Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
4A 574/2011
Arrêt du 24 novembre 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mmes et M. les Juges Klett, présidente, Corboz et Rottenberg Liatowitsch.
Greffier: M. Ramelet.
Participants à la procédure
X.________ Sàrl,
Y.________,
Z.________,
tous représentés par Me Sandra Fivian Debonneville,
recourants,
contre
A.________, représentée par Me Mauro Poggia,
intimée.
Objet
bail à loyer, évacuation,
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers, du 10 août 2011.
Faits:
A.
Par une convention intitulée « Contrat de bail à ferme » et datée du 1er octobre 2008, la société X.________ Sàrl et ses associés gérants Y.________ et Z.________ (les bailleurs) ont remis à A.________, à compter du 1er octobre 2008, le bar à l'enseigne « ... », situé rue ... à Genève, afin que celle-ci exploite l'établissement pour son compte.
Ce contrat, conclu pour une durée initiale de cinq ans, fixait le fermage, patente et charges comprises, à 5'000 fr. par mois, payables d'avance sur un compte de chèque postal (CCP); l'accord prévoyait en outre le versement d'une avance de loyer de 10'000 fr. sur le CCP avant le 30 octobre 2008 et la constitution d'une garantie bancaire de 15'000 fr. dans le même délai.
A.________ a allégué que les bailleurs ont exigé d'elle, postérieurement à la signature du contrat, un versement supplémentaire de 2'000 fr. par mois, sous la menace d'une résiliation de bail. X.________ Sàrl, Y.________ et Z.________ ont allégué pour leur part que les parties contractantes s'étaient mises d'accord, avant la prise de possession des locaux, sur un fermage d'un montant mensuel de 7'000 fr., dont 5'000 fr. à verser sur le CCP et 2'000 fr. à payer en espèces.
Il a été retenu qu'outre le versement mensuel régulier de la somme de 5'000 fr. sur le CCP, A.________ a payé 2'000 fr. en espèces les 29 septembre 2008, 3 novembre 2008 et 7 janvier 2009, contre remises de quittances portant respectivement les mentions « octobre 08 », « novembre 08 » et «janvier 09 ». Il a été retenu que la quittance datée du 29 septembre 2008 contenait encore la mention « reçu le 16 janvier 2009 ».
Par courrier recommandé du 22 juin 2009, les bailleurs ont sommé A.________ de s'acquitter avant le 23 juillet 2009 d'arriérés de fermage de 12'000 fr., représentant à leur sens le reliquat dû sur les fermages de la période d'octobre 2008 à juin 2009 arrêtés à 7'000 fr. par mois, sous peine de résiliation du bail faute de paiement avant le terme précité; dans le même délai et sous la même menace, les bailleurs ont encore mis la susnommée en demeure de verser l'avance de loyer de 10'000 fr. et de constituer la garantie bancaire de 15'000 fr.
Par lettre du 20 juillet 2009, A.________ a contesté être en demeure pour le versement de fermages. Elle a ajouté que le paiement d'une avance de loyer n'avait pas de fondement juridique, mais s'est déclarée disposée à verser 9'000 fr. sur un compte bloqué pour la garantie bancaire qu'elle ouvrirait, à condition que le montant de 6'000 fr. dont elle s'était déjà acquittée en faveur des bailleurs en plus des fermages convenus soit crédité sur ce compte.
Considérant que les montants réclamés n'avaient pas été versés dans le délai imparti, les bailleurs, par formule officielle d'avis de résiliation du bail en cas de demeure du locataire (art. 257d

B.
Le 23 novembre 2009, les bailleurs ont saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du canton de Genève d'une requête en évacuation, qui a ensuite été portée devant le Tribunal des baux et loyers de Genève le 31 mars 2010.
Par jugement du 21 mars 2011, le Tribunal des baux et loyers a condamné A.________ à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de tout tiers les locaux sis rue ..., à Genève, où est exploité un bar à l'enseigne « ... ».
Saisie d'un appel de A.________, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 10 août 2011, a annulé ce jugement et rejeté la requête d'évacuation. Elle a considéré, contrairement à l'autorité de première instance, que l'intimée n'ayant pas été en demeure de payer des termes ou des frais accessoires échus, il n'était pas possible de résilier le bail à ferme par application de l'art. 282 al. 2

C.
Les bailleurs exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral contre l'arrêt précité. Ils concluent principalement à l'annulation de cet arrêt et à ce que A.________ soit condamnée à évacuer de sa personne et de ses biens les locaux sis rue .... Subsidiairement, ils requièrent le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
L'intimée n'a pas été invitée à répondre.
Considérant en droit:
1.
1.1 A considérer l'échange des prestations convenues entre les parties (cession à titre onéreux de l'usage de locaux équipés en vue de l'exploitation d'un bar), il est constant que l'accord qu'elles ont conclu doit être qualifié de bail à ferme non agricole (art. 275

S'agissant d'un bail à ferme, le recours en matière civile n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à la limite de 30'000 fr. fixée à l'art. 74 al. 1 let. b

Il sied de la déterminer.
Si les conclusions, comme en l'espèce, ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation (art. 51 al. 2


1.2 Interjeté pour le reste par les demandeurs qui ont entièrement succombé dans leur requête en évacuation et qui ont ainsi la qualité pour recourir (art. 76 al. 1






1.3 Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a





relevant du droit cantonal ou intercantonal que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise par la partie recourante (art. 106 al. 2

1.4 Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1




La partie recourante qui entend s'écarter des constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2



En l'espèce, les recourants font grief à la cour cantonale, sur deux pages, de n'avoir pas mentionné certains éléments de fait épars qui ressortiraient de diverses pièces du dossier. Il s'agit là de critiques purement appellatoires, dénuées de toute démonstration d'arbitraire, qui ne correspondent pas aux exigences strictes de motivation découlant de l'art. 106 al. 2

1.5 Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1


2.
Les recourants reprochent à la cour cantonale de n'avoir pas instruit pour déterminer la réelle et commune intention des parties s'agissant de la quotité du fermage convenu. Ils y voient une violation de leur droit à la preuve. Soutenant ensuite que ce fermage était de 7'000 fr. par mois, ils affirment que l'intimée était en demeure pour retard dans le paiement de fermages et qu'elle n'avait en outre pas constitué la garantie bancaire prévue contractuellement. L'autorité cantonale aurait ainsi violé l'art. 282


2.1 Il a été constaté en fait - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1




2.2 L'art. 282

L'intimée ne s'est pas prévalue du fait que l'avis comminatoire du 22 juin 2009 mentionnait un délai de grâce bien inférieur aux 60 jours prévus par l'art. 282 al. 1

2.3 Appréciant les trois quittances remises par les recourants à l'intimée, lesquelles contenaient notamment les mentions respectives « octobre 08 », « novembre 08 » et «janvier 09 », les magistrats genevois ont jugé qu'elles ne permettaient pas de tirer des conclusions précises quant à la cause des paiements opérés par celle-ci, de sorte qu'il ne pouvait pas être tenu pour établi que les parties aient conclu un accord oral, dérogeant au bail écrit du 1er octobre 2008, qui aurait porté le montant mensuel du fermage à 7'000 fr.
Le droit à la preuve déduit de l'art. 8

En cas de litige sur le consentement (art. 1

In casu, il a été retenu qu'en plus du fermage convenu de 5'000 fr. par mois versé sur CCP, l'intimée a payé aux recourants 2'000 fr. en espèces les 29 septembre 2008, 3 novembre 2008 et 7 janvier 2009. Cette dernière n'a jamais admis que ces versements constituaient des fermages supplémentaires. Ainsi, dans son écriture du 20 juillet 2009, elle a expressément demandé que lesdits versements soient imputés sur le montant de la garantie bancaire qu'elle s'était engagée à constituer. Il apparaît donc que les parties ne sont pas parvenues à s'entendre pour augmenter à 7'000 fr. le montant du fermage mensuel arrêté à 5'000 fr. dans le bail à ferme signé le 1er octobre 2008.
2.4 Il résulte des faits constatés que l'intimée a versé régulièrement aux recourants sur leur CCP le fermage convenu de 5'000 fr. par mois. L'intimée n'ayant jamais été en demeure de payer le fermage, les recourants n'étaient pas en droit de résilier le bail à ferme en vertu de l'art. 282 al. 2

Certes, l'intimée, lorsque son bail a été résilié le 25 août 2009, n'avait pas constitué la garantie bancaire de 15'000 fr. qu'elle s'était engagée à remettre aux bailleurs avant le 30 octobre 2008.
Cela n'exerce aucune influence sur la résolution du différend. En effet, la réglementation de l'art. 282






2.5 Il suit de là que les conditions d'application de l'art. 282

3.
Le recours doit être rejeté. Les recourants, qui succombent, paieront solidairement les frais de justice (art. 66 al. 1

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est rejeté.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'500 fr., sont mis solidairement à la charge des recourants.
3.
Il n'est pas alloué de dépens.
4.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des baux et loyers.
Lausanne, le 24 novembre 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Klett
Le Greffier: Ramelet