S. 268 / Nr. 68 Familienrecht (f)

BGE 62 II 268

68. Arrêt de la IIe Section civile du 10 décembre 1936 dans la cause Leuba
contre Leuba.


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Regeste:
Qualité pour former une demande d'interdiction.

A. ­ Par exploit du 30 mars 1936, Dame Elise Leuba et ses deux fils Willy et
Francis Leuba ont demandé l'interdiction de Dame Berthe Leuba née Spiess, leur
bru et belle-soeur, pour cause de prodigalité et de mauvaise gestion.
Par décision du 22 juin 1936, l'Autorité tutélaire de Neuchâtel a fait droit à
la demande.
Sur recours de Dame Berthe Leuba, cette décision a été annulée par l'Autorité
tutélaire de surveillance du Canton de Neuchâtel le 5 octobre 1936. L'Autorité
de surveillance relève qu'à teneur de l'art. 30 de la loi neuchâteloise
d'introduction du Code civil suisse, l'interdiction ne peut être prononcée
qu'à la requête de la personne à interdire, de son conjoint ou de ses parents
jusques et y compris le quatrième degré, qu'en l'espèce la requête n'émanait
pas de parents mais d'alliés, et qu'en outre l'interdiction avait été
prononcée sans enquêtes suffisantes.
B. ­ Dame Elise Leuba, Willy et Francis Leuba, c'est-à-dire la belle-mère et
les deux beaux-frères, ont formé contre la décision de l'Autorité de
surveillance un recours de droit civil aux termes duquel ils ont conclu à ce
qu'il plaise au Tribunal fédéral principalement annuler la décision en
question ­ ce qui impliquerait selon eux, semble-t-il, le maintien de la
décision de l'Autorité tutélaire inférieure ­ et subsidiairement, renvoyer la
cause à l'Autorité cantonale en vue d'un complément d'instruction et d'une
nouvelle décision.
Considérant en droit:
1. ­ La jurisprudence relative à la question des personnes habiles à former
une demande d'interdiction a passablement varié. Après avoir commencé par
affirmer le caractère

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purement officiel de la procédure d'interdiction, instituée, disait-on, dans
l'intérêt exclusif de la personne à interdire, et dénié en conséquence aux
parents de celle-ci le droit de demander son interdiction, sauf le cas où la
gestion de cette personne les exposerait à tomber dans le dénuement (arrêt
Huber c. Bâle-Ville du 21 novembre 1912; RO 38 II 448 et suiv.), le Tribunal
fédéral en est venu à faire même abstraction de cette dernière hypothèse et à
dénier toute possibilité d'intervention des parents, laissant aux seules
autorités le soin de juger de l'opportunité d'une procédure d'interdiction
(arrêt Tissot c. Tissot du 22 décembre 1913; RO 39 II 610 et suiv.). Cette
solution, il faut le reconnaître, présentait de graves inconvénients; elle
risquait en effet de sacrifier à des considérations théoriques non seulement
les intérêts de la famille mais ceux de la société et ceux-là mêmes de la
personne à interdire. Aussi, dans l'arrêt suivant (arrêt Koch c. Koch du 9
décembre 1915; RO 41 II 637), le Tribunal fédéral proclamait-il qu'il
appartenait aux cantons de pourvoir à la protection des tiers, soit en
reconnaissant à ceux-ci le droit de se porter partie au procès en
interdiction, soit en organisant la procédure officielle en tenant compte de
ces intérêts; en d'autres termes, que la question de la qualité pour former
une demande d'interdiction était une question de procédure qui, comme telle,
échappait à sa compétence. Cette solution, à laquelle le Tribunal fédéral
s'est tenu depuis lors (cf. RO 46 II 3; 52 II 418) n'est pas entièrement
satisfaisante non plus. Admettre ­ comme on l'a fait dans l'arrêt de 1915 et
ce qui est d'ailleurs incontestable ­ que l'interdiction est une mesure que
peut commander dans certaines circonstances l'intérêt de la famille,
c'est-à-dire des parents, et non pas seulement l'intérêt de la personne à
interdire, c'est reconnaître implicitement que le défaut d'interdiction est
une circonstance de nature à compromettre des intérêts d'ordre privé, et si
l'on admet qu'il y a des intérêts privés en jeu, autrement dit qu'il s'agit en
partie tout au moins d'une matière régie par la

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législation fédérale (droit et devoir d'assistance au sens de l'art. 328
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 328 - 1 Chacun, pour autant qu'il vive dans l'aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin.
1    Chacun, pour autant qu'il vive dans l'aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin.
2    L'obligation d'entretien des père et mère et du conjoint ou du partenaire enregistré est réservée.442
CC),
il faut également convenir que les parents à qui compète ce droit ou à qui
incombe ce devoir ont, de par la législation fédérale elle-même, un droit à
solliciter la protection que l'interdiction est censée leur assurer. Des
considérations d'ordre pratique justifient d'ailleurs l'octroi de cette
faculté, car elle constitue en fait le seul moyen qu'ont les parents de
sauvegarder leurs intérêts. L'arrêt de 1915 invoque bien, il est vrai, pour
atténuer les conséquences du refus de la qualité nécessaire pour former une
demande d'interdiction, le droit qu'ils auraient de s'en prendre aux autorités
tutélaires pour le dommage qui résulterait de l'inaction de celles-ci, mais,
ainsi qu'on l'a jugé depuis (RO 53 II 365 et suiv.), l'action en
responsabilité de l'art. 426
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 426 - 1 Le commissionnaire doit tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, l'informer sans délai de l'exécution de la commission.
1    Le commissionnaire doit tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, l'informer sans délai de l'exécution de la commission.
2    Il n'a l'obligation d'assurer les choses formant l'objet du contrat que si le commettant lui en a donné l'ordre.
CO n'appartient en réalité qu'au pupille et à ses
ayants droit, de sorte qu'avec la jurisprudence actuelle on risque d'aboutir à
cette situation de parents absolument désarmés devant un des leurs en train de
dilapider sa fortune et exposés cependant à devoir peut-être l'entretenir un
jour. Ce résultat n'ayant certainement pas été voulu par le législateur, il
convient de mettre la jurisprudence en accord avec les nécessités de la
pratique et d'admettre qu'en vertu du droit fédéral ont en réalité qualité
pour former une demande d'interdiction basée sur des motifs d'ordre
économique, tous ceux qui auraient un droit ou une obligation légale
d'entretien envers la personne dont l'interdiction est en cause dans le cas où
soit eux-mêmes soit la personne à interdire tomberaient dans le dénuement.
Quant à ceux que la législation cantonale déclarerait également habiles à
former une demande d'interdiction pour les mêmes motifs, en plus des personnes
sus-visées, ils devront être réputés agir en vertu d'une délégation tacite des
pouvoirs de l'autorité publique.
2. ­ Pour ce qui est du cas particulier, il suffit de relever qu'en tant qu'il
s'agit de Dame Elise Leuba et de Willy et Francis Leuba, ils n'ont, ni en
vertu du droit fédéral ni en vertu du droit cantonal, qualité pour demander
l'interdiction

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de leur bru et belle-soeur, Dame Leuba née Spiess. En effet, d'une part, ils
n'ont ni droit ni obligation alimentaire quelconque envers elle et, d'autre
part, l'art. 30 de la loi neuchâteloise d'introduction du Code civil suisse ne
confère qualité pour former une demande d'interdiction qu'au conjoint et aux
parents jusqu'au quatrième degré, à l'exclusion des alliés.
En tant que formé au nom des enfants de Dame Leuba née Spiess, le recours est
irrecevable, les enfants étant encore sous la puissance paternelle de leur
mère et les recourants ne justifiant d'aucun titre en vertu duquel ils
pourraient agir pour eux.
Le Tribunal fédéral prononce:
Il n'est pas entré en matière sur le recours en tant qu'il est formé au nom
des mineurs Juliette et André Leuba. Le recours est rejeté en tant qu'il est
formé par Dame Elise Leuba et Willy et Francis Leuba.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 62 II 268
Date : 01 janvier 1936
Publié : 10 décembre 1936
Source : Tribunal fédéral
Statut : 62 II 268
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Qualité pour former une demande d'interdiction.


Répertoire des lois
CC: 328
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 328 - 1 Chacun, pour autant qu'il vive dans l'aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin.
1    Chacun, pour autant qu'il vive dans l'aisance, est tenu de fournir des aliments à ses parents en ligne directe ascendante et descendante, lorsque, à défaut de cette assistance, ils tomberaient dans le besoin.
2    L'obligation d'entretien des père et mère et du conjoint ou du partenaire enregistré est réservée.442
CO: 426
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 426 - 1 Le commissionnaire doit tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, l'informer sans délai de l'exécution de la commission.
1    Le commissionnaire doit tenir le commettant au courant de ses actes et, notamment, l'informer sans délai de l'exécution de la commission.
2    Il n'a l'obligation d'assurer les choses formant l'objet du contrat que si le commettant lui en a donné l'ordre.
Répertoire ATF
38-II-448 • 39-II-608 • 41-II-637 • 46-II-1 • 52-II-418 • 53-II-363 • 62-II-268
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • autorité tutélaire • code civil suisse • autorité de surveillance • droit fédéral • tombe • décision • bâle-ville • beau-frère • membre d'une communauté religieuse • neuchâtel • intérêt privé • exclusion • parlement • autorité législative • enfant • action en responsabilité • ayant droit • vue • droit cantonal
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