Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
6B 734/2016
Arrêt du 18 juillet 2017
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari, Oberholzer, Rüedi et Jametti.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
X.________, représenté par Me Pascal Junod, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton de Genève,
intimé.
Objet
Discrimination raciale, arbitraire, droit d'être entendu,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 15 mai 2016.
Faits :
A.
Par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève du 22 avril 2015, valant acte d'accusation, il a été reproché à X.________ d'avoir, à la fin de l'année 2013, en compagnie de A.________ et de B.________, effectué le geste de la " quenelle " devant la synagogue de Genève.
B.________ et A.________ ont été reconnus coupables, par ordonnances pénales actuellement en force, de discrimination raciale - et d'abus et dilapidation du matériel (art. 73 du code pénal militaire) s'agissant du premier -, et condamnés à une peine pécuniaire de 100, respectivement 90 jours-amende, à 30 fr. l'unité, avec sursis durant deux ans.
Statuant sur l'opposition de X.________, le Tribunal de police du canton de Genève l'a acquitté du chef de discrimination raciale (art. 261bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
B.
Statuant sur appel du Ministère public, la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 15 mai 2016, déclaré X.________ coupable de discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Cette condamnation se fonde sur les faits suivants.
Au mois de décembre 2013, dans la version électronique du journal C.________ a été publiée une photographie représentant B.________, A.________ et X.________ en train d'exécuter une " quenelle ", geste popularisé par l'humoriste controversé Dieudonné M'Bala M'Bala. Plus précisément, les trois jeunes hommes tenaient leur bras gauche tendu vers le bas et leur bras droit replié vers leur épaule gauche, avec la synagogue D.________ de Genève comme toile de fond. Au centre des trois protagonistes, B.________ portait la tenue d'assaut de l'armée suisse et masquait le bas de son visage au moyen d'un tissu. A.________, à gauche sur la photo, était habillé en sombre et portait des lunettes de soleil, alors que X.________, à droite, revêtait des habits de sport et une casquette noirs ainsi qu'une grande écharpe, qui ne laissait apparaître que ses yeux.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal et conclut principalement, avec suite de frais et dépens, à sa réforme en ce sens qu'il est libéré de la prévention de discrimination raciale, subsidiairement au renvoi de la cause à la Chambre d'appel et de révision de la Cour de justice du canton de Genève pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Considérant en droit :
1.
Le recourant reproche à l'autorité précédente d'avoir fondé sa condamnation pour l'infraction de discrimination raciale (art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
1.1. Le droit d'être entendu consacré notamment par l'art. 107
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 107 Droit d'être entendu - 1 Une partie a le droit d'être entendue; à ce titre, elle peut notamment: |
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1 | Une partie a le droit d'être entendue; à ce titre, elle peut notamment: |
a | consulter le dossier; |
b | participer à des actes de procédure; |
c | se faire assister par un conseil juridique; |
d | se prononcer au sujet de la cause et de la procédure; |
e | déposer des propositions relatives aux moyens de preuves. |
2 | Les autorités pénales attirent l'attention des parties sur leurs droits lorsqu'elles ne sont pas versées dans la matière juridique. |
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 389 Compléments de preuves - 1 La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. |
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1 | La procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. |
2 | L'administration des preuves du tribunal de première instance n'est répétée que si: |
a | les dispositions en matière de preuves ont été enfreintes; |
b | l'administration des preuves était incomplète; |
c | les pièces relatives à l'administration des preuves ne semblent pas fiables. |
3 | L'autorité de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. |
Le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond. Le droit d'être entendu n'est toutefois pas une fin en soi; il constitue un moyen d'éviter qu'une procédure judiciaire ne débouche sur un jugement vicié en raison de la violation du droit des parties de participer à la procédure, notamment à l'administration des preuves. Lorsqu'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée (arrêts 6B 259/2016 du 21 mars 2017 consid. 5.1.1; 4A 153/2009 du 1er mai 2009 consid. 4.1 et les arrêts cités).
1.2. L'arrêt du Tribunal fédéral dans la procédure administrative concernant la location d'une salle de spectacle par Dieudonné M'Bala M'Bala et la décision de la Cour Européenne des Droits de l'Homme en relation avec le caractère antisémite du spectacle du prénommé constituent de la jurisprudence, et non des faits ou moyens de preuve. La cour cantonale pouvait donc s'y référer sans violer le droit d'être entendu du recourant.
1.3. En ce qui concerne la dizaine d'articles de presse discutés dans le jugement attaqué, l'autorité précédente aurait dû, avant de rendre sa décision, communiquer au recourant ses recherches et lui offrir la possibilité de s'exprimer à leur propos. Faute d'avoir procédé ainsi, elle a violé le droit d'être entendu du recourant. Il faut encore examiner si cette violation a eu une incidence concrète sur le sort de la cause qui justifierait d'annuler la décision attaquée.
1.3.1. Le premier article cité relate qu'E.________, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), a qualifié le geste de la " quenelle " de " salut nazi inversé, signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ". Ce fait n'était toutefois pas nouveau, puisque déjà établi par le tribunal de première instance (jugement du Tribunal de police du 13 novembre 2015, consid. A. c. p. 3). Les premiers juges avaient également retenu, à l'instar de la cour cantonale, que le geste de la " quenelle " créé par Dieudonné M'Bala M'Bala avait été repris par de très nombreuses personnes soutenant ce dernier, qui s'étaient photographiées dans cette posture dans toutes sortes de contextes (idem). La cour cantonale a précisé ce point en mentionnant deux décisions françaises, évoquées dans les journaux, d'où il découle que des photographies de " quenelles " avaient fait l'objet de procédures pénales compte tenu de la toile de fond du cliché. Elle a constaté qu'en Suisse, le Tribunal fédéral n'avait pas été amené à analyser la signification du geste de la " quenelle ", laquelle n'avait été que ponctuellement médiatisée, sous réserve d'un article dans le journal F.________ ainsi que d'un fait divers relayé
dans la presse romande fin décembre 2013 - début 2014. Le recourant ne soutient pas que ces faits lui auraient été inconnus. Il ressort au contraire de ses déclarations, résumées dans l'arrêt attaqué, qu'en tant que sympathisant de Dieudonné M'Bala M'Bala, il connaissait bien le débat autour du geste de la " quenelle ". Enfin, en ce qui concerne le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 13 mai 2016, repris dans le journal G.________, il en ressortait que " dans certaines circonstances précises ", le geste de la " quenelle " a pu " être interprété sans ambiguïté comme ayant une portée antisémite et être, parfois, poursuivi et condamné comme tel ", mais que sa portée et la volonté de son auteur " ne peu[vent] être généralisée[s] ". Le recourant ne conteste pas ce point, arguant que dans le cas d'espèce, ce geste n'était pas antisémite mais relevait au plus d'un bras d'honneur aux détracteurs de Dieudonné.
1.3.2. Les éléments apportés par la cour cantonale illustrent le caractère polysémique de la " quenelle " et la controverse qui l'entoure, sans que le recourant nie l'existence de cette polémique, ne prétende l'avoir ignorée, ou encore conteste qu'elle ait été connue à Genève. Elle ressortait d'ailleurs déjà du jugement de première instance qui évoquait l'interprétation donnée à la " quenelle " par le représentant de la LICRA. Quoi qu'il en soit, que la " quenelle " soit le sujet d'interprétations divergentes et, notamment, puisse être comprise par certains et selon le contexte comme une manifestation d'antisémitisme, ne dit encore rien de l'appréciation du comportement du recourant dans les circonstances du cas d'espèce et sous l'angle du droit suisse (cf. consid. 4 infra). Par conséquent, l'on ne voit pas quelle influence la violation du droit d'être entendu a pu avoir sur la procédure, et le recourant ne le dit pas. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'annuler la décision attaquée pour ce motif.
2.
Le recourant conteste la réalisation de l'infraction de discrimination raciale (art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
2.1. Aux termes de l'art. 261bis, se rend coupable de discrimination raciale celui qui, publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse (al. 1); celui qui, publiquement, aura propagé une idéologie visant à rabaisser ou à dénigrer de façon systématique les membres d'une race, d'une ethnie ou d'une religion (al. 2) ou encore celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité (al. 4).
Le judaïsme constitue une religion au sens de l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
2.2. L'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour apprécier si une expression relève du droit pénal, il faut se fonder sur le sens qu'un tiers moyen non averti doit, dans les circonstances d'espèce, lui attribuer. Une expression faite publiquement relève de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Déterminer le contenu d'un message relève des constatations de fait. Le sens qu'un destinataire non prévenu confère aux expressions utilisées constitue en revanche une question de droit (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.3 p. 316; 133 IV 308 consid. 8.5.1 p. 312).
3.
Le recourant critique la signification donnée au geste de la " quenelle " par la cour cantonale. Il se plaint d'un établissement arbitraire des faits et de la violation du principe « in dubio pro reo ».
3.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il ne peut revoir les faits établis par l'autorité précédente que si ceux-ci l'ont été de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
Le grief d'arbitraire doit être invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
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1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
La présomption d'innocence, garantie par les art. 10
SR 312.0 Code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (Code de procédure pénale, CPP) - Code de procédure pénale CPP Art. 10 Présomption d'innocence et appréciation des preuves - 1 Toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force. |
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1 | Toute personne est présumée innocente tant qu'elle n'est pas condamnée par un jugement entré en force. |
2 | Le tribunal apprécie librement les preuves recueillies selon l'intime conviction qu'il retire de l'ensemble de la procédure. |
3 | Lorsque subsistent des doutes insurmontables quant aux éléments factuels justifiant une condamnation, le tribunal se fonde sur l'état de fait le plus favorable au prévenu. |
3.2. La cour cantonale a constaté que le geste consistant à tendre un bras vers le bas tout en positionnant la main de l'autre bras sur l'épaule avait été effectué pour la première fois en 2005 par Dieudonné M'Bala M'Bala, dans son spectacle " 1905 ", portant sur la laïcité. Évoquant la bêtise des hommes et décrivant la future révolte des mammifères, il l'avait accompli en affirmant simultanément " le dauphin lui, il sait que sa nageoire, il va nous la foutre jusque-là. ". Cette expression imagée évoquait la sodomie, plus précisément la pratique sexuelle du fist-fucking, consistant à pénétrer le rectum avec le poing. A l'origine simple effet comique dénué de signification politique, la " quenelle " était ensuite devenue récurrente dans les sketches de l'humoriste. Il l'avait utilisée en lien avec ceux qu'il considérait comme ses ennemis, qui étaient multiples et pas exclusivement juifs, comme le lobby féministe, et affirmant, entre autres, vouloir " glisser une quenelle " à ses adversaires. Ce geste était méconnu du grand public jusqu'en 2009, année où Dieudonné M'Bala M'Bala avait participé aux élections européennes sur la liste " antisioniste ", posant sur des affiches en l'effectuant.
La cour cantonale a reconnu que la " quenelle " revêtait une dimension polysémique. Selon son créateur, Dieudonné M'Bala M'Bala, il s'agissait d'un " bras d'honneur détendu ", soit une manifestation de l' "antisystème ", sans aucune portée antisémite. E.________, le président de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) a qualifié la quenelle de " salut nazi inversé, signifiant la sodomisation des victimes de la Shoah ". Dans l'opinion publique française, elle était associée aux idées et opinions (politiques) de Dieudonné M'Bala M'Bala. En France, la " quenelle " avait été reprise par de nombreux sympathisants qui s'étaient photographiés dans cette posture et avaient publié des milliers de clichés sur le site Internet de l'humoriste ou ailleurs sur le Web. Selon la profession des intéressés (par ex. des militaires ou des sapeurs-pompiers) ou le lieu de la prise de vue (par ex. devant un mémorial ou une école religieuse), certaines photographies avaient donné lieu à des sanctions disciplinaires ou pénales.
La cour cantonale a acquis la conviction que le geste de la " quenelle " pouvait, selon les circonstances relatives à son exécution, constituer une manifestation de l'antisémitisme. Tel avait été notamment le cas lorsqu'il avait été effectué par Dieudonné M'Bala M'Bala lors de spectacles dont le contenu avait été pénalement sanctionné par la justice française comme injure publique envers les personnes de confession juive, respectivement qualifié par la CourEDH de démonstration haineuse et antisémite, ou encore par un individu d'extrême droite devant le Mémorial de l'Holocauste à Berlin. Dans le cas d'espèce, il ne pouvait qu'être inféré des circonstances, principalement du lieu d'exécution - devant la synagogue D.________, au centre-ville de Genève -, que la " quenelle " effectuée par le recourant visait les personnes de confession juive. Sur la base de ce constat, le geste exécuté par le recourant correspondait soit à un salut hitlérien inversé, soit au symbole de la sodomie des juifs.
3.3. Le recourant discute l'interprétation des différents éléments de preuve retenus par la cour cantonale. En cela, il oppose sa propre appréciation de preuves à celle de la cour cantonale, sans pour autant démontrer l'arbitraire de celle-ci. Son argumentation est ainsi largement appellatoire et, en conséquence, irrecevable.
Au demeurant, le recourant ne remet pas en cause le constat de la cour cantonale selon lequel le geste de la " quenelle " revêt une dimension polysémique. En affirmant qu'il s'agit d'un bras d'honneur, il admet que ce geste véhicule un message obscène et méprisant. Enfin, le recourant reconnaît que le geste a pu être interprété, selon les contextes et les opinions, comme ayant une portée antisémite, même s'il juge absurde le point de vue de la LICRA qui considère que la " quenelle " renvoie à l'idéologie nazie et à l'extermination des juifs. Ces éléments suffisent déjà pour examiner si, sous l'angle du sens conféré au geste par un destinataire non prévenu dans les circonstances du cas d'espèce, l'expression tombe sous le coup de la discrimination raciale au sens de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits doit par conséquent être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
4.
Invoquant la violation de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
4.1. Selon l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, 2ème éd. 2013, n. 34 ad art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 321.0 Code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM) CPM Art. 171c - 1 Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
|
1 | Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
2 | L'infraction est punie disciplinairement si elle est de peu de gravité.324 |
C'est ainsi que les termes tels que " Sau " (cochon), " Dreck " (...de merde) et autres similaires, utilisés de manière répandue dans le langage allemand dans le cadre d'expressions de mauvaise humeur et de manifestations de mécontentement, pour offenser une autre personne en raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de particularités physiques ou intellectuelles étaient ressenties comme de simples injures et non comme des atteintes à la dignité humaine. Il n'en allait pas différemment s'agissant de l'utilisation de ces mêmes termes et autres similaires en relation avec des nationalités, respectivement des ethnies particulières. De telles expressions étaient, en tout cas aussi longtemps qu'elles étaient dirigées contre une personne concrète, comprises par un tiers moyen non averti comme des atteintes à l'honneur motivées par des considérations xénophobes plus ou moins primitives, et non comme des atteintes racistes à la dignité humaine. Elles ne remplissaient ainsi pas les éléments constitutifs de l'infraction à l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Par ailleurs, le Tribunal fédéral a constaté que l'utilisation publique du " salut hitlérien " pouvait, selon les circonstances et les particularités locales et/ou le cercle des destinataires, remplir les conditions de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
4.2. La cour cantonale a retenu qu'un observateur moyen apercevant trois individus, dont le recourant vêtu d'habits noirs, visage et tête cachés, et un militaire en tenue d'assaut, visage en partie camouflé posant devant la synagogue D.________, soit un lieu de culte juif notoirement connu à Genève, en effectuant une " quenelle ", aura immédiatement pensé à un acte de nature antisémite, tombant sous le coup de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
4.3. Les considérations cantonales peuvent être approuvées. Quoique la signification de la " quenelle " puisse varier selon les contextes et les avis, elle est à tout le moins perçue comme un geste obscène et méprisant. Or, à la différence de l'affaire jugée dans l'ATF 140 IV 67 précité, le tiers non prévenu aurait compris que ce message de mépris ne s'adressait pas à une personne déterminée, dans un contexte concret, mais à l'ensemble de la confession juive, représentée par le lieu religieux figurant en arrière-plan. En outre, plus qu'un signe injurieux ordinaire, tel qu'un bras d'honneur, la " quenelle " est empreinte d'une connotation antisémite compte tenu de la polémique qui l'entoure, généralement connue de la population genevoise. Le choix d'une synagogue comme toile de fond tend à confirmer, auprès des tiers, que c'est bien un message antisémite que le geste véhicule en l'espèce, à savoir un message hostile et discriminatoire envers les personnes de confession juive. A cela s'ajoute l'attitude affichée par le recourant et ses comparses, qui, alignés en rang, s'étaient en partie couvert le visage et, pour l'un deux, avait revêtu une tenue militaire. Une telle mise en scène exclut la thèse du recourant selon laquelle il ne
fallait y voir qu'un geste " relevant d'un humour potache ".
Ainsi, au vu de ce qui précède, la cour cantonale pouvait retenir sans violer le droit fédéral que le message délivré par le recourant était propre, du point de vue d'un observateur moyen non averti, à rabaisser et/ou discriminer le groupe visé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine. Cette condition de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
5.
Le recourant critique la réalisation du critère de publicité.
5.1. L'infraction réprimée par l'art. 261bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
5.2. Le recourant ne saurait déduire de l'absence d'élément de propagande, qui a conduit la cour cantonale à écarter l'infraction de l'art. 261bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261 - Quiconque, publiquement et de façon vile, offense ou bafoue les convictions d'autrui en matière de croyance, en particulier de croyance en Dieu, ou profane les objets de la vénération religieuse, |
5.3. Le recourant se plaint également d'arbitraire dans la mesure où la cour cantonale a retenu qu'il savait que la photographie litigieuse serait diffusée sur Internet. Il ne démontre toutefois pas en quoi la correction de l'état de fait sur ce point influerait sur le sort de la cause (art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89 |
6.
Le recourant reproche à la cour cantonale de lui avoir attribué des intentions qu'il n'avait jamais eues. Il soutient n'avoir eu aucune motivation intellectuelle à caractère politique, racial ou religieux. On comprend qu'il conteste ainsi la réalisation de l'élément subjectif de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
6.1. Au plan subjectif, l'infraction sanctionnée par l'art. 261 bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Déterminer ce que l'auteur savait, voulait, envisageait ou ce dont il s'accommodait relève de l'établissement des faits (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156).
6.2. La cour cantonale a constaté qu'on ne voyait pas pour quelles raisons le recourant aurait effectué le geste de la " quenelle ", tout en connaissant la polémique relative à son sens, uniquement pour manifester un soutien à Dieudonné M'Bala M'Bala, s'il ne partageait pas ses idées, étant souligné qu'il avait, pendant un temps, fréquenté le milieu d'extrême-droite et participé à la manifestation contre la présence de H.________ à Genève. Il semblait encore moins plausible que ses comparses et lui-même aient choisi par hasard la synagogue D.________ comme lieu d'exécution de leurs " quenelles " et toile de fond de leur cliché, et que ce soit également par hasard que l'un d'eux ait revêtu sa tenue de combat de l'armée suisse. Bien au contraire, en décidant d'exécuter ce geste devant ce monument religieux, vêtus de telle façon, la volonté du recourant et de ses comparses était nécessairement de viser les personnes de confession juive. On pouvait inférer du camouflage de son visage que le recourant était conscient du caractère répréhensible de son acte et de ses éventuelles conséquences pénales. Ses deux comparses avaient d'ailleurs accepté leur condamnation pour discrimination raciale. En tout état de cause, dans la mesure où le
recourant a reconnu savoir que la " quenelle " était considérée par certains comme un salut nazi inversé, il s'était accommodé du fait que son exécution, qui plus est devant une synagogue, pouvait être interprétée dans ce sens.
6.3. Le recourant ne démontre pas en quoi les faits sur lesquels reposent les considérations cantonales seraient arbitraires. Il ressort de ses développements, largement appellatoires au demeurant (cf. consid. 3.1 supra), qu'il ne nie pas, en particulier, avoir su que la " quenelle " était interprétée comme un geste antisémite par certaines personnes. La cour cantonale pouvait en déduire, sans violer le droit fédéral, qu'en effectuant une " quenelle " avec ses acolytes dans les circonstances précédemment décrites, le recourant avait réalisé les éléments constitutifs de discrimination raciale avec conscience et volonté.
7.
Compte tenu de ce qui précède, les griefs du recourant à l'encontre de sa condamnation pour l'infraction de l'art. 261bis al. 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 261bis - Quiconque, publiquement, incite à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse ou de leur orientation sexuelle, |
Le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant, qui succombe, supporte les frais de la procédure.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
Lausanne, le 18 juillet 2017
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Musy