BGE 76 II 344
48. Arrêt de la IIe Cour civile du 19 décembre 1950 dans la cause Dame
Pasquier contre Tinguely et consorts.
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Regeste:
Conditions que doit présenter la possession pour entraîner la présomption de
propriété (art. 930
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 930 - 1 Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
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1 | Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
2 | Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession. |
Voraussetzungen der aus dem Besitz abzuleitenden Eigentumsvermutung (Art. 930
ZGB).
Condizioni cui deve soddisfare il possesso per giustificare la presunzione di
proprietà (art. 930
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 930 - 1 Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
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1 | Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
2 | Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession. |
Résume des faits:
Lucie Deillon est décédée le 20 mars 1938 laissant comme héritiers légaux un
frère, Joseph Tinguely, et trois soeurs: Léa Pasquier, Clémentine Ayer et
Laurette Schenewey.
En décembre 1944, Laurette Schenewey et les héritiers de Clémentine Ayer ont
engagé un procès dans lequel ils ont notamment demandé que Léa Pasquier fût
condamnée à restituer à la succession, pour faire partie de la masse à
partager, un certain nombre de titres qu'elle s'était, disaient-ils, indûment
appropriés. Léa Pasquier s'est opposée à la demande en prétendant que les
titres réclamés lui avaient été donnés par la défunte du vivant de celle-ci.
Par arrêt du 9 octobre 1950, la Cour d'appel du Canton de Fribourg a déterminé
les parts des divers intéressés en tenant compte des titres en question.
Sur recours de Léa Pasquier, le Tribunal fédéral a confirmé sur ce point la
décision attaquée.
Motifs:
Dame Pasquier s'est opposée aux conclusions des demandeurs tendant à la
restitution des 14 500 fr. de titres
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réclamés par ses cohéritiers en prétendant qu'ils lui avaient été donnés par
Lucie Deillon du vivant de celle-ci. La Cour d'appel a rejeté cette exception
par le motif que dame Pasquier n'avait pas rapporté la preuve de la donation.
C'est avec raison que dame Pasquier prétend qu'elle n'avait pas à prouver la
donation; que les titres étant en sa possession, elle devait en être réputée
propriétaire en vertu de l'art. 930
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 930 - 1 Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
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1 | Le possesseur d'une chose mobilière en est présumé propriétaire. |
2 | Les possesseurs antérieurs sont présumés avoir été propriétaires de la chose pendant la durée de leur possession. |
prouver qu'elle ne l'était pas. Toutefois l'erreur commise par la Cour
cantonale ne tire pas à conséquence. Ainsi que le Tribunal fédéral l'a déjà
relevé à plusieurs reprises, la présomption de propriété qui s'attache à la
possession n'est pas absolue. II faut, pour que le possesseur puisse
l'invoquer, que sa possession soit telle, comme dit l'arrêt RO 71 11 255,
qu'on puisse en inférer. provisoirement l'existence d'un droit de propriété;
la présomption cesse, au contraire, quand les circonstances dans lesquelles le
possesseur est entré en possession sont restées obscures et font plutôt douter
de la légitimité du titre en vertu du quel la possession a été acquise (cf.
également RO 41 II 31, 50 II 241, 68 II 28), ce qui est précisément le cas en
l'espèce d'après les constatations de l'arrêt attaqué. Ce dernier relève en
effet tout d'abord que dame Pasquier n'a pu produire aucun écrit dé Lucie
Deillon dans lequel celle-ci aurait manifesté son intention de lui donner ces
titres de son vivant, alors pourtant qu'à l'époque de la remise des titres
Lucie Deillon était en correspondance suivie avec elle et que, dans deux de
ses lettres. celles des 11 et 15 octobre 1936, elle lui avait même parlé de la
situation des enfants Tinguely et marqué son désir de leur faire une
libéralité à son décès. L'arrêt mentionne ensuite le fait que dame Pasquier
avait produit l'enveloppe portant la mention recommandée d'un envoi que lui
avait adressé Lucie Deillon le jour de son départ pour l'hôpital, c'est-à-dire
le 30 décembre 1937, et qui, d'après une lettre de la Banque de la Glâne,
devait contenir une obligation de 4000 fr., sans y joindre la lettre de Lucie
Deillon qui
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devait vraisemblablement accompagner cette valeur. Il relève en outre le
défaut de concordance des déclarations faites par dame Pasquier et par son
frère sur le but de la visite qu'ils firent au caissier de la Banque populaire
de la Gruyère, en signalant que la version de dame Pasquier était «fort
sujette à caution» et qu'il était plus vraisemblable que cette visite avait
pour but de tenter la réalisation de certains titres à l'insu des autres
héritiers. Il retient enfin le fait «très insolite que dans la liste des
titres prétendument donnés, dame Pasquier avait porté une obligation de 3000
fr. de la Banque populaire de la Gruyère qui en réalité avait été remboursée
le 30 décembre 1937, le jour 011 Lucie Deillon entrait à l'hôpital, et qu'elle
n'a pu cependant fournir aucune indication sur la personne qui avait encaissé
le montant de ce titre. Ces faits présentent incontestablement un caractère si
insolite qu'on peut dire que les demandeurs ont prouvé à satisfaction de droit
que dame Pasquier n'était pas propriétaire des titres litigieux. La
présomption qu'elle entendait déduire de leur possession est donc détruite, et
c'est à bon droit que la Cour cantonale l'a condamnée à en rapporter la valeur
à la succession avec l'intérêt...