Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
1C 500/2013
Arrêt du 25 septembre 2014
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges fédéraux Aemisegger, Juge présidant, Merkli, Karlen, Eusebio et Chaix.
Greffière : Mme Tornay Schaller.
Participants à la procédure
A.________, représentée par Me Jean-Claude Perroud, avocat,
recourante,
contre
B.________,
intimée,
Service des communes et du logement du canton de Vaud du Département de l'intérieur, Division logement, rue Caroline 11 bis, 1014 Lausanne.
Objet
Droit public du logement,
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 22 mars 2013.
Faits :
A.
A.a. Le 1 er novembre 1997, A.________ a pris à bail un appartement de quatre pièces, d'une surface habitable d'environ 91 m 2, dans un immeuble qui a bénéficié, par convention du 25 février 1994 entre la propriétaire et l'Etat de Vaud, d'une aide cantonale pour le financement de travaux de rénovation, en application du dispositif cantonal en matière de logements subventionnés. Le contrat de bail, daté du 10 octobre 1997, prévoyait un loyer mensuel net abaissé de 836 fr. (y compris les abaissements supplémentaires I et III de la Confédération [AS I et AS IIII] lesquels consistent en des avances annuelles à fonds perdu de la Confédération), les charges s'élevant à 130 fr. Une annexe au contrat de bail à loyer réservait, sans autre précision, des augmentations de loyer résultant de la dégressivité de l'aide: un plan de hausse des loyers n'a pas été communiqué à la locataire; il a toutefois été indiqué que des hausses ponctuelles interviendraient à partir de la quatrième année à compter de la date de la première mise en location des logements.
Le contrat de bail précité a été régulièrement renouvelé. Compte tenu de la diminution des aides fournies par la Confédération, par le canton et la propriétaire, le loyer est passé de 836 fr. (jusqu'au 31 décembre 2005), à 1'018 fr. (du 1 er janvier 2006 au 31 décembre 2007), puis à 1'078 fr. (du 1 er janvier au 31 décembre 2008) et enfin à 1'153 fr. (du 1 er janvier au 31 décembre 2009). Depuis le 1 er janvier 2010 et jusqu'au 31 décembre 2010, le loyer s'élevait à 1'518 francs par mois.
A.b. Le 9 novembre 2010, le Service de l'économie, du logement et du tourisme du canton de Vaud (devenu le Service de la promotion économique et du commerce depuis le 18 janvier 2012) a établi un décompte périodique, afin de déterminer le revenu locatif admissible de l'immeuble en cause pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011. Sur la base de ce décompte, il a établi l'état locatif, en précisant, pour chaque appartement, la mesure dans laquelle une augmentation de loyer était admissible. Le Service précité a communiqué le décompte périodique du 9 novembre 2010, ainsi que l'état locatif à l'agence immobilière B.________. Celle-ci, en qualité de représentante de la propriétaire, a notifié au moyen de la formule officielle une hausse de loyer aux locataires à compter du début de l'année 2011. Le loyer mensuel net dû par A.________ est ainsi passé de 1'518 francs à 1'560 francs. Les motifs de cette hausse étaient liés à la diminution de l'aide des pouvoirs publics, à l'épuisement du fonds de régulation des loyers, ainsi qu'à la variation des éléments qui les constituent (taux hypothécaire, indice du coût de la vie, par exemple).
A.________ a recouru contre la décision de hausse du loyer auprès du Département de l'économie du canton de Vaud. Par décision du 19 avril 2012, le Département de l'intérieur du canton de Vaud, auquel les compétences en matière de logement ont été transférées, a rejeté le recours. La prénommée a alors porté sa cause devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal). Par arrêt du 22 mars 2013, celle-ci a rejeté le recours et confirmé la décision du 19 avril 2012.
B.
Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué et la décision du 19 avril 2012 en ce sens que la hausse de loyer signifiée le 17 novembre 2010 est refusée, le loyer mensuel net demeurant fixé à un montant non supérieur à 1'518 francs. Elle conclut subsidiairement à l'annulation de l'arrêt attaqué et de la décision du 19 avril 2012.
Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt. Le Service des communes et du logement du Département de l'intérieur conclut au rejet du recours. Un deuxième échange d'écritures a eu lieu, au terme duquel les parties persistent dans leurs conclusions respectives. Par courrier du 13 décembre 2013, le Service susmentionné a produit un extrait d'un avis de droit daté du 29 juin 2013.
Considérant en droit :
1.
Dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) dans le domaine du droit public de l'aide au logement (art. 82 let. a LTF), le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public selon les art. 82 ss LTF, aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'étant réalisée.
La recourante a pris part à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal (art. 89 al. 1 let. a LTF). En tant que locataire, la recourante est particulièrement touchée par l'arrêt attaqué confirmant l'augmentation de son loyer. Elle peut ainsi se prévaloir d'un intérêt personnel et digne de protection à l'annulation de l'arrêt attaqué. Elle a dès lors qualité pour agir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF.
Les autres conditions de recevabilité sont par ailleurs réunies, si bien qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
2.
La recourante conteste la hausse de son loyer, au motif que celui-ci procurerait au bailleur un rendement abusif au sens de l'art. 269 CO. Elle fait valoir une violation de la primauté du droit fédéral (art. 49 Cst.). Elle soutient que le droit cantonal, soit la loi sur le logement du 9 septembre 1975 (LL; RSV 840.11) et son règlement d'application du 17 janvier 2007 (RLL; RSV 840.11.1) violeraient le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, dans la mesure où ils permettraient au propriétaire de percevoir un rendement abusif au sens de l'art. 269 CO; l'art. 21 RLL - qui applique des critères plus larges que ceux admis par l'art. 269 CO pour déterminer le rendement maximal qu'un propriétaire peut tirer de son immeuble - permettrait de fixer l'état locatif, pour un immeuble subventionné, à un niveau qui serait considéré comme abusif au sens de l'art. 269 CO.
Il n'est pas contesté que l'appartement litigieux se situe dans la catégorie des logements visés par l'art. 253b al. 3 CO et que son loyer est contrôlé par les pouvoirs publics. La question litigieuse est celle de savoir si le contrôle des loyers institué par le droit public cantonal (LL et RLL) doit respecter les critères matériels prévus par le droit privé, en particulier la notion de loyer abusif au sens de l'art. 269 CO.
2.1. Selon l'art. 49 al. 1 Cst., le droit fédéral prime le droit cantonal qui lui est contraire. Ce principe constitutionnel de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive (ATF 137 I 167 consid. 3.4 p. 174).
En principe, la réglementation de droit civil est exclusive et les cantons ne peuvent adopter des règles de droit privé dans les domaines régis par le droit fédéral que si ce dernier leur en réserve la possibilité (art. 5 al. 1 CC; ATF 137 I 135, consid. 2.5.1 p. 139). En matière de bail à loyer, la réglementation fédérale est exhaustive, sous réserve de la compétence laissée aux cantons d'édicter certaines règles de droit privé complémentaires (art. 257e al. 4 , art. 270 al. 2 CO). A défaut d'une telle réserve, il est interdit aux cantons d'intervenir dans les rapports directs entre les parties au contrat de bail (ATF 137 I 135 p. 139 consid. 2.5.1 p. 139). Une seule et même matière peut toutefois être saisie à la fois par des règles de droit privé fédéral et par des règles de droit public cantonal. Dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC, à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 137 I 135 consid.
2.5.2 p. 140; 135 I 106 consid. 2.1 p. 108).
2.2. A teneur de l'art. 253b al. 3 CO, les dispositions relatives à la contestation des loyers abusifs ne s'appliquent pas aux locaux d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité. L'art. 2 al. 2 de l'ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux du 9 mai 1990 (OBLF; RS 221.213.11) précise que "seuls les art. 253 à 268b , 269 , 269d al. 3 , 270e et 271 à 273c CO ainsi que les art. 3 à 10 et 20 à 23 de la présente ordonnance sont applicables aux appartements en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis au contrôle d'une autorité."
Ces dispositions délimitent le champ d'application des règles du code des obligations relatives au bail à loyer (titre huitième du CO). Elle prévoient ainsi que tous les mécanismes permettant au juge civil de se prononcer sur le loyer admissible sont écartés, à savoir la contestation du loyer initial (art. 270 CO), la contestation d'une augmentation de loyer (art. 270b CO), la demande de réduction de loyer (art. 270a CO) et la contestation du loyer indexé (art. 270c CO). L'art. 253b al. 3 CO trace aussi une frontière entre le droit privé et le droit public. Dans le cadre de sa politique sociale du logement, la collectivité publique peut accorder une aide financière à des propriétaires dans le but d'abaisser le montant des loyers et de répondre ainsi au besoin d'une partie de la population. Pour atteindre ce but, il est nécessaire que la collectivité publique ait la faculté d'exercer un contrôle sur la fixation des loyers (cf. arrêt 4A 267/2009 du 7 août 2009 consid. 2.2). La loi cantonale sur le logement et son règlement répondent ainsi à un intérêt de droit public. Les objectifs poursuivis par le droit privé et le droit public cantonal n'apparaissent pas contradictoires, dans la mesure où la réglementation cantonale est destinée
à permettre d'abaisser les loyers à un prix inférieur à celui du marché. La situation présente cependant une certaine complexité, puisqu'il existe, d'une part, un rapport de droit public entre la collectivité et le propriétaire qui impose à ce dernier certaines charges et, d'autre part, un contrat de bail entre le propriétaire et le locataire, lequel relève en principe du droit privé. Face à cette difficulté, le législateur n'a pas prévu un système dualiste à l'art. 253b al. 3 CO; il a au contraire voulu que les mécanismes du droit privé s'effacent devant le contrôle d'office par l'autorité administrative, jugé plus incisif (arrêt 4A 267/2009 du 7 août 2009 consid. 2.2).
Ainsi, par le biais de l'art. 253b al. 3 CO, le législateur a d'abord voulu, sur un plan procédural, empêcher un double contrôle des loyers et éviter le prononcé de décisions contradictoires; pour les habitations qui font l'objet de mesures d'encouragement par les pouvoirs publics, l'autorité administrative chargée du contrôle des loyers jouit d'une compétence exclusive et la procédure prévue dans le droit des obligations est fermée (ATF 124 III 463 consid. 4b/dd p. 466; cf. aussi: ATF 129 II 125 consid. 2.6.2 p. 131 s.).
2.3. L'incompétence du juge civil pour contrôler un loyer au bénéfice d'une aide des pouvoirs publics ne signifie pas encore que l'autorité administrative compétente serait déliée des autres obligations matérielles découlant du droit fédéral, en particulier l'interdiction du loyer abusif prévue à l'art. 269 CO. A teneur de cette disposition, les loyers sont abusifs lorsqu'ils permettent au bailleur d'obtenir un rendement excessif de la chose louée ou lorsqu'ils résultent d'un prix d'achat exagéré.
Savoir si l'art. 269 CO s'applique aux locaux d'habitations en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics et dont le loyer est soumis à un contrôle d'une autorité n'a jusqu'à présent pas été tranché par la jurisprudence. Dans un arrêt de 2009, le Tribunal fédéral a certes considéré que les dispositions relatives à la "contestation des loyers abusifs (art. 269 à 270e CO, Chapitre II du Titre VIII du CO) " n'étaient pas applicables à de tels locaux (ATF 135 III 591 consid. 4.2.2 p. 593; voir ég. arrêt 4A 267/ 2009 précité consid. 2.2). Le litige ne dépendait cependant pas de l'application de l'art. 269 CO mais relevait de la problématique des frais accessoires de l'art. 257a CO. On ne saurait ainsi déduire de cet arrêt que l'application de l'art. 269 CO serait exclue pour un immeuble visé par l'art. 253b al. 3 CO.
Selon la lettre de cette dernière disposition, l'art. 269 CO s'applique puisque l'art. 253b al. 3 CO exclut uniquement les règles relatives "à la contestation des loyers abusifs", à savoir les art. 270 à 270d CO (lettre marginale "E. Contestation du loyer"). L'art. 2 al. 2 OBLF parvient au même résultat en renvoyant expressément - entre autres dispositions - à l'art. 269 CO. L'examen des travaux préparatoires confirme cette appréciation: l'art. 253b al. 3 CO correspond, par son contenu, au projet d'art. 3 al. 2 de la loi fédérale instituant des mesures contre les abus dans le secteur locatif (LMSL; FF 1985 I 1506); dans ses explications à l'appui de cette loi, le Conseil fédéral précisait que de tels baux n'étaient pas régis par les dispositions sur la contestation des loyers abusifs, exception faite des dispositions relatives aux loyers abusifs résultant d'un prix d'achat manifestement exagéré (FF 1985 I 1464).
La doctrine est partagée sur cette question. Tandis qu'une partie est d'avis que l'art. 269 CO reste applicable aux loyers contrôlés par l'autorité, ceux-ci devant être appréciés exclusivement en fonction des coûts (D avid Lachat, Le bail à loyer, 2008, p. 376; Idem, Commentaire romand CO I, 2ème éd., 2012, n. 8 ad art. 253b CO p. 1715; Roger Weber, Basler Kommentar, Obligationenrecht I, 5ème éd., 2011, n. 10 ad art. 253a /253b CO; Bohnet/Montini, Droit du bail à loyer, 2010, n. 26 ad art. 253b CO; Peter Higi, Zürcher Kommentar zum Schweizerischen Zivilgesetzbuch, Teilband V2b, Die Miete, 1994, n. 86 ad art. 253a/ 253b; Felix Schöbi, Verfahrensrechtliche Fragen rund um den Schutz des Mieters bei subventionierten Wohnungen, in mp 2/1997 p. 86; Jean-Marc Siegrist, Les loyers et les frais accessoires des logements subventionnés, in 10ème séminaire sur le droit du bail, 1998, p. 20 n. 56), d'autres auteurs estiment que les dispositions matérielles des art. 269 ss CO ne s'appliquent pas aux objets visés par l'art. 253b al. 3 CO (Burkalter/Martinez-Favre, Commentaire SVIT du droit du bail, 2011, n. 21 ss. ad art. 253b CO; Morvan/Hofmann, Quelques questions choisies de procédure civile genevoise en matière de baux et loyers, in SJ 2008 II
p. 61 ss, p. 70; Monika Sommer, Zum Ausschluss der Anwendbarkeit der Mieterschutzbestimmungen bei staatlich geförderten Wohnräumen, in MRA 4/95, p. 167 s.).
En raison de la lettre de la loi, de son but et de l'intention du législateur découlant des travaux préparatoires précités, il faut admettre que l'art. 269 CO s'applique également aux loyers contrôlés par l'Etat. En d'autres termes, les autorités administratives ne peuvent pas autoriser des loyers procurant au bailleur un rendement excessif des fonds propres investis dans l'immeuble ou résultant d'un prix d'achat manifestement exagéré; elles ne doivent pas non plus prendre en compte d'autres critères de fixation du loyer que ceux relatifs aux coûts, en particulier les loyers comparatifs (art. 269a let. a CO).
3.
Il ressort de l'arrêt attaqué que le loyer de la recourante a été fixé conformément à l'art. 21 al. 2 RLL, en fonction de l'intérêt des fonds propres (let. a), de l'intérêt du capital emprunté calculé sur la base du taux hypothécaire de référence (let. b), d'un amortissement (let. c) et d'un montant forfaitaire pour les frais d'entretien et d'administration (let. d). Il s'agit ainsi, dans son principe, d'un calcul du loyer fondé sur les coûts, tel que l'envisage l'art. 269 CO (cf. Lachat, op. cit., p. 425 ss).
3.1. Comme le relève la recourante et l'admet d'ailleurs le Service des communes et du logement, les critères pris en compte par l'autorité administrative s'écartent de ceux prévus par le droit fédéral sur plusieurs points: alors que, dans le système vaudois de subventionnement, le rendement des fonds propres ne doit pas excéder de plus de 1% le taux de référence (art. 21 al. 2 let. a RLL), le loyer libre ne tolère qu'un dépassement de 0.5% (ATF 122 III 257 consid. 3a p. 258 s.); tandis que le droit cantonal prévoit un amortissement de 0.5% sur le capital emprunté (art. 21 al. 2 let. c RLL), le droit fédéral exclut tout amortissement dans le marché libre (ATF 125 III 421 consid. 2d p. 424); enfin, si l'art. 21 al. 2 let. d RLL autorise un montant forfaitaire de 1.7% du décompte final à titre de frais d'entretien et d'administration, d'impôts d'assurance, d'eau, d'électricité, etc., l'art. 269 CO n'admet pour de telles dépenses que les frais effectifs (ATF 111 II 378 consid. 2 p. 380). De telles différences sont susceptibles d'entraîner une distorsion, peu souhaitable et au détriment du locataire, entre le montant du loyer fixé selon les critères du droit cantonal et le montant du loyer respectant l'art. 269 CO.
En règle générale, les loyers faisant l'objet d'un contrôle de l'Etat sont établis par l'autorité compétente en fonction d'un plan financier conçu pour toute la durée du contrôle. Ce plan financier induit un plan de hausse des loyers qui - si le droit applicable le prévoit - est communiqué au bailleur et au locataire (en droit fédéral: art. 45 de la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements du 4 octobre 1974 [LCAP; RS 843] et art. 17 al. 2 et 21 de l'ordonnance relative à la loi fédérale encourageant la construction et l'accession à la propriété de logements du 30 novembre 1981 [OLCAP; RS 843.1]; Lachat, op. cit., p. 377 et 493). Il arrive cependant aussi que l'autorité compétente se borne à fixer un état locatif initial au moyen d'une décision et qu'elle puisse le modifier par la suite au moyen de nouvelles décisions tenant compte de l'évolution des circonstances (Siegrist, op. cit., n. 32). Il s'agit du système institué par l'art. 23 al. 1 RLL.
3.2. Dans l'arrêt querellé, les juges cantonaux ont rappelé que la propriétaire de l'immeuble avait renoncé à percevoir un rendement de ses fonds propres jusqu'à la fin de l'année 1998, ce qui correspondait à un effort annuel de 50'050 fr.; elle avait ensuite perçu un rendement, d'abord de 3'850 fr. en 1999, qui avait augmenté progressivement de 3'850 fr. chaque année jusqu'à la fin de l'année 2005; ainsi, ce n'était que dès l'année 2006 que la propriétaire avait commencé à pouvoir rémunérer ses fonds propres au taux admis par la législation cantonale. Ils ont ajouté que l'effort de la propriétaire s'était doublé d'une participation financière à fonds perdus, à concurrence de 32'400 fr. jusqu'à la fin de l'année 1998, puis d'un montant dégressif jusqu'en 2009 pour ce qui concernait l'appartement de la recourante. Selon l'arrêt, la locataire était pleinement informée de ce plan, puisqu'elle avait signé une annexe à son bail qui la rendait attentive au fait que le loyer serait progressivement augmenté, en proportion de la réduction des participations de la Confédération, du canton et du tiers se substituant à la commune. Enfin, la cour cantonale insiste sur le fait que l'aménagement d'un contrôle systématique, à chaque fixation de
loyer, représenterait une tâche considérable générant d'importants frais.
Ces éléments de fait amènent le Tribunal fédéral à considérer que, en matière de locaux d'habitation en faveur desquels des mesures d'encouragement ont été prises par les pouvoirs publics, un examen de la conformité du loyer à l'art. 269 CO uniquement à un moment déterminé du bail, comme ici plus de quinze ans après le début de la période de contrôle, ferait l'impasse sur les efforts consentis dans la durée par les pouvoirs publics et - dans le cas d'espèce - par la propriétaire. La locataire en convient d'ailleurs elle-même puisqu'elle reconnaît que si la possibilité doit être donnée de se plaindre d'un rendement excessif, cela ne signifie pas que l'autorité doive systématiquement et chaque année contrôler toutes les charges dans le détail.
3.2.1. Dans l'hypothèse où le locataire se voit notifier, en début de bail, le plan de hausse de loyers, à l'instar de ce que prévoient les art. 17 al. 2 et 21 OLCAP, c'est à ce moment qu'il devrait saisir l'autorité compétente de la question d'un éventuel rendement abusif de la chose louée (Schöbi, op. cit., p. 83). En l'état, la jurisprudence relative à l'art. 17a LCAP constate que l'aide fédérale est accordée au propriétaire qui s'engage à rembourser les prêts de la Confédération conformément au plan de financement et à ne pas dépasser les loyers qui ont fait l'objet de l'abaissement de base (FF 1973 II 736); il en découle que le contrôle par les autorités administratives compétentes doit se limiter au respect du plan de hausse, mais ne peut pas porter sur le plan des loyers en tant que tel, une fois qu'il a été approuvé (ATF 129 II 125 consid. 2.6.4 p. 133; 2C 261/2011 consid. 1.3; Siegrist, op. cit., n. 60; ).
Point n'est besoin d'examiner ici le bien-fondé de cette jurisprudence ni d'envisager la possibilité de généraliser un tel contrôle, à l'instar de ce que prévoit l'art. 269a let. d CO ( Lachat, op. cit., p. 494, n. 7.5). En effet, la présente affaire repose uniquement sur le droit cantonal, qui ne prévoit précisément pas de plan des loyers semblable à l'art. 21 OLCAP (cf. consid. 3.1 in fine). La question de la conformité du plan des loyers n'a donc pas à être approfondie.
3.2.2. Dans l'hypothèse où un plan des loyers n'existe pas ou n'est pas connu du locataire à l'avance, un contrôle de conformité du loyer au droit fédéral peut intervenir en cours de bail: l'autorité compétente doit alors tenir compte avec discernement des éléments pertinents survenus pendant toute la période d'aide des pouvoirs publics. Une vérification des loyers subventionnés est admise à titre rétroactif, par rapport aux loyers déjà versés pendant toute la durée de la surveillance (ATF 129 II 125 consid. 4.2 p. 136).
Enfin, à la sortie du contrôle de l'Etat, le locataire comme le bailleur peuvent encore invoquer la méthode absolue de fixation du loyer pour en vérifier la compatibilité avec l'art. 269 CO (ATF 129 III 272 consid. 2.1 p. 274 et les références citées).
3.2.3. Il ne ressort pas de l'arrêt attaqué - ce qui est conforme au droit cantonal (art. 23 al. 1 RLL) - que la locataire se serait vu notifier un plan de hausse des loyers pour toute la période. Quant à la simple indication, générale, selon laquelle le loyer serait progressivement augmenté, en proportion de la réduction des participations de la Confédération, du canton et du tiers se substituant à la commune, elle ne peut pas être assimilée à un tel plan de hausse. En tout état, la locataire ne semble pas avoir disposé des éléments nécessaires pour lui permettre de faire contrôler pour la durée de l'aide des pouvoirs publics la conformité des loyers prévus avec l'art. 269 CO.
Comme on l'a vu (consid. 3.2.2), un contrôle doit néanmoins pouvoir intervenir, opération à laquelle le Tribunal fédéral ne peut procéder en l'état du dossier.
3.3. Au vu de ce qui précède, il convient de renvoyer la cause à la cour cantonale.
Celle-ci devra elle-même - ou par le biais d'un renvoi à l'autorité de première instance - établir les faits utiles à la solution du litige. Il lui appartiendra ensuite de vérifier si, compte tenu des efforts consentis par la propriétaire et les pouvoirs publics et des autres circonstances pertinentes, le loyer prévu pendant la période de contrôle viole le droit fédéral.
4.
Il s'ensuit que le recours est partiellement admis sans qu'il y ait lieu de statuer sur le grief de l'établissement incomplet des faits. La cause est renvoyée à la cour cantonale pour instruction et nouvelle décision. A cette occasion, la cour cantonale statuera à nouveau sur les frais et dépens cantonaux (art. 68 al. 5 LTF).
Le canton de Vaud, qui agit dans l'exercice de ses attributions officielles par le biais du Service des communes et du logement, ne supporte pas les frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Il s'acquittera en revanche de dépens en faveur de la recourante (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est partiellement admis et l'arrêt attaqué annulé.
2.
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
4.
Une indemnité de 2'000 fr. est allouée à la recourante à titre de dépens, à la charge du canton de Vaud.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Service des communes et du logement du canton de Vaud et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public.
Lausanne, le 25 septembre 2014
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Juge présidant : Aemisegger
La Greffière : Tornay Schaller