Urteilskopf

105 Ia 63

15. Extrait de l'Arrêt de la IIe Cour de droit public du 23 mai 1979, dans la cause H. contre Commission neuchâteloise de recours en matière fiscale (recours de droit public)
Regeste (de):

Regeste (fr):

Regesto (it):


Erwägungen ab Seite 64

BGE 105 Ia 63 S. 64

Extrait des considérants:

2. Est arbitraire une application de la loi qui s'écarte du texte clair de celle-ci, à moins que des motifs légitimes ne permettent de le faire (ATF 101 Ia 207 et références). Selon l'art. 335 ch. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
CP, les cantons conservent le pouvoir d'édicter les dispositions pénales nécessaires pour assurer l'observation du droit cantonal en matière fiscale. Ils ne sont pas tenus d'appliquer les règles générales du Code pénal (ATF 103 Ia 227). Toutefois, tant le droit pénal (qui implique une importante restriction de la liberté individuelle, cf. ATF 99 Ia 262 ss. et références) que le droit fiscal (cf. ATF 103 Ia 382 et références) sont régis par le principe de la légalité. Aussi est-il reconnu que le principe nulla poena sine lege, tel qu'il est prévu par l'art. 1
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 1 - Une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi.
CP, s'applique aussi au droit pénal fiscal (BLUMENSTEIN, Steuerrecht, 2e éd., p. 252 ss., notamment 254; HÖHN, Tendenzen im schweizerischen Steuerstrafrecht, Archives 41, p. 281; PFUND, RDS 1971 II 165/6, 225; GAUTHIER, ibidem, p. 355). En l'occurrence, à la différence d'autres lois, l'art. 29 de la loi neuchâteloise concernant la perception d'un droit sur les succession (LSD) subordonne l'existence de l'infraction fiscale à la réalisation d'un état de fait précis, constitué par les trois circonstances suivantes: a) un inventaire dit juridique a été établi par le Service des droits de mutation et du timbre; b) cet inventaire est incomplet;
c) l'héritier ne l'a pas fait compléter (sous-entendu dans un délai raisonnable). Lorsque ces conditions sont remplies cumulativement, l'héritier doit payer une amende égale au double du droit élude. Dans un tel système, l'infraction fiscale n'est pas concevable
BGE 105 Ia 63 S. 65

tant que l'inventaire juridique prévu n'a pas été dressé par le service compétent. Même s'il est plus restrictif que d'autres, un tel système peut trouver une justification. Il présente l'avantage de la sécurité juridique. On ne pourra en effet pas reprocher aux héritiers des réticences antérieures souvent délicates à appréhender en fait et en droit. En revanche, les intéressés savent ou doivent savoir que dès l'instant où les actifs sont inventoriés dans le document officiel prévu par la loi, celui-ci doit être exact. L'héritier doit pouvoir lire cet inventaire et dès le moment où il en constate ou peut constater les lacunes, il a l'obligation de le faire compléter. L'importance même des pénalités (amende égale au double du droit éludé, ce qui, dans les successions dites collatérales, conduit à une redevance totale de 90% du bien non déclaré) appelle et justifie le formalisme du système. Il s'ensuit que si l'autorité estime avoir des raisons de penser que l'héritier cèle des biens et si elle désire se réserver la possibilité de faire usage efficacement de la sanction pénale, elle devra procéder à l'établissement de l'inventaire juridique prévu par la loi. Cela lui permettra le cas échéant d'ouvrir une procédure pour infraction fiscale. En l'occurrence toutefois, le Service des droits de mutation et du timbre n'a jamais établi l'inventaire juridique prévu par la loi. On pourrait alors se demander si, au regard de l'art. 29 LSD, un autre document est assimilable audit inventaire juridique. Mais tel n est évidemment pas le cas, pour plusieurs raisons. D'abord, au regard du précepte nulla poena sine lege, l'interprétation par analogie est prohibée si elle doit porter préjudice à l'accusé. Or la loi, en qualifiant l'inventaire de "juridique", a clairement indiqué non seulement que des effets juridiques lui sont attachés mais aussi, implicitement il est vrai, que son établissement doit répondre à un minimum de formes. De plus, les conséquences attachées par la loi à cet inventaire, ainsi que le respect de la bonne foi entre administration et administré, interdisent d'assimiler à l'inventaire juridique prévu par l'art. 29 LSD un document dont l'administré n'a aucune raison de penser qu'on lui attribuera les mêmes conséquences juridiques. Ensuite, l'inventaire établi au cours de la procédure de bénéfice d'inventaire comporte notamment un actif avec estimation de tous les biens (art. 581 al. 1
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 581 - 1 L'inventaire est dressé par l'autorité compétente selon les règles fixées par la législation cantonale; il comporte un état de l'actif et du passif de la succession, avec estimation de tous les biens.
1    L'inventaire est dressé par l'autorité compétente selon les règles fixées par la législation cantonale; il comporte un état de l'actif et du passif de la succession, avec estimation de tous les biens.
2    Celui qui possède des renseignements sur la situation financière du défunt doit sous sa responsabilité les donner à l'autorité, si elle l'en requiert.
3    Les héritiers sont tenus, en particulier, de signaler à l'autorité les dettes de la succession à eux connues.
CC), qui a pour fonction première
BGE 105 Ia 63 S. 66

de renseigner l'héritier et de lui permettre de choisir entre la répudiation, l'acceptation pure et simple ou l'acceptation de la succession sous bénéfice d'inventaire (art. 588
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 588 - 1 L'héritier a, pendant le délai fixé, la faculté de répudier, de requérir la liquidation officielle, d'accepter la succession sous bénéfice d'inventaire ou de l'accepter purement et simplement.
1    L'héritier a, pendant le délai fixé, la faculté de répudier, de requérir la liquidation officielle, d'accepter la succession sous bénéfice d'inventaire ou de l'accepter purement et simplement.
2    Son silence équivaut à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.
CC); l'inventaire permet également de fixer les limites de la responsabilité de l héritier qui a accepté sous bénéfice d'inventaire à l'égard des créanciers qui ont omis de produire (art. 590
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 590 - 1 Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
1    Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
2    L'héritier demeure toutefois obligé, jusqu'à concurrence de son enrichissement, envers les créanciers qui ont omis de produire sans leur faute ou dont les créances, quoique produites, n'ont pas été portées à l'inventaire.
3    Dans tous les cas, les créanciers peuvent faire valoir leurs droits, en tant que ceux-ci sont garantis par des gages grevant les biens de la succession.
CC). Ni l'une ni l'autre de ces fonctions ne coïncide avec celle de l'inventaire fiscal qui est destiné à fixer de façon obligatoire l'identité et l'estimation (selon des normes propres, cf. art. 21 ss. LSD) des biens successoraux en vue de leur imposition (taxation). L'un ne remplace donc pas l'autre. Du moins l'héritier n'a-t-il pas de raisons de le penser si on ne l'en avise pas. Or, en l'espèce, ni Heitz ni son mandataire n'ont été avisés que l'inventaire successoral civil établi par le greffier du tribunal aurait les effets de l'inventaire juridique prévu par la LSD. Il ne saurait donc être assimilé à celui-ci. Il est enfin sans intérêt pratique de rechercher si l'on pourrait prendre en considération comme inventaire juridique la décision du chef du Département des finances du 20 juin 1977, l'arrêt de la CCR du 7 novembre 1977, la lettre dudit chef du département du 23 janvier 1978 ou encore celle du 28 janvier 1978. En effet, tous ces documents ont englobé dans l'actif les avoirs de la Fondation, sur la base des indications données par Heitz ou par son mandataire. Ils n'appelaient donc pas de complément d'inventaire au sens de l'art. 29 LSD et ne pourraient partant servir de fondement au prononcé d'une amende fiscale.
Reposant sur ces motifs insoutenables et donc arbitraires, la décision attaquée doit être annulée dans la mesure où elle condamne le recourant au paiement d'une amende fiscale. En revanche, aucun motif n'est invoqué à l'encontre de la perception du droit successoral et de l'émolument de dévolution d hérédité. Ces points n'avaient d'ailleurs pas été attaqués devant la CCR et n'auraient par conséquent pas pu être soumis au Tribunal fédéral dans le cadre du recours de droit public au regard de l'art. 87
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 590 - 1 Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
1    Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
2    L'héritier demeure toutefois obligé, jusqu'à concurrence de son enrichissement, envers les créanciers qui ont omis de produire sans leur faute ou dont les créances, quoique produites, n'ont pas été portées à l'inventaire.
3    Dans tous les cas, les créanciers peuvent faire valoir leurs droits, en tant que ceux-ci sont garantis par des gages grevant les biens de la succession.
OJ.
Dispositiv

Par ces motifs, le Tribunal fédéral,
Admet le recours, annule la décision attaquée et lève en conséquence l'amende fiscale infligée au recourant.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 105 IA 63
Date : 23 mai 1979
Publié : 31 décembre 1980
Source : Tribunal fédéral
Statut : 105 IA 63
Domaine : ATF- Droit constitutionnel
Objet : Art. 4 Cst.; droit pénal fiscal. Tant le droit pénal que le droit fiscal sont régis par le principe de la légalité, aussi


Répertoire des lois
CC: 581 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 581 - 1 L'inventaire est dressé par l'autorité compétente selon les règles fixées par la législation cantonale; il comporte un état de l'actif et du passif de la succession, avec estimation de tous les biens.
1    L'inventaire est dressé par l'autorité compétente selon les règles fixées par la législation cantonale; il comporte un état de l'actif et du passif de la succession, avec estimation de tous les biens.
2    Celui qui possède des renseignements sur la situation financière du défunt doit sous sa responsabilité les donner à l'autorité, si elle l'en requiert.
3    Les héritiers sont tenus, en particulier, de signaler à l'autorité les dettes de la succession à eux connues.
588 
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 588 - 1 L'héritier a, pendant le délai fixé, la faculté de répudier, de requérir la liquidation officielle, d'accepter la succession sous bénéfice d'inventaire ou de l'accepter purement et simplement.
1    L'héritier a, pendant le délai fixé, la faculté de répudier, de requérir la liquidation officielle, d'accepter la succession sous bénéfice d'inventaire ou de l'accepter purement et simplement.
2    Son silence équivaut à l'acceptation sous bénéfice d'inventaire.
590
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 590 - 1 Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
1    Les créanciers du défunt qui ne figurent pas à l'inventaire pour avoir négligé de produire en temps utile ne peuvent rechercher l'héritier ni personnellement ni sur les biens de la succession.
2    L'héritier demeure toutefois obligé, jusqu'à concurrence de son enrichissement, envers les créanciers qui ont omis de produire sans leur faute ou dont les créances, quoique produites, n'ont pas été portées à l'inventaire.
3    Dans tous les cas, les créanciers peuvent faire valoir leurs droits, en tant que ceux-ci sont garantis par des gages grevant les biens de la succession.
CP: 1 
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 1 - Une peine ou une mesure ne peuvent être prononcées qu'en raison d'un acte expressément réprimé par la loi.
335
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 335 - 1 Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
1    Les cantons conservent le pouvoir de légiférer sur les contraventions de police qui ne sont pas l'objet de la législation fédérale.
2    Ils peuvent édicter des sanctions pour les infractions au droit administratif et au droit de procédure cantonaux.
Cst: 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
OJ: 87
Répertoire ATF
101-IA-205 • 103-IA-225 • 103-IA-369 • 105-IA-63 • 99-IA-262
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
autorité fiscale • bénéfice d'inventaire • code pénal • directeur • droit cantonal • droit fiscal • droit public • droit pénal • droit pénal fiscal • droits de mutation • décision • délai raisonnable • efficac • fausse indication • greffier • information • inventaire fiscal • limitation • lsd • membre d'une communauté religieuse • nulla poena sine lege • peine • recours de droit public • tribunal fédéral • vue