Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour VI

F-791/2021

Arrêt du 9 janvier 2023

Gregor Chatton (président du collège),

Composition Claudia Cotting-Schalch, Yannick Antoniazza-Hafner, juges,

Sylvain Félix, greffier.

A._______,

représentée par lic. iur. Etienne Epengola,

Parties ACSCA Cabinet juridique,

Rue de Prés du Bois 36, 2504 Biel/Bienne,

recourante,

contre

Secrétariat d'Etat aux migrations SEM,

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Rejet de la demande de naturalisation facilitée.

Faits :

A.
Le 1er octobre 2008, A._______, née B._______ le (...) 1979, ressortissante du Cameroun (ci-après : la recourante), est entrée illégalement en Suisse et y a séjourné sans titre de séjour.

Le 10 février 2012, l'intéressée a épousé C._______, ressortissant suisse, né le (...) 1972.

B.
Le 23 juillet 2020, l'intéressée a déposé une demande de naturalisation facilitée auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : le SEM).

Par préavis du 24 août 2020, le SEM a informé l'intéressée que sa demande ne pouvait pas être acceptée, dès lors qu'elle avait été condamnée, le 6 juin 2011, pour séjour illégal à une peine pécuniaire de 100 jours-amende assortie d'un délai d'épreuve de trois ans. L'autorité inférieure a proposé à l'intéressée de retirer sa demande.

C.
Le 7 septembre 2020, l'intéressée, par l'intermédiaire de son représentant, a maintenu sa demande de naturalisation et prié le SEM de rendre une décision formelle susceptible de recours.

Le 18 septembre 2020, le SEM a requis de l'intéressée une copie du jugement pénal prononcé contre elle le 6 juin 2011.

Le 11 novembre 2020, celle-ci a fait parvenir au SEM une ordonnance pénale du Ministère public du canton de Fribourg datée du 6 juin 2011.

Par courrier du 19 novembre 2020, l'extrait du casier judiciaire de l'intéressée daté du 12 novembre 2020 a été transmis au SEM.

D.
Par décision du 19 janvier 2021, notifiée le 21 janvier 2021, le SEM a rejeté la demande de naturalisation facilitée de A._______, estimant en substance, que son intégration n'était pas réussie.

E.
Le 22 février 2021, A._______ a formé recours contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif fédéral (ci-après : le TAF ou le Tribunal), concluant, à titre préliminaire, à l'octroi de l'effet suspensif et de l'assistance judiciaire et à une indemnité de partie de 600 francs. En outre, elle a conclu, à titre principal, à l'admission de sa demande de naturalisation facilitée, et, subsidiairement, à la cassation de ladite décision.

F.
Par décision incidente du 4 mars 2021, le Tribunal n'est pas entré en matière sur la requête d'effet suspensif, a rejeté la demande d'assistance judiciaire et a invité la recourante à verser une avance de frais de 1'000 francs. Ladite avance de frais a été versée le 12 mars 2021.

G.
Dans sa réponse du 6 avril 2021, le SEM a indiqué maintenir intégralement la décision querellée.

H.
Par ordonnance du 14 avril 2021, le Tribunal a transmis un double de la réponse de l'autorité inférieure à la recourante et l'a invitée à déposer une éventuelle réplique. L'intéressée n'a pas déposé d'observations.

I.
Les autres éléments contenus dans les écritures précitées seront examinés, si nécessaire, dans les considérants en droit ci-dessous.

Droit :

1.

1.1 Sous réserve des exceptions prévues à l'art. 32 LTAF, le Tribunal, en vertu de l'art. 31 LTAF, connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 PA prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

En particulier, les décisions du SEM (art. 33 let. d LTAF) en matière d'octroi de la naturalisation facilitée sont susceptibles de recours au Tribunal, qui statue comme autorité précédant le Tribunal fédéral (ci-après : le TF ; art. 1 al. 2 LTAF en relation avec l'art. 83 let. b a contrario LTF).

1.2 A moins que la LTAF n'en dispose autrement, la procédure devant le Tribunal est régie par la PA (cf. art. 37 LTAF en relation avec l'art. 47 al. 1 de la loi du 20 juin 2014 sur la nationalité suisse [LN, RS 141.0]).

1.3 La recourante a qualité pour recourir (art. 48 al. 1 PA). Le recours, présenté dans la forme et les délais prescrits par la loi, est recevable (art. 50 al. 1 et 52 al. 1 PA).

2.
Le Tribunal examine les décisions qui lui sont soumises avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. La recourante peut ainsi invoquer devant le Tribunal la violation du droit fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation, la constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents ainsi que l'inopportunité de la décision entreprise, sauf lorsqu'une autorité cantonale a statué comme autorité de recours (art. 49 PA). L'autorité de recours applique le droit d'office, sans être liée par les motifs invoqués par les parties (art. 62 al. 4 PA), ni par les considérants juridiques de la décision attaquée (ATAF 2014/24 consid. 2.2 et ATAF 2009/57 consid. 1.2 ; voir également arrêts du TF 1C_214/2015 du 6 novembre 2015 consid. 2.2.2 et 2C_800/2019 du 7 février 2020 consid. 3.4.1). Elle peut donc s'écarter aussi bien des arguments des parties que des considérants juridiques de la décision querellée, fussent-ils incontestés (cf. ATF 140 III 86 consid. 2; arrêt du TF 1C_454/2017 du 6 mai 2018 consid. 4.1 et 4.2).

3.

3.1 L'entrée en vigueur, le 1er janvier 2018, de la LN a entraîné, conformément à son art. 49 en relation avec le ch. I de son annexe, l'abrogation de la loi fédérale du 29 septembre 1952 sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse (aLN). Les détails de cette nouvelle réglementation sont fixés dans l'ordonnance du 17 juin 2016 sur la nationalité suisse (ordonnance sur la nationalité ; OLN, RS 141.01), dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er janvier 2018 également.

3.2 En vertu de la disposition transitoire de l'art. 50 al. 2 LN, qui consacre le principe de la non-rétroactivité, les demandes déposées avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sont traitées conformément aux dispositions de l'ancien droit jusqu'à ce qu'une décision soit rendue, l'autorité de recours appliquant de surcroît et en principe le droit en vigueur le jour où l'autorité de première instance a statué. Par voie de conséquence, le droit applicable à la présente affaire est la LN, dès lors que la demande de naturalisation de l'intéressée a été déposée en juillet 2020, soit après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et que le SEM a rendu sa décision le 19 janvier 2021 (voir a contrario, arrêts du TAF F-6551/2019 du 18 janvier 2021 consid. 3.2 ; F-1676/2019 du 28 août 2020 consid. 4).

4.

4.1 L'art. 21 al. 1 LN dispose que quiconque possède une nationalité étrangère peut, ensuite de son mariage avec un citoyen suisse, former une demande de naturalisation facilitée s'il remplit les conditions suivantes : (a) il vit depuis trois ans en union conjugale avec son conjoint ; (b) il a séjourné en Suisse pendant cinq ans en tout, dont l'année ayant précédé le dépôt de la demande. Selon l'art. 20 al. 1 LN, les critères d'intégration fixés à l'art. 12 al. 1 et 2 LN doivent être respectés dans le cas d'une naturalisation facilitée.

Aux termes de l'art. 12 al. 1 LN, une intégration réussie se manifeste en particulier par (a) le respect de la sécurité et de l'ordre publics, (b) le respect des valeurs de la Constitution, (c) l'aptitude à communiquer au quotidien dans une langue nationale, à l'oral et à l'écrit, (d) la participation à la vie économique ou l'acquisition d'une formation et (e) l'encouragement et le soutien de l'intégration du conjoint, du partenaire enregistré ou des enfants mineurs sur lesquels est exercée l'autorité parentale.

4.2 Les critères d'intégration énumérés à l'art. 12 al. 1 LN sont cumulatifs (cf. Céline Gutzwiller, La loi fédérale sur la nationalité du 20 juin 2014 : les conditions de naturalisation, in : Actualité du droit des étrangers, vol. 1, 2015, pp. 5 et 6. En ce sens également, intervention du Conseiller national Martin Bäumle [BO N 2013, 250] qui souligne que ces conditions sont contraignantes et doivent être remplies pour que la naturalisation facilitée soit accordée ; cf. aussi arrêts du TAF F-3769/2020 du 18 novembre 2020 consid. 3.5 [nouveau droit] et F-2539/2018 du 23 janvier 2020 consid. 4.2 [ancien droit]). Ainsi, le non-respect de l'un des critères par un requérant permet à l'autorité de faire l'économie de l'examen des autres (cf. p. ex. arrêt du TF 2C_1017/2018 du 23 avril 2019 consid. 4.2 in fine).

4.3 On entend par «sécurité et ordre publics» notamment le respect de l'ordre juridique suisse. Cette terminologie est reprise du droit des étrangers (cf. art. 80 de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA, RS 142.201], dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2018). Il est à noter que cette condition du respect de la sécurité et de l'ordre publics est également reprise de l'art. 26 al. 1 let. b aLN, où il était question de respect de la législation suisse (cf. Message du Conseil fédéral du 4 mars 2011 concernant la révision totale de la loi fédérale sur l'acquisition et la perte de la nationalité suisse [ci-après : Message], in FF 2011 2639, spéc. p. 2646 [ch. 1.2.2.3] ; arrêts du TAF F-6551/2019 du 18 janvier 2021 consid. 4.1 ; F-2539/2018 du 23 janvier 2020 consid. 4.2).

4.4 L'OLN précise «les seuils d'une intégration suffisante»
(cf. Message, p. 2646), en particulier s'agissant de la notion de respect de la sécurité et de l'ordre publics, à laquelle est consacré l'art. 4 OLN. L'art. 4 al. 2 let. d OLN précise qu'une peine pécuniaire avec sursis de plus de 90 jours-amende, une peine privative de liberté avec sursis de plus de trois mois, une privation de liberté avec sursis ou sursis partiel de plus de trois mois ou un travail d'intérêt général avec sursis ou sursis partiel de plus de 360 heures prononcé comme sanction principale démontre une intégration non réussie. Une intégration réussie ne doit pas être admise tant qu'une sanction ordonnée n'a pas été exécutée ou qu'un délai d'épreuve en cours n'est pas encore arrivé à échéance (art. 4 al. 3 OLN).

Dans son Rapport explicatif du mois d'avril 2016 au projet d'ordonnance relative à la loi sur la nationalité (publié sur le site internet www.sem.admin.ch le SEM Projets législatifs terminés Loi sur la nationalité suisse Ordonnance sur la nationalité suisse Documentation [site internet consulté en décembre 2022 ; ci-après ; Rapport explicatif]), le Département fédéral de justice et police (DFJP) a tout d'abord précisé que, même si la notion de respect de la sécurité et de l'ordre publics avait été reprise de façon à harmoniser les notions d'intégration du droit de la nationalité et du droit des étrangers, les infractions commises par un requérant à la naturalisation devaient être évaluées selon des critères stricts, d'une part parce que les intérêts publics et privés étaient différents en matière de naturalisation et de droit des étrangers, et d'autre part, parce que la naturalisation devait être soumise aux exigences les plus élevées puisqu'elle constituait l'étape ultime de l'intégration. Le non-respect de l'ordre juridique constitue expressément, pour ces motifs, un obstacle à la naturalisation. Les jugements qui prononcent une peine privative de liberté avec sursis, une peine pécuniaire, un travail d'intérêt général ou une amende comme peine principale sont éliminés d'office après dix ans en vertu de l'art. 369 al. 3 du Code pénal suisse (CP, RS 311.0). A cet égard, en cas de peines avec sursis, le SEM fonde son évaluation sur la faute commise par la personne concernée, l'infraction se reflétant en premier lieu dans la sanction prononcée par le juge pénal (cf. Rapport explicatif, ad art. 4 al. 3 OLN).

4.5 Afin d'assurer l'application uniforme de la législation fédérale en la matière, le SEM a édité le Manuel sur la nationalité, qui lui sert de guide pour le traitement des dossiers de naturalisation (cf. Manuel Nationalité pour les demandes jusqu'au 31.12.2017 [ci-après : Manuel sur la nationalité aLN] et Manuel Nationalité pour les demandes dès le 1.1.2018 [ci-après : Manuel sur la nationalité nLN], publiés sur le site internet www.sem.admin.ch Publications & services Directives et circulaires V. Nationalité [site internet consulté en décembre 2022]). Ce manuel regroupe toutes les bases légales fédérales en vigueur dans le domaine de la nationalité, la jurisprudence principale du Tribunal administratif fédéral et du Tribunal fédéral en la matière, ainsi que la pratique adoptée par le SEM. Il contient les instructions nécessaires au traitement uniforme des dossiers de naturalisation par les collaborateurs du SEM et les autorités cantonales et communales compétentes, de manière à leur permettre de rendre des décisions exemptes d'arbitraire et dans le respect du principe d'égalité de traitement (cf. première page du Manuel sur la nationalité nLN).

Le nouveau droit de la nationalité a opéré un certain durcissement des conditions matérielles en matière de naturalisation facilitée du conjoint d'un citoyen suisse, élevant notamment le niveau d'intégration exigé (cf., en ce sens également, Céline Gutzwiller, op. cit., qui relève que la LN a opéré un changement de paradigme par rapport à l'ancien droit en érigeant l'intégration en point d'aboutissement d'un processus migratoire, couronné de l'ultime étape de la naturalisation). Puisque la naturalisation constitue la dernière étape du processus d'intégration, il faut attendre qu'un requérant ayant commis des infractions avant le dépôt de sa demande de naturalisation ne fasse plus l'objet d'aucun jugement pour rendre la décision de naturalisation. A cet égard, le SEM a établi une série de tableaux donnant un aperçu des délais à respecter avant qu'une demande de naturalisation ne puisse être déposée, respectivement traitée. Il appert ainsi qu'en application de l'art. 4 al. 3 OLN, le requérant condamné à une peine pécuniaire avec sursis de plus de 90 jours-amende se verra appliquer un délai d'attente de dix ans à compter de l'exécutabilité du jugement, pour voir sa demande de naturalisation facilitée être traitée par le SEM (cf. Manuel sur la nationalité nLN, chap. 4 : introduction et chiffres 422/1 et 422/113 [spéc. tableau 4]). D'autre part, le Manuel sur la nationalité nLN ne prévoit plus la possibilité d'octroyer une naturalisation facilitée avant l'échéance du délai d'épreuve et du délai d'attente (en présence de condamnations pénales mineures et si toutes les autres conditions de naturalisation sont réunies), et ne fait plus mention - dans ce contexte - d'un examen de la situation «dans son ensemble» (cf. a contrario, Manuel sur la Nationalité aLN, chiffre 4.7.3.1, let. c/bb).

4.6 Les condamnations pénales, en particulier celles inscrites au casier judiciaire, et les enquêtes pénales en cours représentent donc globalement un obstacle à la naturalisation, à moins qu'elles ne portent sur des infractions mineures, auquel cas elles ne constituent en principe pas, à elles seules, un motif de refus de naturalisation (cf. ATF 140 II 65 consid. 3.3.1).

5.

5.1 En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a été condamnée, le 6 juin 2011, par le Ministère public du canton de Fribourg, à une peine pécuniaire de 100 jours-amende à 50 francs assortie d'un délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de 700 francs. Elle s'est rendue coupable de séjour illégal au sens de l'art. 115 al. 1 lit. b de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr, RS 142.20), dès lors qu'elle a séjourné en Suisse sans être au bénéfice d'une autorisation de séjour, durant la période comprise entre le 1er octobre 2008 et le 29 avril 2011. L'ordonnance pénale est entrée en force en l'absence d'opposition de la recourante (cf. dossier cantonal, p. 12 ss).

5.2 L'autorité inférieure a retenu, dans la décision litigieuse, que la condamnation du 6 juin 2011 à une peine pécuniaire de 100 jours-amende avec sursis et délai d'épreuve de trois ans pour séjour illégal relevait clairement du champ d'application de l'art. 4 al. 3 OLN (voir supra consid. 4.6) et, partant, que l'intégration devait être qualifiée de lacunaire. Pour cette raison, l'intéressée devait être exclue de la naturalisation.

5.3 Dans son recours du 22 février 2021, celle-ci a fait grief à l'autorité inférieure d'avoir procédé à un établissement des faits erroné en retenant que le critère de l'intégration n'était pas rempli vu la prescription de sa condamnation pénale au 12 novembre 2020. Un extrait du casier judiciaire destiné à des particuliers du 12 novembre 2020 a été joint à son recours (cf. act. 1 TAF, pièce jointe 3).

5.3.1 Selon l'ATAF 2011/43 (consid. 6.2), le Code pénal suisse opère une distinction entre les inscriptions figurant au casier judiciaire informatisé (VOSTRA) de celles apparaissant sur l'extrait destiné à des particuliers (cf. Message du Conseil fédéral du 21 septembre 1998 concernant la modification du Code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du Code pénal] et du Code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs, FF 1999 II 1787, 1975, ci-après: Message concernant la modification du CP; Günter Stratenwerth/Wolfgang Wohlers, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Handkommentar, 2ème éd., Berne 2007, n° 5 des remarques préliminaires aux art. 365 ss CP; Patrick Gruber, in: Basler Kommentar, Marcel Alexander Niggli/Hans Wiprächtiger [éd.], Strafrecht II, Art. 395 StGB, 2ème éd., Bâle 2007, n° 9 ad art. 369 CP ; Michel Dupuis et al., PetitCommentaire, Codepénal, 2ème éd. 2017, n° 1 ad art. 369 CP).

Selon le type d'inscription, son élimination est soumise à des délais différents. D'un côté, l'élimination définitive des inscriptions au casier judiciaire se trouve régie par l'art. 369 CP. Ainsi, les jugements qui prononcent, notamment, une peine pécuniaire sont éliminés d'office après dix ans (art. 369 al. 3 CP). De l'autre, elles disparaissent de l'extrait du casier judiciaire après une durée généralement plus courte conformément à l'art. 371 al. 3 , 3bis et 4 CP. Selon l'art. 371 al. 3bis CP, un jugement qui prononce une peine avec sursis ou sursis partiel n'apparaît plus dans l'extrait du casier judiciaire [destiné à des particuliers] lorsque le condamné a subi la mise à l'épreuve avec succès. Ainsi, au terme du délai prévu à l'article précité, les informations retirées de l'extrait resteront, jusqu'à l'expiration du délai prévu à l'art. 369 CP, enregistrées sur VOSTRA mais visibles uniquement par les autorités jouissant légalement d'un droit d'accès (cf. Gruber, op. cit., n° 3 ad art. 369 CP).

L'art. 367 al. 2 CP (cf. Gruber, op. cit., no 1 ad art. 367 CP), contient une liste exhaustive des autorités habilitées à consulter les données personnelles en ligne (cf. Message du Conseil fédéral du 17 septembre 1997 concernant la création et l'adaptation de bases légales applicables aux registres de personnes [Modification du Code pénal, de la loi fédérale sur la circulation routière et de la loi fédérale du 7 octobre 1994 sur les Offices centraux de police criminelle de la Confédération], FF 1997 IV 1149, 1164). Dans cette liste figure le Secrétariat d'Etat aux migrations (art. 367 al. 2 let. e CP). Selon le Manuel sur la nationalité, le SEM ne traite, en règle générale, la demande de naturalisation que lorsque l'inscription dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA (extrait destiné aux autorités et non aux particuliers) a été éliminée d'office (cf. Manuel sur la nationalité nLN, chap. 4 : 422/113 [spéc. tableau 4]) ; consid. 4.5 supra). L'art. 22 de l'ordonnance du 29 septembre 2006 sur le casier judiciaire (ordonnance VOSTRA, RS 331) complète cette liste par celle des autorités non raccordées à VOSTRA pouvant demander par écrit un extrait de données relatives à des jugements. S'agissant de condamnations en raison de contraventions prévues par le CP, le CPM ou par d'autres lois fédérales, l'inscription dans VOSTRA suppose toutefois que l'amende ait été prononcée pour un montant supérieur à 5000 francs (cf. art. 3 al. 1 let. c ch. 1 Ordonnance Vostra).

Il découle de ces dispositions que l'auteur d'un délit est considéré comme entièrement réhabilité aux yeux des autorités ayant accès à VOSTRA seulement lors de l'élimination de l'inscription au casier judiciaire (cf. Message concernant la modification du CP, FF 1999 II 1976; Gruber, op. cit., no 9 ad art. 369 CP).

5.3.2 En l'espèce, la recourante se prévaut de l'absence d'inscription dans le casier judicaire destiné à des particuliers du 12 novembre 2020. Par ordonnance pénale du 6 juin 2011, elle a été condamnée à une peine pécuniaire de 100 jours-amende avec trois ans de sursis. La durée de l'inscription dans le casier judiciaire destiné à des particuliers était donc de trois ans, soit jusqu'à la fin de la mise à l'épreuve. Néanmoins, seule l'inscription dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA, dont la durée était de 10 ans dès la condamnation pénale de la recourante, soit jusqu'au 6 juin 2021, était déterminante dans le cas d'espèce.

5.3.3 Il ressort de ce qui précède que la condition du comportement conforme à la législation suisse au sens de l'art. 12 al. 1 let. a LN (cf. consid. 4.5 à 4.6 supra) n'était pas réalisée au moment où l'autorité inférieure a statué le 22 janvier 2021, vu l'inscription au casier judiciaire informatisé VOSTRA de l'intéressée. C'est donc à bon droit que le SEM a, à la date de sa décision, refusé à l'intéressée la naturalisation facilitée demandée.

6.
Cela posé, la question du pouvoir d'examen du TAF dans le cadre de la LN et celle de savoir à quel moment les conditions matérielles de la naturalisation doivent être remplies, nécessitent d'être examinées.

6.1 Selon l'ATF 140 II 65 consid. 2, toutes les conditions de la naturalisation doivent être remplies tant au moment du dépôt de la demande, que lors du prononcé de la décision de naturalisation. Dans l'arrêt du TF 1C_683/2020 du 1er octobre 2021 consid. 3.3.3, il est toutefois précisé que « [f]raglich erscheint allenfalls, ob sämtliche Voraussetzungen, wie im angefochtenen Urteil [F-526/2018 vom 3. November 2020] in E. 5.2 festgehalten wird, sowohl im Zeitpunkt der Gesuchseinreichung als auch der Einbürgerungsverfügung erfüllt sein müssen» (il apparaît tout au plus questionnable si toutes les conditions doivent être remplies, comme cela était le cas dans l'arrêt attaqué
[F-526/2018 du 3 novembre 2020], aussi bien au moment du dépôt de la demande que de la décision de naturalisation). Ledit arrêt a précisé que l'ATF 140 II 65 consid. 2 se référait à l'art. 27 aLN. Ainsi, la condition de la stabilité de l'union conjugale doit exister tant au moment du dépôt de la demande que lors de la décision de naturalisation. Pour ce qui est néanmoins des autres conditions matérielles, il ne semble pas impératif pour le Tribunal fédéral qu'elles soient remplies aux deux moments précités.

6.2 Dans le cadre de l'arrêt du TF 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.2, il a été reproché au Tribunal de céans de ne pas avoir tenu compte d'une condamnation pénale prononcée postérieurement à la décision du SEM lors de son jugement et, de ce fait, d'avoir violé la maxime inquisitoire au sens de l'art. 12 PA.

Ainsi, la jurisprudence du Tribunal fédéral n'apparaît pas consolidée quant au moment auquel les conditions matérielles doivent être réalisées. A la seule lumière de l'ATF 140 II 65 consid. 2, il peut être déduit que les conditions de naturalisation doivent toutes être remplies, tant au moment du dépôt de la demande que du prononcé de la décision de naturalisation. Il ressort au contraire, d'une part, de l'arrêt du TF 1C_683/2020 du 1er octobre 2021 consid. 3.3 que l'ATF 135 II 161 consid. 2 se référait uniquement au critère de la stabilité de l'union conjugale en vertu l'art. 27 aLN. D'autre part, l'arrêt du TF 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.2 a reproché au TAF de ne pas avoir examiné si les conditions de naturalisation étaient remplies au moment de son jugement.

6.3 Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime qu'il jouit d'une pleine cognition dans le cadre de la procédure de recours en matière de naturalisation facilitée. De plus, il lui appartient d'examiner les conditions matérielles d'intégration de l'art. 12 LN, notamment le respect de la sécurité et de l'ordre publics au sens de l'al. 1 let. a dont il est question, tant au moment du dépôt de la demande qu'à celui du prononcé de la décision de naturalisation. A cet égard, toutefois, le Tribunal peut tenir compte de développements factuels survenus après le prononcé de la décision querellée tant en faveur qu'en défaveur de la personne concernée (cf. également en ce sens : arrêt du TF 1C_261/2022 du 23 novembre 2022 consid. 6.5.3).

6.4 En l'espèce, la radiation du casier judiciaire informatisé VOSTRA au mois de juin 2021 est postérieure à la décision du SEM rendue en janvier 2021, mais peut - comme indiqué ci-avant - être prise en considération par le Tribunal dans son arrêt.

6.4.1 Au cours de la présente procédure de recours, la condition défaillante du respect de l'ordre public a été en quelque sorte réparée, en ce sens que ladite condition, qui faisait obstacle à la naturalisation facilitée, a été levée. Force est ainsi de conclure que ledit obstacle que le SEM avait, à bon droit, retenu dans sa décision de refus du 19 janvier 2021, n'existe désormais plus. En d'autres termes, le Tribunal se retrouve face à l'alternative soit de rejeter le recours pour défaut du respect des conditions matérielles d'intégration au moment du dépôt de la demande de naturalisation facilitée, soit de constater que la décision du SEM était, au moment de son rendu, correcte, tout en constatant qu'avec le passage du temps, les conditions ont évolué en faveur de l'intéressée, ce dont il y a lieu de tenir compte dans le cadre du présent arrêt.

6.4.2 En l'occurrence, le Tribunal décide de faire usage de la faculté que lui laisse la jurisprudence du TF et de prendre en considération l'évolution de la situation favorable à l'intéressée au moment où il statue. Ce faisant, le Tribunal se laisse en effet guider par le principe de l'effet dévolutif complet, qui lui permet de se substituer à l'autorité inférieure et de tenir compte de l'état de fait existant au moment du jugement (cf. arrêt du TF 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.2). A ce titre, il apparaîtrait très formaliste - sans pour autant que cela ne constitue un formalisme excessif contraire aux garanties de l'Etat de droit (cf. art. 9 Cst.) - de rejeter le recours au motif que l'une des conditions d'intégration n'était pas remplie au moment de la décision querellée, tout en invitant aussitôt l'intéressée à déposer une nouvelle requête de naturalisation, en sachant que l'obstacle à la naturalisation a entretemps disparu. Enfin, tant la décision contestée que l'arrêt du Tribunal seront rendus sous l'empire du nouveau droit et donc gouvernés par les mêmes conditions légales. Un rejet net reviendrait donc ici à consacrer un vain exercice procédural (« Leerlauf »), ce qu'il y a lieu d'éviter.

6.5 Pour les motifs qui précèdent, il y a lieu d'admettre le recours et d'annuler la décision du SEM du 19 janvier 2021. Etant donné que le SEM n'a pas procédé à l'examen de la réalisation des autres conditions de la naturalisation facilitée et afin d'éviter de priver l'intéressée d'un échelon de juridiction, la cause sera renvoyée à l'autorité intimée pour complément d'instruction et nouvelle décision (art. 61 al. 1 in fine PA).

7.

En conséquence, le Tribunal est amené à conclure qu'au moment de son prononcé, la décision querellée était certes conforme au droit et opportune (cf. art. 49 PA), mais que l'obstacle à la naturalisation lié à la condition de la sécurité et de l'ordre publics a disparu par l'écoulement du temps durant la présente procédure.

7.1 Lorsque l'affaire est renvoyée à l'instance précédente pour nouvelle décision, dont l'issue reste ouverte, la partie recourante est, quant au principe, considérée comme ayant obtenu gain de cause, conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral (cf. ATF 141 V 281 consid. 11.1 et 137 V 210 consid. 7.1). Partant, la recourante n'a pas à supporter de frais de procédure (art. 63 al. 1 PA a contrario), pas plus que l'autorité qui succombe (cf. art. 63 al. 2 PA). L'avance de frais d'un montant de 1'000 francs versée par l'intéressée le 12 mars 2021 lui sera restituée par la Caisse du Tribunal, à l'entrée en force du présent arrêt.

7.2 Obtenant gain de cause, la recourante aurait, en règle générale, également droit à des dépens (art. 64 al. 1 PA en relation avec l'art. 7 du règlement du 11 décembre 2006 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). Toutefois, au vu de l'ensemble des circonstances du cas, le Tribunal estime, au regard de l'art. 8 al. 2 FITAF, que l'octroi de dépens ne se justifie pas en l'espèce. L'admission du recours se fonde, en effet, sur un évènement survenu postérieurement à la décision, correcte lors de son prononcé, soit la radiation de la condamnation pénale du 6 juin 2011, sur lequel le SEM n'avait aucune emprise. Par conséquent, il apparaît que la situation de la recourante ne serait pas différente si elle avait retiré son recours, puis déposé une nouvelle demande une fois l'obstacle écarté (cf. Marcel Maillard, in : Praxiskommentar Verwaltungsverfahrengesetz (VwVG), 2016, art. 63 PA n° 17 p. 1314 s. et réf. cit. ; arrêt du TAF
F-6741/2018 du 8 février 2021 consid. 7).

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est admis.

2.
La décision du SEM du 19 janvier 2021 est annulée et la cause lui est renvoyée pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

3.
Il n'est pas perçu de frais de procédure. L'avance de frais de 1'000 francs sera restituée à la recourante par la Caisse du Tribunal, dès l'entrée en force du présent arrêt.

4.
Il n'est pas alloué de dépens.

5.
Le présent arrêt est adressé à la recourante, à l'autorité inférieure et à l'autorité cantonale.

L'indication des voies de droit se trouve à la page suivante.

Le président du collège : Le greffier :

Gregor Chatton Sylvain Félix

Indication des voies de droit :

Le présent arrêt peut être attaqué devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par la voie du recours en matière de droit public, dans les trente jours qui suivent la notification (art. 82 ss , 90 ss et 100 LTF). Ce délai est réputé observé si les mémoires sont remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF). Le mémoire doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, les motifs et les moyens de preuve, et être signé. L'arrêt attaqué et les moyens de preuve doivent être joints au mémoire, pour autant qu'ils soient en mains de la partie recourante (art. 42 LTF).

Expédition :

Destinataires :

- la recourante, par l'intermédiaire de son représentant (Acte judiciaire ; annexe : formulaire « adresse de paiement »)

- l'autorité inférieure (avec dossier n° de réf. [...] en retour)

- en copie, le Service de la population et des migrants du canton de Fribourg
Informazioni decisione   •   DEFRITEN
Documento : F-791/2021
Data : 09. gennaio 2023
Pubblicato : 19. gennaio 2023
Sorgente : Tribunale amministrativo federale
Stato : Inedito
Ramo giuridico :
Oggetto : Rejet de la demande de naturalisation facilitée


Registro di legislazione
CP: 365  367  369  371
Cost: 9
D: 27
LCit: 12  20  21  47  50
LStr: 115
LTAF: 1  31  32  33  37
LTF: 42  48  82  83  90
OASA: 80
OCit: 4
PA: 5  12  48  49  50  52  61  62  63  64
TS-TAF: 7  8
ordinanza VOSTRA: 22
Registro DTF
135-II-161 • 137-V-210 • 140-II-65 • 140-III-86 • 141-V-281
Weitere Urteile ab 2000
1C_214/2015 • 1C_261/2022 • 1C_454/2017 • 1C_683/2020 • 2C_1017/2018 • 2C_800/2019
Parole chiave
Elenca secondo la frequenza o in ordine alfabetico
accesso • accoglimento • anticipo delle spese • assistenza giudiziaria gratuita • attività lucrativa • atto giudiziario • aumento • autorità cantonale • autorità di ricorso • autorità inferiore • autorità parentale • basilea città • calcolo • camerun • campo d'applicazione • cancelliere • casellario giudiziale • circolare • cittadinanza svizzera • codice penale • codice penale militare • comunicazione • condizione • consiglio federale • consiglio nazionale • conto di stato • d'ufficio • dati personali • decisione incidentale • decisione • dfgp • dipartimento federale • direttore • diritto degli stranieri • diritto di accesso • documentazione • effetto devolutivo • effetto sospensivo • entrata illegale • entrata in vigore • esaminatore • estratto del casellario giudiziale • fine • formalismo eccessivo • giorno determinante • inchiesta penale • indicazione dei rimedi giuridici • interesse pubblico • internet • inventario • la posta • lavoro di pubblica utilità • legge federale su l'acquisto e la perdita della cittadinanza svizzera • legge federale sugli stranieri • legge federale sul diritto penale minorile • legge federale sulla circolazione stradale • legittimazione ricorsuale • lingua nazionale • lingua ufficiale • losanna • massima inquisitoria • materiale • membro di una comunità religiosa • menzione • mese • mezzo di prova • modifica • naturalizzazione agevolata • notizie • nuova domanda • ordinanza amministrativa • ordine pubblico • parlamento • pena pecuniaria • pena privativa della libertà • permesso di dimora • persona interessata • petizione • potere cognitivo • potere d'apprezzamento • potere legislativo • prima istanza • rapporto esplicativo • rappresentanza diplomatica • registro pubblico • reiezione della domanda • revisione totale • ricorso in materia di diritto pubblico • salario • segreteria di stato • soggiorno illegale • soppressione • sospensione condizionale della pena • tennis • titolo preliminare • titolo • tribunale amministrativo federale • tribunale federale • unione coniugale • violazione del diritto • violenza carnale
BVGE
2014/24 • 2011/43 • 2009/57
BVGer
F-1676/2019 • F-2539/2018 • F-3769/2020 • F-526/2018 • F-6551/2019 • F-6741/2018 • F-791/2021
FF
1997/IV/1149 • 1999/II/1787 • 1999/II/1976 • 2011/2639
BO
2013 N 250