Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour VI

F-1031/2018

Arrêt du 27 novembre 2019

Jenny de Coulon Scuntaro (présidente du collège),

Composition Blaise Vuille, Regula Schenker Senn, juges,

Rahel Affolter, greffière.

A._______,

représenté par B._______, avocat
Parties
(...),

recourant,

contre

Office fédéral de la police (Fedpol),

Guisanplatz 1a, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Interdiction d'entrée Fedpol.

Faits :

A.
A._______, ressortissant français né en 1983, est domicilié en France voisine, à proximité de Genève, avec son épouse et leurs deux filles nées respectivement en 2011 et en 2013, toutes au bénéfice de la citoyenneté helvétique.

B.
Dès 2008, le prénommé a régulièrement exercé des activités lucratives sur le sol helvétique. Il était notamment employé en qualité de C._______ auprès de la Fondation X._______ à Genève à partir du 1er avril 2012.

En juillet 2012, l'Office cantonal de la population et des migrations du canton de Genève (ci-après : l'OCPM) a mis l'intéressé au bénéfice d'une autorisation frontalière UE/AELE, laquelle a régulièrement été renouvelée par la suite.

C.
En date du 1er février 2013, le Ministère public du canton de Genève a reconnu l'intéressé coupable de conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis et l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à Fr. 30.-, avec sursis pendant trois ans, ainsi qu'à une amende de Fr. 500.-.

D.
Le 23 novembre 2016, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a condamné A._______ à une peine privative de liberté de 15 mois, avec sursis pendant 4 ans, pour violation fondamentale des règles de la circulation routière.

E.
Le 24 août 2017, l'OCPM a fait savoir au prénommé qu'il envisageait de refuser la prolongation de son autorisation frontalière compte tenu notamment de la condamnation pénale dont il avait fait l'objet le 23 novembre 2016, ainsi que d'un préavis défavorable émis par le Service de renseignements de la Confédération (ci-après : le SRC), selon lequel il constituait une menace pour la sécurité intérieure du pays en raison de sa radicalisation religieuse intervenue lorsqu'il purgeait une peine privative de liberté en France.

F.
Par requête du 11 septembre 2017, l'intéressé s'est adressé au SRC en vue de pouvoir consulter les documents ayant motivé le préavis négatif susmentionné.

Par décision du 30 novembre 2017, le SRC a refusé de donner une suite favorable à la demande de A._______, en relevant que des intérêts publics prépondérants, et plus particulièrement la protection de la sécurité intérieure et extérieure de la Confédération, s'opposaient à la divulgation des renseignements sollicités.

G.
Par décision du 9 janvier 2018, l'autorité cantonale compétente a refusé de renouveler l'autorisation frontalière UE/AELE de A._______, relevant notamment qu'il représentait un danger pour la sécurité intérieure de la Suisse en raison des liens qu'il avait développés avec la mouvance islamiste radicale. Sur un autre plan, l'autorité cantonale a observé que l'intéressé n'exerçait désormais plus d'activité lucrative sur le sol helvétique, dès lors que son employeur avait résilié le contrat de travail invoqué à l'appui de la demande de prolongation de l'autorisation frontalière.

A._______, agissant par l'entremise de son mandataire, a contesté cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance et par la suite, devant la Chambre administrative de la Cour de Justice du canton de Genève, la procédure de recours devant la dernière instance cantonale étant actuellement toujours pendante.

H.
Le 17 janvier 2018, l'Office fédéral de la police (ci-après : Fedpol) a informé l'intéressé qu'il envisageait de prononcer une interdiction d'entrée en Suisse à son endroit, dès lors qu'il était en possession de renseignements en vertu desquels il se serait radicalisé lorsqu'il purgeait une peine privative de liberté en France entre 2005 et 2007, durant laquelle il aurait sympathisé avec un individu condamné pour sa participation à l'élaboration d'un projet d'attentat en France et qu'il avait par ailleurs entretenu des liens avec des individus radicalisés au sein de la Mosquée Y._______, laquelle avait résilié son contrat de travail en raison de sa radicalisation.

A._______, agissant par l'entremise de son mandataire, a pris position par communication du 22 janvier 2018. L'intéressé a contesté l'intégralité des affirmations contenues dans le courrier de Fedpol du 17 janvier 2018 en lien avec sa prétendue radicalisation ainsi qu'avec les motifs de son licenciement. Il a par ailleurs insisté sur l'importance de ses liens avec la Suisse.

I.
Par décision du 7 février 2018, Fedpol a prononcé une interdiction d'entrée en Suisse d'une durée de cinq ans à l'endroit de A._______.

Dans cette décision, Fedpol a rappelé en premier lieu que l'autorité cantonale compétente avait refusé de renouveler l'autorisation frontalière de l'intéressé qui avait perdu son emploi de C._______ auprès de la Fondation X._______ à Genève en raison de sa radicalisation et du fait qu'il faisait l'objet, selon des renseignements divulgués par des sources ouvertes, d'une fiche S en France. L'autorité de première instance a en outre précisé que le SRC était en possession d'informations selon lesquelles l'intéressé « se serait radicalisé lorsqu'il était détenu en prison en France entre 2005 et 2007 au côté d'un individu condamné à une longue peine d'incarcération pour participation à l'élaboration d'un projet d'attentat terroriste en France.» En outre, l'intéressé aurait entretenu, dès 2012, « de nombreux liens, au sein de la Mosquée Y._______ où il travaillait, avec des individus dont la radicalisation [était] avérée et dont certains [avaient] rejoint ou tenté de rejoindre la zone syro-irakienne. »

Compte tenu des éléments qui précèdent, Fedpol a retenu que A._______ était un partisan de l'islam radical et qu'il y avait par ailleurs lieu de croire qu'il s'évertuerait « à propager une idéologie extrémiste soutenant ouvertement des thèses salafistes et à inciter d'autres individus à épouser une telle idéologique, à travers laquelle son public p[ouvait] se radicaliser mais également être recruté pour faire le Djihad armé. » L'instance inférieure a également estimé qu'il était fort probable que la récente décision cantonale négative provoque chez l'intéressé « une forte rancoeur à l'égard des autorités suisses, ce qui augmenterait son degré de radicalisation et l'inciterait à redoubler son engagement dans des activités en faveur de l'islam radical.»

Partant, Fedpol a considéré que la présence de l'intéressé en Suisse constituait un danger sérieux pour la sécurité intérieure du pays, de sorte qu'il y avait lieu de l'empêcher de se déplacer librement sur le territoire national. L'autorité de première instance a par ailleurs retenu que cette restriction à la libre circulation n'était pas contraire aux droits conférés par l'ALCP (RS 0.142.112.681) compte tenu notamment de la gravité de la menace que A._______ représentait pour la sécurité intérieure du pays. En outre, Fedpol a observé que la mesure d'éloignement n'était pas contraire à l'art. 8 CEDH, dès lors que la famille du prénommé s'était durablement installée en France.

Enfin, l'autorité inférieure a signalé à l'intéressé que l'interdiction d'entrée prononcée à son endroit engendrait un signalement dans le Système de recherches informatisées de police (RIPOL) et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours formé contre sa décision.

J.
Par acte du 19 février 2018, A._______, agissant par l'entremise de son mandataire, a formé recours, auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le Tribunal ou le TAF), contre la décision de Fedpol du 7 février 2018, en concluant à son annulation. Subsidiairement, le recourant a requis qu'il soit renoncé provisoirement au prononcé de la mesure d'éloignement afin qu'il puisse terminer la formation entreprise auprès d'un institut à Genève, qu'il soit explicitement autorisé à entrer en Suisse pour poursuivre ses cours ou que la cause soit renvoyée à l'autorité intimée pour instruction complémentaire et nouvelle décision. En outre, le prénommé a sollicité la restitution de l'effet suspensif au recours et l'octroi de l'assistance judiciaire totale.

Dans son mémoire de recours, le recourant a en particulier exposé qu'il avait contesté la décision cantonale relative à la prolongation de son autorisation frontalière, de sorte que ce prononcé n'était pas encore entré en force, en ajoutant que la résiliation de son contrat de travail faisait également l'objet d'une procédure judiciaire en cours. Sur un autre plan, l'intéressé a rappelé qu'il était au bénéfice de la nationalité française, que son épouse et ses enfants étaient de nationalité suisse, que ses beaux-parents résidaient sur le sol helvétique et qu'il avait par ailleurs entamé une formation d'une durée de trois ans auprès d'un institut situé à Genève au mois de septembre 2016. Le recourant a en outre souligné que l'autorité intimée n'avait avancé aucun élément ou moyen de preuve concret susceptible de justifier son appréciation selon laquelle il représenterait un danger pour la sécurité intérieure du pays.

Au regard des éléments qui précèdent, et compte tenu en particulier de l'importance des intérêts privés en cause ainsi que de l'absence d'une quelconque activité délictuelle de sa part, l'intéressé a considéré que la décision attaquée était contraire à l'art. 67 al. 4 LEtr, aux libertés conférées par l'ALCP, ainsi qu'à la protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 CEDH. Sur le plan formel, l'intéressé a fait valoir une violation de son droit d'être entendu, arguant en substance qu'il n'avait jamais pu consulter les documents sur lesquels Fedpol s'était basé pour prononcer la décision querellée.

K.
Par pli du 26 février 2018, Fedpol a transmis son dossier au Tribunal. L'autorité intimée a produit deux classeurs, expliquant en substance que l'un d'entre eux était destiné uniquement à l'autorité de recours et ne pouvait pas être consulté par le recourant pour des motifs de protection de la sécurité intérieure du pays. Fedpol a cependant constitué un deuxième classeur consultable par le recourant et contenant les mêmes pièces, en précisant qu'une partie des documents contenus dans ce classeur avaient été caviardés.

L.
Par décision incidente du 6 mars 2018, le Tribunal a rejeté la requête du recourant tendant à la restitution de l'effet suspensif au recours, compte tenu notamment du fait qu'à l'appui de son pourvoi, l'intéressé n'avait avancé aucun argument ou moyen de preuve concret susceptible de démontrer que les éléments relevés par Fedpol en lien avec sa prétendue radicalisation étaient sans fondement, qu'il avait par ailleurs fait l'objet de plusieurs condamnations pénales en Suisse et en France et que les intérêts privés en cause pouvaient être relativisés en l'état, dès lors qu'il avait perdu son emploi et que sa famille proche résidait par ailleurs en France.

M.
Le 3 mai 2018, le Tribunal a admis la demande d'assistance judiciaire totale du recourant, l'a dispensé du paiement des frais de procédure et a désigné son mandataire en qualité d'avocat d'office pour la présente procédure de recours.

N.
Appelé à prendre position sur le recours de A._______, Fedpol a conclu à son rejet par préavis du 23 mai 2018. L'autorité intimée a en particulier considéré qu'elle avait respecté le droit d'être entendu du recourant, dès lors que ce dernier avait eu la possibilité de se déterminer sur les éléments ayant fondé la décision contestée, en précisant que jusqu'à présent, l'intéressé n'avait jamais requis la consultation de l'intégralité de son dossier, bien qu'il soit représenté par un mandataire professionnel. Sur un autre plan, Fedpol a argué que les éléments relevés dans la décision querellée, soit la radicalisation du recourant, ses liens avec des individus connus pour leur obédience islamiste, ainsi que son prosélytisme en faveur de l'islam radical sur son ancien lieu de travail en conjonction avec les condamnations pénales prononcées en Suisse en France étaient suffisants pour considérer qu'il représentait une menace pour la sécurité intérieure du pays justifiant le prononcé d'une mesure d'éloignement au sens de l'art. 67 al. 4 LEtr, ainsi qu'une restriction aux droits consacrés par l'ALCP.

O.
Par communication du 11 septembre 2018, le recourant a exercé son droit de réplique, soulignant en particulier que l'autorité intimée continuait à violer son droit d'être entendu, dès lors qu'il n'avait pas été en mesure de consulter l'ensemble des pièces que cette autorité avait mis à disposition du Tribunal. Sur un autre plan, le recourant a fortement contesté sa radicalisation (cf. notamment sa déposition écrite datée du 15 février 2018). A l'appui de ses dires, il a notamment versé au dossier une déposition écrite de l'imam de la prison en France au sein de laquelle il avait purgé un peine privative de liberté, une attestation établie par cette même prison, d'autres témoignages confirmant qu'il avait une approche tolérante de la religion ainsi qu'une pétition signée par de nombreuses connaissances (cf. le courrier de l'imam du 6 avril 2018, l'attestation de la prison du 22 juin 2018, ainsi que les autres témoignages produits par pli du 11 septembre 2018). Enfin, le recourant a informé le Tribunal que son épouse avait pris domicile à Genève.

P.
Par courrier du 7 novembre 2018, Fedpol a fait savoir au Tribunal que les éléments apportés par le recourant n'étaient pas susceptibles de modifier son point de vue et qu'il maintenait partant sa décision du 7 février 2018. L'autorité inférieure a en particulier observé que le caviardage de certaines pièces de son dossier s'imposait pour des motifs d'ordre public, puisque les documents concernés contenaient des informations provenant de sources d'information bénéficiant d'une protection particulière en vertu du droit applicable en matière de renseignement. S'agissant des arguments avancés par le recourant en lien avec son approche tolérante à la religion, Fedpol a en substance rappelé que l'appréciation de la dangerosité de l'intéressé reposait sur des informations issues de sources fiables, en ajoutant que les témoignages récoltés avaient vraisemblablement été émis pour les besoins de la cause et devaient par conséquent être examinés avec circonspection.

Q.
Dans sa communication du 29 janvier 2019, le recourant a essentiellement repris les arguments avancés dans ses autres écritures déposées dans le cadre de la présente procédure de recours, réitérant notamment les griefs invoqués en lien avec la violation de son droit d'être entendu. Par ailleurs, l'intéressé a informé le Tribunal qu'il avait engagé une procédure judiciaire en France dans le but d'avoir accès aux données enregistrées sur sa personne.

R.
Invitée à se déterminer sur les observations du recourant du 29 janvier 2019, l'autorité intimée a pris position par courrier du 9 avril 2019, se référant essentiellement à ses écritures déposées respectivement le 23 mai et le 7 novembre 2018 et a fourni des renseignements complémentaires au sujet du fichage de l'intéressé par les autorités françaises et la transmission des informations y relatives aux autorités helvétiques.

S.
Par ordonnance du 28 août 2019, le Tribunal a invité le recourant à fournir des renseignements complémentaires sur sa situation personnelle et familiale.

A._______ a donné suite à la requête du Tribunal par communication du 20 septembre 2019, versant au dossier les documents requis et informant le Tribunal que son épouse avait réintégré le domicile conjugal en France et était par ailleurs enceinte de sept mois.

T.
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

1.2 En particulier, les décisions rendues par Fedpol en matière d'interdiction d'entrée sont susceptibles de recours au Tribunal (art. 32 al. 1 let. a LTAF), lequel statue comme autorité précédant le Tribunal fédéral en l'occurrence (cf. art. 83 let. a LTF en relation avec l'art. 11 al. 3 ALCP, voir également l'arrêt du TF 2C_135/2017 du 21 février 2017 consid. 5).

1.3 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (art. 37 LTAF).

1.4 Le recourant a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 50 et art. 52 PA).

2.
Le recourant peut invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (cf. art. 49 PA). L'autorité de recours n'est pas liée par les motifs invoqués par les parties (cf. art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants de la décision attaquée (cf. Moser et al., Prozessieren vor dem Bundesverwaltungsgericht, Handbücher für die Anwaltspraxis, Tome X, 2ème éd., 2013, n° 3.197). Aussi peut-elle admettre ou rejeter le pourvoi pour d'autres motifs que ceux invoqués. Dans son arrêt, elle prend en considération l'état de fait existant au moment où elle statue (cf. ATAF 2014/1 consid. 2).

3.

3.1 Le 1er janvier 2019, la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr) a connu une modification partielle comprenant également un changement de sa dénomination (modification de la LEtr du 16 décembre 2016, RO 2018 3171). Ainsi, la LEtr s'intitule nouvellement loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI, RS 142.20). En parallèle, sont entrées en vigueur la modification de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 15 août 2018 (OASA, RS 142.201) ainsi que la révision totale de l'ordonnance sur l'intégration des étrangers (OIE, RS 142.205).

3.2 La décision querellée a été prononcée le 7 février 2018, soit avant l'entrée en vigueur des modifications législatives susmentionnées en date du 1erjanvier 2019, en application des dispositions pertinentes de la LEtr dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018. Partant, conformément aux principes généraux applicables en l'absence de dispositions transitoires, le Tribunal, en tant qu'autorité judiciaire de recours, doit en principe trancher le cas selon le droit en vigueur au moment du prononcé de la décision attaquée, sauf si un intérêt public important, notamment des motifs d'ordre public, justifie une application immédiate du nouveau droit entré en vigueur dans l'intervalle (à ce sujet, cf. notamment ATF 141 II 393 consid. 2.4, 139 II 470 consid. 4.2 et 135 II 384 consid. 2.3, voir également Tanquerel, Manuel de droit administratif, 2eédition, 2018, n° 412s p. 141s).

3.3 En l'occurrence, la disposition applicable, soit l'art. 67 al. 4 LEtr, n'a cependant pas connu de modification, de sorte qu'il n'est pas nécessaire de déterminer s'il existe des motifs importants d'intérêt public à même de commander l'application immédiate du nouveau droit et il y a lieu d'appliquer la LEtr dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2018 (dans le même sens, cf. l'arrêt du TAF F-1954/2017 du 8 avril 2019 consid. 3.2).

4.
A l'appui de son pourvoi, le recourant a notamment fait valoir une violation de son droit d'être entendu et plus particulièrement de son droit de consulter le dossier.

Vu la nature formelle du droit d'être entendu, dont la violation entraîne en principe l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond, ce moyen doit être examiné en premier lieu (cf. ATF 135 I 187 consid. 2.2 et la jurisprudence citée).

4.1 Le droit d'être entendu, inscrit à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit de s'exprimer, le droit de consulter le dossier, le droit de faire administrer des preuves et de participer à leur administration, le droit d'obtenir une décision motivée et le droit de se faire représenter ou assister.

4.2 Aux termes de l'art. 26 al. 1 PA, la partie et son mandataire ont le droit de consulter les mémoires des parties et les observations responsives des autorités (let. a), tous les actes servant de moyens de preuve (let. b) et la copie des décisions notifiées (let. c).

Le droit de consulter le dossier s'étend en principe à toutes les pièces qui concernent des faits pertinents et il n'est pas nécessaire que la pièce ait effectivement servi de preuve dans le cas d'espèce (cf. notamment ATF 132 V 387 consid. 3, voir égalementStephan C. Brunner, in : Auer/Müller/Schindler [éd.], Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren, 2e édition, 2019, ad art. 26 PA n° 33ss p. 428s, Kölz/Häner/Bertschi, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3e éd., 2013, n° 494 p. 174 et Moor et Poltier, Droit administratif, Vol. II, 2011, p. 327s).

Selon la doctrine, il s'impose par ailleurs de faire preuve de retenue dans la qualification d'une pièces d'acte interne exclu de la consultation par l'administré. Ainsi, si la pièce est propre à déterminer l'évaluation d'un fait pertinent pour la décision à prendre, elle doit en principe être accessible (en ce sens, cf. notamment Stephan C. Brunner, op. cit., ad art. 26 PA n° 38ss p. 429s, Kölz/Häner/Bertschi, op.cit., n° 495 p. 174s et Moor et Poltier, op.cit., p. 327s).

4.3 Le droit constitutionnel à la tenue d'un dossier découlant du droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. oblige par ailleurs les autorités à veiller à ce que tous les actes établis et produits en cours de procédure soient classés de manière claire et ordonnée (cf. notamment Stephan C. Brunner, op. cit., ad art. 26 PA n° 2 p. 420 et Kölz/Häner/Bertschi, op. cit., n° 497 p. 175). Il lui appartient en principe également de paginer son dossier et d'effectuer un bordereau au plus tard lors du prononcé de la décision (en ce sens, cf. notamment l'arrêt du TAF F-1954/2017 consid. 4.2 et les références citées).

4.4 L'exercice du droit de consulter le dossier peut être restreint. L'art. 27 al. 1 PA précise à ce sujet que la consultation d'une pièce peut être refusée si des intérêts publics importants (let. a), des intérêts privés importants (let. b) ou l'intérêt d'une enquête officielle non encore close (let. c) l'exigent.

Le droit de consulter le dossier n'est ainsi pas absolu et peut être restreint, voire supprimé, lorsque l'intérêt public ou l'intérêt prépondérant de tiers exige que des documents soient tenus secrets, du moins partiellement. Son étendue doit être définie de cas en cas, en tenant compte des intérêts en présence et de toutes les circonstances du cas d'espèce. Aussi, toute restriction au droit de consulter le dossier doit respecter le principe de la proportionnalité (cf. notamment ATF 126 I 7 consid. 2b, voir également Stephan C. Brunner, op. cit., ad art. 27 PA n° 4ss p. 435ss et Kölz/Häner/Bertschi, op. cit., n° 504ss p. 177ss).

Il s'ensuit qu'en limitant le droit de consulter une pièce du dossier, l'autorité doit opter pour la mesure qui soit la moins invasive possible, en préférant, par exemple, l'anonymisation ou le caviardage de certains passages d'un texte au refus de divulguer le texte intégral en n'en résumant que les éléments essentiels. L'autorité est dès lors tenue de procéder à un examen des intérêts en cause pour chaque pièce et en cas de limitation du droit d'être entendu, elle doit dûment motiver la restriction (à ce sujet, cf. notamment l'arrêt du TF 2C_980/2013 et 2C_981/2013 du 21 juillet 2014 consid. 4.1).

4.5 En outre, aux termes de l'art. 28 PA, une pièce dont la consultation a été refusée à la partie en vertu de l'art. 27 PA ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué, oralement ou par écrit, le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de fournir des contre-preuves (à ce sujet, cf. notamment ATAF 2013/23 consid. 6.4.1 in fine et l'arrêt du TF 2C_980/2013 consid. 4.1, voir également Stephan C. Brunner, op. cit., ad art. 28 PA n° 1ss p. 445s et Kölz/Häner/Bertschi, op. cit., n° 505 p. 178).

5.
Dans le cas particulier, le recourant a en substance reproché à l'autorité intimée de lui avoir refusé la consultation de certaines pièces, respectivement d'avoir caviardé une partie des documents de manière à rendre impossible un exercice effectif de son droit d'être entendu. Fedpol a en revanche argué que les restrictions apportées au droit de consulter le dossier du recourant s'imposaient pour des motifs publics importants, soit en particulier pour protéger la sécurité intérieure du pays ainsi que des sources d'information en matière de renseignements.

5.1 A ce stade, il importe de relever que la collecte d'informations par les services de renseignements nécessite une protection particulière en ce sens que la confidentialité des sources, des collaborateurs et des méthodes de travail doit être garantie. Aussi, l'autorité judiciaire fera preuve de retenue et laissera une large marge d'appréciation à l'administration dans ce domaine, puisque la révélation des sources est susceptible de mettre en péril les informateurs ainsi que l'accomplissement de la mission de renseignement (en ce sens, cf. notamment l'arrêt du TF 1C_522/2018 du 8 mars 2019 consid. 3.3 et la jurisprudence citée).

Il n'en demeure pas moins qu'au regard de l'importance de la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu, le Tribunal se doit de contrôler si les restrictions apportées par Fedpol au droit de consulter le dossier du recourant sont effectivement nécessaires pour la protection des intérêts publics invoqués et si les modalités choisies, soit en l'occurrence un caviardage très important de certaines pièces, respectent le principe de la proportionnalité (cf. consid. 4.4 supra).

5.2 A titre préliminaire, le Tribunal observe qu'on ne saurait reprocher à Fedpol de ne pas avoir spontanément mis son dossier à disposition du recourant avant le prononcé de la décision du 7 février 2018, dès lors que l'intéressé a certes formellement requis la consultation de son dossier SRC dans une procédure parallèle (cf. let. F supra), n'a cependant jamais sollicité l'accès aux pièces contenues dans le dossier constitué par Fedpol en lien avec l'interdiction d'entrée prononcée à son endroit. Il a notamment renoncé à demander la consultation de son dossier, et cela bien qu'il soit représenté par un mandataire professionnel, lorsqu'il a été invité par Fedpol à se déterminer sur le prononcé d'une mesure d'éloignement à son endroit par écrit du 17 janvier 2018.

5.3 Dans le cadre de la présente procédure de recours, Fedpol a fait parvenir au Tribunal deux classeurs contenant des bordereaux identiques et les mêmes pièces. Un des classeurs est destiné à l'usage exclusif du Tribunal alors que l'autre a pu être consulté par le recourant, étant précisé qu'une partie des documents contenus dans ce deuxième classeur étaient largement caviardées et ne contenait que très peu d'informations.

5.4 A ce sujet, le Tribunal constate en premier lieu qu'à l'examen du dossier mis à disposition de l'autorité de recours, il appert que Fedpol a classé tous les actes établis et produits en cours de procédure de manière claire et ordonnée, a paginé son dossier et établi un bordereau permettant au recourant d'avoir un aperçu de toutes les pièces figurant au dossier. Par ailleurs, il ressort de la comparaison des bordereaux respectifs que les deux classeurs contiennent les mêmes pièces et que Fedpol a ainsi renoncé à enlever des pièces du classeur consultable par le recourant (à l'exception de l'écrit transmis au Tribunal le 9 avril 2019, dont il a cependant mis un résumé à disposition de l'intéressé), même si certains documents ont été caviardés dans une mesure notable.

Il sied également de retenir en faveur de l'autorité intimée que lorsqu'elle a procédé au caviardage d'une pièce, cela est clairement visible pour le lecteur et les raisons ayant motivé la restriction sont indiquées sur toutes les pièces concernées.

5.5 Sur un autre plan, le Tribunal observe que Fedpol a utilisé trois motifs génériques - soit la lettre A pour la protection de l'identité des collaborateurs des services concernés, la lettre B pour la protection de sources de renseignement et la lettre C pour la protection d'éléments de tactique policière - pour motiver l'ensemble des censures effectuées. Or, le Tribunal considère que cette manière de procéder n'est pas compatible avec l'exigence d'une pesée soigneuse de l'ensemble des intérêts en présence découlant de l'art. 27 al. 1 PA en relation avec le principe de la proportionnalité pour chaque pièce à laquelle l'accès est restreint (cf. consid. 4.4 supra), du moins en ce qui concerne les documents qui sont d'une importance considérable pour l'issue de la cause et qui ont fait l'objet d'un caviardage très extensif. Le Tribunal estime en effet que lorsqu'une pièce potentiellement décisive pour l'issue de la cause est rendue largement illisible pour l'administré, une motivation plus détaillée de la restriction apportée au droit d'être entendu s'impose.

5.6 En outre, il sied également de noter que lorsqu'il a caviardé, et cela de manière très large, les documents désignés dans le bordereau de pièces comme « Documents du SRC » (p. 22 à 32), Fedpol a notamment caché des informations connues par le recourant (par exemple ses adresses et les condamnations pénales dont il a fait l'objet), voire accessibles au public de manière générale (par exemple des renseignements d'ordre général sur les fiches S ou des informations en lien avec son ancien employeur issues d'articles de presse). Ces restrictions au droit de consulter le dossier du recourant n'entrent toutefois pas dans le champ d'application de l'art. 27 al. 1 PA et confirment par ailleurs l'appréciation du Tribunal selon laquelle Fedpol n'a pas procédé avec toute l'attention et la retenue requises lorsqu'il a caviardé les pièces concernées.

5.7 Cela étant, le Tribunal considère que le caviardage excessif du rapport relatif à une réunion entre un collaborateur de Fedpol et un membre du SRC en décembre 2017 résumé sur deux pages (p. 25 et 26 du bordereau) constitue la restriction la plus problématique dans le cas particulier. La seule information que le recourant pouvait tirer de la version censurée de ce document était en effet le fait qu'une rencontre entre les deux services avait eu lieu en décembre 2017 pour discuter des derniers développements dans son cas. L'ensemble des autres éléments contenus dans ce rapport - pourtant potentiellement très pertinent pour l'issue de la présente procédure de recours selon l'appréciation du Tribunal de céans - a cependant été caché au recourant et cela sans pesée soigneuse des intérêts en présence et motivation détaillée.

L'autorité intimée a en effet justifié cette manière de procéder en indiquant les lettres A, B et C sur le document en question, soit en arguant, de manière très sommaire, que cette restriction s'imposait pour des motifs de protection de l'identité des collaborateurs des services concernés, de sources de renseignement et d'éléments de tactique policière.

Or, le rapport en question contient en particulier une appréciation émise par un collaborateur du SRC au sujet de la gravité et de l'actualité de la menace que le recourant représente pour la sécurité intérieure de la Suisse. Selon l'avis du Tribunal, cette évaluation, qui est d'une importance non négligeable pour l'objet du présent litige, devrait pouvoir être communiquée au recourant, dès lors qu'elle ne révèle aucune source de renseignements, ni des éléments de tactique policière, et qu'aucun autre intérêt public prépondérant au sens de l'art. 27 al. 1 PA s'y oppose.

Au regard du contenu de l'avis exprimé par le collaborateur du SRC, il n'est au contraire pas exclu que Fedpol ait préféré ne pas divulguer ce passage au recourant pour ne pas affaiblir les arguments avancés à l'appui de la décision contestée. Or, de tels motifs ne sauraient, de toute évidence, justifier une restriction au droit d'être entendu du recourant, respectivement à son droit de consulter le dossier, au sens de l'art. 27 PA.

Dans ce contexte, il importe par ailleurs de rappeler que le droit de consulter le dossier ne s'étend pas seulement aux pièces effectivement utilisées au désavantage d'une partie, mais en principe à tous les documents qui concernent des faits pertinents. Ainsi, si une pièce est propre à déterminer l'évaluation d'un fait pertinent pour la décision à prendre, elle doit en principe être accessible au recourant (cf. consid. 4.2 supra et les références citées).

Enfin, à toutes fins utiles, le Tribunal observe que le rapport en question ne saurait être qualifié d'acte interne exclu de la consultation par l'administré, dès lors qu'il s'agit de la prise de position d'une tierce autorité, dont la prise en considération est explicitement prévue par l'art. 67 al. 4 LEtr et qui constitue dès lors, de par sa nature, une pièce importante pour l'établissement des faits pertinents (cf. à ce sujet le consid. 4.2 in fine et les références citées).

5.8 En conclusion, le Tribunal considère que la manière de procéder adoptée par l'autorité intimée lorsqu'elle a caviardé, de manière excessive, une partie des pièces de son dossier contenant des informations importantes pour l'issue du présent litige, sans pesée soigneuse des intérêts publics et privés en cause et sans motiver les restrictions apportées de manière détaillée, n'est pas conforme aux exigences posées par la garantie constitutionnelle du droit d'être entendu et plus particulièrement par l'art. 27 al. 1 PA en relation avec le principe de la proportionnalité.

5.9 Selon la jurisprudence, une violation du droit d'être entendu, même grave, peut exceptionnellement être réparée en procédure judiciaire, aux conditions que la partie lésée ait eu la possibilité de s'exprimer devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir d'examen et que le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (cf. notamment ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 et les références citées).

5.10 Cela tant, le Tribunal considère que l'admission d'une telle exception ne se justifie pas en l'occurrence. Compte tenu des particularités du domaine concerné (cf. consid. 5.1 supra), il y a en effet lieu de retenir qu'en définitive, il appartient à Fedpol, après consultation du SRC, de décider quelles informations il est en mesure de communiquer au recourant et sous quelle forme, le rôle Tribunal étant limité au contrôle du respect des droits constitutionnels dans ce contexte. En outre, dans le cas particulier, le recours doit être admis pour d'autres motifs également (cf. le consid. 7 ci-après), de sorte qu'une réparation de la violation du droit d'être entendu en procédure de recours n'entre pas en ligne de compte.

6.
A ce stade, il convient de rappeler les conditions posées au prononcé, par Fedpol, d'une mesure d'éloignement à l'endroit d'un ressortissant étranger pouvant se prévaloir des libertés conférées par l'ALCP.

6.1 En vertu de l'art. 67 al. 4 LEtr, Fedpol peut interdire l'entrée en Suisse à un étranger pour sauvegarder la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse. Il consulte au préalable le SRC. Fedpol peut prononcer une interdiction d'entrée pour une durée supérieure à cinq ans ou, dans des cas graves, pour une durée illimitée.

6.2 Sous la notion de mise en danger de la sécurité intérieure et extérieure de la Suisse, on entend en particulier la mise en danger de la primauté du pouvoir étatique dans les domaines militaire et politique. Il s'agit par exemple de la mise en danger par des actes de terrorisme ou d'extrémisme violent, par une activité de renseignements interdits, par la criminalité organisée ou par des actes et projets mettant sérieusement en danger les relations actuelles de la Suisse avec d'autres États ou cherchant à modifier par la violence l'ordre étatique établi (cf. le Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3569).

6.3 Dans le cas particulier, il importe par ailleurs de prendre en considérations les exigences posées par l'ALCP. Dans la mesure où l'intéressé est un ressortissant français, les droits octroyés par ledit accord ne peuvent en effet être limités que par des mesures justifiées pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique (cf. l'art. 5 Annexe I ALCP et ATF 139 II 121 consid. 5.3).

6.4 Conformément à la jurisprudence rendue en rapport avec l'art. 5 Annexe I ALCP, les limites posées au principe de la libre circulation des personnes doivent s'interpréter de manière restrictive. Ainsi, le recours par une autorité nationale à la notion d'ordre public pour restreindre cette liberté suppose, en dehors du trouble pour l'ordre social que constitue toute infraction à la loi, l'existence d'une menace actuelle, réelle et d'une certaine gravité affectant un intérêt fondamental de la société (cf. ATF 139 II 121 consid. 5.3 et 136 II 5 consid. 4.2 et la jurisprudence citée).

6.5 Tant en application de l'ALCP que de l'art. 96 LEtr, il faut que la pesée des intérêts publics et privés en présence fasse apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (cf. ATF 139 II 121 consid. 6.5.1 et les références citées).

7.
Dans le cas particulier, le Tribunal considère que les éléments avancés par Fedpol dans sa décision du 7 février 2018 ne sont pas suffisants pour admettre l'existence d'une menace actuelle, réelle et d'une certaine gravité pour la sécurité intérieure du pays susceptible de justifier le prononcé d'une interdiction d'entrée au sens de l'art. 67 al. 4 LEtr en relation avec l'art. 5 Annexe I ALCP à l'endroit de A._______.

7.1 Dans la motivation de sa décision, Fedpol a en substance relevé que l'intéressé s'était radicalisé lorsqu'il purgeait une peine privative de liberté en France entre 2005 et 2007, qu'il avait entretenu, au sein de la Mosquée Y._______ où il travaillait en qualité de C._______, de nombreux liens avec des individus radicalisés, qu'il y avait par ailleurs lieu de croire qu'il s'évertuerait à propager une idéologie extrémiste et que la récente décision cantonale de refus de renouvellement de son autorisation frontalière avait probablement provoqué chez lui une forte rancoeur à l'égard des autorités helvétiques.

7.2 A ce sujet, le Tribunal observe en premier lieu qu'au vu des pièces figurant au dossier, le séjour du recourant en prison en même temps qu'un individu particulièrement dangereux et sa prétendue radicalisation (contestée) sont survenus entre 2005 et 2007, soit il y a plus de dix ans. En outre, le recourant était employé auprès de la Mosquée Y._______ entre avril 2012 et novembre 2017, soit durant plus de cinq ans. Cependant, malgré la durée de sa prétendue radicalisation et de son activité au sein de la Mosquée Y._______, Fedpol n'a avancé aucun élément ou moyen de preuve concret indiquant que l'intéressé aurait participé à une quelconque activité délictueuse en lien avec ses convictions religieuses.

En outre, s'il n'est certes pas exclu que le SRC dispose de renseignements allant dans ce sens, le dossier mis à disposition du Tribunal ne contient cependant aucun élément concret susceptible de confirmer l'affirmation de Fedpol selon laquelle il y avait lieu de croire que « l'intéressé s'évertuerait à propager une idéologie extrémiste soutenant ouvertement des thèses salafistes et à inciter d'autres individus à épouser un telle idéologie. » Or, en l'absence d'informations concrètes et fiables, susceptibles d'être communiqués au Tribunal ainsi qu'au recourant, indiquant l'exercice d'une activité deprosélytisme en faveur de l'islam radical par le recourant, le Tribunal ne saurait accorder une importance prépondérante à l'appréciation émise par Fedpol dans ce contexte.

7.3 En conclusion, en l'absence d'éléments concrets susceptibles de justifier les craintes exprimées par Fedpol, le fait que le recourant puisse être un partisan de l'islam radical (ce qui est fortement contesté par ce dernier), qu'il ait travaillé au sein d'une Mosquée fréquentée par des extrémistes avérés et que la décision négative prononcée à son endroit par le canton de Genève puisse avoir causé chez lui une rancoeur dangereuse vis-à-vis des autorités helvétiques ne saurait suffire pour retenir que l'intéressé représente une menace actuelle, réelle et d'une certaine gravité pour la sécurité intérieure du pays au sens de l'art. 67 al. 4 LEtr en relation avec l'art. 5 Annexe I ALCP.

7.4 L'appréciation du Tribunal selon laquelle les informations actuellement à disposition des autorités compétentes ne permettent pas de considérer que A._______ constitue une menace suffisamment concrète, actuelle et grave pour la sécurité intérieure de la Suisse pour justifier le prononcé d'une mesure d'éloignement à son endroit malgré l'importance des intérêts privés en cause est par ailleurs confirmée par l'évaluation communiquée à Fedpol par le collaborateur du SRC lors de l'entretien qui a eu lieu en décembre 2017.

7.5 Certes, on ne saurait minimiser la menace découlant de la mouvance djihadiste en Europe et le dossier de l'autorité inférieure contient par ailleurs des éléments inquiétants au sujet du profil du recourant et du comportement qu'il a adopté par le passé. Cela étant, en l'absence d'éléments concrets confirmant que le recourant représente effectivement une menace d'une certaine gravité pour l'ordre et la sécurité publics en Suisse, les arguments relevés par Fedpol ne sont pas suffisants pour justifier le prononcé d'une mesure d'éloignement à l'endroit du prénommé, qui peut se prévaloir des garanties découlant de l'ALCP ainsi que de liens importants avec la Suisse.

7.6 Le Tribunal est conscient qu'il n'est pas aisé pour Fedpol, qui est contraint de baser sa décision, du moins en grande partie, sur les éléments et moyens de preuve mis à sa disposition par une tierce autorité, soit le SRC, de réunir les éléments nécessaires pour le prononcé d'une mesure d'éloignement respectant le droit d'être entendu de l'étranger concerné.

Il importe cependant de rappeler à cet égard que selon la jurisprudence constante du Tribunal de céans, l'autorité ne saurait faire siennes les considérations d'une autre autorité sans motiver concrètement sa position ni se garder de consulter tout ou partie des pièces détenues par d'autres services ou autorités permettant d'établir les éléments déterminants (ATAF 2013/23 consid. 8). Aussi, le fait d'obtenir une prise de position d'un service tel que le SRC ne lie pas l'autorité qui doit rendre la décision, celle-ci restant chargée d'établir une vue d'ensemble de la situation (ATAF 2015/1 consid. 4.4).

7.7 Partant, il appartient à Fedpol, qui est l'autorité compétente pour prononcer une mesure d'éloignement au sens de l'art. 67 al. 4 LEtr, de constituer un dossier lui permettant de rendre une décision conforme au droit et, le cas échéant, d'interpeller le SRC afin d'obtenir des renseignements complémentaires (susceptibles d'être mis à disposition de l'étranger concerné) ou de procéder à d'autres mesures d'instruction.

Dans le cas particulier, le Tribunal estime qu'il est particulièrement surprenant que l'autorité intimée ait renoncé à requérir des renseignements complémentaires - et susceptibles d'être communiqués au recourant - au sujet des procédures judiciaires et condamnations pénales dont le recourant a fait l'objet en Suisse et en France, des circonstances ayant entouré son emprisonnement, ainsi qu'en lien avec l'exercice d'éventuelles activités de prosélytisme en faveur de l'islam radical sur son ancien lieu de travail.

7.8 En conclusion, le Tribunal, qui se base sur le dossier constitué par Fedpol, arrive à la conclusion que les éléments contenus dans ce dossier et les arguments relevés dans la décision du 7 février 2018 ne sont, en l'état, pas suffisants pour retenir l'existence d'une menace de nature à justifier le prononcé d'une décision d'interdiction d'entrée fondée sur l'art. 67 al. 4 LEtr à l'endroit du recourant, qui peut se prévaloir des garanties découlant de l'ACLP ainsi que de liens importants avec la Suisse.

8.
Compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, il sied de retenir que, par sa décision du 7 février 2018, Fedpol a violé le droit d'être entendu du recourant ainsi que l'art. 67 al. 4 LEtr en relation avec l'art. 5 Annexe I ALCP.

9.
Le recours est en conséquence admis et la décision querellée est annulée.

Compte tenu de l'issue de la cause, il n'est pas perçu de frais de procédure (cf. art. 63 al. 1 PA).

En outre, le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à des dépens (art. 64 al. 1 PA en relation avec l'art. 7
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 7 Grundsatz
1    Obsiegende Parteien haben Anspruch auf eine Parteientschädigung für die ihnen erwachsenen notwendigen Kosten.
2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Au vu de l'ensemble des circonstances du cas, de l'importance de l'affaire, du degré de difficulté de cette dernière et de l'ampleur du travail accompli par le mandataire, le Tribunal estime, au regard des art. 8ss
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 7 Grundsatz
1    Obsiegende Parteien haben Anspruch auf eine Parteientschädigung für die ihnen erwachsenen notwendigen Kosten.
2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
FITAF, que le versement d'un montant de Fr. 2'400.- à titre de dépens (TVA comprise) apparaît comme équitable en la présente cause.

Partant, la demande d'assistance judiciaire totale formulée dans le mémoire de recours est devenue sans objet.

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis.

2.
La décision du 7 février 2018 est annulée.

3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure.

4.
Un montant de Fr. 2'400.- est alloué au recourant à titre de dépens, à la charge de l'autorité inférieure.

5.
Le présent arrêt est adressé :

- au recourant (Acte judiciaire)

- à l'autorité inférieure (Recommandé : dossiers [...] en retour)

- en copie, au SEM (dossier n° de réf. [...] en retour)

- en copie, à l'OCPM (Recommandé : dossier cantonal en retour)

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.

La présidente du collège : La greffière :

Jenny de Coulon Scuntaro Rahel Affolter

Indication des voies de droit :

Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss
SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 7 Grundsatz
1    Obsiegende Parteien haben Anspruch auf eine Parteientschädigung für die ihnen erwachsenen notwendigen Kosten.
2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
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SR 173.320.2 Reglement vom 21. Februar 2008 über die Kosten und Entschädigungen vor dem Bundesverwaltungsgericht (VGKE)
VGKE Art. 7 Grundsatz
1    Obsiegende Parteien haben Anspruch auf eine Parteientschädigung für die ihnen erwachsenen notwendigen Kosten.
2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1
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2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42
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VGKE Art. 7 Grundsatz
1    Obsiegende Parteien haben Anspruch auf eine Parteientschädigung für die ihnen erwachsenen notwendigen Kosten.
2    Obsiegt die Partei nur teilweise, so ist die Parteientschädigung entsprechend zu kürzen.
3    Keinen Anspruch auf Parteientschädigung haben Bundesbehörden und, in der Regel, andere Behörden, die als Parteien auftreten.
4    Sind die Kosten verhältnismässig gering, so kann von einer Parteientschädigung abgesehen werden.
5    Artikel 6a ist sinngemäss anwendbar.7
LTF).

Expédition :
Decision information   •   DEFRITEN
Document : F-1031/2018
Date : 27. November 2019
Published : 12. Dezember 2019
Source : Bundesverwaltungsgericht
Status : Unpubliziert
Subject area : Bürgerrecht und Ausländerrecht
Subject : Interdiction d'entrée Fedpol


Legislation register
AuG: 67  96
BGG: 42  48  82  83  90
BV: 29
EMRK: 8
FZA: 5  11
VGG: 31  32  33  37
VGKE: 7  8__
VwVG: 5  26  27  28  48  49  50  52  62  63  64
BGE-register
126-I-7 • 132-V-387 • 135-I-187 • 135-II-384 • 136-II-5 • 137-I-195 • 139-II-121 • 139-II-470 • 141-II-393
Weitere Urteile ab 2000
1C_522/2018 • 2C_135/2017 • 2C_980/2013 • 2C_981/2013
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