S. 216 / Nr. 56 Strafgesetzbuch(f)

BGE 73 IV 216

66. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 31 octobre 1947 dans
la cause Lugrin contre Ministère public du canton de Vaud


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Regeste:
L'art. 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP vise aussi l'instigation au second degré.
Art. 24 StGB gilt auch für die Anstiftung im zweiten Grade.
Art. 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP vale anche per l'istigazione in secondo grado.

A. ­ Antisémite passionné et partisan ardent du régime national-socialiste,
Lugrin, ancien pasteur et journaliste, s'était assuré en divers lieux du
canton de Vaud, pour faire sa propagande, le concours de petits groupements
extrémistes. L'un d'eux, à Payerne, où militaient notamment Joss, Vallotton,
Max et Robert Marmier, avait pour chef Ischy, lui-même subordonné à Lugrin,
dont il recevait ordres et consignes. Après lui avoir déclaré, à plusieurs
reprises, qu'il faudrait déporter ou exterminer tous les Juifs et qu'il
faudrait un jour en faire disparaître un pour frapper un grand coup et
effrayer les autres, Lugrin lui montra, en mars 1942, une lettre de menaces
qu'il avait reçue, ajoutant que c'en était assez et qu'il fallait passer aux
actes. Comptant fermement qu'Ischy suivrait ses instructions, il lui fit
comprendre que c'était le moment d'exécuter leur projet de supprimer un Juif.
Ischy consentit. Il prit contact avec Joss, Vallotton et les frères Marmier,
obtint d'eux qu'ils se chargent de tuer un Juif et arrêta avec eux le plan de
l'exécution.
B. ­ Le 16 avril 1942, Vallotton, Joss et les frères Marmier assassinèrent
Arthur Bloch dans les circonstances que décrit le jugement rendu le 20 février
1943 par le Tribunal criminel de Payerne.
Peu après, Ischy donna à Lugrin 100 fr. volés dans le portefeuille de la
victime. Lugrin les accepta, bien qu'il en connût la provenance.
Le 3 mai 1942, il prit la fuite et, passant clandestinement la frontière, se
réfugia en France.

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C. - Par jugement du 20 février 1943, que la Cour de cassation vaudoise a
maintenu le 7 avril 1343, le Tribunal criminel du district de Payerne a
condamné Ischy à la réclusion à vie pour instigation à l'assassinat.
D. ­ Considérant que Lugrin n'avait ni connu ni voulu les circonstances de
l'assassinat, le même tribunal l'a déclaré coupable, le 5 juin 1947,
d'instigation au meurtre, ainsi que de recel et de passage clandestin de la
frontière. Il lui a infligé vingt ans de réclusion et dix ans de privation des
droits civiques.
Sur recours du condamné, la Cour de cassation vaudoise a maintenu ce jugement,
le 7 juillet 1947.
E. ­ Lugrin s'est pourvu en nullité au Tribunal fédéral.
Considérant en droit:
1. ­ ... Lugrin, avec raison, ne soutient pas que les premiers juges auraient,
à propos du rapport de causalité, méconnu la notion de l'instigation au sens
de l'art. 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP. Sans doute cette disposition ne s'appliquerait-elle pas s'il
avait simplement dit à Ischy, d'une façon abstraite et théorique, qu'il
faudrait exterminer tous les Juifs ou, du moins, en faire disparaître un pour
effrayer les autres. L'art. 24 suppose que l'instigateur décide autrui à
commettre un crime ou un délit concret. C'est ce que Lugrin a fait en
déclarant à Ischy qu'il fallait passer aux actes et que le moment était venu
de réaliser leur projet de supprimer un Juif. Peu importe qu'il n'ait pas
désigné lui-même la victime ni précisé les détails de l'exécution.
2. ­ Le recourant conteste, en outre, que l'art. 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP permette de punir une
instigation au deuxième degré.
a) Ischy ayant été condamné comme instigateur, il s'agit, en effet, de savoir
si celui qui décide autrui à faire commettre une infraction par un tiers tombe
sous le coup de l'art. 24 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP.
Cette disposition vise celui qui intentionnellement a décidé autrui à
commettre un crime ou un délit, pourvu que l'infraction ait été commise.
L'art. 9
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 9 - 1 Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
1    Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
2    Le droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)12 s'applique aux personnes qui n'ont pas 18 ans le jour de l'acte. Lorsque l'auteur doit être jugé simultanément pour des infractions qu'il a commises avant et après l'âge de 18 ans, l'art. 3, al. 2, DPMin est applicable.13
CP, de son côté,

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répute crime toute infraction passible de la réclusion. Condamné à la
réclusion à vie, Ischy a donc commis un crime au sens des art. 9
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 9 - 1 Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
1    Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
2    Le droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)12 s'applique aux personnes qui n'ont pas 18 ans le jour de l'acte. Lorsque l'auteur doit être jugé simultanément pour des infractions qu'il a commises avant et après l'âge de 18 ans, l'art. 3, al. 2, DPMin est applicable.13
et 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP.
Aussi est-ce a juste titre que le recourant a été puni comme instigateur.
On pourrait être tenté d'objecter que le mot «crime», à l'art. 24, ne désigne
que l'infraction principale. Mais rien, dans cette hypothèse, ne permet de
supposer que le législateur ait entendu exclure l'instigation indirecte.
L'art. 24 ne dit pas: «Celui qui aura intentionnellement et directement décidé
autrui... n. Il n'y a aucune raison de l'interpréter en ce sens. La loi punit
l'instigateur à l'égal de l'auteur parce que, sans lui, l'infraction
principale n'eût vraisemblablement pas été commise. Dès lors, il serait
incohérent de sévir contre l'instigateur direct, mais non contre celui qui l'a
décidé et qui est, en réalité, la cause initiale de l'infraction principale.
Sa participation n'est pas moins coupable parce que l'instigué, au lieu d'agir
lui-même, s'est servi d'un tiers.
b) Il ressort d'ailleurs du jugement du 20 février 1943 qu'Ischy a joué un
rôle de premier plan dans l'assassinat de Bloch et qu'il était prêt à tout
faire pour que l'infraction fût consommée. Dès lors, vu la conception
subjective de la participation dont s'inspire le Code pénal suisse (cf. RO 70
IV 102
, 69 IV 97), il doit être considéré comme ayant été non l'instigateur,
mais le coauteur de ce crime. n s'ensuit que, même si l'opinion du recourant
était fondée, l'application de l'art. 24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
CP aurait été justifiée.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 73 IV 216
Date : 01 janvier 1947
Publié : 31 octobre 1947
Source : Tribunal fédéral
Statut : 73 IV 216
Domaine : ATF - Droit pénal et procédure penale
Objet : L'art. 24 CP vise aussi l'instigation au second degré.Art. 24 StGB gilt auch für die Anstiftung im...


Répertoire des lois
CP: 9 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 9 - 1 Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
1    Le présent code n'est pas applicable aux personnes dans la mesure où leurs actes doivent être jugés d'après le droit pénal militaire.
2    Le droit pénal des mineurs du 20 juin 2003 (DPMin)12 s'applique aux personnes qui n'ont pas 18 ans le jour de l'acte. Lorsque l'auteur doit être jugé simultanément pour des infractions qu'il a commises avant et après l'âge de 18 ans, l'art. 3, al. 2, DPMin est applicable.13
24
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 24 - 1 Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
1    Quiconque a intentionnellement décidé autrui à commettre un crime ou un délit encourt, si l'infraction a été commise, la peine applicable à l'auteur de cette infraction.
2    Quiconque a tenté de décider autrui à commettre un crime encourt la peine prévue pour la tentative de cette infraction.
Répertoire ATF
69-IV-97 • 70-IV-101 • 73-IV-216
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
assassinat • autorisation ou approbation • code pénal • cour de cassation pénale • doute • décision • fuite • membre d'une communauté religieuse • montre • plan sectoriel • tombe • tribunal criminel • tribunal fédéral • vaud • vue • à vie