I 724/01 Mh
IVe Chambre
Mme et MM. les juges Leuzinger, Présidente, Rüedi et
Ferrari. Greffière : Mme Moser-Szeless
Arrêt du 23 mai 2002
dans la cause
L.________, recourante, représentée par Me Jean-Marie Agier, avocat, FSIH, place du Grand-Saint-Jean 1, 1003 Lausanne,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,
et
Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne
A.- L.________, divorcée, mère de quatre enfants, ressortissante de l'ex-Yougoslavie a travaillé en Suisse à différents intervalles depuis 1992, tout d'abord comme ouvrière agricole, puis comme ouvrière en usine. Elle s'est inscrite au chômage dès le 1er juin 1995.
Le 12 mars 1997, la prénommée a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité. Dans son rapport du 16 avril 1997 à l'intention de l'Office AI pour le canton de Vaud (ci-après : l'office), la doctoresse A.________, Chef de clinique du Centre psycho-social X.________, a établi le diagnostic de "Dysthymie chez une personnalité fruste avec probable intelligence limite. Conflit conjugal majeur. Acculturation" justifiant une incapacité totale de travail depuis le 19 février 1997. Le 4 mai 1998, le docteur B.________, médecin-adjoint du centre précité confirmait le diagnostic et notait que la patiente restait incapable d'effectuer un travail "qui demande une minime exigence".
Sur mandat de l'office, l'assurée a été examinée par le docteur C.________, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Au terme d'un rapport du 3 mai 2000, ce médecin a constaté que l'assurée était atteinte d'un état dépressif majeur d'intensité légère chronique ou de dysthymie, troubles qui ne représentaient qu'un handicap léger entraînant une incapacité de travail de 25 à 33 1/3 %. Il était d'avis que des éléments extra-médicaux semblaient entrer en ligne de compte pour expliquer que l'intéressée n'avait pas retrouvé d'emploi jusqu'à présent, à savoir "des facteurs motivationnels et d'acculturation essentiellement"; la capacité de travail pouvait être améliorée par l'introduction d'un traitement pharmacologique un peu plus stimulant que celui prescrit jusqu'alors.
Le 2 octobre 2000, l'office a informé l'assurée qu'il envisageait, sur la base des éléments ainsi recueillis, de rejeter sa demande de prestations. Il considérait qu'elle ne présentait pas d'atteinte à la santé invalidante, dès lors que son taux d'activité pour effectuer des activités manuelles simples était de 66 2/3 % au minimum. L'assurée ne s'est pas déterminée sur ce projet de décision dans le délai de quinze jours qui lui a été imparti à cet effet.
Le 23 octobre 2000, l'office a rejeté la demande de prestations en reprenant les motifs invoqués dans son projet de décision du 2 octobre 2000.
B.- Par jugement du 1er juin 2001, le Tribunal des assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par l'assurée contre cette décision.
C.- L.________ interjette recours de droit administratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
Sous suite de frais et dépens, elle conclut principalement, au renvoi de la cause pour instruction complémentaire sous la forme d'une audition de témoin et nouveau jugement, et subsidiairement, à la mise en oeuvre d'une expertise médicale.
L'office conclut implicitement au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.
Considérant en droit :
1.- a) Comme elle l'a fait en première instance, la recourante soulève tout d'abord le grief de prévention à l'encontre de l'expert commis par l'office intimé, au motif que le docteur C.________ lui aurait dit d'emblée dans le cadre de l'expertise qu'il ne comprenait pas pourquoi elle avait déposé une demande de prestations et qu'"elle n'avait qu'à travailler comme femme de ménage au noir et pour le reste à émarger aux services sociaux". La recourante offre de prouver son allégation par le témoignage de sa fille, D.________, qui a assisté à l'expertise comme traductrice.
b) Un expert passe pour prévenu lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter.
C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l'expert.
L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 125 V 353 sv. consid. 3b/ee, 123 V 176 consid. 3d et l'arrêt cité; VSI 2001 p. 109 sv. consid. 3b/ee; RAMA 1999 n° U 332 p. 193 consid. 2a/bb et les références).
D'après la jurisprudence rendue en matière de récusation d'un juge, - développée à propos de l'art. 58
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 58 Armée - 1 La Suisse a une armée. Celle-ci est organisée essentiellement selon le principe de l'armée de milice. |
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1 | La Suisse a une armée. Celle-ci est organisée essentiellement selon le principe de l'armée de milice. |
2 | L'armée contribue à prévenir la guerre et à maintenir la paix; elle assure la défense du pays et de sa population. Elle apporte son soutien aux autorités civiles lorsqu'elles doivent faire face à une grave menace pesant sur la sécurité intérieure ou à d'autres situations d'exception. La loi peut prévoir d'autres tâches. |
3 | La mise sur pied de l'armée relève de la compétence de la Confédération.18 |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 30 Garanties de procédure judiciaire - 1 Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits. |
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1 | Toute personne dont la cause doit être jugée dans une procédure judiciaire a droit à ce que sa cause soit portée devant un tribunal établi par la loi, compétent, indépendant et impartial. Les tribunaux d'exception sont interdits. |
2 | La personne qui fait l'objet d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée devant le tribunal de son domicile. La loi peut prévoir un autre for. |
3 | L'audience et le prononcé du jugement sont publics. La loi peut prévoir des exceptions. |
d'expertises ordonnées par l'administration (cf.
VSI 2001 p. 111 consid. 4a/aa; voir aussi Meyer-Blaser, Rechtliche Vorgaben an die medizinische Begutachtung, in :
Schaffhauser/Schlauri, Rechtsfragen der medizinischen Begutachtung in der Sozialversicherung, St-Gall 1997, p. 45 sv.).
c) En l'espèce, la recourante soutient que le docteur C.________ aurait tenu à son égard "toute une série de déclarations" qui serait de nature à mettre en doute l'impartialité subjective de l'expert, allégué dont elle a offert d'établir le bien-fondé. Supposé que le médecin lui ait effectivement exprimé d'emblée qu'il ne comprenait pas pourquoi elle avait déposé une demande de prestations, on pourrait certes admettre qu'il a fait preuve d'un manque d'impartialité, dans la mesure où de tels propos dénotent une opinion préconçue sur l'issue qu'il entendait donner à son expertise. Toutefois, le moyen tiré de l'apparence de prévention doit en tout état de cause être considéré comme tardif. La recourante, qui selon ses dires a été perturbée par les propos de l'expert "dès le commencement de l'expertise", a eu connaissance de l'éventuel motif de récusation lors du premier entretien du 24 mars 2000, le second ayant eu lieu le 20 avril suivant. Elle était ainsi en mesure de s'en plaindre à l'intimé avant la fin de l'expertise et avant que le médecin n'établisse son rapport, daté du 3 mai 2000. L'occasion lui en fut également donnée dans le cadre des objections qu'elle a été invitée à apporter à l'encontre du projet de décision du 2
octobre 2000. Dès lors qu'elle a attendu de connaître le résultat de l'expertise, et surtout celui de la décision de l'intimé sur son droit à des prestations, pour faire valoir le motif de récusation, la recourante ne pouvait s'en prévaloir de bonne foi devant les instances judiciaires successives.
Dans ces circonstances, la requête d'audition de témoins doit être écartée.
2.- a) Le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables au cas, notamment en ce qui concerne la notion d'invalidité et la valeur probante d'un rapport médical, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
Il y a lieu d'ajouter que selon le principe de la libre appréciation des preuves, qui s'applique aussi bien en procédure administrative qu'en procédure de recours de droit administratif (art. 40
SR 273 Loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale PCF Art. 40 - Le juge apprécie les preuves selon sa libre conviction. Il prend en considération l'attitude des parties au cours du procès, par exemple le défaut d'obtempérer à une convocation personnelle, le refus de répondre à une question du juge ou de produire des moyens de preuve requis. |
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 19 - Sont en outre applicables par analogie à la procédure probatoire les art. 37, 39 à 41 et 43 à 61 de la procédure civile fédérale49; les sanctions pénales prévues par ladite loi envers les parties ou les tierces personnes défaillantes sont remplacées par celles qui sont mentionnées à l'art. 60 de la présente loi. |
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 19 - Sont en outre applicables par analogie à la procédure probatoire les art. 37, 39 à 41 et 43 à 61 de la procédure civile fédérale49; les sanctions pénales prévues par ladite loi envers les parties ou les tierces personnes défaillantes sont remplacées par celles qui sont mentionnées à l'art. 60 de la présente loi. |
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 19 - Sont en outre applicables par analogie à la procédure probatoire les art. 37, 39 à 41 et 43 à 61 de la procédure civile fédérale49; les sanctions pénales prévues par ladite loi envers les parties ou les tierces personnes défaillantes sont remplacées par celles qui sont mentionnées à l'art. 60 de la présente loi. |
SR 172.021 Loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA) PA Art. 19 - Sont en outre applicables par analogie à la procédure probatoire les art. 37, 39 à 41 et 43 à 61 de la procédure civile fédérale49; les sanctions pénales prévues par ladite loi envers les parties ou les tierces personnes défaillantes sont remplacées par celles qui sont mentionnées à l'art. 60 de la présente loi. |
Si l'administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d'office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d'administrer d'autres preuves (appréciation anticipée des preuves; Kieser, Das Verwaltungsverfahren in der Sozialversicherung, p. 212, n° 450; Kölz/Häner, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., p. 39, n° 111 et p. 117, n° 320; Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 274; cf. aussi ATF 122 II 469 consid. 4a, 122 III 223 consid. 3c, 120 Ib 229 consid. 2b, 119 V 344 consid. 3c et la référence). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu selon l'art. 29 al. 2
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
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1 | Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2 | Les parties ont le droit d'être entendues. |
3 | Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert. |
b) Les premiers juges ont retenu que les critiques émises par les docteurs B.________ et E.________ du Centre psycho-social de X.________ (courrier au conseil de la recourante du 20 décembre 2000) à l'égard de l'expertise du docteur C.________ ne permettaient pas de remettre en cause les conclusions de l'expert. Il n'y a pas lieu de s'écarter de cette appréciation.
D'abord, l'expertise réalisée par le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie répond aux exigences de la jurisprudence en la matière (cf. ATF 125 V 352 consid. 3a et les références), de sorte qu'elle revêt une valeur probante certaine. Ensuite, comme le démontre de manière convaincante l'instance cantonale de recours, l'avis de l'expert concorde avec celui des praticiens du Centre psycho-social quant au diagnostic, puisque les médecins retiennent tous trois que la recourante souffre d'une dysthymie, quand bien même le docteur C.________ pose, de manière alternative, le diagnostic d'état dépressif chronique d'intensité légère. Enfin, les constatations médicales des médecins qui se sont occupés de la recourante au Centre psycho-social (rapports de la doctoresse A.________ du 16 mai 1997 et des docteurs B.________ et F.________ du 4 mai 1998) sont pour l'essentiel superposables à celles contenues dans l'expertise; les médecins traitants en tirent simplement d'autres conclusions au sujet de la capacité de travail de la patiente qu'ils considèrent comme nulle, sans réellement motiver leur évaluation. En particulier, dans leurs critiques de l'expertise, les docteurs B.________ et E.________ ne fournissent pas d'éléments propres à
remettre en cause l'appréciation de l'expert, selon laquelle l'assurée présente une incapacité de travail d'un quart à un tiers. En effet, ils se contentent de constater une incapacité de travail de 100 % sans en expliquer les raisons, si ce n'est en se référant à la Classification internationale des troubles mentaux et des troubles du comportement CIM-10, F 34 (troubles de l'humeur persistants), établie par l'OMS, selon laquelle une dysthymie peut causer "une incapacité considérable", ce qui ne saurait suffire pour démontrer que c'est effectivement le cas en l'espèce.
Dans ces circonstances, il n'y a pas motif de s'écarter des conclusions du docteur C.________, de sorte que la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire ne s'avère pas nécessaire (cf. consid. 2a ci-dessus).
C'est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré qu'il était raisonnable d'exiger de la recourante qu'elle mette à profit sa capacité de travail. Dès lors, le droit à des prestations de l'assurance-invalidité doit lui être dénié.
Partant, le recours est mal fondé.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
prononce :
I. Le recours est rejeté.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 23 mai 2002
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
La Présidente de la IVe Chambre :
La Greffière :