Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour III

C-1232/2016

Arrêt du 30 juin 2016

Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège),

Composition Andreas Trommer, Daniele Cattaneo, juges,

Rahel Diethelm, greffière.

A._______,

représenté par Maître Christophe Tafelmacher,

Parties Collectif d'avocat(e)s, Rue de Bourg 47-49,

Case postale 5927, 1002 Lausanne,

recourant,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Demande de réexamen d'une décision de renvoi de Suisse.

Faits :

A.
Le 19 octobre 1996, A._______, ressortissant turc né en 1972, est entré en Suisse muni d'un visa d'une durée d'un mois délivré par l'Ambassade de Suisse en Turquie. Après l'échéance de son visa, le prénommé a poursuivi son séjour sur le territoire helvétique sans être au bénéfice d'une autorisation idoine.

B.
En date du 13 août 2004, l'intéressé a conclu mariage, à Lausanne, avec B._______, ressortissante espagnole née en 1975, titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse.

C.
Par décision du 12 juillet 2005, le Service de la population du canton de Vaud (ci-après : le SPOP) a refusé d'octroyer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à A._______, dès lors qu'il ne faisait plus ménage commun avec son épouse et qu'une procédure de divorce avait été engagée.

D.
Le 20 janvier 2006, l'Office fédéral des migrations (ci-après : l'ODM, depuis le 1er janvier 2015 le Secrétariat d'Etat aux migrations, ci-après : le SEM) a prononcé une interdiction d'entrée en Suisse d'une durée de deux ans à l'endroit du prénommé, au motif qu'il avait commis des infractions graves aux prescriptions de police des étrangers. Cette décision n'a pas pu être notifiée à l'intéressé.

E.
Par courriers respectivement du 1er décembre 2011 et du 29 mars 2012, A._______, agissant par l'entremise de son mandataire, a sollicité, auprès de l'autorité cantonale compétente, la régularisation de ses conditions de séjour en Suisse en application de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr (RS 142.20). A l'appui de sa requête, l'intéressé a essentiellement mis en avant la durée de son séjour sur le sol helvétique, son indépendance financière, son intégration professionnelle, ainsi que ses attaches familiales en Suisse.

F.
Par écrit du 28 mai 2013, le SPOP a informé l'intéressé qu'il était favorable à l'octroi d'une autorisation de séjour en sa faveur, tout en attirant son attention sur le fait que cette décision demeurait soumise à l'approbation de l'ODM.

G.
Par décision du 15 août 2013, l'ODM a refusé de donner son approbation à la proposition cantonale d'octroyer une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission à A._______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

H.
Par arrêt du 30 juin 2015, le Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal) a rejeté le recours que le prénommé avait formé contre la décision de l'ODM du 15 août 2013.

Le Tribunal de céans a en particulier retenu qu'on ne saurait accorder une importance prépondérante à la durée de la présence de l'intéressé en Suisse, puisque ce dernier avait séjourné sur le sol helvétique sans être au bénéfice d'une quelconque autorisation et que selon la jurisprudence constante du Tribunal, la durée d'un séjour illégal ne devait en principe pas être prise en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte. Sur un autre plan, le Tribunal a considéré que par rapport à la situation des autres étrangers se trouvant en Suisse depuis de nombreuses années, l'intéressé ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration socioprofessionnelle à ce point exceptionnelle qu'elle serait susceptible de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr. Enfin, quant aux possibilités de réintégration de A._______ dans son pays d'origine, le Tribunal a relevé que le prénommé avait passé les premiers vingt-six ans de son existence et ainsi en particulier toute son enfance, son adolescence ainsi que le début de sa vie d'adulte en Turquie, où il avait effectué sa scolarité obligatoire et travaillé en qualité de secrétaire auprès d'un bureau et où résidait par ailleurs sa mère. Dans ses conditions, le Tribunal a considéré qu'on ne saurait retenir que son pays lui soit devenu à ce point étranger qu'il ne serait plus en mesure, après une période de réadaptation, d'y retrouver ses repères. En conséquence, le Tribunal a estimé que la situation du recourant, envisagée dans sa globalité, n'était pas constitutive d'une situation d'extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEtr et de la jurisprudence y relative.

I.
Par requête du 11 décembre 2015, A._______ a demandé au SEM, par l'entremise de son mandataire, de réexaminer la décision de renvoi rendue à son endroit le 15 août 2013. A l'appui de sa demande, l'intéressé a fait valoir que les circonstances s'étaient modifiées dans une mesure notable et décisive depuis le prononcé de cette décision, dès lors qu'il existait désormais des obstacles importants à l'exécution de son renvoi de Suisse. A._______ a en particulier rappelé qu'il était d'origine kurde et que sa famille provenait d'un village situé dans la région de Gaziantep, à la frontière avec la Syrie, où la situation sécuritaire s'était dégradée de manière préoccupante durant les derniers mois. Il a en outre mis en avant que seule sa mère, âgée de plus de soixante-dix ans, séjournait encore dans son village d'origine, puisque le reste de la parenté s'était établi en Suisse ou en Allemagne. Il a dès lors argué que son retour en Turquie l'exposerait à un danger concret et grave pour son intégrité physique et psychique, cela d'autant plus que compte tenu de la durée de son séjour en Suisse, il ne disposait plus d'aucun réseau social en Turquie.

J.
Par décision du 25 janvier 2016, le SEM a refusé d'entrer en matière sur la demande de réexamen de A._______, en estimant qu'il n'avait pas fait valoir, à l'appui de sa demande de reconsidération, un changement de circonstances suffisamment important pour justifier la reconsidération de la décision de renvoi du 15 août 2013.

K.
Par acte du 26 février 2016, le prénommé, agissant par l'entremise de son mandataire, a formé recours, auprès du Tribunal de céans, contre la décision du SEM du 25 janvier 2016, en concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité de première instance pour qu'elle entre en matière sur sa demande de réexamen et subsidiairement, à ce que le Tribunal constate que l'exécution de son renvoi de Suisse doit être considérée comme illicite et inexigible. En outre, le recourant a sollicité qu'il soit autorisé à poursuivre son séjour en Suisse jusqu'à droit connu sur son recours.

A l'appui de son pourvoi, A._______ a essentiellement repris les arguments avancés dans sa requête du 11 décembre 2015, en arguant que l'évolution dramatique et préoccupante de la situation en Turquie en lien notamment avec les hostilités entre les autorités turques et la population kurde, la présence de terroristes et la survenance d'attentats dans tout le pays, constituait bien une modification notable des circonstances justifiant le réexamen de la décision de renvoi prononcée à son endroit.

L.
Par décision incidente du 10 mars 2016, le Tribunal a rejeté la requête du recourant tendant à ce qu'il soit autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit connu sur la présente procédure de recours.

M.
Le 20 avril 2016, A._______ a sollicité que le Tribunal réexamine sa décision du 10 mars 2016 portant sur l'octroi de mesures provisionnelles, compte tenu en particulier de l'aggravation continue de la situation sécuritaire dans son pays de provenance.

N.
Appelée à prendre position sur le recours de A._______, l'autorité inférieure en a proposé le rejet par préavis du 9 mai 2016, en relevant que le pourvoi de contenait aucun élément ou moyen de preuve nouveau susceptible de modifier son point de vue.

O.
Par décision incidente du 13 mai 2016, le Tribunal a autorisé le recourant à poursuivre son séjour en Suisse jusqu'à droit connu sur l'issue de la présente procédure de recours.

P.
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

2. En particulier, les décisions en matière de renvoi de Suisse prononcées par le SEM - lequel constitue une unité de l'administration fédérale telle que définie à l'art. 33 let. d LTAF - sont susceptibles de recours au Tribunal qui statue définitivement (cf. art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. c ch. 3 LTF).

2.1 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

2.2 Le recourant a qualité pour recourir (cf. art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (cf. art. 50 et 52 PA).

3.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA). L'autorité de recours n'est pas liée par les motifs invoqués par les parties (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants de la décision attaquée (cf. Moser et al., Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Handbücher für die Anwaltspraxis, Tome X, 2ème éd., 2013, n° 3.197). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

4.

4.1 La procédure administrative distingue les moyens de droit ordinaires et extraordinaires. Contrairement aux premiers, les seconds sont dirigés contre des décisions entrées en force de chose jugée formelle, à savoir contre des décisions qui ne peuvent plus être contestées par un moyen de droit ordinaire, par exemple du fait que toutes les voies de droit ordinaires ont été épuisées, que le délai de recours est venu à échéance sans avoir été utilisé, que le recours a été déclaré irrecevable ou en cas de renonciation à recourir ou de retrait du recours. La demande de révision (dont l'examen incombe à l'autorité de recours et suppose que la cause ait fait l'objet d'une décision matérielle sur recours) et la demande de réexamen ou de reconsidération (dont l'examen incombe à l'autorité inférieure) relèvent de la procédure extraordinaire (à ce sujet, cf. par exemple THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n° 1287ss et n° 1414ss et Kölz et al., Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3e édition, 2013, n° 710 ; sur la distinction entre la révision et le réexamen lorsque la cause a fait l'objet d'une décision matérielle sur recours, cf. notamment l'arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5867/2009 du 15 avril 2011 consid. 2 et les références citées).

4.2 La demande de réexamen - définie comme étant une requête non soumise à des exigences de délai ou de forme, adressée à une autorité administrative en vue de la reconsidération d'une décision qu'elle a rendue et qui est entrée en force - n'est pas expressément prévue par la PA. La jurisprudence et la doctrine l'ont cependant déduite de l'art. 66 PA, qui prévoit le droit de demander la révision des décisions, et des art. 8 et 29 al. 2 Cst.. Dans la mesure où la demande de réexamen est un moyen de droit extraordinaire, l'autorité administrative n'est tenue de s'en saisir qu'à certaines conditions, ce qui est notamment le cas, selon la jurisprudence et la doctrine, lorsque le requérant invoque l'un des motifs de révision prévus par l'art. 66 PA (à savoir notamment des faits, respectivement des moyens de preuve importants, qu'il ne connaissait pas lors de la première décision ou dont il ne pouvait se prévaloir ou n'avait pas de raison de se prévaloir à l'époque) ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis que la première décision a été rendue (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.1, ATF 127 I 133 consid. 6 et la jurisprudence citée ; voir également ATAF 2010/5 consid. 2.1.1 et les références citées et Tanquerel, op.cit., n° 1421ss et Kölz et al., op.cit., n° 717).

Selon la pratique en vigueur en matière de révision, applicable par analogie à l'institution du réexamen, les faits nouveaux ne peuvent entraîner la révision ou le réexamen d'une décision entrée en force que s'ils sont pertinents et suffisamment importants pour conduire à une nouvelle appréciation de la situation (cf. ATF 136 II 177 consid. 2.2.1 et ATF 131 II 329 consid. 3.2).

4.3 La procédure extraordinaire (de révision ou de réexamen) ne saurait servir de prétexte pour remettre continuellement en question des décisions entrées en force, ni surtout à éluder les dispositions légales sur les délais de recours. Elle ne saurait non plus viser à supprimer une erreur de droit, à bénéficier d'une nouvelle interprétation ou d'une nouvelle pratique ou encore à obtenir une nouvelle appréciation de faits qui étaient déjà connus en procédure ordinaire. Le droit des étrangers n'échappe pas à cette règle (cf. notamment ATF 136 II 177 consid 2.1 et les arrêts du Tribunal fédéral 2C_1/2015 du 13 février 2015 consid. 4.2 in fine, 2C_225/2014 du 20 mars 2014 consid. 5.1 et 2C_125/2014 du 12 février 2014 consid. 3.1).

4.4 Lorsque l'autorité de première instance n'est pas entrée en matière sur une demande de réexamen, le requérant peut seulement recourir en alléguant que l'autorité a nié à tort l'existence des conditions requises pour l'obliger à statuer au fond, et l'autorité de recours ne peut qu'inviter cette dernière à examiner la demande au fond, si elle admet le recours (cf. ATF 135 II 38 consid. 1.2 et ATF 113 Ia 146 consid. 3c, voir également l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_763/2015 du 9 septembre 2015 consid. 3 et l'arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7510/2014 du 22 septembre 2015 consid. 3.4 et 3.5). L'objet du litige est donc limité par les questions tranchées dans le dispositif de la décision querellée (cf. ATF 134 V 418 consid. 5.2.1). Celles qui en sortent, en particulier les questions portant sur le fond de l'affaire, ne sont pas recevables (cf. ATF 135 II 38 consid. 1.2 et ATF 125 V 413 consid. 1).

4.5 Il ressort de ce qui précède que la présente procédure vise uniquement à déterminer si c'est à bon droit que l'autorité intimée n'est pas entrée en matière sur la demande de réexamen du 11 décembre 2015.

5.
Dans la décision querellée, l'instance inférieure a refusé d'entrer en matière sur la demande de réexamen du recourant, en considérant qu'il n'avait allégué, dans sa requête du 11 décembre 2015, aucun fait nouveau important, ni aucun changement notable des circonstances susceptible de justifier la reconsidération de la décision de renvoi du 15 août 2013.

Dans son mémoire de recours du 26 février 2016, le recourant a contesté cette appréciation, en arguant que l'évolution dramatique et préoccupante de la situation sécuritaire en Turquie constituait bien une modification suffisamment importante des circonstances pour imposer le réexamen de la décision de renvoi du 15 août 2013, puisque l'exécution de son renvoi en Turquie devait désormais être qualifiée d'illicite et d'inexigible.

6.
Selon l'art. 64 al. 1 LEtr, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) ou d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

7.
Le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEtr).

7.1 L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son Etat d'origine, son Etat de provenance ou un Etat tiers, ni être renvoyé dans un de ces Etats (art. 83 al. 2 LEtr).

7.2 L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine ou de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr).

7.3 L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

7.4 L'admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEtr).

8.
Dans son pourvoi du 26 février 2016, le recourant a en particulier fait valoir que compte tenu de sa situation personnelle et familiale, ainsi que de l'évolution de la situation sécuritaire dans sa région d'origine, ainsi qu'en Turquie de manière générale, l'exécution de son renvoi de Suisse devait être qualifiée d'illicite et d'inexigible.

8.1 L'exécution d'une décision de renvoi n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son Etat d'origine, dans son Etat de provenance ou dans un Etat tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr). Tel est le cas notamment lorsqu'elle contrevient à l'interdiction de la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants visée par l'art. 3 CEDH, mais aussi lorsqu'elle emporterait violation du droit à la vie (art. 2 CEDH).

8.2 L'exécution du renvoi contrevient aux engagements de la Suisse découlant de l'art. 3 CEDH, lorsque l'étranger démontre à satisfaction qu'il encourt un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures ou d'autres mauvais traitements dans le pays dans lequel il est renvoyé (cf. notamment Ruedi Illes, in: Caroni et al. [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, n° 15ss ad art. 83 LEtr p. 794ss).

8.3 Une simple possibilité de subir des mauvais traitements ne suffit pas. Il faut au contraire que la personne qui invoque cette disposition démontre à satisfaction qu'il existe pour elle un véritable risque concret et sérieux d'être victime de tortures, ou de traitements inhumains ou dégradants en cas de renvoi dans son pays. Il en ressort qu'une situation de guerre, de guerre civile, de troubles intérieurs graves ou de tension grave accompagnée de violations des droits de l'homme ne suffit pas à justifier la mise en oeuvre de la protection issue de l'art. 3 CEDH, tant que la personne concernée ne peut rendre hautement probable qu'elle serait visée personnellement - et non pas simplement du fait d'un hasard malheureux - par des mesures incompatibles avec la disposition en question (sur l'ensemble des éléments qui précèdent, cf. notamment les arrêts du Tribunal administratif fédéral
C-374/2014 du 2 mars 2016 consid. 6.3.1 et E-6891/2015 du 25 février 2016 consid. 6.4 et les références citées).

8.4 L'application de l'art. 3 CEDH n'est pas exclue lorsque le danger émane de personnes ou de groupes qui ne relèvent pas de la fonction publique. La Cour européenne des droits de l'Homme a toutefois souligné la nécessité de démontrer à la fois que le risque existe réellement et que les autorités de destination ne sont pas en mesure d'y obvier par une protection appropriée (cf. l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme
[CourEDH] Hirsi Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012, n° 27765/09 § 120 et la référence citée, cf. également Grabenwarter/Pabel, Europäische Menschenrechtskonvention, 5e éd., 2012, n° 40 in fine p. 177).

8.5 En l'occurrence, l'intéressé n'a manifestement pas rendu hautement probable l'existence d'un risque concret et sérieux qu'il serait personnellement visé, en cas de retour en Turquie, par des mesures incompatibles avec l'art. 3 CEDH ou d'autres dispositions contraignantes du droit international.

9.
Cela étant, il convient encore d'examiner si l'exécution de son renvoi de Suisse peut être considérée comme raisonnablement exigible.

9.1 Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin (ATAF 2011/50 consid. 8.1 - 8.3).

9.2 En dépit de la recrudescence d'événements violents dans le pays, la Turquie ne connaît pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée qui permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants du pays, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.

Aussi, la reprise des hostilités entre les autorités turques et les combattants du PKK, l'augmentation des attentats terroristes dans le pays et le fait que des actions militaires ont eu lieu dans des régions jusqu'ici non touchées par le conflit, ne démontrent pas l'existence d'une situation susceptible de mettre concrètement en danger toute la population du pays (cf. notamment les arrêts du Tribunal administratif fédéral E-28/2014 du 17 mars 2016 consid. 7.2 et E-7190/2015 du 9 décembre 2015 p. 7).

9.3 En outre, la situation dans la province de Gaziantep, dont provient le recourant, n'est pas comparable à celle régnant dans celles de Sirnak ou Hakkari (cf. ATAF 2013/2) et ce malgré la présence de cellules terroristes, la recrudescence des tensions liées à la proximité du conflit syrien et la survenance d'incidents violents isolés. Les difficultés sécuritaires auxquelles est confrontée la province de Gaziantep n'atteignent en effet pas la gravité requise pour qu'il faille considérer qu'il existe une situation de violence généralisée (dans le même sens, cf. notamment les arrêts du Tribunal administratif fédéral D-7813/2015 du 31 mars 2016 consid. 8.3.2 et E-7974/2015 du 23 février 2016 p. 11).

9.4 Sur un autre plan, il ne ressort du dossier aucun élément dont on pourrait inférer que l'exécution du renvoi impliquerait une mise en danger concrète du recourant en raison de sa situation personnelle, puisque l'intéressé n'a allégué aucun problème de santé particulier et est par ailleurs sans charge de famille. En outre, A._______ a passé les premiers vingt-six ans de son existence et ainsi en particulier toute son enfance, son adolescence ainsi que le début de sa vie d'adulte en Turquie, où il a effectué sa scolarité obligatoire et travaillé en qualité de secrétaire auprès d'un bureau et où réside par ailleurs sa mère.

9.5 Par surabondance, contrairement à ce que le recourant a laissé entendre dans son pourvoi du 26 février 2016, il n'y a pas de raison de considérer que A._______ ne pourrait pas, au besoin, s'établir dans une région du pays éloignée des zones de conflit. L'argument du recourant selon lequel on ne saurait exiger de lui qu'il s'installe dans une autre province, en raison du fait qu'il n'est pas retourné dans son pays d'origine depuis de nombreuses années et de l'absence de réseau familial et social susceptible de faciliter sa réintégration en Turquie ne saurait être déterminant à cet égard. Le recourant ne fait en effet pas partie des personnes qui, en raison d'une vulnérabilité particulière, ne seraient pas en mesure de trouver les moyens d'assurer leur subsistance en l'absence d'un réseau social préexistant.

9.6 Dans ces conditions, l'exécution du renvoi de l'intéressé en Turquie doit être considérée comme raisonnablement exigible.

10.
Enfin, le Tribunal constate que le recourant, à supposer qu'il ne soit pas en possession de documents suffisants pour rentrer dans sa patrie, est en mesure d'entreprendre toute démarche nécessaire auprès de la représentation de son pays d'origine en vue de l'obtention de documents de voyage le lui permettant. Rien ne permet dès lors de penser que son renvoi se heurterait à des obstacles d'ordre technique et s'avérerait ainsi matériellement impossible au sens de l'art. 83 al. 2 LEtr, le recourant ne prétend d'ailleurs pas le contraire.

11.
A toutes fins utiles, il y a encore lieu d'observer que la situation sécuritaire prévalant dans la région d'origine du recourant a effectivement connu une certaine évolution durant les dernières années, de sorte qu'on pourrait se demander s'il n'aurait pas été plus opportun que le SEM entre en matière sur la demande de réexamen et ne rejette la requête qu'après un examen plus approfondi du dossier.

Cela étant, pour que l'autorité doive obligatoirement entrer en matière sur une demande de reconsidération, il faut que la personne concernée invoque une modification notable des circonstances (cf. notamment Tanquerel, op.cit., n° 1421s p. 478s). Or, compte tenu du fait que la province d'origine du recourant était déjà confrontée, au début de l'année 2013, soit avant le prononcé de la décision du SEM du 15 août 2013, à certaines tensions en lien notamment avec la proximité du conflit syrien, ainsi qu'à des incidents violents isolés (cf. ATAF 2013/2 consid. 9.6.2) et au regard également des éléments exposés aux consid. 9.3 et 9.5 supra, le Tribunal estime qu'on ne saurait reprocher au SEM d'avoir considéré que l'intéressé n'avait pas fait valoir, à l'appui de sa demande de réexamen, une modification suffisamment importante des circonstances pour justifier l'entrée en matière sur la demande de réexamen de la décision de renvoi du 15 août 2013.

12.
En conséquence, c'est à tort que l'intéressé fait valoir que les conditions d'entrée en matière sur sa demande de réexamen seraient réunies, puisque force est de constater que sa situation ne s'est pas modifiée de manière suffisamment importante pour justifier le réexamen de la décision de renvoi du 15 août 2013. Partant, c'est à bon droit que le SEM n'est pas entré en matière sur sa demande de reconsidération du 11 décembre 2015.

13.
Il ressort de ce qui précède que, par sa décision du 25 janvier 2016, le SEM n'a ni violé le droit fédéral, ni constaté des faits pertinents de manière inexacte ou incomplète. En outre, cette décision n'est pas inopportune (art. 49 PA).

En conséquence, le recours est rejeté.

Vu l'issue de la cause, il y a lieu de mettre les frais de procédure à la charge du recourant (cf. art. 63 al. 1 PA en relation avec les art. 1
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 1 Verfahrenskosten
1    Die Kosten der Verfahren vor dem Bundesverwaltungsgericht (Gericht) setzen sich zusammen aus der Gerichtsgebühr und den Auslagen.
2    Mit der Gerichtsgebühr sind die Kosten für das Kopieren von Rechtsschriften und der für Dienstleistungen normalerweise anfallende Verwaltungsaufwand wie Personal-, Raum- und Materialkosten sowie Post-, Telefon- und Telefaxspesen abgegolten.
3    Auslagen sind insbesondere die Kosten für Übersetzungen und für die Beweiserhebung. Die Kosten für Übersetzungen werden nicht verrechnet, wenn es sich um Übersetzungen zwischen Amtssprachen handelt.
à 3
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 3 Gerichtsgebühr in Streitigkeiten ohne Vermögensinteresse - In Streitigkeiten ohne Vermögensinteresse beträgt die Gerichtsgebühr:
a  bei einzelrichterlicher Streiterledigung: 200-3000 Franken;
b  in den übrigen Fällen: 200-5000 Franken.
du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté.

2.
Les frais de procédure, d'un montant de Fr. 800.-, sont mis à la charge du recourant. Ce montant est prélevé sur l'avance de frais du même montant versée le 8 avril 2016.

3.
Le présent arrêt est adressé :

- au recourant (Recommandé)

- à l'autorité inférieure (dossier en retour)

- pour information, au Service de la population du canton de Vaud (Recommandé : dossier en retour)

La présidente du collège : La greffière :

Jenny de Coulon Scuntaro Rahel Diethelm

Expédition :
Entscheidinformationen   •   DEFRITEN
Dokument : C-1232/2016
Datum : 30. Juni 2016
Publiziert : 15. Juli 2016
Quelle : Bundesverwaltungsgericht
Status : Unpubliziert
Sachgebiet : Asyl
Gegenstand : Demande de réexamen d'une décision de renvoi de Suisse


Gesetzesregister
AuG: 30  64  83
BGG: 83
BV: 8  29
EMRK: 2  3
VGG: 1  31  32  33  37
VGKE: 1 
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 1 Verfahrenskosten
1    Die Kosten der Verfahren vor dem Bundesverwaltungsgericht (Gericht) setzen sich zusammen aus der Gerichtsgebühr und den Auslagen.
2    Mit der Gerichtsgebühr sind die Kosten für das Kopieren von Rechtsschriften und der für Dienstleistungen normalerweise anfallende Verwaltungsaufwand wie Personal-, Raum- und Materialkosten sowie Post-, Telefon- und Telefaxspesen abgegolten.
3    Auslagen sind insbesondere die Kosten für Übersetzungen und für die Beweiserhebung. Die Kosten für Übersetzungen werden nicht verrechnet, wenn es sich um Übersetzungen zwischen Amtssprachen handelt.
3
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 3 Gerichtsgebühr in Streitigkeiten ohne Vermögensinteresse - In Streitigkeiten ohne Vermögensinteresse beträgt die Gerichtsgebühr:
a  bei einzelrichterlicher Streiterledigung: 200-3000 Franken;
b  in den übrigen Fällen: 200-5000 Franken.
VwVG: 5  48  49  50  52  62  63  66
BGE Register
113-IA-146 • 125-V-413 • 127-I-133 • 131-II-329 • 134-V-418 • 135-II-38 • 136-II-177
Weitere Urteile ab 2000
2C_1/2015 • 2C_125/2014 • 2C_225/2014 • 2C_763/2015
Stichwortregister
Sortiert nach Häufigkeit oder Alphabet
türkei • rückweisungsentscheid • bundesverwaltungsgericht • emrk • heimatstaat • bürgerkrieg • rechtsmittelinstanz • vorinstanz • aufenthaltsbewilligung • examinator • kantonale behörde • europäischer gerichtshof für menschenrechte • erste instanz • verwaltungsbehörde • berechnung • rechtskraft • ordentliches rechtsmittel • monat • doktrin • lausanne
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BVGE
2014/1 • 2013/2 • 2011/50 • 2010/5
BVGer
C-1232/2016 • C-374/2014 • C-5867/2009 • C-7510/2014 • D-7813/2015 • E-28/2014 • E-6891/2015 • E-7190/2015 • E-7974/2015