été ordonnée, afin notamment de déterminer la valeur vénale de l'entreprise au terme du bail. L'expert l'a fixée à 48 000 fr. Ce montant comprend 5000 fr. pour le stock de marchandises, 22 900 fr. pour le mobilier et le matériel et 20 100 fr. pour le fonds de commerce. Le 18 juillet 1966, la demanderesse est décédée. Son fils Jean-Pierre Grobéty a pris sa place au procès. Par jugement du 4 septembre 1967, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a rejeté la demande.
C.- Agissant par la voie du recours en réforme, le demandeur prie le Tribunal fédéral de lui allouer 20 000 fr. avec intérêt à 5% dès le 1er novembre 1964. La défenderesse conclut au rejet du recours.
Erwägungen

Considérant en droit:

1. Le bail à ferme porte sur un bien ou un droit productif (art. 275
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 275 - Le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.
CO). Il se distingue par son objet du bail à loyer où la chose est louée sans égard à sa productivité. Lorsqu'une personne loue des locaux pour y exploiter une entreprise, les profits qu'elle peut ainsi réaliser ne découlent pas de l'usage même de la chose mais de l'exercice de son activité. On est alors en présence d'un bail à loyer (RO 33 II 604/605, 68 II 239 consid. 1). La situation est différente si le preneur des locaux afferme du

BGE 93 II 453 S. 457

bailleur l'entreprise que celui-ci y exploitait. Dans un tel cas, le contrat se rapporte notamment à un ensemble de droits productifs et l'on a affaire à un bail à ferme (OSER/SCHÖNENBERGER, n. 3 des remarques préliminaires ad art. 253
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 253 - Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.
-304
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 304 - 1 Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier pour n'importe quel terme, sauf convention ou usage local contraires.
1    Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier pour n'importe quel terme, sauf convention ou usage local contraires.
2    La résiliation doit être faite de bonne foi et ne doit pas avoir lieu en temps inopportun.
CO; BECKER, n. 3 ad art. 275
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 275 - Le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.
CO). Partant, en l'espèce, les relations entre les parties sont régies par les règles du bail à loyer.
2. L'autorité cantonale a considéré que l'échec des pourparlers engagés en 1955 avec dame Charpilloz puis l'année suivante avec Vallotton n'était pas dû au fait de la défenderesse. Ce point n'est pas remis en cause par le recourant. Celui-ci admet aussi qu'en 1961 Clément ne s'intéressait pas à la simple cession de son bail, résiliable au 24 juin 1964, puisqu'il désirait un bail d'une durée de quinze ans. Par lettre du 10 novembre 1961, la défenderesse a informé dame Jaquet qu'elle ne désirait entrer en pourparlers ni avec Clément ni avec quiconque d'autre. Le recourant fait valoir qu'en refusant dès ce moment-là de consentir à toute cession de bail, la défenderesse lui a causé un dommage que le juge devrait fixer conformément à l'art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO. La cour cantonale a estimé que la clause 6 du contrat du 3 juin 1952 n'avait pas pour effet d'interdire la cession du bail. Il n'est pas nécessaire d'examiner si cette opinion est fondée, car, comme on va le voir, les dommages-intérêts que le recourant réclame sur la base d'une violation de l'art. 264
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 264 - 1 Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
1    Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
2    À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal.
3    Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer:
a  de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que
b  des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé.
CO ne sauraient lui être alloués. a) La cession du bail au sens de l'art. 264
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 264 - 1 Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
1    Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
2    À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal.
3    Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer:
a  de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que
b  des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé.
CO consiste dans la faculté du preneur de céder son droit d'usage à un tiers. Elle ne confère pas au preneur le droit d'exiger du bailleur qu'il le libère de ses obligations. Elle crée des rapports contractuels directs entre le bailleur et le cessionnaire. Ces effets se produisent de par la loi, indépendamment du consentement du bailleur (RO 81 II 349 consid. 1). L'art. 264
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 264 - 1 Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
1    Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
2    À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal.
3    Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer:
a  de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que
b  des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé.
CO ne subordonne pas la cession du bail à l'assentiment du bailleur. Il importe peu par conséquent que la défenderesse ait déclaré à ce propos qu'elle entendait ne plus entamer de pourparlers avec personne. La cession pouvant intervenir sans son accord, elle n'était pas tenue de le donner, ni d'engager des pourparlers à ce sujet. Du moment où la demanderesse estimait être au bénéfice du droit de céder son bail, elle n'avait qu'à l'exercer. b) Du point de vue de l'art. 264
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 264 - 1 Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
1    Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
2    À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal.
3    Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer:
a  de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que
b  des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé.
CO, la responsabilité contractuelle de la défenderesse ne pourrait être engagée que dans
BGE 93 II 453 S. 458

l'hypothèse où, de par la volonté des parties, la cession du bail eût été soumise à l'autorisation du bailleur. Dans un tel cas, la jurisprudence exige que le refus du bailleur de consentir à la cession soit justifié par des motifs sérieux (Sem.jud. 1950 p. 534). Si l'autorisation sollicitée est indûment refusée, il est possible, suivant les circonstances, que le locataire éprouve de ce fait un certain préjudice. En l'espèce, la lettre de la défenderesse du 10 novembre 1961 constitue un refus pur et simple de consentir à une cession du bail. Selon la cour cantonale, ce refus n'a pas causé de dommage à la demanderesse, car celle-ci n'a pas démontré qu'elle aurait eu depuis lors la possibilité de remettre son commerce à un tiers en lui cédant son bail. Le recourant critique ce point de vue. Il fait valoir qu'en raison de l'attitude de la défenderesse, toute recherche d'amateurs était d'emblée vouée à l'échec et requiert l'application de l'art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO. Le comportement de la défenderesse, il est vrai, pouvait, le cas échéant, dissuader dame Jaquet de poursuivre ses démarches et l'empêcher ainsi de réaliser un gain. Le fait qu'elle n'ait pas prouvé d'autres occasions de céder son bail n'est donc pas décisif. En vertu de l'art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO, applicable non seulement à la détermination du montant du dommage mais aussi à sa survenance, le préjudice est tenu pour établi lorsque les indices fournis par le dossier permettent, en considération du cours ordinaire des choses, de conclure à son existence (RO 81 II 55). Cette conclusion, cependant, doit s'imposer avec une certaine force (RO 40 II 355, 42 II 135 consid. 2, 60 II 131). Il ne suffit pas que la résiliation du dommage paraisse simplement vraisemblable. La demanderesse a allégué que, dès le printemps 1960, la difficulté de remettre l'établissement était due à l'expiration relativement proche du bail. De même, dans sa lettre du 23 novembre 1961, le conseil de dame Jaquet a relevé que l'opposition de la société à une prolongation du bail rendait les propositions de l'expert pratiquement irréalisables; le jugement déféré constate également qu'à l'époque où dame Jaquet était malade, la cession était subordonnée à la prolongation du bail. D'autre part, alors que la défenderesse lui avait déjà manifesté son intention de ne pas consentir à une prolongation du bail, la demanderesse lui a présenté, en octobre 1961, un amateur qui exigeait la signature d'un bail d'une durée de quinze ans. Enfin, selon l'appréciation de la cour cantonale, il est très peu vraisemblable
BGE 93 II 453 S. 459

qu'un tiers se fût intéressé à la cession du bail dès le mois de novembre 1961, si son échéance était maintenue. Ces éléments ne permettent pas de dire que la demanderesse ait sérieusement envisagé de remettre son commerce à un tiers à partir de 1961, en lui cédant un bail résiliable au 24 juin 1964, ni d'établir par conséquent que l'attitude prise par la société le 10 novembre 1961 l'ait réellement dissuadée de tenter cette opération. Cela étant, on ne peut admettre que le refus de la société de consentir à la cession du bail ait causé un dommage à la demanderesse.
3. Le recourant prétend que la société a agi avec "une mauvaise foi évidente, dans l'unique but de s'approprier sans bourse délier le commerce créé par dame Jaquet". C'est pour cette raison qu'elle n'aurait pas pris en considération les offres de reprise du bail. Ce grief est sans pertinence. En effet, on a vu que le refus de consentir à une cession du bail, dans la mesure où il n'était éventuellement pas justifié, n'a pas causé de dommage à la demanderesse. Selon le recourant, la "mauvaise foi" de la société consiste aussi dans le fait que "jusqu'au moment de l'expiration du bail, elle a toujours laissé dame Jaquet dans l'idée qu'une certaine somme lui serait payée pour la valeur du fonds de commerce". La société, il est vrai, avait offert le 29 octobre 1958 de verser un montant de 15 000 fr. pour le goodwill. En 1960 également, elle avait proposé de se charger de la remise du commerce, quitte à payer un goodwill équitable. Mais ces offres n'ont pas été acceptées. Au demeurant, elles concernaient le cas d'une remise de l'établissement en cours de bail et il ne ressort pas dujugement déféré que la société ait jamais pris l'engagement de payer à la demanderesse une indemnité quelconque à l'expiration du bail.
4. Le recourant fonde enfin son action sur l'art. 62
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 62 - 1 Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution.
1    Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution.
2    La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas réalisée, ou d'une cause qui a cessé d'exister.
CO. Il prétend que la société s'est enrichie de la valeur du fonds de commerce que l'expert judiciaire a fixée à 20 000 fr. Ce montant représenterait la valeur de la clientèle créée par dame Jaquet. Pour un commerçant, la clientèle consiste dans la possibilité de fournir ses prestations à un nombre indéterminé de personnes. Source principale de son revenu, elle représente à ses yeux une valeur certaine. Celle-ci dépend de divers éléments. Elle est afférente en premier lieu à la personne du commerçant. Suivant le genre de commerce, elle est due aussi à l'emplacement ou à d'autres facteurs propres aux locaux dans lesquels une activité économique est exercée. Lorsque les locaux sont loués, la part
BGE 93 II 453 S. 460

de la valeur de la clientèle qui leur est ainsi attachée appartient au bailleur (RO 68 II 240). En revanche, celle qui tient uniquement aux qualités personnelles de l'exploitant le suivra et s'éteindra avec lui. Cela étant, on ne voit pas comment la défenderesse aurait pu s'enrichir d'une valeur qui, dans la mesure où elle ne lui appartenait pas entièrement, a disparu avec le départ de dame Jaquet. Certes un bailleur peut avoir intérêt à ce que le locataire exploite son commerce. Il est possible, en effet, suivant les circonstances, que la valeur de la clientèle inhérente à la chose louée se détériore dès que le locataire cesse son activité (RO 41 II 730 consid. 3, 68 II 240). Il n'est donc pas exclu que, par l'exploitation du café de l'Evêché, dame Jaquet ait procuré un certain avantage à la défenderesse. Toutefois et pour autant qu'elle soit concevable, une telle attribution ne serait pas sans cause. Elle trouverait son fondement dans l'obligation d'exploiter que la clause 6 du contrat lui imposait. La jurisprudence considère que le bail à loyer qui porte sur des locaux affectés à un usage commercial est à la limite du bail à ferme (RO 28 II 243). Examinées à la lumière des dispositions qui régissent ce contrat, les prétentions du recourant doivent aussi être rejetées. En effet, selon l'art. 298 al. 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 298 - 1 Le congé des baux à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux doit être donné par écrit.
1    Le congé des baux à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux doit être donné par écrit.
2    Le bailleur doit donner le congé en utilisant une formule agréée par le canton et qui indique au fermier la manière dont il doit procéder s'il entend contester le congé ou demander la prolongation du bail.
3    À défaut, le congé est nul.
CO, le fermier n'a droit à aucune récompense pour les améliorations qui sont uniquement le résultat des soins qu'il devait à la chose. Il ne peut donc réclamer une indemnité que si la plus-value résulte de soins dépassant ses obligations (RO 75 II 46). Cette condition n'est pas remplie en l'espèce. Il n'est pas prétendu ni établi que la demanderesse soit allée au-delà de ses obligations et que les locaux mis à sa disposition aient de ce fait acquis une plus-value. Il convient enfin de relever qu'au contraire de certaines législations étrangères, le droit suisse ignore la notion de la propriété commerciale, qui assure une protection particulière à celui qui exerce une activité commerciale dans des locaux loués. Les initiatives prises en faveur d'une réglementation légale du bail commercial n'ont pas abouti jusqu'à maintenant (JEANPRETRE, Le bail commercial, Rapport établi à la demande du Département fédéral de justice et police, 1958). L'absence de cette institution en droit suisse ne constitue pas une lacune que le juge devrait combler.

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 4 septembre 1967 par la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 93 II 453
Date : 19 décembre 1967
Publié : 31 décembre 1967
Source : Tribunal fédéral
Statut : 93 II 453
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Bail à loyer. Cession. Valeur de la clientèle. 1. Le bail qui porte sur des locaux destinés à un usage commercial est un


Répertoire des lois
CO: 42 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
62 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 62 - 1 Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution.
1    Celui qui, sans cause légitime, s'est enrichi aux dépens d'autrui, est tenu à restitution.
2    La restitution est due, en particulier, de ce qui a été reçu sans cause valable, en vertu d'une cause qui ne s'est pas réalisée, ou d'une cause qui a cessé d'exister.
253 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 253 - Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer.
264 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 264 - 1 Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
1    Lorsque le locataire restitue la chose sans observer les délai ou terme de congé, il n'est libéré de ses obligations envers le bailleur que s'il lui présente un nouveau locataire qui soit solvable et que le bailleur ne puisse raisonnablement refuser; le nouveau locataire doit en outre être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.
2    À défaut, le locataire doit s'acquitter du loyer jusqu'à l'expiration de la durée du bail ou jusqu'au prochain terme de congé contractuel ou légal.
3    Le bailleur doit admettre l'imputation sur le loyer:
a  de la valeur des impenses qu'il a pu épargner ainsi que
b  des profits qu'il a retirés d'un autre usage de la chose ou auxquels il a intentionnellement renoncé.
275 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 275 - Le bail à ferme est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder au fermier, moyennant un fermage, l'usage d'un bien ou d'un droit productif et à lui en laisser percevoir les fruits ou les produits.
298 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 298 - 1 Le congé des baux à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux doit être donné par écrit.
1    Le congé des baux à ferme portant sur des habitations ou des locaux commerciaux doit être donné par écrit.
2    Le bailleur doit donner le congé en utilisant une formule agréée par le canton et qui indique au fermier la manière dont il doit procéder s'il entend contester le congé ou demander la prolongation du bail.
3    À défaut, le congé est nul.
304
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 304 - 1 Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier pour n'importe quel terme, sauf convention ou usage local contraires.
1    Lorsque le bail est de durée indéterminée, une partie peut le résilier pour n'importe quel terme, sauf convention ou usage local contraires.
2    La résiliation doit être faite de bonne foi et ne doit pas avoir lieu en temps inopportun.
Répertoire ATF
28-II-239 • 33-II-603 • 40-II-347 • 41-II-726 • 42-II-134 • 60-II-121 • 68-II-237 • 75-II-38 • 81-II-346 • 81-II-50 • 93-II-453
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
bail à loyer • goodwill • vue • bail à ferme • tribunal cantonal • mois • usage commercial • calcul • autorisation ou approbation • tribunal fédéral • plus-value • droit suisse • examinateur • rejet de la demande • cause légitime • avis • productivité • prolongation • autonomie • offre de contracter • dommage • directive • bénéfice • autorité législative • parlement • opposition • décision • fin • moyen de droit cantonal • ouverture de la procédure • citation à comparaître • condition • autorité cantonale • alarme • cessionnaire • chose louée • quant • chiffre d'affaires • département fédéral • lausanne • tennis • responsabilité contractuelle • valeur vénale • dommages-intérêts • fermier • qualité personnelle
... Ne pas tout montrer