BGE 72 III 120
30. Arrêt du 13 décembre 1946 dans la cause Dame Barrichi-Diot.
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Regeste:
Saisie de salaire au préjudice d'une femme mariée travaillant dans
l'entreprise du mari (art. 93
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 93 - 1 Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille. |
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1 | Tous les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinés à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille. |
2 | Ces revenus peuvent être saisis pour un an au plus à compter de l'exécution de la saisie. Si plusieurs créanciers participent à la saisie, le délai court à compter du jour de l'exécution de la première saisie effectuée à la requête d'un créancier de la série en cause (art. 110 et 111). |
3 | Si, durant ce délai, l'office a connaissance d'une modification déterminante pour le montant de la saisie, il adapte l'ampleur de la saisie aux nouvelles circonstances. |
4 | Sur demande du débiteur, l'office ordonne à l'employeur de ce dernier de verser en plus à l'office, pour la durée de la procédure de saisie des revenus, le montant nécessaire au paiement des créances en cours au titre des primes et des participations aux coûts de l'assurance obligatoire des soins, pour autant que ces primes et ces participations aux coûts fassent partie du minimum vital du débiteur. L'office utilise ce montant pour régler directement à l'assureur les créances de primes et de participations aux coûts en cours.208 |
Le créancier d'une femme mariée qui prétend faire saisir la créance de salaire
que la débitrice aurait contre son mari doit alléguer les circonstances qui, à
ses yeux, permettent de dire que la femme ne se borne pas à fournir à son
conjoint l'aide prescrite par le droit de famille, mais qu'elle lui loue
véritablement ses services. A ce défaut, ou si les allégations du créancier ne
sont pas pertinentes, l'office refusera de donner suite à la réquisition de
saisie.
Lohnpfändung gegenüber einer im Geschäft ihres Ehemannes arbeitenden Frau
(Art. 93 SchKG 159 2 , 3 und 161 2 ZGB).
Will der Gläubiger einer Ehefrau eine dieser angeblich zustehende
Lohnforderung gegen den Ehemann pfänden lassen, so hat er die Umstände
darzulegen, aus denen er schliesst, dass die Schuldnerin ihrem Ehemann nicht
nur die ihr nach Familienrecht obliegende Hilfe leistet, sondern zu ihm in ein
Dienstverhältnis getreten ist. Fehlen solche Angaben, oder sind sie nicht
schlüssig, so ist dem Begehren um Lohnpfändung nicht zu entsprechen.
Pignoramento di salario a carico della maglie che lavora nell'azienda del
marito (art. 93 LEF, 159 cp. 2 e 3, 161 cp. 2 CC).
Il creditore della moglie che intendo far pignorare il credito dipendente da
salario ch'essa avrebbe contro suo marito, deve indicare le circostanze che,
secondo lui, permettono di concludere che la debitrice non si limita a fornire
a' suo marito l'aiuto prescritto dal diritto di famiglia, ma è vincolata a lui
da un contratto di lavoro. Se questi dati mancano o non sono concludenti,
l'ufficio rifiuterà di dar corso alla domanda di esecuzione.
A.La recourante exploitait à Boudry un commerce d'épicerie. En 1940, elle a
fait faillite. Après quelques opérations de liquidation, la faillite a été
suspendue faute d'actif. Dans la suite, la recourante a épousé un ancien
ouvrier d'une fabrique de ciment, âgé de 69 ans, au bénéfice d'une pension de
1400 fr. par an. Les époux sont séparés de biens. Sieur Barrichi exploite,
avec l'aide de sa femme, une petite épicerie à St-Sulpice. Il paie l'impôt sur
un revenu de 3800 fr., y compris la pension, et déduction faite de 600 fr. La
maison Fettprodukte A. G. est créancière de dame
Barrichi-Diot d'une somme de 107 fr. 70 pour livraisons faites à l'ancien
commerce de Boudry. Au début de 1946,
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elle a intenté une poursuite à sa débitrice. A la requête de la créancière,
l'Office des poursuites du Val-de-Travers a d'abord saisi une somme de 30 fr.
par mois sur le salaire de dame Barrichi-Diot en mains de son mari. Sur
plainte et recours de la débitrice, la saisie a été ramenée à 15 fr. par mois
(le minimum indispensable aux deux époux étant fixé à 300 fr. par mois). A la
suite d'une nouvelle plainte, l'Office a saisi la somme de 100 fr. par mois
sur son salaire comme employée de son mari. Le procès-verbal de saisie relate
notamment:
« La débitrice est desservante de l'épicerie exploitée... par Bernard
Barrichi. Le montant du salaire contesté auquel elle peut prétendre pour son
travail d'après les allégués de la créancière ... est de 250 fr. par mois. La
somme que la débitrice doit prélever sur ce salaire pour subvenir à ses
besoins dans la mesure du strict nécessaire à titre de contribution aux
charges du ménage est estimée par l'Office à 120 fr. par mois. La valeur des
prestations alimentaires que la débitrice déclare verser ... à sa mère est de
30 fr. par mois ... ».
B.Dame Barrichi-Diot a porté plainte contre cette saisie, par le motif
principal qu'elle ne touchait aucun salaire de son mari. Elle a été déboutée
par les deux autorités cantonales de surveillance.
C. La plaignante recourt au Tribunal fédéral en concluant à l'annulation de
cette décision et à la suppression de la saisie.
Considérant en droit:
Pour s'opposer à la saisie, la débitrice nie avant tout d'avoir aucune créance
contre son mari. Il est toutefois de jurisprudence que les créances et autres
droits pécuniaires peuvent être saisis et réalisés même lorsque leur existence
est contestée par le débiteur et comme en l'espèce par le ou les tiers
contre lesquels ils peuvent être exercés; l'office doit s'en tenir aux
allégations du créancier poursuivant (RO 31 I 167; 32 I 375; 36 I 779,
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éd. spéc. 8 p. 24, 9 p. 140, 13 p. 258; 62 III 160). C'est que, à la
différence des objets corporels, la réalité de ces avoirs ne peut pas être
constatée par les sens (ou par la consultation d'un registre), mais pose une
question de droit qu'il n'appartient pas aux autorités d'exécution de résoudre
(cf. RO 62 III 162). L'office des poursuites doit donc donner suite à la
réquisition de saisie sans égard à l'opinion qu'il peut avoir sur l'existence
du droit contesté. C'est le cas tout particulièrement pour les créances de
salaire que le poursuivant attribue à son débiteur. Mais encore faut-il que
cette allégation soit en quelque mesure spécifiée. A cet égard, si, dans la
généralité des cas, l'indication du nom de l'employeur et, le cas échéant, de
la nature de l'emploi sera suffisante, il n'en va pas de même lorsque le
poursuivant prétend faire saisir la créance de salaire qu'une femme aurait
contre son mari pour le travail qu'elle accomplit dans l'entreprise de ce
dernier.
Aux termes de l'art. 161 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 161 - Chacun des époux conserve son droit de cité cantonal et communal. |
vue de la prospérité commune (cf. art. 159 al. 2
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
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1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
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1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |
la femme, outre la direction du ménage (art. 161 al. 3), collabore dans la
mesure de ses forces avec son mari dans l'exercice de sa profession ou de son
industrie si la situation des époux et le genre de travail le justifient et
autant que le soin du ménage et des enfants n'en souffre pas (cf. EGGER,
Commentaire, 2e édition, note 13 à l'art. 161). Il est ainsi très généralement
admis que la femme aide son mari dans l'exploitation d'un magasin (Rev. des
jur. bern., t. 50 p. 136), d'un domaine ou d'une entreprise artisanale, sans
être rémunérée autrement que par une participation (actuelle et future) à la
prospérité commune. Il peut en aller autrement dans une industrie ou un
commerce important où la femme fait tout le travail d'un employé, tandis que
son ménage est tenu par du personnel spécialement engagé à cet effet. En
revanche, lorsqu'il s'agit d'une petite entreprise de caractère familial, que
le mari ne pourrait pas exploiter seul mais qui cesserait d'être viable s'il
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fallait payer normalement une employée, c'est, sauf preuve du contraire, en
vertu du droit de famille que la femme collabore avec son mari. On n'est pas
ici dans un cas où « d'après les circonstances, ce travail ne devait être
fourni que contre salaire » (art. 320 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 320 - 1 Sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale. |
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1 | Sauf disposition contraire de la loi, le contrat individuel de travail n'est soumis à aucune forme spéciale. |
2 | Il est réputé conclu lorsque l'employeur accepte pour un temps donné l'exécution d'un travail qui, d'après les circonstances, ne doit être fourni que contre un salaire. |
3 | Si le travailleur fournit de bonne foi un travail pour l'employeur en vertu d'un contrat qui se révèle nul par la suite, tous deux sont tenus de s'acquitter des obligations découlant des rapports de travail, comme s'il s'agissait d'un contrat valable, jusqu'à ce que l'un ou l'autre mette fin aux rapports de travail en raison de l'invalidité du contrat. |
la situation de la femme qui aide son mari est très différente de celle du
mari dans l'entreprise de sa femme. Le mari a envers l'épouse et les enfants
une obligation d'entretien dont il ne peut en général s'acquitter que s'il est
indemnisé pour le travail accompli dans l'entreprise. Il est dès lors naturel
de supposer qu'il touche un salaire. La femme mariée, elle, n'est obligée
d'entretenir son mari que dans des cas exceptionnels, si bien qu'en ce qui la
concerne, on n'a pas lieu de présumer l'existence d'un contrat de travail.
Sans doute l'aide que la femme apporte à son mari dans sa profession ou son
industrie a-t-elle une valeur économique. Mais cette valeur n'est pas dans le
commerce, et la contre-partie due par le mari sous forme d'entretien ou
d'autres avantages ne constitue pas, dans la règle, un « salaire » qui puisse
être saisi.
Lors donc que le créancier d'une femme mariée entend mettre la main sur la
rétribution à laquelle elle aurait droit comme collaboratrice de son mari, il
ne saurait se contenter à cet égard d'une simple affirmation. Il faut qu'il
précise les circonstances qui, à ses yeux, permettent de dire que la femme ne
se borne pas à fournir à son mari l'aide prescrite par le droit de famille,
mais que - en dépit peut-être des apparences elle lui loue véritablement ses
services. Si les circonstances invoquées sont pertinentes que, par exemple,
le créancier invoque l'existence d'un contrat formel entre les époux, ou le
fait que rien n'a été changé depuis leur mariage aux rapports de service ou de
société existant entre eux auparavant, l'office des poursuites devra saisir,
à titre de créance contestée, le salaire allégué ou du moins la part de ce
salaire qui excède la contribution de la femme aux charges du mariage (RO 68
III 85). Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque les faits avancés
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par le créancier ne sont nullement de nature à faire supposer que la femme est
l'employée (ou l'associée) de son mari, le préposé refusera de donner suite à
la réquisition de saisie. C'est en vertu d'un pouvoir de contrôle semblable
que l'office ne porte pas à l'inventaire de l'art. 283
SR 281.1 Loi fédérale du 11 avril 1889 sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) LP Art. 283 - 1 Le bailleur de locaux commerciaux peut requérir l'office, même sans poursuite préalable, de le protéger provisoirement dans son droit de rétention (art. 268 et s. et 299c CO504).505 |
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1 | Le bailleur de locaux commerciaux peut requérir l'office, même sans poursuite préalable, de le protéger provisoirement dans son droit de rétention (art. 268 et s. et 299c CO504).505 |
2 | Il peut aussi, s'il y a péril en la demeure, requérir l'assistance de la force publique ou des autorités communales. |
3 | L'office dresse inventaire des objets soumis au droit de rétention et assigne au bailleur un délai pour requérir la poursuite en réalisation des gages. |
manifestement ne servent ni à l'aménagement ni à l'usage des lieux loués (RO
59 III 68; 61 III 78), qu'il n'ouvre pas la procédure de tierce opposition
lorsque, d'après les indications mêmes du revendiquant, il apparaît d'emblée
que le droit invoqué ne saurait exister; dans un cas celui de l'art. 10 ORI
l'office jouit d'un droit d'examen plus étendu encore; il ne saisit les
immeubles inscrits au registre foncier au nom d'un tiers que si le créancier
rend vraisemblable qu'ils répondent, à un titre ou à un autre, des dettes du
débiteur poursuivi. Le refus de l'office de saisir une prétendue créance de
salaire de la femme contre son mari prive sans doute le poursuivant de la
faculté de se faire céder, déléguer ou adjuger la créance contestée et
d'actionner ensuite le mari, tiers débiteur, pour faire constater l'existence
de la dette. Mais en des cas semblables, où il s'agit d'éviter pour toutes les
parties des procès inutiles et coûteux, les intérêts du poursuivant
apparaissent suffisamment garantis par son droit de porter un refus injustifié
devant les autorités de surveillance, le cas échéant, jusque devant le
Tribunal fédéral.
En l'espèce, la poursuivante s'est bornée à soutenir que, par son travail, la
débitrice permettait à son mari d'économiser les frais d'une employée, soit
250 fr. par mois. Mais, quand cela serait, on n'en pourrait encore inférer
l'existence entre époux d'un rapport d'employeur à employé. La créancière n'a
avancé aucunes circonstances qui permettraient de dire que, dans le petit
magasin d'épicerie exploité par le mari, la femme fait autre chose que prêter
à ce dernier l'aide à laquelle l'oblige le droit de famille, et il n'a pas été
allégué non plus que les parties aient, par contrat, réglé leurs rapports
d'une autre manière. Au surplus, à s'en tenir du moins à la taxation fiscale,
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les revenus du ménage, y compris la pension de retraite du mari, sont tels
qu'il est impossible de considérer la débitrice comme occupant la place d'une
employée touchant un salaire normal.
Dans ces conditions, c'est à tort que l'office des poursuites et les autorités
de surveillance cantonales ont ordonné la saisie d'une créance de dame
Barrichi contre son mari. Cette saisie doit donc être annulée.
La Chambre des poursuites et des faillites prononce:
Le recours est admis, la décision cantonale est annulée et la saisie pratiquée
au préjudice de la recourante est supprimée.