S. 37 / Nr. 12 Prozessrecht (f)
BGE 67 II 37
12. Arrêt de la IIe Section civile du 20 février 1941 dans la cause Etat du
Valais contre Delle Michaud.
Regeste:
Cas dans lesquels des intérêts peuvent entrer en ligne de compte dans le
calcul de la valeur litigieuse (art. 54 al. 1 et 59 OJ).
Fälle, in denen Zinse bei Berechnung des Streitwertes zu berücksichtigen sind
(Art. 54 Abs. 1 und 59 OG).
Casi in cui gli interessi possono essere presi in considerazione nel
determinare il valore litigioso (art. 54 cp. 1 e 59 OGF).
A. Le 27 septembre 1934, Demoiselle Denise Michaud a assigné Alphonse
Gillioz en sa qualité de notaire ainsi que Dame veuve Marie Gillioz-Fellay et
Emile Gillioz, ces deux derniers en qualité de cautions solidaires du
prénommé, en payement de la somme de 4200 fr. représentant le préjudice que le
susdit Alphonse Gillioz lui avait causé ensuite de négligences commises dans
l'exercice de ses fonctions.
A la suite d'un jugement préparatoire du Tribunal cantonal valaisan prononçant
que la demanderesse n'avait aucune action contre les cautions, uniquement
engagées envers l'Etat du Valais, la demanderesse s'est désistée de sa demande
envers dame Gillioz-Fellay et Emile Gillioz et le procès s'est poursuivi
contre Alphonse Gillioz seul. Par un second jugement en date du 23 novembre
1937, l'action fut reconnue fondée et Alphonse Gillioz condamné
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à payer à la demanderesse, avec dépens, la somme de 3000 fr. plus intérêts à 5
% «dès la demande en justice». La liste des frais de la demanderesse s'élevait
à 829 fr. 70.
Sitôt ce jugement devenu exécutoire, demoiselle Michaud a poursuivi le notaire
Gillioz contre lequel elle obtint finalement deux actes de défaut de biens,
l'un au montant de 3623 fr. 35, comprenant, outre l'indemnité de 3000 fr.
allouée par le jugement, les frais du commandement de payer (3 fr. 65), ceux
de mainlevée (58 fr.) et ceux de la saisie (11 fr. 70); l'autre au montant de
878 fr. 85, se décomposant comme suit: liste des frais: 829 fr. 70, intérêts:
6 fr. 50, frais du commandement de payer: 2 fr. 95, frais de mainlevée: 30
fr., frais de la saisie 9 fr. 70.
B. Par mémoire introductif d'instance du 8 juin 1938, Denise Michaud, se
fondant sur l'art. 21 al. 2 de la constitution valaisanne qui dispose que
l'Etat est subsidiairement responsable des actes accomplis officiellement par
les fonctionnaires nommés par lui, s'en est prise alors à l'Etat du Valais
auquel elle a réclamé la somme de 4502 fr. 20 avec intérêts à 5 % du jour de
la demande.
L'Etat du Valais a contesté sa responsabilité et conclu au déboutement de la
demanderesse.
A l'audience du 30 septembre 1938, la demanderesse a modifié ses conclusions
en ce sens qu'elle a réclamé la condamnation du défendeur au payement de:
3945 fr. 70 avec intérêts à 5 % dès la demande en justice,
556 fr. 50, représentant les intérêts.
Ces conclusions ont été admises par jugement du Juge instructeur de Sion du 27
janvier 1939.
Sur appel du défendeur, ce jugement a été confirmé par arrêt du Tribunal
cantonal du Valais du 29 novembre 1940 motivé en résumé de la manière
suivante:
En Valais les notaires sont des fonctionnaires publics (art. 1er de la loi du
4 mars 1896 sur le notariat) et dès lors, en vertu de l'art. 21 de la
constitution cantonale, l'Etat est subsidiairement responsable du dommage
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résultant des fautes commises par eux dans l'exercice de leurs fonctions. Or
c'est bien dans l'exercice de ses fonctions que le notaire Gillioz a commis la
faute pour laquelle il a été condamné envers la demanderesse. En effet, si le
notaire doit veiller à l'inscription des actes d'adoption dans le registre des
naissances, obligation qui lui est imposée en sa qualité de notaire par l'art.
70 de la loi d'application du code civil, il a également en cette même qualité
l'obligation de requérir toutes les autorisations nécessaires pour obtenir
cette inscription, ce qu'il a négligé de faire au sujet de l'acte d'adoption
concernant la demanderesse. Au surplus, même si l'on voulait admettre que la
réquisition de ces autorisations sort des attributions officielles des
notaires, «toutes les mises en demeure, toutes les démarches faites par le
Département de Justice sont demeurées sans effet, parce que le notaire Gillioz
avait égaré minute et copies (de l'acte d'adoption) et toutes ses recherches
pour les retrouver sont demeurées vaines. Or la conservation de ses minutes
incombe de par la loi au notaire».
C. L'Etat du Valais a formé contre cet arrêt, en temps utile, un recours de
droit civil fondé sur l'art. 87 ch. 1 OJ, en concluant à l'annulation de
l'arrêt et au rejet de la demande. Il soutient que les démarches à faire
auprès du Conseil d'Etat en vue de l'approbation d'un acte d'adoption, même si
elles sont faites par un notaire ne deviennent pas pour autant des actes
officiels de la fonction de notaire. L'activité de Gillioz sur ce plan était
exclusivement régie par le droit civil, soit par les règles du mandat. En la
considérant comme une activité officielle, accomplie par un fonctionnaire
public nommé par l'Etat, le Tribunal cantonal a appliqué à tort le droit
public du canton là où seul était applicable le droit civil fédéral. Quant à
l'argumentation subsidiaire de l'arrêt attaqué, le défaut d'approbation de
l'acte d'adoption n'a pas été la conséquence de la perte par Gillioz de la
minute et des copies; en réalité cette perte n'a pas été prouvée et Gillioz
s'est borné à alléguer la perte de la minute et d'une copie, celle qui avait
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été soumise à la Chambre des tutelles. Restait la copie qui se trouvait auprès
du Département de Justice et qui aurait été suffisante pour valider
l'adoption.
Considérant en droit:
Il a été jugé déjà que l'art. 59 al. 1 Cc réserve aux cantons la faculté
d'édicter des dispositions particulières aussi bien pour fixer l'étendue des
obligations incombant aux notaires, en leur qualité de fonctionnaires ou
d'employés publics, et les conséquences pécuniaires pouvant résulter soit de
l'inexécution de ces obligations, soit des actes illicites commis par eux à
l'occasion de l'accomplissement des devoirs de leur charge, que pour régler
les conditions dans lesquelles l'Etat lui-même pourrait encourir une
responsabilité de ce chef (RO 49 II 433, 66 I 75, consid. 2). Si l'on
admettait (ainsi que le fait notamment le second de ces arrêts en ce qui
concerne la responsabilité de l'Etat du Valais en raison des fautes commises
par les notaires de ce canton) que le droit qui régit cette question constitue
du droit public, une simple référence à cette jurisprudence suffirait à
écarter préjudiciellement le recours, car tant l'art. 87 que l'art. 56, l'un
pour le recours de droit civil, l'autre pour le recours en réforme, exigent
que la décision attaquée ait été rendue dans une «cause civile», et suivant
l'interprétation donnée à cette expression, cette condition ne serait pas
remplie. Mais voudrait-on même considérer le présent litige comme un
«différend de droit civil» dans le sens plus étendu que la jurisprudence a
donné à cette expression à propos de l'interprétation de l'art. 48 OJ (RO 49
II 416, 56 I 21), que le recours n'en serait pas moins irrecevable, car
lorsqu'un jugement est susceptible d'un recours en réforme, ce qui serait
alors le cas en l'espèce, le grief visé à l'art. 87 ch. 1 pouvant également
être invoqué à l'appui d'un tel recours il n'est pas attaquable par la voie
du recours de droit civil (RO 63 II 290).
Le recourant conteste, il est vrai, que la valeur litigieuse
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atteigne 4000 fr., mais à tort. La responsabilité de l'Etat du Valais en
raison des fautes commises par les notaires n'étant que subsidiaire n'a pu
naître en effet, en l'espèce, que le jour où l'insolvabilité du notaire
Gillioz a été constatée par la délivrance des actes de défaut de biens. A
supposer par conséquent que l'Etat fût réellement responsable, il l'a été
d'emblée pour les deux sommes de 3623 fr. 35 et 878 fr. 85, sans distinction
entre ce qui, dans l'une et l'autre somme, constituait pour le notaire Gillioz
une dette de capital, d'intérêts, de frais de poursuite ou de frais
judiciaires. Si Denise Michaud réclame à l'Etat du Valais les intérêts à 5 %
sur 3000 fr. dès la date de l'ouverture d'action contre Gillioz jusqu'au jour
de la délivrance des actes de défaut de biens, ce n'est pas à titre d'intérêts
de demeure dus par l'Etat du Valais, mais comme partie intégrante du dommage
que l'insolvabilité du notaire Gillioz lui a causé.
Certes le Tribunal fédéral a toujours interprété l'art. 54 al. 1 OJ en ce sens
que ni les intérêts, ni les pertes d'intérêts n'entrent en ligne de compte
pour le calcul de la valeur litigieuse (RO 31 II 795, 60 II 50, 21 917). Mais
il a également jugé que lorsque les intérêts sont réclamés sans le capital
celui-ci ayant déjà été payé, par exemple (RO 61 II 337) ou qu'ils font
partie intégrante de la réclamation principale, ainsi qu'il en est pour
l'action en enrichissement illégitime qui s'étend aux fruits et accessoires
perçus par l'enrichi en lieu et place du solvens (RO 64 II 134), l'art. 54 al.
1 n'est pas applicable. Dans ces hypothèses, en effet, les intérêts réclamés
n'ont pas le caractère d'accessoires de la prétention principale. Or de ce
principe découle aussi cette autre conséquence que lorsque des intérêts sont
réclamés, non parce qu'ils seraient dus comme tels sur la prétention
principale, mais comme partie intégrante de la prétention principale, celle-ci
ayant pour objet la réparation d'un dommage qui a consisté aussi ou
exclusivement en une perte d'intérêts, l'art. 54 al. 1 n'est pas applicable
non plus.
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Au reste, tout en prétendant isoler du montant de la demande ce qui
représentait les intérêts, le recourant néglige le fait que le surplus de la
prétention comprend également des frais judiciaires et des dépens, qui, s'ils
ne formaient pas aussi une partie du dommage, devraient être traités à l'égal
des intérêts.
Quant au changement que la demanderesse a apporté aux conclusions de sa
demande le 30 septembre 1938, il n'a modifié ni le montant ni la nature de
celle-ci et ne saurait dès lors avoir une portée juridique quelconque sur la
question actuellement en discussion.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est irrecevable.