Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéro de dossier: BB.2008.84

Arrêt du 19 novembre 2008 Ire Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Emanuel Hochstrasser, président, Barbara Ott et Tito Ponti , La greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni

Parties

A. Limited, représentée par Me Reza Vafadar, avocat, plaignante

contre

Ministère public de la Confédération, partie adverse

Objet

Séquestre (art. 65 PPF)

Faits:

A. Le 24 juin 2005, le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert une enquête de police judiciaire contre B. pour blanchiment d’argent (art. 305bis
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 305bis - 1. Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440
1    Quiconque commet un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il sait ou doit présumer qu'elles proviennent d'un crime ou d'un délit fiscal qualifié, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.440
2    Dans les cas graves, l'auteur est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.444
a  agit comme membre d'une organisation criminelle ou terroriste (art. 260ter);
b  agit comme membre d'une bande formée pour se livrer de manière systématique au blanchiment d'argent446;
c  réalise un chiffre d'affaires ou un gain importants en faisant métier de blanchir de l'argent.
3    Le délinquant est aussi punissable lorsque l'infraction principale a été commise à l'étranger et lorsqu'elle est aussi punissable dans l'État où elle a été commise.447
CP). Le 30 mai 2007, celle-ci a été étendue à C. et à l’infraction de gestion déloyale des intérêts publics au sens de l’art. 314
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 314 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, lèsent dans un acte juridique les intérêts publics qu'ils ont mission de défendre sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP. L’enquête a, par la suite, été étendue à D., E., F. et G. Le MPC reproche aux inculpés d’avoir orchestré durant les années 1997 à 2002 le détournement des actifs financiers de la société tchèque H., active dans l’extraction et le commerce de charbon, aux fins d’en obtenir le contrôle dans le cadre d’une privatisation. La privatisation de H. qui était initialement une entité étatique appartenant à la République tchèque dont les intérêts étaient représentés par le Fonds I., se serait échelonnée entre 1991 et 1999. D., E. et F. étaient membres du conseil d’administration alors que C. et B. étaient membres du comité de surveillance de la société. Les fonds détournés auraient par la suite fait l’objet d’une vaste opération de blanchiment jusqu’en 2005, notamment par le truchement de diverses sociétés écran du groupe de la société A. Limited telles J. Limited ou K. Ltd, L. Ltd et la société suisse M. SA. Cette dernière a été radiée le 21 décembre 2005 suite à sa fusion avec N. SA. Dans ce contexte, le MPC a requis le 2 octobre 2007 la production de la documentation bancaire relative aux comptes de plusieurs sociétés dont ceux de A. Limited et ordonné le séquestre de ceux-ci. Le 19 février 2008, il a étendu l’enquête à l’infraction de gestion déloyale. Au total, quelques 700 millions de francs suisses ont été saisis dans le cadre de cette affaire.

B. Les 18 et 28 juillet 2008, la Cour de céans a rendu deux arrêts en lien avec cette affaire et ce complexe de faits (TPF BB.2008.38 et BB.2008.42 - 43). Elle y a invité le MPC à clarifier la situation au plus vite, mais au 31 décembre 2008 au plus tard, et à apporter des éléments concrets permettant d’établir sans équivoque l’existence et la nature de l’infraction préalable qui aurait généré le blanchiment d’argent sur lequel porte principalement l’enquête.

C. Par décision du 24 juillet 2008, les autorités tchèques ont mis un terme aux investigations qu’elles menaient en lien avec la société H. en raison du fait qu’aucun comportement criminel n’avait pu être découvert (act. 1.4).

Dans un courrier du 2 septembre 2008, se basant sur la décision précitée, A. Limited a requis du MPC le déblocage de tous ses comptes bancaires. Elle relevait également que la décision des autorités tchèques avait été prise en dépit de la demande d’entraide que le MPC leur avait adressée le 24 juin 2008.

Le 19 septembre 2008, le MPC a refusé la levée des séquestres sollicitée au motif qu’une nouvelle enquête avait été ouverte en République tchèque sur les chefs d’accusation d’abus de confiance (art. 248 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
et 4
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
CP CZ) et de blanchiment d’argent (art. 252a al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
et 3
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
CP CZ) dans l’affaire de la société H.

D. Par acte du 29 septembre 2008, A. Limited se plaint de cette décision. Elle conclut à ce que celle-ci soit annulée et que la levée totale des séquestres des avoirs déposés sur le compte No 1 auprès de la banque O. à Zurich soit ordonnée, le tout sous suite de frais et dépens. Elle invoque à ce titre notamment que la simple transmission d’une demande d’entraide internationale concernant un complexe de faits survenu en République tchèque provoque de facto l’ouverture d’une procédure avec une référence procédurale dans ce pays.

Invité à faire part de ses observations dans un délai fixé au 17 octobre 2008, prolongé au 24 octobre 2008, le MPC a envoyé sa réponse, par fax le dernier jour du délai, et l’a postée le lendemain, soit le 25 octobre 2008. La réponse est parvenue à la Cour de céans le 29 octobre 2008.

La Cour considère en droit:

1.

1.1 La Cour des plaintes examine d’office et avec un plein pouvoir d’examen la recevabilité des plaintes qui lui sont adressées (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 131 I 153 consid. 1 p. 156; 131 II 571 consid. 1 p. 573).

1.2 Aux termes des art. 214ss
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF (applicables par renvoi de l'art. 105bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF et en vertu de l'art. 28 al. 1 let. a
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
LTPF), il peut être porté plainte contre les opérations ou les omissions du MPC. Le droit de plainte appartient aux parties, ainsi qu'à toute personne à qui l'opération ou l'omission a fait subir un préjudice illégitime (art. 214 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF). Lorsque la plainte concerne une opération du MPC, elle doit être déposée dans les cinq jours à compter de celui où le plaignant a eu connaissance de cette opération (art. 217
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF).

1.3 En l’espèce, la décision attaquée, qui date du 19 septembre 2008, a été reçue le 22 septembre 2008. Déposée le 29 septembre 2008, la plainte a été faite en temps utile. La plaignante est directement visée par la mesure querellée et est de ce fait légitimée à se plaindre (art. 214 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF). La plainte est donc recevable en la forme.

1.4 La confiscation de valeurs patrimoniales constitue une mesure de contrainte que la Ire Cour des plaintes examine avec un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (TPF BB.2005.4 du 27 avril 2005 consid. 1.2).

2. Le MPC était invité à déposer sa réponse le 24 octobre 2008 au plus tard (act. 5). Celle-ci a été envoyée par fax à l’autorité de céans à la date prescrite, mais a été postée le lendemain, soit le 25 octobre 2008 (act. 7).

Selon l’art. 48 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
LTF, applicable par renvoi de l’art. 99
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF, les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal pénal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste Suisse. La réponse a en l’occurrence été postée avec un jour de retard. Elle est donc tardive. Certes, dans le cadre d’une précédente plainte relative à la même affaire, la Cour de céans avait tenu compte des écritures du MPC en dépit d’un doute quant à la date à laquelle elles avaient été postées (TPF BB.2008.38 précité consid. 2). Dans le cas présent, en revanche, il n’existe aucune ambiguïté quant au fait que l’envoi a été fait un jour après l’échéance du délai imparti au MPC. En conséquence, il ne sera pas tenu compte de ces écritures. Il reste qu’en l’état actuel de la procédure, les pièces qui figurent au dossier permettent à la Cour de statuer sans avoir à se fonder sur la réponse du MPC et ses annexes.

3. La plaignante fait notamment valoir qu’en République tchèque, l’enquête qui était menée contre la société H. a été classée l’été dernier. Elle conteste que l’on puisse retenir, comme le fait le MPC, que, depuis, une nouvelle enquête y a été ouverte, car elle considère que celle-ci ne l’a été qu’en raison de la demande d’entraide des autorités suisses de juin 2008. Elle soutient à cet égard que, au vu du code pénal tchèque, les autorités de ce pays ne pouvaient faire autrement que d’entamer de nouvelles enquêtes suite à l’interpellation des autorités helvétiques. Elle précise également que la société H. ne s’est jamais plainte d’un quelconque dommage, lequel serait en droit tchèque la condition sine qua non de l’infraction d’abus de confiance.

3.1 Il n’est pas contesté que la procédure qui avait été ouverte en République tchèque en lien avec la société H. a été suspendue (act. 1.4). Il convient cependant de relever que celle-ci concernait essentiellement des délits fiscaux alors que celle qui a été ouverte également en lien avec la société H. dans ce pays en septembre dernier l’a été pour abus de confiance et blanchiment d’argent (act. 1.1). En outre, et ainsi que cela ressort de la communication faite par les autorités tchèques, il ne semble pas, contrairement à ce que soutient la plaignante, que seule la demande d’entraide helvétique ait provoqué l’ouverture d’une nouvelle enquête des autorités tchèques, ces dernières déclarant notamment se fonder sur d’autres faits. En tout état de cause, ainsi que déjà relevé (supra let. B), la Cour a, dans un précédent arrêt, ordonné au MPC de clarifier la situation au plus vite, mais au plus tard au 31 décembre 2008, et d’apporter des éléments concrets permettant d’établir sans équivoque l’existence et la nature de l’infraction préalable qui aurait généré le blanchiment d’argent sur lequel porte principalement l’enquête. Aucun changement déterminant n’est survenu depuis lors et le délai n’est pas encore échu. Il n’y a donc pas lieu de revenir sur la décision précitée. En outre, suite à cet arrêt, le MPC s’est rendu au mois de septembre en République tchèque pour y exécuter une demande d’entraide. Il lui incombe maintenant d’analyser les documents recueillis. Le maintien du séquestre sur les comptes de la plaignante est ainsi tout à fait compatible avec les principes de légalité, proportionnalité et célérité.

3.2 Compte tenu de ce qui précède, la plainte est mal fondée et doit être rejetée.

4. La plaignante, qui succombe, supportera les frais de la présente procédure (art. 66 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
LTF, applicable par renvoi de l’art. 245 al. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
PPF), lesquels sont en l’occurrence fixés à Fr. 1'500.-- (art. 3 du règlement du 11 février 2004 fixant les émoluments judiciaires perçus par le Tribunal pénal fédéral; RS 173.711.32), réputés couverts par l’avance de frais déjà versée.

Par ces motifs, la Ire Cour des plaintes prononce:

1. La plainte est rejetée.

2. Un émolument de Fr. 1500.-- réputé couvert par l’avance de frais acquittée est mis à la charge de la plaignante.

Bellinzone, le 19 novembre 2008

Au nom de la Ire Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: la greffière:

Distribution

- Me Reza Vafadar, avocat

- Ministère public de la Confédération

Indication des voies de recours

Dans les 30 jours qui suivent leur notification, les arrêts de la Ire Cour des plaintes relatifs aux mesures de contrainte sont sujets à recours devant le Tribunal fédéral (art. 79 et 100 al. 1 de la loi fédérale du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral; LTF). La procédure est réglée par les art. 90 ss
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
LTF.

Le recours ne suspend l’exécution de l’arrêt attaqué que si le juge instructeur l’ordonne (art. 103
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 248 - Quiconque, dans le dessein de tromper autrui dans les relations d'affaires,
LTF).