Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1B 210/2010
Arrêt du 28 septembre 2010
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Reeb et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Participants à la procédure
1. D.________,
2. Fondation X.________,
représentées par Maîtres Pierre-Alain Guillaume et Fabienne Jaros, avocats,
recourantes,
contre
Administration fédérale des contributions, 3003 Berne.
Objet
séquestre,
recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
Ire Cour des plaintes, du 27 mai 2010.
Faits:
A.
Au mois de juillet 2003, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a ouvert une enquête contre A.________, son épouse B.________ et leur société C.________, pour soustraction d'impôt et délits fiscaux. Le 17 septembre 2003, l'AFC a ordonné le séquestre, auprès d'établissements financiers, de toutes les valeurs dont les inculpés pouvaient être titulaires ou ayants droit. Le séquestre a notamment porté sur les avoirs de D.________ et de la Fondation X.________, toutes deux au Liechtenstein, pour un montant de quelque 10 millions de francs.
Le 21 septembre 2006, la Division d'enquêtes fiscales spéciales a rendu son rapport, concluant à l'existence d'actes de soustraction d'impôts au moyen notamment de l'intervention de D.________ comme société-écran, et à des frais fictifs de sous-traitance. Les fonds dégagés auraient été versés en grande partie sur des comptes détenus par la Fondation X.________. L'enquête close, le rapport d'enquête a été remis à l'administration cantonale vaudoise des impôts (ACI). Celle-ci a rendu, le 11 octobre 2007, des décisions de rappels d'impôts et des prononcés d'amendes à l'endroit des époux A.________ et B.________ (1'268'300 fr. d'IFD pour 1995 à 2002, et 1'443'500 fr. d'amende; 1'886'880 fr. d'impôts cantonaux et communaux pour 1999 à 2002, et 2'034'700 fr. d'amende) et de C.________ (892'424 fr. d'IFD pour 1995 à 2002 et 1'047'300 fr. d'amende; 1'499'150 fr. d'impôts cantonaux et communaux pour 1999 à 2002 et 1'606'100 fr. d'amende). Les réclamations formées contre ces prononcés ont été rejetées le 4 décembre 2008 par l'ACI. Les intéressés ont recouru auprès de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois.
B.
Le 5 décembre 2008, l'ACI a formé une demande de sûretés à l'encontre des époux A.________ et B.________ et de C.________. Cette demande concerne les rappels et amendes pour l'impôt fédéral direct et pour les impôts communaux et cantonaux pour les périodes fiscales concernées par les décisions du 11 octobre 2007, ainsi que pour les années 2003 à 2006. Une ordonnance de séquestre a été rendue le même jour, portant sur tous les avoirs des débiteurs à leur domicile et dans les banques de Genève, Zurich, Morges et Lausanne, ainsi qu'au siège de C.________.
C.
Le 4 mars 2010, D.________ et Fondation X.________ ont demandé à la Division affaires pénales et enquêtes de l'AFC (DAPE) la levée des séquestres ordonnés en 2003 sur leurs comptes bancaires. Par décision formelle du 11 mars 2010, la DAPE répondit que l'existence de sûretés au niveau cantonal n'obligeait pas à renoncer aux séquestres ordonnés par l'autorité fédérale; seul le juge du fond pourrait se prononcer définitivement.
D.
Par arrêt du 27 mai 2010, la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a partiellement admis la plainte formée par C.________ et Fondation X.________, en ordonnant à l'AFC de leur restituer les documents se trouvant encore en sa possession. S'agissant en revanche des séquestres d'avoirs bancaires, l'enquête reposait sur des soupçons suffisants et les comptes des plaignantes auraient servi à recueillir des fonds détournés au fisc. Ils étaient donc susceptibles d'être confisqués. Les décisions de rappel d'impôt permettaient de mieux déterminer les montants dus par le couple A.________ et B.________; elles n'étaient toutefois pas définitives, une reformatio in peius n'étant notamment pas exclue. Les montants bloqués, en tout cas pour les époux A.________ et B.________, étaient inférieurs aux sommes dues en lien avec l'IFD. Les sûretés ne couvraient pas l'éventuelle amende pour les délits d'usage de faux. Compte tenu de ces incertitudes, les séquestres ne devaient pas être levés à tout le moins jusqu'à l'entrée en force des décisions de rappels d'impôts. Les plaignantes invoquaient leur situation financière difficile, mais l'argument n'était pas documenté.
E.
Par acte du 28 juin 2010, D.________ et Fondation X.________ forment un recours en matière pénale. Elles demandent l'annulation des ch. 3 et 4 du dispositif de l'arrêt attaqué (les ch. 2 et 5 n'étant pas contestés) et la levée des séquestres ordonnés en 2003. Subsidiairement, elles concluent au renvoi de la cause à la Cour des plaintes pour nouvel arrêt.
La Cour des plaintes se réfère à son arrêt. L'AFC conclut au rejet du recours. Les recourantes ont répliqué.
Considérant en droit:
1.
Selon l'art. 79
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 79 Exception - Le recours est irrecevable contre les décisions de la cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, sauf si elles portent sur des mesures de contrainte. |
SR 313.0 Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA) DPA Art. 46 - 1 Le fonctionnaire enquêteur met sous séquestre: |
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1 | Le fonctionnaire enquêteur met sous séquestre: |
a | les objets pouvant servir de pièces à conviction; |
b | les objets et autres valeurs qui seront vraisemblablement confisqués; |
c | les dons et autres avantages qui seront dévolus à l'État. |
2 | Les autres objets et valeurs qui ont servi à commettre l'infraction ou qui en sont le produit peuvent être séquestrés, lorsque cela paraît nécessaire pour empêcher de nouvelles infractions ou pour garantir un droit de gage légal. |
3 | Il est interdit de séquestrer les objets et les documents concernant des contacts entre une personne et son avocat si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats54 et n'a pas le statut de prévenu dans la même affaire.55 |
1.1 La décision par laquelle le juge prononce ou maintient un séquestre pénal constitue une décision incidente, qui ne met pas fin à la procédure (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 100 et les références). Dès lors, conformément à l'art. 93 al. 1 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 93 Autres décisions préjudicielles et incidentes - 1 Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
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1 | Les autres décisions préjudicielles et incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours: |
a | si elles peuvent causer un préjudice irréparable, ou |
b | si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse. |
2 | En matière d'entraide pénale internationale et en matière d'asile, les décisions préjudicielles et incidentes ne peuvent pas faire l'objet d'un recours.88 Le recours contre les décisions relatives à la détention extraditionnelle ou à la saisie d'objets et de valeurs est réservé si les conditions de l'al. 1 sont remplies. |
3 | Si le recours n'est pas recevable en vertu des al. 1 et 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées par un recours contre la décision finale dans la mesure où elles influent sur le contenu de celle-ci. |
1.2 Les recourantes ont participé à la procédure devant l'instance précédente (art. 81 al. 1 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 81 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
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1 | A qualité pour former un recours en matière pénale quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire, et |
b | a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, soit en particulier: |
b1 | l'accusé, |
b2 | le représentant légal de l'accusé, |
b3 | le ministère public, sauf pour les décisions relatives à la mise en détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, à la prolongation de la détention ou à sa levée, |
b4 | ... |
b5 | la partie plaignante, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles, |
b6 | le plaignant, pour autant que la contestation porte sur le droit de porter plainte, |
b7 | le Ministère public de la Confédération et les autorités administratives participant à la poursuite et au jugement des affaires pénales administratives selon la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif56. |
2 | Une autorité fédérale a qualité pour recourir si le droit fédéral prévoit que la décision doit lui être communiquée.57 |
3 | La qualité pour recourir contre les décisions visées à l'art. 78, al. 2, let. b, appartient également à la Chancellerie fédérale, aux départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, aux unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions. |
1.3 Dans le cas d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre une mesure provisionnelle, seule peut être invoquée la violation de droits fondamentaux (art. 98
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 98 Motifs de recours limités - Dans le cas des recours formés contre des décisions portant sur des mesures provisionnelles, seule peut être invoquée la violation des droits constitutionnels. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
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1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
2.
Les recourantes invoquent leur droit d'être entendues. Elles reprochent à la Cour des plaintes de ne pas avoir examiné les griefs soulevés. Les recourantes faisaient valoir que les mesures ordonnées par la DAPE ne pouvaient pas être maintenues après le rapport de 2006 mettant fin à l'enquête et la transmission de la cause à l'autorité cantonale, cette dernière ayant ordonné ses propres mesures de sûreté. Dans un second grief, les recourantes se plaignaient de la durée du séquestre, soit six ans depuis son prononcé et quatre ans depuis la fin de l'enquête; dans un troisième grief, elles relevaient que, contrairement à ce que soutient la DAPE, les décisions cantonales de rappels d'impôts et d'amendes ne se prononçaient pas sur le séquestre fédéral.
2.1 Conformément au droit d'être entendu (art. 29 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
2.2 En l'occurrence, l'arrêt attaqué examine l'admissibilité des séquestres au regard de l'art. 46 al. 1 let. b
SR 313.0 Loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA) DPA Art. 46 - 1 Le fonctionnaire enquêteur met sous séquestre: |
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1 | Le fonctionnaire enquêteur met sous séquestre: |
a | les objets pouvant servir de pièces à conviction; |
b | les objets et autres valeurs qui seront vraisemblablement confisqués; |
c | les dons et autres avantages qui seront dévolus à l'État. |
2 | Les autres objets et valeurs qui ont servi à commettre l'infraction ou qui en sont le produit peuvent être séquestrés, lorsque cela paraît nécessaire pour empêcher de nouvelles infractions ou pour garantir un droit de gage légal. |
3 | Il est interdit de séquestrer les objets et les documents concernant des contacts entre une personne et son avocat si celui-ci est autorisé à pratiquer la représentation en justice en vertu de la loi du 23 juin 2000 sur les avocats54 et n'a pas le statut de prévenu dans la même affaire.55 |
3.
Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être admis et les ch. 3 et 4 de l'arrêt attaqué (rejet de la plainte et frais) sont annulés. Suivant la nouvelle décision que la Cour des plaintes sera amenée à rendre, les recourantes pourraient avoir droit à une indemnité de dépens plus élevée que celle qui est fixée au ch. 5 de l'arrêt attaqué. Elles ont toutefois expressément renoncé à contester ce point, et le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà de leurs conclusions (art. 107 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 107 Arrêt - 1 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties. |
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1 | Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties. |
2 | Si le Tribunal fédéral admet le recours, il statue lui-même sur le fond ou renvoie l'affaire à l'autorité précédente pour qu'elle prenne une nouvelle décision. Il peut également renvoyer l'affaire à l'autorité qui a statué en première instance. |
3 | Si le Tribunal fédéral considère qu'un recours en matière d'entraide pénale internationale ou d'assistance administrative internationale en matière fiscale est irrecevable, il rend une décision de non-entrée en matière dans les quinze jours qui suivent la fin d'un éventuel échange d'écritures. Dans le domaine de l'entraide pénale internationale, le Tribunal fédéral n'est pas lié par ce délai lorsque la procédure d'extradition concerne une personne dont la demande d'asile n'a pas encore fait l'objet d'une décision finale entrée en force.100 |
4 | Le Tribunal fédéral statue sur tout recours contre une décision du Tribunal fédéral des brevets portant sur l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets101 dans le mois qui suit le dépôt du recours.102 |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. Les chiffres 3 et 4 de l'arrêt attaqué sont annulés et la cause est renvoyée à la Cour des plaintes pour nouvelle décision au sens des considérants.
2.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée aux recourantes, à la charge de la Confédération (Administration fédérale des contributions).
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des recourantes, à l'Administration fédérale des contributions et au Tribunal pénal fédéral, Ire Cour des plaintes.
Lausanne, le 28 septembre 2010
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Kurz