Urteilskopf

101 Ia 473

77. Arrêt du 8 octobre 1975 en la cause R. et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Sachverhalt ab Seite 474

BGE 101 Ia 473 S. 474

Le 8 août 1956, se référant aux dispositions de l'art. 37 ch. 3, 4, 7 et 49 de la loi pénale genevoise, le Conseil d'Etat du canton de Genève a édicté un règlement concernant la tranquillité publique. Le 28 août 1974, le Conseil d'Etat a complété ce règlement par un nouvel art. 11A, dont la teneur est la suivante: Art. 11A: Prostitution.
Il est interdit de se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée et, en règle générale, de manière à troubler l'ordre public.

BGE 101 Ia 473 S. 475

Par la voie d'un recours de droit public, plusieurs prostituées demandent au Tribunal fédéral d'annuler le règlement du Conseil d'Etat du canton de Genève du 28 août 1974, modifiant le règlement du 8 août 1956 sur la tranquillité publique, "en tant qu'il interdit la prostitution sur la voie publique pendant la journée".
Erwägungen

Considérant en droit:

1. a) Aux termes de l'art. 88
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
OJ, le recours de droit public est ouvert aux particuliers contre les arrêtés ou décisions qui les concernent directement ou qui sont d'une portée générale. Lorsque le recours est dirigé contre un arrêté de portée générale, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts juridiquement protégés sont effectivement ou virtuellement touchés par l'acte attaqué (RO 99 Ia 264 ss consid. 1). Les recourantes, qui exercent professionnellement une activité en soi non punissable, sont directement atteintes dans leurs intérêts juridiquement protégés, puisque l'arrêté entrepris interdit de se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée. A cet égard, le fait que le Tribunal fédéral a qualifié la prostitution d'"inconduite" au sens de l'art. 370
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 370 - 1 Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
1    Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
2    Elle peut également désigner une personne physique qui sera appelée à s'entretenir avec le médecin sur les soins médicaux à lui administrer et à décider en son nom au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Elle peut donner des instructions à cette personne.
3    Elle peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où la personne désignée déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait.
CC (RO 83 II 274), de "scandale public" (RO 81 IV 110) ou de "mal" (RO 68 IV 43) n'est pas déterminant (arrêt X. c. Conseil de la ville de Zurich et Conseil d'Etat du canton de Zurich, du 13 juin 1973, consid. 1 non publié).
b) Selon l'art. 90 al. 1 lit. b
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 370 - 1 Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
1    Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
2    Elle peut également désigner une personne physique qui sera appelée à s'entretenir avec le médecin sur les soins médicaux à lui administrer et à décider en son nom au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Elle peut donner des instructions à cette personne.
3    Elle peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où la personne désignée déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait.
OJ, les moyens invoqués à l'appui du recours de droit public doivent l'être dans le délai de trente jours prévu à l'art. 89
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 370 - 1 Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
1    Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
2    Elle peut également désigner une personne physique qui sera appelée à s'entretenir avec le médecin sur les soins médicaux à lui administrer et à décider en son nom au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Elle peut donner des instructions à cette personne.
3    Elle peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où la personne désignée déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait.
OJ, la réplique n'étant destinée qu'à permettre de répondre aux arguments développés par l'autorité à l'appui de sa décision. Des griefs soulevés pour la première fois dans la réplique sont dès lors, en principe, irrecevables (RO 98 Ia 494 consid. 1b). Il en est ainsi, en l'espèce, du moyen tiré d'une prétendue violation du principe de la force dérogatoire du droit fédéral.
2. Le présent recours est fondé principalement sur l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. Il importe donc d'examiner si les recourantes, qui s'adonnent à la prostitution professionnellement, peuvent en principe invoquer la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie. a) L'art. 11A du règlement des 8 août 1956/28 août 1974

BGE 101 Ia 473 S. 476

concernant la tranquillité publique interdit de "se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée". Dans sa forme, cette disposition n'est guère satisfaisante. La débauche professionnelle ou la prostitution en tant que telle n'est pas punissable et ne peut pas non plus être déclarée punissable par le droit cantonal réservé par l'art. 335 ch. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP (RO 99 Ia 507/508). Le législateur fédéral s'est borné à prévoir la répression de certaines activités préalables, de certains excès et de certaines manifestations secondaires de la prostitution (cf. notamment les art. 206
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
, 207
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
et 210
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP). Ainsi, l'art. 206
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP, qui vise le racolage, tend à protéger les bonnes moeurs et à prévenir les réactions que les prostituées provoquent en offrant leur corps d'une façon reconnaissable pour chacun. Mais cette disposition n'entend pas incriminer toute promenade d'une prostituée sur la voie publique en vue de rechercher des clients (LOGOZ, Commentaire, n. 2 ad art. 206
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP, p. 360/361). Or c'est précisément cela que le règlement litigieux veut interdire, du moins pendant la journée. b) La doctrine et la jurisprudence ont toujours interprété la notion de commerce et d'industrie dans un sens large. Au regard de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst., une industrie est toute activité rétribuée exercée professionnellement (RO 87 I 271, 80 I 143, 67 I 87). Dès lors, l'exercice d'une activité professionnelle à des fins lucratives (RO 63 I 219) ou dans le but d'en tirer un revenu (RO 87 I 271 et les arrêts cités) bénéficie en principe de la garantie constitutionnelle de la liberté du commerce et de l'industrie. En interdisant la prostitution sur la voie publique pendant la journée, la disposition réglementaire litigieuse vise exclusivement l'activité professionnelle des prostituées. Dans la mesure où celle-ci n'est pas punissable en vertu de l'art. 206
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP (RO 95 IV 132 consid. 1), les recourantes peuvent en principe bénéficier de la protection de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst.; le Conseil d'Etat genevois ne le conteste d'ailleurs pas et, dans son arrêt du 13 juin 1973, le Tribunal fédéral l'a implicitement admis (RO 99 Ia 509 ss consid. 4). Le fait que la prostitution puisse être considérée comme contraire aux moeurs n'a pas pour effet de priver les personnes qui s'y livrent professionnellement du droit d'invoquer l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. (cf. HANS MARTI, Handels- und Gewerbefreiheit, p. 62 n. 33).
3. a) Le Conseil d'Etat genevois considère toutefois que les recourantes font un usage commun accru du domaine
BGE 101 Ia 473 S. 477

public et qu'elles ne peuvent, pour ce motif, bénéficier de la protection de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. Les recourantes ne contestent pas qu'elles utilisent les voies publiques à des fins professionnelles en s'y postant en vue de rechercher des clients; mais elles soutiennent que l'on ne saurait y voir un usage commun accru. Elles en tirent dès lors deux conclusions. Limitant l'usage commun du domaine public, le règlement litigieux devrait reposer sur une base légale; or celle-ci fait défaut en l'espèce. Par ailleurs, la disposition litigieuse violerait l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst., en ne respectant pas le principe de la proportionnalité.
b) La doctrine et la jurisprudence distinguent trois formes d'usage du domaine public par les administrés: l'usage commun, l'usage commun accru, qui exige une autorisation, et l'usage particulier, qui dépend d'une concession. Lorsque l'autorité subordonne à l'octroi d'une autorisation ou d'une concession toute utilisation du domaine public qui excède l'usage commun de celui-ci, elle peut le faire valablement même si aucune base légale ne le prévoit. En revanche, dans la mesure où elle limite l'usage commun (ou collectif), elle ne peut agir qu'en vertu de la loi (GRISEL, Droit administratif suisse, p. 281; BLAISE KNAPP. L'exercice du droit d'initiative sur la place publique, in SJ 94/1972, p. 420 ss; RO 100 Ia 136 consid. 5b et les arrêts cités, 398 consid. 3). Le moyen que les recourantes tirent d'une prétendue absence de base légale ne devrait donc être examiné que si l'on considère qu'en recherchant leurs clients sur la voie publique, les prostituées exercent leur activité dans le cadre de l'usage commun. Dans son arrêt publié au RO 99 Ia 510, le Tribunal fédéral a réservé cette question. Celle-ci peut également rester ouverte en l'espèce, s'il appert qu'une base légale existe et si l'on admet en outre que celui qui fait un usage commun accru du domaine public à des fins commerciales peut invoquer l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. Dans cette hypothèse en effet, le Tribunal fédéral jouira du même pouvoir d'examen, quelle que soit l'intensité de l'utilisation des voies publiques par les recourantes.
4. a) Les recourantes soutiennent qu'en vertu du droit public genevois, le Conseil d'Etat ne pouvait édicter le règlement attaqué que s'il agissait en vertu d'une délégation législative expresse ou si le règlement avait le caractère d'une disposition d'exécution. Elles se réfèrent à cet égard à plusieurs dispositions de la constitution genevoise, notamment aux art. 116 ("Le Conseil d'Etat promulgue les lois; il est chargé de leur
BGE 101 Ia 473 S. 478

exécution et prend à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires") et 125 ("Le Conseil d'Etat édicte les règlements de police dans les limites prévues par la loi. Il en ordonne et en surveille l'exécution"). Le Conseil d'Etat affirme qu'il avait la compétence d'édicter le règlement litigieux en vertu d'une coutume bien établie, que le Tribunal fédéral déclare pouvoir considérer comme une base légale suffisante (RO 84 I 95 consid. 4, 83 I 247 consid. 3). Il ne donne toutefois aucune précision quant à l'existence d'une telle coutume en droit public genevois. C'est également à tort qu'il entend fonder sa compétence sur un pouvoir général de police, conféré à l'exécutif cantonal aux fins de lui permettre de maintenir ou de rétablir l'ordre public; il ne prétend pas avoir été dans un état de nécessité qui l'aurait contraint à prendre des mesures d'urgence (cf. RO 100 Ia 146 consid. 4a et b). b) Aux termes de l'art. 38 de la loi pénale genevoise, du 20 septembre 1941, "le Conseil d'Etat est chargé de faire les règlements concernant les matières de police prévues dans la présente loi". Il y a donc bien une délégation de pouvoir en faveur de l'exécutif genevois pour réglementer les actes que le législateur a érigés en contraventions de police, soit dans les cas visés à l'art. 37 ch. 3 et 4 de la loi pénale. A la rigueur, on pourrait aussi admettre que le Conseil d'Etat a ainsi reçu du législateur les pouvoirs nécessaires pour édicter, compléter, modifier ou abroger des règlements de police dans les domaines que visent expressément les divers chiffres de cet art. 37. Toutefois, on ne peut pas admettre que, par le texte du chiffre 49, le législateur ait voulu déléguer au Conseil d'Etat genevois une compétence générale d'édicter des règlements dans d'autres matières de police. En déclarant "passibles des arrêts et de l'amende ou de l'une de ces peines seulement ceux qui ont contrevenu à d'autres lois ou règlements cantonaux prévoyant des peines de police", le législateur a simplement fait un renvoi à toutes les autres lois ou règlements cantonaux qui, dans le respect des principes de la séparation des pouvoirs et de la légalité des peines, prévoient déjà des peines de police. C'est à tort que le Conseil d'Etat voit dans cette clause générale une délégation de pouvoir consentie globalement en sa faveur par le législateur genevois. L'art. 37 ch. 49 de la loi pénale ne peut donc pas constituer la base légale du règlement du 28 août 1974; il importe peu, à cet égard, que le règlement sur la tranquillité
BGE 101 Ia 473 S. 479

publique se réfère expressément aux ch. 3, 4, 7 et 49 de l'art. 37 de la loi pénale. c) Cependant, aux termes de l'art. 12 de la loi genevoise sur le domaine public, du 24 juin 1961, "chacun peut, dans les limites des lois et des règlements, utiliser le domaine public conformément à sa destination et dans le respect des droits d'autrui" et l'art. 24 al. 1 précise que "le Conseil d'Etat peut fixer par voie de règlement les modalités d'exécution de la présente loi"; les mêmes dispositions, relatives à l'utilisation des voies publiques et à la compétence réglementaire du Conseil d'Etat, se trouvent également dans la loi genevoise sur les routes du 28 avril 1967 (art. 55 et 96). Au surplus, l'art. 24 al. 2 de la loi sur le domaine public donne encore au Conseil d'Etat le pouvoir de "réglementer l'usage commun du domaine public". Ainsi, même si l'on devait considérer que les prostituées font seulement un usage commun ordinaire de la voie publique, il faudrait de toute façon constater que le législateur genevois a expressément délégué à l'exécutif la compétence de réglementer cet usage, comme aussi, et à plus forte raison, l'usage commun accru. C'est précisément ce que le Conseil d'Etat a fait en interdisant la prostitution sur la voie publique pendant la journée. Il est vrai qu'il n'a jamais déclaré fonder sa compétence réglementaire sur la loi sur le domaine public, mais il n'en a pas expressément écarté la référence. Le Tribunal fédéral peut donc la substituer à celle que, de manière inexacte, le Conseil d'Etat a faite à la loi pénale genevoise. Le grief d'absence de base légale n'est ainsi pas fondé.
5. a) Selon la jurisprudence, celui qui fait un usage commun accru du domaine public à des fins commerciales ne peut invoquer l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. Cette disposition constitutionnelle ne donne en effet aucun droit à une telle utilisation de la chose publique, et ce serait en méconnaître la nature que d'en déduire le droit à une prestation positive de l'Etat (RO 97 I 655/656, 73 I 209). Dès lors, le Tribunal fédéral n'examine que sous l'angle de l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
Cst. la réglementation de l'usage commun accru telle qu'elle est adoptée par les autorités cantonales, tenues d'éviter de commettre arbitraire, de prendre des mesures impliquant une inégalité de traitement ou de se baser sur de purs motifs de politique économique (RO 97 I 656 et les arrêts cités). Cette jurisprudence a été critiquée par plusieurs auteurs (cf. notamment HANS HUBER, in RJB 85/1949, p. 49 ss; ERNST
BGE 101 Ia 473 S. 480

ABDERHALDEN, in Wirtschaft und Recht I/1949, p. 210; 4/1952 p. 148). HANS MARTI (op.cit., p. 140 ss) souligne que la question n'est pas celle de savoir si l'administré peut tirer de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. un droit à l'usage privatif du domaine public à des fins commerciales, mais bien plutôt celle de déterminer si l'Etat peut, sans violer la liberté du commerce et de l'industrie, exclure ou limiter l'exercice d'une activité professionnelle impliquant l'usage commun ou l'usage commun accru du domaine public. PETER SALADIN ("Grundrechte im Wandel", p. 323 ss; "Unerfüllte Bundesverfassung", in RDS 93/1974, vol. I, p. 322/323) considère pour sa part qu'il ne se justifie pas de soustraire la réglementation de l'usage des choses publiques au respect des droits fondamentaux. Il convient dès lors de procéder à un nouvel examen de cette jurisprudence. b) Le Tribunal fédéral a avant tout considéré que la liberté du commerce et de l'industrie implique le droit à une abstention, et non à une prestation positive de l'Etat, et qu'elle ne comprend donc pas la faculté d'exercer une activité économique sur le domaine public en marge de l'usage commun. Mais, ainsi que le relève GRISEL (op.cit., p. 301), l'usage privatif d'une chose publique ne nécessite pas toujours une prestation positive de l'Etat. Celle-ci n'est pas requise en cas de vente de marchandises sur une route, par exemple, ou dans le cas de l'activité des recourantes, pour autant que l'on admette que celles-ci font un usage commun accru du domaine public. Il s'agira très souvent d'une simple tolérance de la part de l'Etat. Le raisonnement qui est à la base de la jurisprudence actuelle se heurte donc à une objection. Il n'est pas valable sur un plan général, ce qui vicie la solution jurisprudentielle à laquelle il conduit. Il est vrai que l'usage privatif du domaine public peut être soumis à autorisation. Mais une telle exigence n'est pas en soi de nature à priver l'administré qui fait un usage commun accru des voies publiques à des fins commerciales du droit d'invoquer la liberté du commerce et de l'industrie. Il convient de relever, à cet égard, que le Tribunal fédéral a admis que la liberté de réunion et celle d'expression protègent des activités liées à un usage privatif du domaine public et qui peuvent, pour cette raison, être soumises à autorisation (RO 100 Ia 402 et les arrêts cités).

BGE 101 Ia 473 S. 481

Il faut enfin relever que le fait que le domaine public appartienne à la sphère étatique ne suffit pas, à lui seul, pour exclure toute application de l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
Cst. L'administré qui use de ce domaine à des fins commerciales se trouve dans la même situation que celui qui est lié à l'Etat par un rapport juridique spécial. L'un et l'autre doivent pouvoir jouir des libertés constitutionnelles dans la mesure où le but du domaine public ou du rapport spécial le permet. Le maintien de la jurisprudence actuelle ne se justifie donc pas. Il convient de la modifier en ce sens que l'administré qui fait un usage commun accru du domaine public aux fins d'y exercer une activité lucrative professionnelle peut invoquer la liberté du commerce et de l'industrie, dans la mesure où le but du domaine public le permet (cf. RO 99 Ia 399). c) Ainsi que l'a relevé le Tribunal fédéral dans l'arrêt publié au RO 97 I 656, ce changement de jurisprudence entraîne une extension de son pouvoir d'examen. Actuellement restreinte, sa cognition devient libre, sauf à faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des circonstances locales que les autorités cantonales sont mieux à même de saisir et d'apprécier (cf. RO 100 Ia 403 consid. 5 in fine et les arrêts cités).
6. Les autorités chargées de réglementer l'usage accru du domaine public doivent poursuivre des buts d'intérêt public, agir selon des critères objectifs et ne pas se fonder sur de pures considérations de politique économique. Les limitations apportées à un tel usage peuvent se baser sur des motifs autres que purement policiers (RO 99 Ia 399). Elles doivent respecter le principe de la proportionnalité. a) Dans son arrêt du 13 juin 1973 (RO 99 Ia 511 ss), le Tribunal fédéral a admis que les autorités pouvaient interdire aux prostituées de se tenir à certains endroits dans l'intention reconnaissable de se vouer à la prostitution, cette interdiction ayant pour but de maintenir la tranquillité et l'ordre publics et de protéger la santé publique. Les recourantes ne contestent pas en l'espèce que la réglementation litigieuse a été adoptée aux fins de donner aux organes de police les moyens de maintenir ou de rétablir la tranquillité et l'ordre publics. Elles affirment en revanche que le Conseil d'Etat genevois a violé le principe de la proportionnalité en leur interdisant de manière générale, pendant la journée, la recherche de clients sur les voies publiques.
BGE 101 Ia 473 S. 482

b) La réglementation zurichoise soumise en 1973 à l'examen du Tribunal fédéral consistait à interdire aux prostituées d'attendre et de rechercher leur clientèle sur les rues et places publiques entourées de maisons d'habitation (sauf dans les quartiers de plaisir, de 20 h à 3 h), aux arrêts des services de transports publics pendant les heures d'exploitation, à l'intérieur et aux environs des parcs accessibles au public, enfin aux abords des églises, écoles et hôpitaux. Ce règlement laissait à disposition des prostituées, de jour comme de nuit, une large portion du territoire de la commune, défini de manière précise par des plans. Ces mesures ont été jugées adéquates par le Tribunal fédéral. Le Conseil d'Etat genevois n'a pas suivi la proposition faite par les inspecteurs de la brigade des moeurs d'adopter à Genève une réglementation semblable. Il considère en effet que la situation genevoise est très différente de celle qui existe à Zurich et que les mesures approuvées par le Tribunal fédéral vont en réalité beaucoup plus loin que la disposition litigieuse. Il souligne à cet égard que la prostitution s'exerce à Genève dans le seul quartier des Pâquis et aux alentours de la rue du Vieux-Collège, de telle sorte que "parler d'une interdiction de la prostitution de rue sur l'ensemble du territoire cantonal genevois relève d'une conception des plus utopiques". Une telle opinion n'est toutefois pas fondée. Ayant à juger si la disposition litigieuse respecte le principe de la proportionnalité, le Tribunal fédéral ne peut que se fonder sur le texte attaqué. Or celui-ci interdit effectivement la recherche et l'attente de clients par les prostituées pendant la journée sur l'ensemble du territoire genevois. Le Conseil d'Etat ne saurait donc tirer argument du fait que, pratiquement, le texte incriminé ne devrait être appliqué que dans une portion réduite du territoire cantonal. Pour justifier cette interdiction générale, l'autorité exécutive cantonale fait état des nombreuses plaintes émanant des habitants et commerçants des quartiers touchés par la prostitution. Il convient toutefois de remarquer que ces doléances concernent essentiellement le bruit nocturne provoqué par l'activité des péripatéticiennes. Or, dans sa réponse au recours, le Conseil d'Etat souligne à juste titre que l'art. 11A du règlement sur la tranquillité publique n'a pas été attaque en ce qu'il interdit de se livrer à la prostitution sur la voie publique de manière à
BGE 101 Ia 473 S. 483

troubler l'ordre public et que cette disposition, si elle est violée, permettra l'intervention de l'autorité, de jour comme de nuit. En réalité, l'interdiction de se livrer à la prostitution pendant la journée a surtout pour but d'éviter aux habitants du quartier, en particulier aux enfants, le spectacle de femmes se vouant à la prostitution. Elle vise donc bien le maintien de la tranquillité et de l'ordre publics, voire la protection de la santé publique. Mais d'autres mesures que celle qui a été adoptée sont à même de permettre aux autorités d'atteindre leur but. A cet égard, une réglementation semblable à celle qui a été adoptée par les autorités zurichoises, et aménagée pour tenir compte des circonstances locales particulières, paraît suffisamment efficace. L'interdiction générale, valable sur l'ensemble du territoire genevois, viole en revanche le principe de la proportionnalité. Le recours doit dès lors être admis. Il convient donc d'annuler l'art. 11A du règlement concernant la tranquillité publique en tant qu'il interdit "de se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée". c) Il faut encore relever que la disposition litigieuse souffre de trop d'imprécision. Outre que les termes "se livrer à la prostitution" sont en l'espèce impropres, une interdiction de la recherche de clients sur la voie publique "pendant la journée" laisse une trop grande marge d'appréciation aux autorités de police chargées de veiller à son respect. Il importe d'ailleurs que celles-ci puissent se fonder sur un texte précis, qui ne prête pas à discussion.
7. Le recours étant admis en raison d'une violation du principe de la proportionnalité, il est inutile d'examiner les autres griefs formés par les recourantes. Celles-ci se plaignent d'être victimes d'une inégalité de traitement par rapport à leurs collègues de travail qui exercent leur activité de nuit. Ce grief paraît être dénué de fondement. Par ailleurs, les recourantes ne pouvaient en l'espèce tirer argument d'une prétendue violation de leur liberté personnelle (cf. RO 99 Ia 509 consid. 3).

Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet le recours en tant qu'il est recevable et annule l'art. 11A du règlement concernant la tranquillité publique dans la mesure où il interdit "de se livrer à la prostitution sur la voie publique pendant la journée".
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 101 IA 473
Date : 08 octobre 1975
Publié : 31 décembre 1976
Source : Tribunal fédéral
Statut : 101 IA 473
Domaine : ATF- Droit constitutionnel
Objet : Art. 31 Cst.; usage du domaine public par des prostituées aux fins d'y rechercher leur clientèle 1. Qualité pour recourir.
Classification : Changement de Jurisprudence


Répertoire des lois
CC: 370
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 370 - 1 Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
1    Toute personne capable de discernement peut déterminer, dans des directives anticipées, les traitements médicaux auxquels elle consent ou non au cas où elle deviendrait incapable de discernement.
2    Elle peut également désigner une personne physique qui sera appelée à s'entretenir avec le médecin sur les soins médicaux à lui administrer et à décider en son nom au cas où elle deviendrait incapable de discernement. Elle peut donner des instructions à cette personne.
3    Elle peut prévoir des solutions de remplacement pour le cas où la personne désignée déclinerait le mandat, ne serait pas apte à le remplir ou le résilierait.
CP: 206  207  209  210  335
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
Cst: 4 
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1    Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
2    Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches.
3    Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable.
4    Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation.
OJ: 88  89  90
Répertoire ATF
100-IA-131 • 100-IA-144 • 100-IA-392 • 101-IA-473 • 63-I-213 • 67-I-80 • 68-IV-40 • 73-I-209 • 80-I-139 • 81-IV-107 • 83-I-242 • 83-II-272 • 84-I-89 • 87-I-268 • 95-IV-131 • 97-I-653 • 98-IA-491 • 99-IA-262 • 99-IA-394 • 99-IA-504
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
domaine public • conseil d'état • voie publique • tribunal fédéral • usage commun accru • usage commun • ordre public • viol • examinateur • recours de droit public • nuit • pouvoir d'examen • activité lucrative • intérêt juridique • vue • droit public • qualité pour recourir • circonstances locales • soie • doctrine
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