Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal
Numéro de dossier: BB.2007.43
Arrêt du 19 novembre 2007 Ire Cour des plaintes
Composition
Les juges pénaux fédéraux Emanuel Hochstrasser, président, Barbara Ott et Tito Ponti, La greffière Laurence Aellen
Parties
A., défendu d'office par Me Hans Keller, avocat, plaignant
contre
Ministère public de la Confédération, intimé
Objet
Frais de procédure (art. 246bis

Faits:
A. Le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert le 5 décembre 2003 une enquête de police judiciaire contre A., né le 6 mai 1975 au Yémen et domicilié à Z. (BE), pour participation et soutien à une organisation criminelle.
L’enquête, dirigée contre divers ressortissants yéménites, irakiens et somaliens, a notamment révélé l’existence d’un réseau composé principalement de ressortissants yéménites qui, de 1998 à 2003, ont facilité le départ du Yémen et l’entrée en Suisse de plusieurs dizaines de leurs concitoyens qui ont déposé des requêtes d’asile, souvent sous de faux noms, généralement à l’aide de faux documents de légitimation d’origine somalienne. Ce réseau a également été en mesure de distribuer moyennant finance de faux passeports à plusieurs requérants d’asile et/ou immigrants.
B. A. a été arrêté le 8 janvier 2004 et placé en détention préventive sous la prévention de participation à une organisation criminelle et de faux dans les titres. Il est demeuré détenu jusqu’au 5 mars 2004.
C. Les interrogatoires du prévenu et les recherches policières n’ayant pas pu mettre en évidence un soutien au profit d’une organisation criminelle présumée, le MPC a ordonné le 21 septembre 2006 la disjonction du cas de A. de la cause principale et a délégué aux autorités pénales du canton de Berne la poursuite des infractions aux art. 23

D. Le 3 juillet 2007, le MPC a rendu une ordonnance de non-lieu pour les infractions de compétence fédérale, mettant à la charge de A. une partie des frais liés à l'enquête (soit CHF 1'000.-) en application de l’art. 246bis al. 2 let. a

E. Le 9 juillet 2007, A. a formé une plainte auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral, concluant à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de l’ordonnance attaquée (frais); il demande l'assistance judiciaire.
F. Le MPC considérant que les conditions requises pour la mise à charge de l’inculpé d’une partie des frais de la procédure sont remplies, sa prise de position a été soumise au plaignant. Dans sa réponse du 13 août 2007, ce dernier confirme les conclusions de sa plainte (act. 4).
Les faits et moyens de preuve invoqués par les parties seront repris si nécessaire dans les considérants en droit.
La Cour considère en droit:
1.
1.1 La Cour des plaintes examine d’office et avec plein pouvoir d’examen la recevabilité des plaintes qui lui sont adressées (ATF 132 I 140 consid. 1.1 p. 142; 131 I 153 consid. 1 p. 156; 131 II 571 consid. 1 p. 573).
1.2 Selon l'art. 106

1.3 La décision querellée date du 3 juillet 2007 et a été reçue le 4 de sorte que la plainte du 9 juillet 2007 a été faite en temps utile. Les autres conditions de recevabilité de la plainte sont au surplus réunies.
2. Le plaignant relève que la décision attaquée ne précise pas à combien se montent les frais totaux de la procédure. Ces derniers devraient y être détaillés, notamment en raison du fait que l'indemnité due au défenseur en constitue une partie. Le MPC aurait dû l'inviter à fournir sa note d'honoraire et, ne l'ayant pas fait, a dès lors violé son droit d'être entendu.
2.1 La jurisprudence a notamment déduit du droit d'être entendu, garanti par l'art. 29 al. 2

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
Le droit d'être entendu étant une garantie constitutionnelle de nature formelle, dont la violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b p. 132), ce moyen doit être examiné en premier lieu (ATF 124 I 49 consid. 1 p. 50) et avec un plein pouvoir d'examen (ATF 127 III 192 consid. 3 p. 194 et la jurisprudence citée).
2.2 En l'espèce, le MPC a mis à la charge du plaignant un montant de Fr. 1'000.--. Il en a certes indiqué les raisons (sur ce point voir consid. 4), mais n'a fourni aucun élément chiffré permettant de situer ce montant par rapport aux frais totaux de la procédure. Cette façon de faire ne permet pas de procéder à un contrôle de la somme à supporter par le plaignant, notamment au regard de l'arbitraire ou de la proportionnalité, même si le montant précité paraît de prime abord modeste. En outre, ce faisant, le MPC ne s'est pas conformé aux directives émises en ce sens par l'autorité de céans (courriers des 6 décembre 2005, 31 mai et 6 septembre 2006). Sur ce point, il faut donc retenir le grief de la violation de l'art. 29 al. 2

SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable. |
2.3 S’agissant des frais inhérents à sa défense dans le cadre de la procédure fédérale, il appartient au mandataire du plaignant de transmettre au MPC sa note de frais en relation avec la procédure suspendue par l’ordonnance attaquée. Le MPC estime – à juste titre – que pour éviter que le mandataire du plaignant soit indemnisé deux fois pour le même travail, il ne pourra statuer que lorsque l’autorité cantonale aura rendu son jugement concernant les infractions de compétence cantonale, en prenant ainsi à sa charge les frais non couverts par ledit jugement (cf. réponse à la plainte, p. 4, act. 6 du dossier BB.2007.28). De ce fait, on ne saurait, sur ce point, retenir une violation du droit d'être entendu à l'encontre du MPC.
3. En ce qui concerne le sort des objets séquestrés, le MPC estime que – mis à part les deux passeports yéménites appartenant à son épouse et à sa fille – tous les documents ne présentant pas de signes évidents de falsification ont été remis au plaignant. Dans sa prise de position du 3 octobre 2007, le MPC précise cependant qu’une partie des objets séquestrés réclamés par ce dernier se trouve encore au greffe de l’OJIF ou dans les classeurs de la cause, transmis à la Cour pénale du TPF lors du procès (cf. act. 7, p. 2-3 et act. 7.1 en annexe). Or, le sort de ces objets aurait du être réglé par le MPC au plus tard dans l’ordonnance de non-lieu; ce dernier est responsable du dossier et ne peut pas simplement renvoyer le plaignant à chercher les objets lui appartenants auprès des différentes juridictions pénales fédérales. Le MPC est donc invité à restituer au plaignant dans un délai raisonnable tous les documents réclamés dans la mesure ou ils ne présentent pas de signes évidents de falsification ou ne servent pas de pièces à conviction dans la procédure cantonale.
4. S'agissant enfin des frais mis à la charge du plaignant par le MPC, selon l'art. 246bis

4.1 Il n'est pas contraire à la règle de la présomption d'innocence de condamner le prévenu mis au bénéfice d'un non-lieu à tout ou partie des frais de la procédure lorsque cette condamnation est motivée par un comportement condamnable de l'intéressé (ATF 119 Ia 332 consid. 1b p. 334). L'idée est que ce n'est pas à l'Etat, et partant aux contribuables, de supporter les frais d'une procédure provoquée par le comportement blâmable d'un justiciable (ATF 107 Ia 166 consid. 3 p. 167). Il faut cependant que ce dernier ait clairement violé une norme de comportement écrite ou non écrite résultant de l'ordre juridique suisse pris dans son ensemble, d'une manière répréhensible au regard du droit civil, dans le sens d'une application analogique de l'art. 41

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 41 - 1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer. |
4.2 En l’espèce, il est indéniable que, en se procurant de faux documents d’identité somaliens par l’intermédiaire de B., ami de son frère C., et en détenant à son domicile de nombreux passeports yéménites sans pouvoir fournir d'explication plausible, le plaignant s’est par sa faute trouvé impliqué dans l’enquête qui portait notamment sur un réseau destiné à procurer de faux papiers à des ressortissants yéménites ou somaliens et à faciliter leur entrée en Suisse. Les investigations ont aussi démontré que le plaignant avait hébergé plusieurs personnes dont certaines étaient soupçonnées d’appartenir au réseau Al-Qaida. Ce faisant, il a manifestement enfreint des normes de l’ordre juridique suisse, que ce soit en tant qu’auteur médiat ou instigateur à faux dans les certificats au sens de l’art. 252

SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 252 - Quiconque, dans le dessein d'améliorer sa situation ou celle d'autrui, |

SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 252 - Quiconque, dans le dessein d'améliorer sa situation ou celle d'autrui, |


4.3 Il reste que, comme précisé supra (consid. 2.2), le montant mis à charge du plaignant doit pouvoir être apprécié au regard de l’arbitraire et de la proportionnalité.
5. Compte tenu de ce qui précède, la plainte est admise. L’ordonnance attaquée doit être annulée et le dossier renvoyé à l’autorité inférieure pour une nouvelle décision au sens des considérants 2.2 et 3. Le plaignant ayant eu gain de cause dans le cadre de la présente procédure, la décision sera rendue sans frais (art. 66 al. 4

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
6. Vu l’issue de la cause, la demande d’assistance judiciaire devient sans objet. Pour les frais occasionnés par le litige, le plaignant a droit à une indemnité, laquelle sera fixée à Fr. 1'000.- (TVA comprise), à charge du MPC (art. 68 al. 2

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |

SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, la Ire Cour des plaintes prononce:
1. La plainte est admise et la décision attaquée est annulée.
Le dossier est renvoyé à l’autorité inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants.
2. Il n’est pas perçu de frais.
3. La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
4. Une indemnité de Fr. 1'000.-- (TVA comprise), à la charge du MPC, est allouée au plaignant.
Bellinzone, le 19 novembre 2007
Au nom de la Ire Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: La greffière:
Distribution
- Me Hans Keller
- Ministère public de la Confédération
Indication des voies de recours
Il n’existe pas de voie de droit ordinaire contre cet arrêt.