Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
6B 579/2015
Arrêt du 7 septembre 2015
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffière : Mme Musy.
Participants à la procédure
X.________,
représentée par Me Odile Pelet, avocate,
recourante,
contre
Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens VD,
intimé.
Objet
Abus d'autorité ; arbitraire, présomption d'innocence,
recours contre l'arrêt de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 19 janvier 2015.
Faits :
A.
Par jugement du 18 septembre 2014, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a libéré X.________ du chef d'accusation de lésions corporelles simples qualifiées, a constaté que X.________ s'était rendue coupable d'abus d'autorité, et l'a condamnée à une peine pécuniaire de 7 jours-amende, à 80 fr. le jour, avec sursis et délai d'épreuve de deux ans.
B.
Par arrêt du 19 janvier 2015, la Cour d'appel pénale du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement.
En bref, il ressort du jugement cantonal les éléments suivants. Le 5 août 2013, une patrouille de secteur de la Police de l'Ouest lausannois (POL) composée de X.________, appointée, et de l'agent A.________, ainsi qu'une patrouille de renfort, composée du sergent B.________ et de l'agente C.________, s'est déplacée au domicile de D.________. Ce dernier avait sollicité une intervention de police concernant son ex-amie, E.________, qui refusait de quitter son domicile. Dès l'arrivée de la police, E.________, alors couchée sur le canapé du salon, a commencé à invectiver D.________ en portugais. X.________, accompagnée de C.________, a tenté d'entrer en contact avec E.________, qui criait de plus en plus fort. X.________ a haussé le ton pour la faire taire, mais E.________ n'a cessé de hurler qu'un bref instant avant de recommencer de manière plus véhémente. X.________ et C.________ se sont placées chacune d'un côté de E.________ et l'ont saisie par les bras pour la maîtriser. E.________ a alors donné un violent coup de pied dans un téléviseur, ensuite de quoi les policiers l'ont menottée. Alors que B.________ et C.________ maintenaient E.________ en position assise dos au canapé, et tandis que cette dernière hurlait toujours,
X.________ lui a assené deux coups successifs et entrecoupés d'un mouvement de charge du bras, avec la paume de la main, les doigts tendus, au milieu du visage, avant d'être repoussée par B.________ qui lui a enjoint d'arrêter. E.________ a saigné du nez. Après s'être calmée, elle a été emmenée au poste de police pour la suite de la procédure.
C.
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Elle conclut à sa libération de l'infraction d'abus d'autorité et à ce que les frais de première instance et d'appel soient laissés à la charge de l'Etat. Elle sollicite également l'allocation d'une indemnité à hauteur de 19'600 fr. pour ses frais de défense. Subsidiairement, elle requiert l'annulation du jugement et le renvoi de la cause pour nouveau jugement dans le sens des considérants à une autorité de première instance, subsidiairement à l'autorité inférieure.
Considérant en droit :
1.
La recourante se plaint d'une appréciation arbitraire des preuves et invoque la violation de la présomption d'innocence.
1.1. Dans le recours en matière pénale, les constatations de fait de la décision entreprise lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1
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SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
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1 | Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
2 | Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. |
3 | Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.100 |
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SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
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1 | Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause. |
2 | Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.90 |
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SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
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1 | Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente. |
2 | Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95. |
3 | Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.100 |
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SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
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1 | Le Tribunal fédéral applique le droit d'office. |
2 | Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. |
1.2. La recourante soutient, en substance, qu'il serait arbitraire de conclure qu'elle a porté des coups à la face de la victime. La cour cantonale aurait retenu à tort les déclarations de A.________ qui n'aurait pas pu voir ces actes si B.________ s'était trouvé à la gauche de E.________ comme l'a retenu la cour cantonale, respectivement si B.________ tenait l'intéressée légèrement en arrière comme il l'a déclaré. L'autorité précédente aurait aussi méconnu les déclarations de C.________ et B.________ selon lesquelles ceux-ci avaient indiqué n'avoir pas vu le contact entre la main de la recourante et le visage de E.________. La recourante objecte encore que le visage de E.________ ne présentait aucune marque (hématome ou rougeur) après les faits, que l'intéressée n'a pas réagi aux coups prétendumment portés et que B.________ n'a pas dénoncé la recourante à sa hiérarchie. Enfin, la recourante conteste avoir agi dans un " contexte particulier d'énervement ", qu'aucun élément au dossier ne permettrait d'établir.
1.3. La cour cantonale a constaté le " contexte particulier d'énervement " en se référant notamment aux déclarations de l'agent C.________ (jugement entrepris, consid. 3.3, p. 12). Tout en soulignant l'absence d'hématome ou d'autre trace sur le visage de E.________, la recourante ne remet pas en cause la constatation selon laquelle E.________ a saigné du nez ensuite de son intervention. Les développements qu'elle formule ne sont pas de nature à démontrer que la décision entreprise est arbitraire dans son résultat.
Plus généralement, la recourante rediscute la quasi-totalité des éléments de preuve pris en considération par la cour cantonale, à laquelle elle oppose, pour l'essentiel, sa propre appréciation. Une telle démarche est appellatoire. Elle n'est pas admissible dans le recours en matière pénale (consid. 1.1). On peut, dès lors, se limiter à relever que tous les témoins ont positionné B.________ à la gauche de E.________. La précision donnée par A.________, selon lequel B.________ se trouvait " presqu'en face mais plutôt à gauche " par rapport à E.________, ne contredit pas les déclarations des autres témoins ni n'exclut que A.________ ait pu voir la scène. On comprend en effet aisément que E.________ et les deux agents qui la maintenaient assise dos au canapé étaient très proches, de sorte que même si le corps de B.________ se trouvait légèrement en face de E.________, mais à sa gauche, la tête du sergent pouvait se trouver positionnée de telle manière que l'agent A.________ n'ait pas été empêché de voir le visage de E.________.
Peu importe, par ailleurs, que les témoins C.________ et B.________ n'aient pas perçu le contact de la main de la recourante avec le visage de E.________, qu'ils n'aient pu préciser si la main était ouverte ou fermée, respectivement que la seconde ait pu hésiter sur le nombre de coups portés. Les explications de ces deux témoins faisant état d'un mouvement de recharge du bras de la recourante et du fait que le nez de E.________ avait saigné ensuite de l'action de la recourante confirment les déclarations de A.________, qui a vu les coups. De surcroît, alors qu'il maintenait E.________, B.________ a perçu deux mouvements de la tête de cette dernière vers l'arrière, qu'il a mis en relation avec les mouvements de bras de la recourante. L'ensemble de ces éléments permettait, sans arbitraire, de retenir que la recourante a porté des coups, qui ont fait saigner du nez leur destinataire. Ainsi, on peut exclure la thèse de la recourante selon laquelle elle n'aurait voulu que mettre sa main sur la bouche de E.________, sans qu'il soit nécessaire d'examiner plus avant ses développements relatifs au comportement de cette dernière ensuite des coups puis dans les jours suivants ainsi qu'à la manière dont le sergent B.________ a géré la
situation face à sa hiérarchie. Il suffit de relever, sur ce dernier point, que dans sa note de service du 16 août 2013, ce policier a fait état de coups portés par la recourante au visage de la personne appréhendée, ce qui permet d'exclure qu'il se serait satisfait, comme le soutient la recourante, des explications de cette dernière. Dans la mesure où il est recevable, le grief est infondé.
2.
La recourante invoque une violation de l'art. 312
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 312 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge, sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2.1. L'art. 312
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 312 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge, sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui.
2.2. La recourante, qui ne discute pas expressément le caractère intentionnel de son comportement, soutient que le mobile honorable de son geste (calmer et aider E.________) exclurait le dessein de nuire.
2.2.1. Le " dessein " figurant à l'art. 312
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 312 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge, sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 312 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge, sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
2.2.2. L'autorité précédente a retenu qu'en portant des coups au visage de E.________ alors que l'intervention était terminée et que la jeune femme était maîtrisée, la recourante avait accepté l'éventualité d'abuser des pouvoirs liés à sa charge et n'avait d'autres mobiles que celui de nuire, dans un contexte particulier d'énervement (jugement entrepris, consid 4.2, p. 15). Dans la mesure où il a été constaté que les moyens mis en oeuvre étaient disproportionnés, la légitimité du but poursuivi par la recourante est sans pertinence. Le raisonnement de la cour cantonale, fondé sur la distinction entre le but poursuivi par l'auteur d'une part et le dessein de nuire d'autre part, est conforme au droit.
2.3. La recourante conteste que son geste ait été disproportionné dès lors qu'il n'aurait provoqué aucune atteinte à l'intégrité physique, aucune douleur et que la personne interpellée n'en aurait même pas eu conscience. Ce faisant, elle s'écarte des constatations de fait du jugement entrepris aux termes desquelles E.________ a saigné du nez ensuite des coups reçus. Pour le surplus, l'autorité précédente a tenu pour constant qu'un coup porté à la face, même paume ouverte, est susceptible de porter atteinte à l'intégrité de la personne visée et que le moyen employé par la recourante était ainsi disproportionné dans la mesure où sa sécurité n'était pas menacée (jugement entrepris, consid. 4.2, p. 15). Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.
2.4. En conséquence, il y a lieu d'admettre que c'est sans violer le droit fédéral que l'autorité cantonale a reconnu la recourante coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312
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SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 CP Art. 312 - Les membres d'une autorité et les fonctionnaires qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, ou dans le dessein de nuire à autrui, abusent des pouvoirs de leur charge, sont punis d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. |
3.
Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1
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SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
3.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 7 septembre 2015
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Musy