111 Ib 62
14. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 29 mai 1985 dans la cause G. contre Commission de libération conditionnelle du canton de Genève (recours de droit administratif)
Regeste (de):
- Art. 103 lit. a OG. Mangelndes schutzwürdiges Interesse.
- Das Opfer eines Diebstahls hat kein schutzwürdiges Interesse daran, dass der Entscheid über die bedingte Entlassung des Täters aufgehoben wird.
Regeste (fr):
- Art. 103 lettre a OJ. Défaut d'intérêt digne de protection.
- La victime d'un vol n'a pas d'intérêt digne de protection à ce que la décision de libération conditionnelle de l'auteur soit annulée.
Regesto (it):
- Art. 103 lett. a OG. Assenza di un interesse degno di protezione.
- La vittima di un furto non ha un interesse degno di protezione a che sia annullata la liberazione condizionale del suo autore.
Erwägungen ab Seite 62
BGE 111 Ib 62 S. 62
Considérant en droit:
1. S., anciennement portier de nuit de l'Hôtel Z., à Genève, a reconnu avoir soustrait 30'000 francs à son employeur. En janvier 1985, la Cour correctionnelle du canton de Genève l'a condamné pour vol à une peine de 18 mois de réclusion (sous déduction de 10 mois et 12 jours de détention préventive) et à 10 ans d'expulsion du territoire suisse, ainsi qu'à payer la somme de 30'000 francs, plus intérêts à 5% dès le 15 mars 1984, sous réserve des droits de la partie civile pour le surplus.
Le condamné a été incarcéré à Champ-Dollon. Sa sortie définitive de prison a été fixée au 16 septembre 1985. Le 12 mars 1985, la Commission de libération conditionnelle du canton de Genève a décidé d'accorder au condamné sa libération conditionnelle pour le 16 mars 1985 avec un délai d'épreuve de 5 ans, l'expulsion étant maintenue ainsi que l'obligation de rembourser, dans le temps du délai d'épreuve, le préjudice reconnu. Le lésé forme un recours de droit administratif contre la décision de libération conditionnelle et demande, avec suite de dépens, que soit refusée la libération conditionnelle du condamné. Le recourant soutient pour l'essentiel que le délinquant a fait disparaître les producta sceleris (soit l'argent volé, respectivement le prix de vente d'un terrain acquis avec cet argent et revendu depuis lors) qui se trouvaient au Portugal; il aurait agi depuis la prison, avec la complicité de son épouse, comportement qui devrait exclure tout pronostic favorable au sens de l'art. 38 ch. 1 al. 1 CP.
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2. Aux termes de l'art. 103 lettre a OJ, a qualité pour former un recours de droit administratif quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée. Cette disposition ne vise pas n'importe quel intérêt, mais s'applique seulement si le recourant possède un intérêt spécial, notable et qui soit en rapport étroit avec l'objet du litige (ATF 109 Ib 200 et références); l'intérêt à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée doit découler de cette relation étroite avec l'objet du litige (ATF 106 V 188 consid. 1 et références; voir ATF 109 V 59 consid. 1). En l'espèce, il n'est pas douteux qu'en sa qualité de lésé le recourant possède un intérêt pécuniaire, spécial, direct et actuel. Cependant, cet intérêt n'a de rapport qu'avec la réparation du dommage pécuniaire subi. Or ici, il ne s'agit que de la libération conditionnelle du délinquant et nullement de la réparation du dommage. Vu sous l'angle de cette réparation, l'intérêt du recourant n'est pas dans le refus de la libération conditionnelle, au contraire; si la libération conditionnelle avait été refusée et si le condamné avait complètement subi sa peine, aucun délai d'épreuve n'aurait pu être fixé; du même coup, aucune règle de conduite en vue de réparer le dommage durant ce délai d'épreuve n'aurait pu être érigée en condition. Sur le plan de la réparation du dommage, le recourant se trouve ainsi dans une situation plus favorable que si la libération conditionnelle avait été refusée; en effet, la décision attaquée prévoit la réparation du dommage comme condition, ce qui permettrait d'ordonner la réintégration au cas où - nonobstant l'avertissement formel de l'autorité compétente - le libéré enfreindrait la règle de conduite (art. 38 ch. 4 al. 2 CP). Dès lors, le recourant est dépourvu d'un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit annulée ou modifiée, ce qui rend irrecevable le recours. Cette solution se trouve encore renforcée par le raisonnement suivant. Selon la jurisprudence, le lésé et le plaignant n'ont pas la qualité pour se pourvoir en nullité en matière pénale lorsqu'il s'agit d'une infraction poursuivie d'office (art. 270 al. 1 PPF); ils ne possèdent pas non plus - sous réserve d'hypothèses qui ne se présentent pas ici - la qualité pour former un recours de droit public contre une décision qui met fin à la poursuite pénale (non-lieu, par exemple) ou qui libère le prévenu (ATF 108 Ia 99 consid. 1). Il en résulte que l'on ne voit pas pourquoi ces droits, qui sont déniés au lésé dans le cadre de la poursuite pénale - stade
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plus important pour lui que l'exécution -, lui seraient conférés lorsqu'il s'agit de l'exécution de la peine. (...)
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Déclare le recours irrecevable.