S. 151 / Nr. 27 Staatsrecht (f)

BGE 71 I 151

27. Arrêt du 28 mai 1945 dans la cause Boillat-Japy contre Département des
finances et contributions du canton de Genève.


Seite: 151
Regeste:
Double imposition intercantonale. Séjour saisonnier.
1. Il y a lieu d'assimiler au séjour d'un contribuable hors de son canton de
domicile dans une maison qui lui appartient ou appartient à un membre de sa
famille et dans laquelle il tient un ménage indépendant, le séjour dans une
maison ou un appartement pris à bail où le locataire vit dans ses meubles, à
condition que le contrat ait été conclu à long terme ou qu'il ait en fait été
renouvelé pendant plusieurs années (consid. 2).
2. Dans un cas comme dans l'autre le séjour est constitutif d'un domicile
fiscal secondaire lorsqu'il est de plus de 90 jours par année (consid. 3).
Interkantonale Doppelbesteuerung. Saisonaufenthalt.
1. Der Steuerpflichtige, der sich ausserhalb des Wohnsitzkantons in einer mit
eigenen Möbeln ausgestatteten Mietwohnung aufhält, ist gleich zu behandeln wie
derjenige, der ausserhalb des Wohnsitzkantons ein eigenes oder einem
Familienglied gehörendes Haus bewohnt, sofern der Mietvertrag auf lange Zeit
abgeschlossen und während mehreren Jahren erneuert worden ist (Erw. 2).
2. In beiden Fällen begründet der Aufenthalt ausserhalb des Wohnsitzkantons
ein sekundäres Steuerdomizil, wenn er jährlich mehr als 90 Tage dauert (Erw.
3).
Doppia imposizione intercantonale. Soggiorno stagionale.
1. Alla persona che soggiorna al di fuori del cantone di domicilio, in una
casa di sua proprietà o appartenente a un membro della sua famiglia, nella
quale tiene un'economia domestica indipendente, è da equiparare, agli effetti
fiscali, la persona che dimora temporaneamente in una casa o in un
appartamento (che ha locato e ammobiliato con mobili propri) al di fuori del
cantone di domicilio, sempre che il contratto di locazione sia stato concluso
a lunga scadenza o, perché ripetutamente rinnovato, perduri da parecchi anni
(consid. 2).
2. In entrambi i casi, il soggiorno fuori del cantone di domicilio, la cui
durata ecceda i 90 giorni annui, viene a costituire un domicilio fiscale
secondario (consid. 3).

A. ­ Dame Louise Boillat-Japy est la veuve d'Edouard Boillat, décédé le 17
octobre 1941. Celui-ci possédait à Reconvilier (canton de Berne) une propriété
dans laquelle il passait une partie de l'année avec sa famille. Durant

Seite: 152
l'autre partie de l'année, il vivait avec sa famille à Genève, où il avait
loué et meublé le rez-de-chaussée et le 1er étage d'une maison de maître. En
1927, le bail, qui avait déjà duré une dizaine d'années, fut prolongé pour
neuf ans et le loyer annuel fixé à 10000 fr. A l'expiration de cette période,
le contrat fut renouvelé pour une année et le loyer ramené à 8000 fr. Le bail
a ensuite été reconduit tacitement.
Depuis la mort de son mari, dame Boillat a l'usufruit de la propriété de
Reconvilier dont ses enfants ont hérité. Le 25 mars 1942, elle fit un nouveau
bail pour une partie de l'appartement qu'elle occupait jusqu'alors à Genève.
Le contrat était conclu pour trois ans, soit jusqu'au 31 mai 1945, et le loyer
était fixé à 3600 fr. Les parties convenaient que, faute de résiliation trois
mois avant l'expiration de la période locative, le bail serait renouvelé pour
la durée de trois ans, et ainsi de suite. En 1942, dame Boillat séjourna à
Genève 237 jours, en 1943, 119 jours, et en 1944, 91 jours (du 28 janvier au
28 avril). Le 17 juin 1944, elle résilia son bail pour le 31 mai 1945.
En 1930, un arrangement était intervenu entre les cantons de Berne et de
Genève, en vertu duquel Edouard Boillat-Japy serait imposé par le canton de
Berne, celui-ci versant toutefois chaque année au canton de Genève une somme
forfaitaire. Au décès d'Edouard Boillat-Japy, les deux cantons prétendirent
percevoir l'impôt de succession. Une transaction fut conclue en 1943 selon
laquelle le canton de Genève put imposer, au titre de l'impôt sur les
successions, le tiers de la fortune mobilière laissée par le défunt, et le
canton de Berne, le reste de l'hérédité.
En 1942 et 1943, dame Boillat paya l'impôt à Genève sur la fortune mobilière
et le revenu de celle-ci pour la durée de son séjour dans cette ville, soit
pour 237 jours en 1942 et 119 jours en 1943.
Le 30 janvier 1945, le fisc genevois lui adressa un bordereau d'impôt pour les
91 jours qu'elle avait passés à Genève en 1944.

Seite: 153
B. ­ Par son recours de droit public du 21 février 1945, dame Boillat-Japy
demande au Tribunal fédéral de prononcer que le canton de Genève n'est pas en
droit de l'imposer pour l'année 1944 et que, partant, le bordereau du 30
janvier 1945 doit être annulé. Elle argumente en substance comme il suit:
Depuis la mort d'Edouard Boillat, le séjour de la recourante à Genève a pris
un autre caractère. Tandis que son mari avait dans cette ville beaucoup d'amis
et de connaissances, dame Boillat, âgée de 78 ans, mène une vie retirée. Ses
séjours à Genève se sont faits d'année en année plus brefs, et ils
appartiennent maintenant au passé. Il n'est pas douteux qu'en 1944, la
recourante n'ait eu son domicile à Reconvilier. Les projets de la loi fédérale
sur la double imposition de SPEISER et de BLUMENSTEIN prévoient que le
particulier qui séjourne hors de son domicile dans un autre canton n'est
soumis à la souveraineté fiscale de ce canton que s'il y réside dans sa propre
maison plus de 90 jours. Il est vrai que, d'après la jurisprudence du Tribunal
fédéral, le séjour dans une demeure louée est constitutif d'un domicile fiscal
lorsque le bail est conclu pour un certain nombre d'années ou que, tout au
moins, il a en fait été renouvelé pendant plusieurs années. Mais, jusqu'à
présent, le Tribunal fédéral n'a fixé une durée minimum de séjour (90 jours)
que pour celui qui habite sur son propre fonds (RO 65 I 90). Le point de vue
de BLUMENSTEIN (System des Steuerrechtes, p. 54), d'après lequel cette limite
de temps vaudrait aussi pour celui qui séjourne dans des locaux loués, est
erroné. Les deux situations sont très différentes. Pour celui qui habite dans
sa propre maison, les rapports avec le lieu de séjour sont beaucoup plus
étroits. Le fait que le séjour dit d'été n'aboutit pas à l'acquisition d'un
terrain et à la construction d'une maison manifeste une certaine hésitation du
contribuable, qui est due à ce que ses liens avec l'endroit en question ne
sont pas encore affermis. Aussi les lois fiscales fédérales font-elles
dépendre

Seite: 154
l'assujettissement d'une personne qui n'a pas son domicile en Suisse ou bien
du fait qu'elle réside en Suisse plus de trois mois dans une maison lui
appartenant, ou bien du fait qu'elle séjourne autrement dans le pays plus de
six mois. Ce principe consacré par le législateur fédéral doit aussi
s'appliquer en matière intercantonale. Si le Tribunal fédéral en décidait
autrement, il mettrait en échec le régime institué par la loi fédérale. Pour
que le «simple» séjour ait les mêmes effets que le séjour sur son propre
fonds, il faut qu'il ait été deux fois plus long, c'est-à-dire qu'il ait duré
180 jours. Or, en 1944, la recourante n'a séjourné à Genève que 91 jours.
C. ­ Le Conseil d'Etat du canton de Genève a conclu au rejet du recours. Il
fait observer ce qui suit:
Les époux Boillat ont eu pendant plus d'un quart de siècle des liens étroits
tant avec Reconvilier qu'avec Genève. La seule solution satisfaisante consiste
à répartir équitablement la souveraineté fiscale entre les deux cantons. Aussi
bien, pour les années 1942 et 1943, cette solution a-t-elle été admise tant
par la recourante que par le canton de Berne. A titre subsidiaire, il y a lieu
de considérer la recourante comme faisant à Genève un séjour saisonnier. Les
dispositions de la législation fédérale invoquées par la recourante ne sont
pas applicables. Il n'y a pas de doute que les époux Boillat-Japy et plus tard
la recourante ont entretenu avec Genève des relations aussi durables et
étroites que s'ils avaient été dans cette ville propriétaires d'un immeuble.
Considérant en droit:
1. ­ Il ne résulte pas du dossier que le canton de Berne ait, pour l'année
1944, procédé à une taxation qui entre en conflit avec le bordereau d'impôt
genevois du 30 janvier 1945. Mais, même si tel ne devait pas être le cas, il y
aurait lieu d'entrer en matière. Le Tribunal fédéral a en effet jugé à
plusieurs reprises que l'art. 46

Seite: 155
al. 2 CF peut être invoqué déjà lorsque la double imposition n'est que
virtuelle.
2. ­ Le Conseil d'Etat parait admettre qu'en 1944 encore, la recourante avait
à Genève des attaches aussi fortes qu'à Reconvilier et qu'en conséquence elle
avait un double domicile qui justifie le partage de la souveraineté fiscale
entre les deux cantons en présence (cf. les arrêts Collet du 11 mars 1932,
Theus du 25 mars 1938, Gerber du 13 juillet 1944). Ce point peut demeurer
indécis, car le canton de Genève revendique uniquement le droit de percevoir
l'impôt sur la fortune mobilière et le revenu de celle-ci pour la durée du
séjour que la recourante a fait à Genève en 1944, soit pour 91 jours. Or cette
prétention appartient au canton de Genève même si, durant cette même année, la
recourante avait des relations plus étroites avec Reconvilier, et y avait donc
son domicile.
Il est de jurisprudence que le séjour d'une personne hors du lieu de son
domicile civil peut, le cas échéant, créer un domicile fiscal secondaire si ce
séjour ne répond pas à un but passager, mais implique des relations
relativement étroites avec le lieu choisi. Tel est le cas, comme le Tribunal
fédéral l'a déjà jugé à plusieurs reprises (RO 39 I 332 cons. 2; 47 I 70 /1;
65 I 90; arrêts non publiés Vidoudez du 28 mars 1929, Burri du 11 mars 1932),
lorsqu'une personne vit régulièrement plusieurs mois par année hors de son
domicile habituel dans une maison qui lui appartient ou appartient à un membre
de sa famille et dans laquelle elle tient un ménage indépendant. Dans un arrêt
Dietrich du 22 mai 1931 (cf. déjà les arrêts Sartorius du 24 octobre 1919,
Schnyder du 4 juillet 1930), le Tribunal fédéral est allé plus loin; il a
assimilé au fait d'habiter sur son propre fonds ou sur le fonds de sa propre
famille le séjour dans un logement pris à bail que le locataire meuble
lui-même, à condition que le rapport de location ait duré un certain nombre
d'années, soit que le contrat ait d'emblée été conclu à long terme, soit qu'il
ait en fait été renouvelé pendant plusieurs années (cf.

Seite: 156
encore l'arrêt Hentsch du 5 juillet 1939). Si elle n'a pas encore été l'objet
d'une publication au recueil officiel, cette extension donnée à l'ancienne
jurisprudence a par exemple été consacrée par la nouvelle loi d'impôt bernoise
en son art. 7 litt. c. Il y a lieu de s'y tenir. La condition relative au
séjour dans sa propre maison a naguère été introduite dans l'idée que seule
une résidence de ce genre permet d'inférer l'intention du contribuable de
revenir dans le canton considéré, c'est-à-dire d'y faire plus qu'un seul et
unique séjour (cf. SPEISER, Verbot der Doppelbesteuerung, Revue de droit
suisse, 1902, p. 571). Mais le fait de demeurer dans une maison ou un
appartement pris à bail est aussi un gage sérieux de la régularité du séjour
si l'on exige que le locataire soit installé dans ses meubles et qu'il ait
régulièrement occupé le logement pendant plusieurs années (cf. HOLLIGER, Das
Steuerdomizil nach interkant. Recht, p. 136; BLUMENSTEIN, System, p. 45).
En l'espèce, ces conditions sont sans conteste réunies En 1944 encore, la
recourante a occupé à Genève un logement où elle habite dans ses meubles,
logement que son mari avait loué il y a plus d'un quart de siècle. La
recourante excipe du fait que ce bail à long terme va prendre fin le 31 mai
1945. Mais, pour décider si la recourante est encore sujette à l'impôt à
Genève pour l'année 1944, on ne saurait tenir compte de cette circonstance.
3. ­ Dans son arrêt du 28 avril 1939 en la cause dame Sarasin (RO 65 I 90 ss),
le Tribunal fédéral a fixé à 90 jours par année le temps pendant lequel le
contribuable devait en tout cas avoir résidé au lieu du séjour pour s'y créer
un domicile fiscal secondaire. Ce précédent vise le séjour du contribuable sur
son propre fonds. Mais il n'y a aucune raison suffisante de fixer autrement la
durée minimum du séjour lorsque le contribuable réside, aux conditions
énoncées ci-dessus (consid. 2), dans des locaux loués. La recourante invoque à
l'appui de l'opinion contraire la législation fiscale fédérale (par ex. l'art.
3 ch. 1

Seite: 157
litt. c de l'ACF du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt sur la
défense nationale) qui fait dépendre l'assujettissement dès personnes qui
n'ont pas de domicile en Suisse d'un séjour de trois ou de six mois suivant
qu'elles habitent ou non une maison leur appartenant. Mais cet argument n'est
pas concluant. A la différence de ce qui est la règle pour les personnes
domiciliées à l'étranger qui séjournent en Suisse, le «simple» séjour ne crée,
dans les rapports entre cantons, aucune obligation de payer l'impôt. Pareille
obligation n'existe, hors du canton de domicile, que si le contribuable tient
un ménage indépendant au lieu du séjour et si, de plus, on a l'assurance que
ce séjour se renouvellera régulièrement pendant plusieurs années, soit parce
que l'intéressé habite sa propre maison, soit parce qu'il a loué pour une
longue période un logement qu'il a lui-même meublé. Or rien n'autorise à fixer
différemment la durée minimum de la résidence suivant qu'on trouve dans l'une
ou l'autre de ces circonstances le gage de la régularité des séjours
(BLUMENSTEIN, System, p. 54).
En l'espèce, il est constant que la recourante a séjourné plus de 90 jours
dans l'immeuble qu'elle avait loué à Genève. La prétention du fisc genevois
est donc fondée.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
rejette le recours.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 71 I 151
Date : 01. Januar 1945
Publié : 27. Mai 1945
Source : Bundesgericht
Statut : 71 I 151
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : Double imposition intercantonale. Séjour saisonnier.1. Il y a lieu d'assimiler au séjour d'un...


Répertoire ATF
39-I-326 • 47-I-68 • 65-I-90 • 71-I-151
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
tribunal fédéral • mois • domicile fiscal • souveraineté fiscale • tennis • domicile en suisse • double imposition • saisonnier • intercantonal • conseil d'état • fortune mobilière • décision • rapport entre • construction et installation • membre d'une communauté religieuse • salaire • mort • bail à loyer • recours de droit public • accès
... Les montrer tous