S. 342 / Nr. 59 Doppelbesteuerung (f)

BGE 79 I 342

59. Arrêt du 18 novembre 1953 dans la cause «La Suisse», société d'assurances
contre les accidents contre Canton de Berne.

Regeste:
Répartition intercantonale d'intérêts passifs.
Dans l'assurance contre les accidents, les réserves techniques n'ont pas le
caractère de dettes. En matière d'imposition du bénéfice net, il n'y a pas
lieu de prendre en considération les intérêts portés en compte pour de telles
réserves.
Interkantonale Verlegung von Schuldenzinsen.
In der Unfallversicherung haben die technischen Reserven nicht den Charakter
von Schuldverpflichtungen. Zinsbelastungen für

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derartige Reserven brauchen bei der interkantonalen Schuldenzinsenverlegung
für die Besteuerung von Reingewinnen oder Reinerträgnissen nicht
berücksichtigt zu werden.
Riparto intercantonale d'interessi passivi.
Nell'assicurazione contro gli infortuni le riserve tecniche non hanno il
carattere di debiti. In materia d'imposizione dell'utile netto non si debbono
prendere in considerazione gli interessi conteggiati per siffatte riserve.

A. - «La Suisse», société d'assurances contre les accidents à Lausanne, est
propriétaire à Berne, depuis 1945, de deux immeubles pour lesquels elle est
soumise dans ce canton à l'impôt sur la fortune et à l'impôt sur le revenu.
Lors de la première taxation de ces immeubles et de leur produit en 1945 et
1946, «La Suisse» entra en conflit avec le fisc bernois. Elle forma un recours
de droit public contre le jugement qu'avait prononcé le Tribunal administratif
du canton de Berne, en alléguant que ce jugement violait l'interdiction de la
double imposition.
Le 22 décembre 1948, le Tribunal fédéral a déclaré le recours partiellement
fondé, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la juridiction cantonale
pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des motifs. Cet arrêt confirme la
jurisprudence constante, selon laquelle la souveraineté fiscale d'un canton ne
s'étend qu'aux immeubles situés sur son territoire.
Le 27 juin 1949, le Tribunal administratif fixa la fortune et le revenu
imposables de la recourante dans le canton de Berne pour la période 1945/1946.
Ce jugement est, en bref, motivé comme il suit:
Le canton de Berne n'est en droit d'imposer la recourante que pour les
immeubles qu'elle possède à Berne, mais non pour l'activité de la société
recourante, dont le siège est à Lausanne. Il faut cependant admettre en
principe la déduction proportionnelle des dettes et des intérêts passifs, pour
autant, toutefois, qu'ils correspondent à des engagements réels. Dans le cas
particulier, il n'y a pas lieu d'admettre de déductions à ce titre, car
l'existence de ces charges n'a pas été suffisamment établie. En particulier la
recourante

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n'a pas prouvé devoir réellement des intérêts sur ses réserves.
B. - Par le présent recours de droit public, «La Suisse», société d'assurances
contre les accidents, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral:
1) annuler l'arrêt du Tribunal administratif du canton de Berne, du 27 juin
1949;
2) dire que, pour le calcul de son bénéfice imposable dans le canton de Berne,
La Suisse accidents est en droit de déduire du montant des loyers de ses
immeubles bernois les amortissements justifiés par l'usage et prouvés par ses
livres
3) dire que pour le calcul de son bénéfice imposable dans le canton de Berne,
La Suisse accidents est en droit de déduire en outre, du montant des loyers de
ses immeubles bernois, un intérêt sur la part de passifs grevant lesdits
immeubles.
A l'appui de ces conclusions, la recourante allègue notamment et en résumé ce
qui suit:
1) Lors de la nouvelle procédure de taxation du revenu imposable, le Tribunal
administratif n'a pas déduit les amortissements déclarés par la recourante et
qui se rapportaient aux immeubles situés à Berne, alors que les conditions
légales d'une déduction étaient remplies. Ce refus constitue une atteinte au
principe de l'égalité devant la loi et viole indirectement l'interdiction de
la double imposition.
2) Dans son arrêt du 22 décembre 1948, le Tribunal fédéral avait enjoint au
canton de Berne de déduire du produit des immeubles bernois de la recourante
une part des intérêts passifs proportionnelle au rapport existant entre les
actifs représentés par ces immeubles et le total des actifs de la société. Le
Tribunal administratif n'a pas tenu compte de cette injonction et a, par ce
fait également, enfreint l'interdiction de la double imposition.
Le bilan de la recourante, au 31 décembre 1946, mentionnait au passif les
articles suivants:
1)Créances divers Fr. 956 000.-
Réserves pour risques en cours Fr. 2 460 802.-
Réserves pour catastrophes Fr. 2 000 000.-
Pour rentes et sinistres à régler Fr. 2 013 703.-
Fr. 6 474 505.-

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Le premier de ces articles concerne une créance hypothécaire à 3 ½ % en faveur
d'une autre entreprise d'assurances. Quant aux suivants, ils se rapportent à
des réserves qui ne sont pas des fonds propres mais constituent des réserves
techniques, c'est-à-dire des éléments du passif portant intérêt.
Le refus du canton de Berne d'accorder la défalcation d'un intérêt passif
viole l'art. 46 al. 2
SR 101 Bundesverfassung der Schweizerischen Eidgenossenschaft vom 18. April 1999
BV Art. 46 Umsetzung des Bundesrechts - 1 Die Kantone setzen das Bundesrecht nach Massgabe von Verfassung und Gesetz um.
1    Die Kantone setzen das Bundesrecht nach Massgabe von Verfassung und Gesetz um.
2    Bund und Kantone können miteinander vereinbaren, dass die Kantone bei der Umsetzung von Bundesrecht bestimmte Ziele erreichen und zu diesem Zweck Programme ausführen, die der Bund finanziell unterstützt.10
3    Der Bund belässt den Kantonen möglichst grosse Gestaltungsfreiheit und trägt den kantonalen Besonderheiten Rechnung.11
Cst., car il conduit à un empiétement du fisc bernois
sur le domaine fiscal du canton de Vaud. Il entraîne, de plus, une imposition
intolérable des immeubles de la recourante sis sur territoire bernois.
C. - Dans sa réponse, le Conseil-exécutif du canton de Berne se déclare
d'accord avec la déduction d'un amortissement de ½ % de la valeur actuelle des
immeubles. Pour le surplus, il conclut au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- (Elimination des points non litigieux).
2.- Ne reste ainsi à trancher que la question de l'imputation, sur le produit
imposable des immeubles, de l'intérêt des réserves techniques.
Le Tribunal fédéral a déclaré, dans son arrêt e La Suisse», société
d'assurances sur la vie et «La Suisse», société d'assurances contre les
accidents c. Berne et Vaud (RO 74 I 462 et 463), que le canton de Berne
devait, lors de la taxation du produit de la fortune soumise à sa souveraineté
fiscale, tenir compte d'une part des intérêts passifs proportionnelle au
rapport existant entre les actifs représentés par les immeubles bernois et le
total des actifs de la société. Seront pris en considération, les intérêts
dont la législation cantonale accorde généralement la déduction.
Le canton de Berne reconnaît ce principe, mais il se refuse à admettre que les
réserves techniques des sociétés d'assurances contre les accidents soient des
dettes portant intérêt. Il se réfère à l'article 34 de la Loi d'impôt
cantonale en vertu de laquelle «Peuvent être défalqués du

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revenu brut... d) les intérêts passifs échus pendant la période d'évaluation».
Il estime que, d'après cette loi, la déduction est limitée aux seuls intérêts
réellement dus et qu'une dette sans intérêts ne peut donner lieu à aucune
déduction, pas plus d'ailleurs que des intérêts calculés d'une façon toute
générale pour des fonds propres, comme cela peut se faire, du pur point de vue
commercial, pour la détermination interne du rendement d'une entreprise.
Dans le domaine de l'assurance-vie, le Tribunal fédéral a jugé que le capital
de couverture (réserve de prîmes), représentant la somme des engagements qui
incombent à la société pour ses contrats en cours, doit être considéré, du
point de vue fiscal, comme une dette portant intérêts, en tant que ces
investissements ne dépassent pas le montant nécessaire, d'après les usages
commerciaux et les calculs mathématiques, pour couvrir ces engagements. La
Cour fédérale a dit en outre que, dans la même mesure, il devait être accordé,
sur le revenu imposable, une déduction convenable des intérêts afférents à ces
réserves (RO 54 I 395 ss.). Cette jurisprudence a été confirmée par l'arrêt
précité (RO 74 I 461), arrêt qui précise que le capital de couverture de «La
Suisse-Vie» doit être compris dans le passif pour la déduction proportionnelle
des dettes. Cet arrêt ne se rapporte cependant qu'au capital de couverture des
sociétés d'assurances sur la vie et il n'y est nullement question des réserves
techniques que constituent les sociétés d'assurances contre les accidents. Une
différence de traitement des deux branches d'assurances se justifie par le
caractère spécial de l'assurance sur la vie, caractère qui avait déjà été
expressément reconnu dans le premier des arrêts que l'on vient de citer (RO 54
I 395
ss.).
3.- Il ne saurait être question de capital de couverture dans l'assurance
contre les accidents. Dans cette branche, il n'est pas nécessaire comme dans
l'assurance-vie, d'accumuler pendant des années un capital que l'on augmente
régulièrement, auquel s'ajoutent des intérêts, et dont le but est de mettre à
la disposition de la société le

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montant toujours exigible de la valeur de rachat des polices et, par la suite,
celui des sommes assurées elles-mêmes. C'est au contraire année par année que
les capitaux nécessaires seront réunis pour couvrir les indemnités que la
société sera probablement appelée à verser, et pour payer ses frais
d'exploitation. Il n'y a pas de capital de couverture à proprement parler,
mais des réserves qui permettront de faire face, d'une part, aux risques
normalement prévisibles, et d'autre part, aux risques extraordinaires. Ces
réserves n'ont pas le caractère d'une dette réelle car l'obligation ne prend
naissance à l'égard des personnes assurées, que dès la survenance du sinistre.
Ce sont des provisions justifiées du point de vue de la technique de
l'exploitation et que l'assureur constitue par prévoyance pour couvrir ses
besoins courants présumés. Lorsqu'il porte en compte des intérêts afférents à
ces provisions, il ne paie pas une dette, mais prend une mesure destinée à
assurer, du point de vue interne, le calcul du rendement de l'exploitation.
D'ailleurs, durant toute la procédure, au cours de laquelle elle eut
abondamment l'occasion de s'expliquer, la recourante n'a pu apporter le
moindre indice qui aurait permis d'admettre que les provisions qu'elle a
constituées chaque année aient jamais compris le versement d'intérêts
effectivement dus.
On n'aboutit du reste pas à une solution différente par l'analyse de chacun
des articles qui figurent, sous la désignation «Réserve» ou «Provisions» au
passif du bilan produit par la recourante.
a) Le terme «provisions pour risques en cours» désigne, dans la terminologie
de l'assurance, les sommes qui couvrent les risques que la société pourra être
appelée à supporter en raison de contrats expirant après la clôture du bilan.
Ces provisions, qui ne se retrouvent pas dans le cas des sociétés dont l'année
d'assurance coïncide avec l'année commerciale, ont un caractère purement
transitoire. En aucun cas elles ne peuvent être considérées comme des

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dettes et une déduction d'intérêts n'entre pas en ligne de compte à leur
sujet.
b) La réserve pour catastrophes ne constitue manifestement pas non plus une
dette mais une simple provision pour les risques extraordinaires que la
société pourrait devoir couvrir par suite d'événements exceptionnels. Il n'y a
là aucun élément qui pourrait justifier une déduction d'intérêts passifs.
c) Les réserves pour rentes en cours présentent une certaine analogie avec les
réserves faites par les sociétés d'assurances sur la vie. Toutefois, en
l'espèce, les sommes portées en compte sont si minimes qu'elles sont
négligeables et la question d'une déduction des intérêts passifs, sur ce
point, peut être laissée ouverte.
d) Enfin, s'agissant des réserves pour sinistres à régler, l'obligation de
verser des intérêts, au sens de l'art. 34 litt. d de la Loi d'impôt, fait
défaut. Ici également, il ne s'agit pas de rechercher si, au point de vue
purement comptable, des intérêts peuvent ou non être portés en compte, mais de
savoir si, pendant la période de calcul, il existait des obligations pour
lesquelles des intérêts étaient effectivement dus et ont été payés. C'est
seulement dans ce cas que ces intérêts pourraient être pris en considération
pour la répartition intercantonale des intérêts passifs. L'existence d'une
telle obligation de payer des intérêts ne saurait être admise si l'on s'en
rapporte à la pratique et à la jurisprudence suivies en matière de liquidation
des sinistres. En réalité, si l'on fait abstraction des intérêts moratoires
qui sont hors de question en l'espèce, les sociétés d'assurances ne sont
effectivement jamais condamnées à payer des intérêts relatifs aux indemnités
dont elles répondent. Le seul cas où l'on pourrait admettre l'existence d'une
obligation de ce genre serait celui où une assurance, au lieu de verser le
montant constaté d'une indemnité échue, le conserverait à titre de prêt
productif d'intérêts. Mais il n'a jamais été allégué que cette hypothèse ait
été réalisée en l'espèce et l'on doit admettre que les réserves pour sinistres

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à régler, comme ceux dont i! a été question plus haut, n'ont pas le caractère
d'une dette portant intérêt.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est rejeté dans la mesure où il n'est pas devenu sans objet.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 79 I 342
Date : 01. Januar 1953
Publié : 18. November 1953
Source : Bundesgericht
Statut : 79 I 342
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Répartition intercantonale d’intérêts passifs.Dans l'assurance contre les accidents, les réserves...


Répertoire des lois
Cst: 46
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 46 Mise en oeuvre du droit fédéral - 1 Les cantons mettent en oeuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi.
1    Les cantons mettent en oeuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi.
2    La Confédération et les cantons peuvent convenir d'objectifs que les cantons réalisent lors de la mise en oeuvre du droit fédéral; à cette fin, ils mettent en place des programmes soutenus financièrement par la Confédération.10
3    La Confédération laisse aux cantons une marge de manoeuvre aussi large que possible en tenant compte de leurs particularités.11
Répertoire ATF
54-I-388 • 74-I-451 • 79-I-342
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • tribunal administratif • vue • double imposition • viol • assurance-vie • recours de droit public • lausanne • fonds propres • souveraineté fiscale • intercantonal • vaud • bilan • calcul • décision • usage commercial • procédure de taxation • période de calcul • autorité législative • parlement
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