Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A 295/2016
Arrêt du 29 novembre 2016
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Kiss, Présidente, Klett, Kolly, Hohl et Niquille.
Greffier : M. Piaget.
Participants à la procédure
X.________ SA, représentée par
Me Jean-François Marti,
recourante,
contre
Z.________,
représenté par Me Olivier Peter,
intimé.
Objet
action en contestation du loyer initial
(art. 270 al. 1 let. a CO); immeuble ancien;
fardeau de la preuve des loyers usuels du
quartier (art. 269a let. a CO); portée de
statistiques générales;
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du
canton de Genève, Chambre des baux et loyers,
du 4 avril 2016.
Faits :
A.
Par contrat de bail du 17 décembre 2013, X.________ SA, propriétaire de l'immeuble (ci-après: la bailleresse, défenderesse et recourante), a loué à Z.________ (ci-après: le locataire, demandeur et intimé) un appartement au 4e étage dans un immeuble à Genève, pour le loyer de 24'720 fr. par an, soit 2'060 fr. par mois, charges non comprises. Les parties discutent de la question de savoir s'il s'agit d'un trois pièces ou d'un trois pièces et demie, de même que celle de savoir s'il a une surface de 60 m2 ou une surface PPE de 68 m2. Le contrat de bail a été conclu pour une durée d'un an, du 1er février 2014 au 31 janvier 2015, renouvelable d'année en année, sauf résiliation signifiée avec un préavis de trois mois pour l'échéance.
La formule officielle de notification du loyer initial lors de la conclusion d'un nouveau bail, de la même date, mentionne que le loyer payé par l'ancien locataire s'élevait au même montant à compter du 1er janvier 2011 et que le loyer se situe dans les limites des loyers usuels du quartier (art. 269 et 269a CO).
En bref, l'immeuble date de 1929 et est resté en mains de la même propriétaire depuis cette époque. Il est situé à proximité des écoles, des commerces et des transports publics; l'entrée de l'immeuble est sécurisée par un code et un interphone. Des travaux de rénovation ont eu lieu en 2006-2007 (façades, peinture des volets et remplacement des stores, mais pas de travaux à l'intérieur des appartements). L'ascenseur a été rénové en 2005. L'appartement du locataire comprend une chambre, un salon, un hall, une cuisine, une salle de bains et un réduit, dispose de doubles vitrages, de placards et d'une bibliothèque intégrée et du téléréseau; il bénéficie d'une bonne isolation phonique. Depuis le salon et depuis le balcon, on a une vue directe sur le lac et le jet d'eau. Cet appartement n'a pas été complètement rénové avant sa remise au locataire, mais il a été repeint.
B.
Le 24 février 2014, le locataire a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en contestation du loyer initial, concluant notamment à ce que le caractère abusif du loyer soit constaté, que le loyer soit fixé à 840 fr. par mois, charges non comprises, sous réserve de modification, et que la bailleresse soit condamnée à lui rembourser le trop-perçu.
La conciliation ayant échoué et une autorisation de procéder lui ayant été délivrée, le locataire a déposé sa demande devant le Tribunal des baux et loyers le 25 mai 2014. Il a conclu préalablement qu'il soit ordonné à la bailleresse de produire toutes les pièces permettant d'effectuer un calcul de rendement net de la chose louée. Invoquant les statistiques genevoises de mai 2013 sur le niveau des loyers à Genève, il a relevé que le loyer moyen d'un trois pièces situé dans un immeuble construit entre 1910 et 1945 en ville de Genève s'élève à 1'143 fr. et a conclu que, pour son appartement, tout loyer qui serait supérieur à 840 fr. serait abusif.
La bailleresse a conclu au rejet de la demande.
Le Tribunal des baux a tenu une audience de débats principaux le 16 septembre 2014 et a procédé à une inspection locale le 30 octobre 2014.
Par jugement du 4 février 2015, le Tribunal des baux a rejeté la demande du locataire en contestation du loyer initial (ch. 1) et a dit que le loyer a été valablement fixé à 24'720 fr. par an (2'060 fr. par mois), charges non comprises, dès le 1er février 2014 (ch. 2). Le Tribunal des baux a considéré que, comme il s'agissait d'un immeuble ancien au sens de la jurisprudence et que le loyer convenu n'avait pas subi de hausse par rapport à l'ancien loyer, il appartenait au locataire d'apporter la preuve que le loyer initial était abusif. Ce dernier n'avait toutefois fourni aucun élément comparatif des loyers usuels dans le quartier, se limitant à se référer à des statistiques. Les exemples comparatifs fournis par la bailleresse n'étaient pas suffisants. Se basant sur la jurisprudence rendue en matière de rendement net excessif (arrêts 4A 576/2008 du 19 février 2009 consid. 2.5; 4A 472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2), le Tribunal des baux a estimé pouvoir s'appuyer sur les statistiques cantonales publiées par l'Office cantonal de la statistique en procédant aux réajustements nécessaires pour tenir compte des particularités du logement en cause. Compte tenu de ces particularités, il a considéré qu'il se justifiait de s'écarter des
statistiques cantonales genevoises, dont le manque de précision a, à plusieurs reprises, été rappelé par le Tribunal fédéral (arrêt 4A 612/2012 du 19 février 2013 consid. 3.2.3), a jugé le loyer non abusif et a rejeté l'action.
Statuant sur appel du locataire par arrêt du 4 avril 2016, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève l'a admis et a réformé le jugement attaqué notamment en ce sens que le loyer est fixé à 15'000 fr. par an (1'250 fr. par mois), charges non comprises, dès le 1er février 2014 et que la bailleresse est condamnée à rembourser au locataire le trop-perçu avec intérêts à 5% dès le 4 avril 2016. La cour cantonale a estimé que le loyer du précédent locataire aurait dû être réduit d'environ 8% à 1'895 fr., pour tenir compte de la baisse du taux hypothécaire de référence et de la baisse de l'indice suisse des prix à la consommation. Sur cette base et au vu des statistiques cantonales de mai 2013 faisant état d'un loyer moyen de 1'143 fr., elle a estimé que le loyer initial présentait un caractère abusif. Elle a alors imposé à la bailleresse le devoir d'apporter des contre-preuves et, constatant que celle-ci n'a produit que quatre exemples comparatifs, a considéré qu'elle avait échoué à apporter la contre-preuve. Partant du loyer résultant de la statistique, elle l'a pondéré à la hausse à 1'250 fr., en tenant compte des particularités du logement litigieux.
C.
Contre cet arrêt, la bailleresse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral le 9 mai 2016, concluant à sa réforme en ce sens que, principalement, l'action en contestation du loyer initial est rejetée et, subsidiairement, qu'il soit dit que le loyer a été valablement fixé à 24'720 fr. par an (2'060 fr. par mois), charges non comprises, dès le 1er février 2014. Plus subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour instruction complémentaire dans le sens des considérants.
Le locataire intimé conclut principalement au rejet du recours et, subsidiairement, à la fixation du loyer à 15'000 fr. par an (1'250 fr. par mois). La Cour de justice s'est référée aux considérants de son arrêt.
La bailleresse recourante a encore déposé des observations. L'intimé a renvoyé à son mémoire de réponse et a renoncé à des observations complémentaires.
Considérant en droit :
1.
Interjeté en temps utile (art. 100 al. 1 et 46 al. 1 let. a LTF) par la bailleresse qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 LTF) tendant au rejet de l'action du locataire en contestation et en fixation du loyer initial, ainsi qu'en restitution du trop-perçu (art. 72 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur appel par un tribunal cantonal supérieur (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. requis en matière de bail à loyer (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
2.
Saisi d'un recours en matière civile, le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 CPC). Toutefois, il n'examine en principe que les questions soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (arrêts 4A 357/2015 du 4 décembre 2015 consid. 1.4; 4A 285/2015 du 22 septembre 2015 consid. 1.3; 4A 653/2014 du 4 décembre 2015 consid. 1.4 non publié in ATF 141 III 407; 4A 399/2008 du 12 novembre 2011 consid. 2.1 non publié in ATF 135 III 112). Les parties ne peuvent s'en prendre qu'à elles-mêmes si elles abandonnent un grief ou y renoncent (arrêt 4A 447/2015 du 31 mars 2016 consid. 2.1, non publié aux ATF 142 III 336; ATF 140 III 86 consid. 2; arrêts 5A 621/2013 du 20 novembre 2014 consid. 2, non publié aux ATF 141 III 53; 5F 1/2014 du 18 février 2014 consid. 3.3 et 4A 132/2014 du 2 juin 2014 consid. 1). Toutefois, même lorsqu'une question est discutée par les parties, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 140 III 86 consid. 2; 135 III 397 consid. 1.4; 134 III 102 consid. 1.1 p. 104; 133 III 545
consid. 2.2).
3.
Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer portant sur un appartement destiné à l'habitation. La bailleresse a remis au locataire la formule officielle de notification du loyer initial pour la conclusion d'un nouveau bail, de laquelle il ressort que le loyer convenu est identique au loyer payé par le précédent locataire et que ce loyer se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (art. 269 et 269a let. a CO). Le locataire a ouvert action en contestation du loyer initial, en se basant sur le rendement net de la chose louée et en requérant que la bailleresse soit invitée à produire toutes les pièces permettant ce calcul. La bailleresse défenderesse a conclu au rejet de la demande, concluant à ce qu'il lui soit accordé un délai supplémentaire pour produire des exemples comparatifs supplémentaires.
La cour cantonale a admis l'action en contestation du loyer initial et, sur la base de statistiques cantonales de mai 2013 qu'elle a pondérées en fonction des particularités du logement, a réduit le loyer de 2'060 fr. à 1'250 fr. La bailleresse recourante lui reproche tout d'abord de n'avoir pas examiné si la condition de la contrainte personnelle dans laquelle se trouve le locataire exigée par l'art. 270 al. 1 let. a CO était remplie, admettant qu'il y a situation de pénurie à Genève. Elle lui reproche ensuite d'avoir mis à sa charge le fardeau de la preuve des loyers comparatifs, en violation de l'art. 8 CC, d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation dans la fixation du loyer, ainsi que d'avoir commis une appréciation arbitraire des preuves sur plusieurs points.
4.
Il y a lieu d'examiner tout d'abord si la condition de l'art. 270 al. 1 let. a CO est remplie en l'espèce.
4.1. D'après l'art. 270 al. 1 CO, lorsque le locataire estime que le montant du loyer initial est abusif au sens des art. 269 et 269a CO, il peut le contester et en demander la diminution s'il a été contraint de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale ou en raison de la situation sur le marché local du logement (let. a) ou si le bailleur a sensiblement augmenté le loyer initial pour la même chose par rapport au précédent loyer (let. b).
L'art. 270 al. 1 CO ne règle que les conditions formelles de l'action en contestation du loyer initial. Les critères matériels permettant de juger du bien-fondé d'une demande de diminution du loyer par rapport à celui payé par le précédent locataire se trouvent aux art. 269 et 269a CO (ATF 139 III 13 consid. 3.1.2; 120 II 240 consid. 2 p. 243).
Selon la jurisprudence, l'art. 270 al. 1 CO prévoit trois conditions formelles alternatives (trois motifs alternatifs) permettant de contester un loyer initial, qu'il appartient au locataire de prouver. Il suffit que l'une d'entre elles soit réalisée pour que le juge doive entrer en matière sur la demande de contestation du loyer initial (ATF 136 III 82 consid. 2 p. 84). La première condition alternative est la contrainte dans laquelle se trouve le locataire de conclure le bail par nécessité personnelle ou familiale (art. 270 al. 1 let. a , première alternative, CO). La deuxième condition alternative est la contrainte dans laquelle s'est trouvé le locataire de conclure en raison de la situation sur le marché local du logement (ou des locaux commerciaux) - situation de pénurie - (art. 270 al. 1 let. a , 2e alternative, CO; ATF 136 III 82 précité). La troisième condition alternative, enfin, est l'augmentation sensible du loyer initial par rapport au loyer payé par le précédent locataire (art. 270 al. 1 let. b CO; ATF 142 III 442 consid. 3.1 p. 449 ss; 136 III 82 consid. 3.3 et 3.4; 114 II 74 consid. 3d p. 78).
4.2. En tant que la bailleresse recourante soutient que l'existence d'une situation de pénurie - qui existe dans le canton de Genève - ne suffit pas à elle seule pour que soit réalisée la condition de l'art. 270 al. 1 let. a CO, et qu'il faut encore que le locataire ne soit pas le principal responsable de la situation de contrainte dans laquelle il s'est trouvé au moment de la conclusion du contrat, elle méconnaît la jurisprudence susmentionnée. Son grief est infondé.
5.
Il faut donc entrer en matière et examiner si la condition matérielle du loyer abusif au sens des art. 269 et 269a CO est réalisée.
5.1. Le locataire peut contester le loyer initial et en demander la diminution lorsque son montant est abusif au sens des art. 269 et 269a CO (art. 270 al. 1 CO), soit, en particulier, lorsqu'il permet d'obtenir un rendement excessif de la chose louée (art. 269 CO). N'est en règle générale pas abusif le loyer qui se situe dans les limites des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier (art. 269a let. a CO).
5.1.1. Le contrôle de l'admissibilité du loyer initial ne peut être effectué qu'à l'aide de la méthode absolue, laquelle sert à vérifier concrètement que le loyer ne procure pas un rendement excessif au bailleur compte tenu des frais qu'il doit supporter et des prix du marché (ATF 120 II 240 consid. 2). Dans l'application de la méthode absolue, les deux critères absolus - le loyer fondé sur les coûts et le loyer fondé sur les loyers du marché - sont antinomiques, et partant, exclusifs l'un de l'autre (ATF 121 III 6 consid. 3c p. 11).
Le critère absolu du rendement net excessif, qui présuppose de déterminer les coûts d'investissement de l'immeuble financés par les fonds propres (principalement le prix d'acquisition de l'immeuble), d'y appliquer un taux de rendement admissible (qui est le taux d'intérêt hypothécaire de référence, augmenté de 0,5%) et d'y ajouter les charges immobilières annuelles, les charges courantes et les charges d'entretien, de les réévaluer en fonction de l'évolution de l'indice suisse des prix à la consommation et d'en ventiler le résultat à la chose louée (pour le calcul détaillé, cf. arrêts 4A 147/2016 du 12 septembre 2016 consid. 2 et les arrêts cités; 4A 465/2015 du 1er mars 2016 consid. 4) est prééminent par rapport au critère absolu des loyers usuels dans le quartier (ATF 124 III 310 consid.2; arrêt 4A 645/2011 du 27 janvier 2012 consid. 3.2 publié in SJ 2012 I 377).
Toutefois, pour les immeubles anciens, soit les immeubles construits ou acquis il y a plusieurs décennies (140 III 433 consid. 3.1.1; 139 III 13 consid. 3.1.2), pour lesquels il peut s'avérer difficile voire impossible d'établir le rendement excessif faute de connaître les fonds propres entrant dans le calcul du loyer (les pièces comptables n'existent plus ou laissent apparaître des montants qui ne sont plus en phase avec la réalité économique), la hiérarchie des critères absolus est inversée (ATF 124 III 310 consid. 2) : il n'y a pas lieu de calculer le rendement net du logement, mais de déterminer sa valeur par référence aux loyers usuels du quartier, en comparant le loyer en cause avec le loyer moyen du quartier (art. 269a let. a CO) ou en établissant, par capitalisation de celui-ci, le prix de revient théorique de l'immeuble (ATF 140 III 433 consid. 3.1; 139 III 13 consid. 3.1.2).
5.1.2. Il a été constaté en l'espèce que le bâtiment dans lequel se trouve l'appartement remis à bail au locataire date de 1929 et qu'il est resté en mains de la même propriétaire depuis cette époque; il a subi des travaux de rénovation en 2005, 2006 et 2007. Il s'agit donc manifestement d'un immeuble ancien au sens de la jurisprudence sus-rappelée, ce qui n'est pas contesté par les parties. Par conséquent, l'ordre de priorité entre les deux critères absolus de fixation du loyer est ici inversé. En d'autres termes, le loyer initial litigieux doit être déterminé exclusivement sur la base des loyers usuels dans le quartier - s'agissant d'un appartement en ville de Genève - (art. 269a let. a CO).
5.2. L'art. 11 OBLF détermine les loyers déterminants pour le calcul des loyers usuels dans le quartier: il s'agit des loyers de logements comparables à la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction (al. 1), à l'exclusion des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3). Les statistiques officielles doivent être prises en considération (al. 4). Ces prescriptions correspondent à celles de l'ancien droit, qui figuraient à l'art. 15 al. 1 let. a AMSL (seul le critère de la dimension y a été expressément ajouté; cf. ATF 123 III 317 consid. 4 p. 319 et la référence à la doctrine).
Selon la jurisprudence, le juge cantonal doit procéder à des comparaisons concrètes, à la lumière des critères de l'art. 11 OBLF. La détermination des loyers usuels ne peut pas s'effectuer sur la base d'une " impression d'ensemble ". Pour pouvoir tirer des conclusions qui offrent quelque sécurité, le juge cantonal doit pouvoir se fonder soit sur des statistiques officielles (art. 11 al. 4 OBLF), soit sur au minimum cinq logements de comparaison (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1).
5.2.1. Pour que le juge puisse appliquer la méthode des statistiques officielles, il faut qu'il existe de telles statistiques, satisfaisant aux exigences de l'art. 11 al. 1 OBLF. Elles doivent contenir des données chiffrées, suffisamment différenciées et dûment établies sur l'emplacement, la dimension, l'équipement et l'état de la chose louée, comme aussi sur la période de construction, et tenir compte de l'évolution récente des loyers (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1 et 2.2.2; 123 III 317 consid. 4a p. 319).
5.2.2. L'application de la méthode des cinq logements de comparaison présuppose que ces cinq éléments comparatifs présentent, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques que le logement litigieux quant aux critères de l'art. 11 al. 1 OBLF, soit quant à l'emplacement, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de construction, tout en tenant compte de l'évolution récente de leurs loyers au regard du taux hypothécaire et de l'indice suisse des prix à la consommation (IPC) (ATF 141 III 589 consid. 2.2.3; 136 III 74 consid. 3.1 p. 80; 123 III 317 consid. 4a p. 319 et consid. 4d p. 325). En effet, les loyers de référence doivent eux-mêmes ne pas être abusifs; il est donc nécessaire, en principe, de les adapter aux baisses du taux hypothécaire survenues, en règle générale, depuis la date de la dernière fixation du loyer (ATF 127 III 411 consid. 5a p. 414), ce qui nécessite de connaître leur taux hypothécaire de référence (ATF 141 III 589 consid. 2.2.3). La législation relative à la protection contre les loyers abusifs a précisément pour but d'éviter que le bailleur n'obtienne un rendement excessif de la chose louée. Or, il serait contraire à ce but de prendre comme éléments de comparaison, pour juger du caractère abusif d'un loyer
donné, des loyers qui sont eux-mêmes abusifs parce que les bailleurs concernés ne les ont pas adaptés à l'évolution des facteurs de baisse. L'art. 11 al. 3 OBLF va d'ailleurs dans ce sens, en tant qu'il exclut la prise en considération des loyers découlant du fait qu'un bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché. Il en ressort clairement que la détermination des loyers usuels ne saurait obéir aux seules lois du marché (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1; 123 III 317 consid. 4d p. 325; 127 III 411 consid. 5a p. 412 ss; 136 III 74 consid. 3.1 p. 80).
La notion de loyers usuels (art. 269a let. a CO) est une notion de droit matériel. Dès lors qu'on ne se trouve pas dans un cas dans lequel, au vu de sa nature, une preuve certaine est objectivement impossible à apporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée ( Beweisnot), une réduction du degré de la preuve à la vraisemblance prépondérante ( überwiegende Wahrscheinlichkeit) n'entre pas en ligne de compte. De simples difficultés de preuve dans un cas particulier ne sauraient en effet justifier une réduction du degré de la preuve, sous peine de créer une entorse au système légal, tel qu'il a été voulu par le législateur fédéral (ATF 123 III 317 consid. 4d p. 325). La preuve des loyers usuels doit donc être apportée au degré de la certitude (ou preuve stricte; Gewissheit) : le juge doit acquérir, en se fondant sur des éléments objectifs, la conviction de l'existence de ce fait; une certitude absolue n'est pas nécessaire, mais il faut qu'il n'y ait aucun doute sérieux ou, à tout le moins, que les doutes qui subsistent paraissent légers (ATF 141 III 569 consid. 2.2.1; sur le degré de la preuve en général, cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2; arrêt 5C.97/2005 du 15 septembre 2005 consid. 4.4.2, publié partiellement in SJ 2006 I p.
271).
Dans l'application de la méthode des cinq logements comparatifs, puisque la comparaison est effectuée non à l'aide de statistiques officielles établies sur la base de très nombreux appartements, mais avec seulement cinq logements de comparaison, il s'impose de se montrer particulièrement strict dans l'admissibilité des logements qui peuvent être pris en considération, dès lors que le tribunal doit pouvoir en tirer des conclusions certaines. En outre, puisqu'il s'agit pour le tribunal de comparer des logements, un certain schématisme est nécessaire pour garantir la prévisibilité du droit et l'égalité de traitement. Cela ne signifie évidemment pas que, lorsque les cinq éléments produits peuvent être schématiquement comparés à l'appartement litigieux parce qu'ils présentent des caractéristiques communes avec celui-ci, le tribunal ne puisse pas procéder encore à une pesée des avantages et inconvénients de l'appartement litigieux (ATF 141 III 569 consid. 2.2.3; 123 III 317 consid. 4d p. 325 s.).
5.2.3. Il n'existe pas à Genève de statistiques officielles satisfaisant aux exigences de l'art. 11 al. 4 OBLF (ATF 136 III 74 consid. 4; 123 III 317 consid. 4c/cc p. 324 s.; arrêts 4A 645/2011 déjà cité consid. 3.5; 4A 674/2012 du 23 septembre 2013 consid. 3; 4A 472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.2). La statistique produite de mai 2013 ne remplit pas ces exigences. Seule la méthode des cinq logements de comparaison peut donc servir en l'espèce à l'établissement des loyers usuels du quartier.
5.3.
5.3.1. Selon la jurisprudence, dans l'action en contestation du loyer initial d'un logement situé dans un immeuble ancien, le fardeau de la preuve des loyers usuels dans la localité ou dans le quartier incombe au locataire (ATF 139 III 13 consid. 3.1.3). En effet, selon la théorie des normes déduite de l'art. 8 CC, l'abus de droit, à savoir le loyer abusif, invoqué par le locataire est un fait dirimant, dont le fardeau de la preuve incombe à la partie adverse du titulaire du droit; ainsi quand le bailleur s'est prévalu des loyers usuels dans la formule officielle pour justifier le loyer convenu, il incombe au locataire de démontrer que le loyer est abusif (à propos de la contestation du loyer initial qui a été augmenté par rapport à celui payé par le précédent locataire, cf. ATF 139 III 13 consid. 3.1.3).
Lorsque le loyer initial convenu a été sensiblement augmenté - à savoir, selon la jurisprudence, de 10% au moins (ATF 136 III 82 consid. 3.4) - par rapport au loyer du précédent locataire au sens de l'art. 270 al. 1 let. b CO, lequel se détermine en fonction du loyer effectivement payé par celui-ci (sans tenir compte de ce qu'il est ou non adapté, au vu de facteurs relatifs) -, il a été admis que le loyer convenu (augmenté de 43%, alors que tant le taux hypothécaire de référence que l'indice suisse des prix à la consommation n'avaient cessé de décroître) est présumé abusif, de sorte qu'il incombe au bailleur d'apporter des contre-preuves fondées sur des éléments comparatifs pour démontrer que, malgré les apparences, il s'agit d'un cas exceptionnel et que le loyer initial convenu n'est pas abusif (ATF 139 III 13 consid. 3.1.4, 3.2 et 3.3).
En revanche, lorsque le loyer initial convenu est le même que le loyer payé par le précédent locataire, il ne saurait être présumé abusif sur la base de statistiques générales, cantonales ou communales. On ne peut pas non plus, comme lorsqu'il s'agit d'établir le rendement net de l'immeuble et que le bailleur dispose ou a disposé des pièces comptables nécessaires à cette fin (cf. en matière de diminution du loyer en cours de bail sur la base du critère du rendement, l'arrêt 4A 559/2015 consid. 2.1 et 2.2, destiné à la publication; en matière de contestation du loyer initial sur la base du critère du rendement, l'arrêt 4A 461/2015 du 15 février 2016 consid. 3.2 et 3.3), exiger, conformément aux règles de la bonne foi (art. 52 CPC, art. 2 CC), la collaboration du bailleur à l'administration des preuves, alors qu'il ne dispose pas lui-même de ces éléments de comparaison; en effet, comme le bailleur n'est pas chargé du fardeau de la preuve des loyers comparatifs, il ne peut être contraint de se procurer auprès de tiers des exemples de comparaison (ATF 117 II 113 consid. 2; cf. 4A 475/2012 du 6 décembre 2012 consid. 2.4.3). Le juge ne saurait non plus, comme lorsque le loyer est nul, faute de communication de la formule officielle de
notification du loyer initial, et qu'il doit alors compléter le contrat (art. 270 al. 2 CO; ATF 140 III 583 consid. 3.2 et 3.3), corriger le loyer convenu à l'aide de données statistiques générales ou en se basant sur son expérience du marché locatif (4A 517/2014 du 2 février 2015 consid. 5.1 in fine et les arrêts cités).
5.3.2. En l'occurrence, le locataire, qui supportait pourtant le fardeau de la preuve des loyers usuels du quartier, n'a pas produit les cinq exemples de logement de comparaison nécessaire à cette fin. Les quatre exemples fournis spontanément par le bailleur ne permettaient pas au juge de statuer, dès lors que leur nombre était insuffisant au sens de la jurisprudence pour pouvoir apporter cette preuve. En faisant supporter à la bailleresse l'échec de la preuve des loyers usuels du quartier, après lui avoir imposé le devoir d'apporter la contre-preuve des loyers usuels, la cour cantonale a violé la répartition du fardeau de la preuve prévue par l'art. 8 CC.
Contrairement à ce que soutient le locataire intimé, le caractère abusif du loyer ne peut pas être apporté par des statistiques cantonales non officielles, même en tant qu'indices à l'appui d'une présomption d'abus, car cela revient à violer l'art. 19 al. 4 OBLF. Dans l'ATF 139 III 13, contrairement à ce qu'ont compris la cour cantonale et le locataire intimé, la Cour de céans n'a pas procédé ainsi: elle a pu admettre une présomption de loyer abusif parce que le loyer avait été augmenté de 43% par rapport au loyer payé par le précédent locataire, ce qui ne pouvait se justifier au vu de la conjoncture économique; au vu de cette présomption, il revenait donc au bailleur d'apporter la contre-preuve d'un loyer non abusif.
Le Tribunal fédéral est bien conscient du fait qu'il est difficile de trouver des logements comparatifs, qui présentent les mêmes caractéristiques que l'appartement litigieux, raison pour laquelle il n'en a exigé que cinq. Ce chiffre ne saurait, comme il a été rappelé dans l'ATF 141 III 569, être réduit. Il peut d'ailleurs être aussi difficile pour un bailleur - si l'on songe à un propriétaire qui ne dispose pas d'une régie - que pour un locataire - qui pourtant, comme en l'espèce, s'est adressé à l'Asloca (art. 105 al. 2 LTF) - de se procurer ces cinq éléments de comparaison. Cette difficulté ne justifie toutefois aucune dérogation à la règle du fardeau de la preuve (art. 8 CC).
6.
En conséquence, l'arrêt attaqué doit être annulé. Comme ni la cour cantonale, ni le locataire intimé n'ont compris correctement l'ATF 139 III 13, qu'ils ont cru pouvoir en extrapoler, en se référant à un arrêt antérieur 4A 250/2012 du 28 août 2012, que des données statistiques générales pourraient permettre d'en prouver le caractère abusif, au point, pratiquement, de renverser le fardeau de la preuve des loyers usuels du quartier sur le bailleur, que le Tribunal des baux n'a pas invité le locataire à fournir les cinq logements de comparaison alors que la maxime inquisitoire simple est applicable (ATF 141 III 569 consid. 2.3), il y a lieu de renvoyer la cause à la cour cantonale pour instruction complémentaire dans ce sens et nouvelle décision dans le sens des considérants.
Il est donc superflu d'examiner les autres griefs de la bailleresse recourante, en particulier ses griefs de constatation arbitraire des faits.
7.
Vu le sort du recours, les frais de la procédure doivent être mis à la charge du locataire intimé qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci sera condamné à verser une indemnité de dépens à la recourante (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la cour cantonale pour instruction complémentaire et nouvelle décision dans le sens des considérants.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 29 novembre 2016
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente : Kiss
Le Greffier : Piaget