Bundesverwaltungsgericht
Tribunal administratif fédéral
Tribunale amministrativo federale
Tribunal administrativ federal


Cour IV

D-961/2009

Arrêt du 7 mai 2012

Gérard Scherrer (président du collège),

Composition Claudia Cotting-Schalch, Martin Zoller, juges,

Germana Barone Brogna, greffière.

A._______,né le [...],

Parties Kosovo et Serbie,

recourant,

contre

Office fédéral des migrations (ODM),

Quellenweg 6, 3003 Berne,

autorité inférieure.

Objet Asile et renvoi; décision de l'ODM du 16 janvier 2009 /
N [...].

Faits :

A.
Le 1er juillet 2007, A._______ a déposé une demande d'asile auprès du centre d'enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe.

B.
Entendu audit centre, le 4 juillet 2007, puis directement par l'ODM, le 14 septembre suivant, le requérant a déclaré venir du village de B._______, dans la commune de D._______, au sud du Kosovo, où il avait vécu jusqu'à son départ avec ses parents et l'un de ses deux frères. D'ethnie serbe et de religion orthodoxe, il dit avoir quitté son pays en juin 2007, en raison des menaces et risques d'agression auxquels il était exposé de manière constante, depuis la fin de la guerre en 1999, de la part de la majorité albanaise, en qualité de Serbe et d'ancien combattant.

Selon ses déclarations, A._______ a été, pendant la guerre, sous-officier de l'armée serbe durant quinze mois, de [...] à [...]. Pendant son service, en [...], il a reçu une décoration militaire de la main de Slobodan Milosevic pour avoir servi son pays et abattu, avec son unité composée de quinze soldats (dont il assurait le commandement), un avion militaire et deux missiles américains. La cérémonie de remise de sa décoration s'est déroulée en présence, entre autres, du général E._______et a été alors retransmise à la télévision; la nouvelle a également été diffusée par la presse.

Après la fin de la guerre et le départ des troupes serbes du Kosovo en juin 1999, le requérant est retourné vivre dans son village d'origine. Son passé de soldat décoré y étant notoire autant qu'à D._______, il n'a pas cessé, depuis lors et jusqu'à son départ, soit durant huit années, d'être confronté à des pressions constantes et incessantes de la part de la population d'ethnie albanaise (insultes et menaces de mort imminentes, surtout pour le cas où le Kosovo proclamait son indépendance), laquelle le considérait comme un criminel de guerre digne d'être jugé à la Haye, accusations selon lui infondées puisqu'il s'était satisfait de servir en temps de guerre au sein de la défense anti-aérienne sans avoir jamais attenté à la vie d'autrui. En 2000 ou 2002, selon les versions, il a été accusé par des Albanais de préparer un attentat meurtrier contre des soldats de la KFOR stationnés dans une église. Il a alors été emmené dans le camp américain de "F._______" à des fins d'interrogatoire, puis libéré quinze jours plus tard sans subir la moindre violence et sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui, la KFOR ayant néanmoins procédé à une perquisition du domicile parental, à l'instar d'autres maisons villageoises, suite à cet événement.

Craignant une aggravation de la situation, le requérant s'est résolu à s'expatrier. Il dit avoir quitté son village le 28 juin 2007, et transité avec l'aide d'un passeur par la Croatie et l'Italie avant d'entrer en Suisse, clandestinement, le 1er juillet 2007.

A l'appui de sa demande, il a produit une carte d'identité de l'UNMIK ainsi que la copie d'un certificat de décoration militaire.

C.
Par décision du 8 septembre 2010, l'ODM a rejeté la demande d'asile déposée par l'intéressé, a prononcé le renvoi de Suisse de celui-ci et ordonné l'exécution de cette mesure. Il a estimé pour l'essentiel que les motifs invoqués n'étaient pas déterminants en matière d'asile, les forces de sécurité internationales ainsi que le Service de Police du Kosovo (SPK) étant en mesure de garantir une protection adéquate aux minorités ethniques. L'ODM a également constaté que pour les Serbes provenant des districts du sud du Kosovo, il existait une alternative de fuite interne au nord de l'Etat. Quant à l'exécution du renvoi, l'office a retenu que l'intéressé, nonobstant une stabilisation de la situation sécuritaire au Kosovo, provenait d'un district du sud (D._______) où l'on ne pouvait toujours pas exclure une mise en danger concrète liée à l'ethnie, mais qu'il existait pour l'intéressé une "alternative de domicile" au nord du Kosovo, laquelle s'avérait raisonnablement exigible dans le cas concret. L'office a souligné par ailleurs que, selon la constitution serbe, le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie et que par conséquent les Serbes du Kosovo étaient toujours considérés comme des ressortissants serbes, malgré la proclamation d'indépendance du Kosovo, de sorte que l'intéressé pouvait obtenir des documents de voyage serbes et s'installer en Serbie. Il a ainsi relevé que l'intéressé, jeune, en bonne santé, et au bénéfice d'une formation de technicien sur machines, ne serait pas confronté à des difficultés insurmontables pour s'établir en particulier à Smeredevo, où résidait l'un de ses frères.

D.
Interjetant recours contre cette décision, le 16 février 2009, A._______ a conclu à l'octroi de l'asile et au non-renvoi de Suisse, et a requis la dispense de l'avance des frais de procédure. Il a contesté en premier lieu l'appréciation faite par l'ODM relative à la situation des Serbes du Kosovo, et fait valoir que les pressions exercées, sous différentes formes, par les Albanais de souche à l'égard des membres de la communauté serbe persistaient, les autorités en place n'étant pas en mesure de leur apporter une protection suffisante. Il a souligné qu'il était personnellement exposé dans sa région d'origine en tant qu'ancien combattant de l'armée serbe et a écarté, par ailleurs, toute possibilité concrète de refuge alternatif tant dans le nord du Kosovo - où sa sécurité n'était de surcroît pas garantie - qu'en Serbie. En particulier, il a soutenu qu'il ne pourrait y trouver ni un emploi ni un logement, en raison de la situation économique difficile qui y prévalait, ni s'appuyer sur un quelconque réseau social ou familial sur place. Il a précisé à cet égard que son frère C._______ - qui avait certes séjourné avec sa famille à Smederevo (Serbie), lieu d'origine de son épouse, durant deux ans - était retourné vivre avec cette dernière et ses enfants dans le village de B._______ depuis environ six mois, les insultes et l'animosité des Serbes à leur égard étant devenues insoutenables, de sorte que toute forme d'intégration était inenvisageable.

A l'appui du recours, l'intéressé a produit notamment la copie d'un acte de décoration militaire (déjà déposé précédemment), un article paru dans le journal "G._______" du [...] (d'où il ressort - selon une traduction qu'il a lui-même fournie - que son domicile a été perquisitionné et que le [...], il a été arrêté et enfermé dans le camp militaire américain de F._______, suite à des accusations mensongères de la part d'Albanais, selon lesquelles il avait menacé de mort un soldat de la KFOR), et une attestation du 26 janvier 2009 délivrée par la commune de D._______ (indiquant que son frère C._______ ainsi que l'épouse et les enfants de celui-ci résidaient désormais sur le territoire de cette commune).

E.
Par décision incidente du 23 février 2009, le juge instructeur a requis le versement d'une avance sur les frais de procédure présumés, l'indigence du recourant n'étant pas démontrée. Celui-ci s'est acquitté, dans le délai imparti, de la somme requise.

Droit :

1.

1.1. Le Tribunal, en vertu de l'art. 31 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal administratif fédéral (LTAF, RS 173.32), connaît des recours contre les décisions au sens de l'art. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA, RS 172.021) prises par les autorités mentionnées à l'art. 33 LTAF.

1.2. En particulier, les décisions rendues par l'ODM concernant l'asile peuvent être contestées, par renvoi de l'art. 105 de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile (LAsi, RS 142.31), devant le Tribunal, lequel statue alors définitivement, sauf demande d'extradition déposée par l'Etat dont le requérant cherche à se protéger (art. 83 let. d ch. 1 de la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral [LTF, RS 173.110]).

1.3. Le recourant a qualité pour recourir. Présenté dans la forme et dans les délais prescrits par la loi, le recours est recevable (art. 48 et 52 PA et 108 al. 1 LAsi).

2.

2.1. Sont des réfugiés les personnes qui, dans leur Etat d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques. Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable (cf. art 3 al. 1 et 2 LAsi).

2.2. Il y a pression psychique insupportable lorsque certains individus ou une partie de la population sont victimes de mesures systématiques constituant des atteintes graves ou répétées à des libertés et droits fondamentaux et qu'au regard d'une appréciation objective celles-ci atteignent une intensité et un degré tels qu'elles rendent impossible ou difficilement supportable, la poursuite de la vie ou d'une existence conforme à la dignité humaine, de telle sorte que n'importe quelle personne confrontée à une situation analogue aurait été contrainte de fuir le pays (Jurisprudence et Informations de la Commission suisse de recours en matière d'asile [JICRA] 1996 n° 29 consid. 2h et JICRA 1993 n° 10 consid. 5e p. 65; Walter Stöckli, Asyl, in : Ausländerrecht, Handbücher für die Anwaltspraxis, Uebersax/Rudin/Hugi Yar/Geiser éd., 2e éd., Bâle 2009, p. 530; Minh Son Nguyen, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 423 s.; Walter Kälin, Grundriss des Asylverfahrens, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1990, p. 49 ss).

3.

3.1. En l'occurrence, le recourant fait valoir qu'il a été l'objet, durant huit ans, de nombre de comportements hostiles de la part de la population albanaise de D._______ - commune et municipalité sises au sud-est du Kosovo, dans le district de H._______ - en raison de son ethnie et de la fonction qu'il a occupée notoirement au sein de l'armée serbe dans le passé. Il n'a cependant pas été en mesure de faire apparaître la pertinence de ses motifs selon l'art. 3 LAsi.

3.2. En premier lieu, savoir si les désagréments subis par l'intéressé, aussi déplaisants et éprouvants qu'ils aient été, répondent à l'exigence d'intensité de la persécution du fait de leur degré de gravité ou s'ils revêtent le caractère systématique pour que soit reconnue l'existence d'une situation de pression psychique insupportable, au sens de la jurisprudence et de la doctrine, sont des questions qui peuvent demeurer indécises, le Tribunal se bornant néanmoins à souligner que l'intéressé est demeuré de nombreuses années dans la commune de D._______, en dépit des difficultés auxquelles il dit avoir été confronté, ce qui tendrait à démontrer qu'il ne s'y sentait pas véritablement menacé. Quoi qu'il en soit, les actes hostiles dont il aurait été victime émanent de tiers et ne sont ni soutenus ni tolérés par l'Etat kosovar (cf. consid. 3.3 infra), du moins, l'intéressé n'a-t-il apporté aucun indice concret permettant d'aboutir à un constat différent. Ainsi, ce qui a motivé son départ du Kosovo réside, selon ses déclarations, dans les menaces de mort imminentes reçues de la part de membres de la communauté albanophone surtout pour le cas où le Kosovo devenait indépendant. Il n'a invoqué par ailleurs aucun problème avec les autorités, hormis un incident survenu en [...] ou [...] (attesté par l'article de presse du [...] versé en cause), qui lui avait valu d'être emmené dans le camp militaire américain de F._______, accusé qu'il était par des Albanais de préparer un attentat meurtrier contre un ou plusieurs soldats de la KFOR (Force de paix de l'OTAN au Kosovo). A cet égard, il a toutefois précisé qu'il avait été arrêté uniquement à des fins d'interrogatoire, n'avoir subi aucune maltraitance à cette occasion, avoir été libéré au bout de quinze jours de détention sans qu'aucune charge n'ait été retenue contre lui, et n'avoir plus été inquiété depuis lors. Ainsi, en l'absence, jusqu'à ce jour, d'une procédure judiciaire qui aurait été ouverte à son encontre, ou de recherches qui auraient entre-temps été engagées contre lui - dans le cas contraire, l'intéressé en aurait assurément été informé par sa famille et n'aurait pas manqué d'en faire état dans le cadre de la présente procédure - celui-ci n'a actuellement pas de motif concret de redouter de subir, en cas de retour au Kosovo, des préjudices déterminants pour la reconnaissance de sa qualité de réfugié de la part des autorités en place.

3.3. A cela s'ajoute que l'intéressé n'a pas jugé utile de se plaindre des agissements hostiles de membres de la communauté albanophone auprès des autorités compétentes kosovares ou internationales, arguant notamment du fait que la police et les tribunaux de D._______ étaient majoritairement albanais, et qu'il risquait de subir de ce fait un procès inéquitable. Pourtant, contrairement à ce qu'il prétend, une telle possibilité existe, dans la mesure où il ne saurait être imputé aux autorités kosovares la volonté délibérée de s'en prendre aux minorités ethniques; quand bien même la situation de ces dernières est difficile, leurs droits sont reconnus et garantis par les textes juridiques adoptés par les institutions kosovares. Or il n'existe pas de persécution déterminante en matière d'asile si l'Etat offre une protection appropriée contre les actes de persécution et que la victime dispose d'un accès raisonnable à cette protection. En effet, selon le principe de la subsidiarité de la protection internationale par rapport à la protection nationale, il peut être exigé d'un requérant d'asile qu'il ait épuisé dans son propre pays les possibilités de protection contre d'éventuelles persécutions avant de solliciter celle d'un Etat tiers (cf. JICRA 2006 n° 18 consid. 10.1 p. 201). Ainsi, l'intéressé n'a pas démontré que les autorités nationales ou internationales en charge de la sécurité au Kosovo ne seraient pas en mesure de lui venir en aide ou ne voudraient pas le protéger pour des motifs liés à l'art. 3 LAsi ou pour d'autres raisons encore. Au contraire, les justiciables disposent sur place d'un accès effectif, sur les plans tant sécuritaire que judiciaire, à une protection appropriée, l'impartialité de la police kosovare étant garantie par la présence d'officiers serbes dans ses effectifs, en particulier dans le district de H._______, dont provient le recourant. De surcroît, les forces internationales, notamment la KFOR et la communauté européenne soutiennent et assistent les forces policières dans leurs fonctions (cf. Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo [UNMIK], 31 octobre 2011, doc. S/2011/675; OSCE Mission in Kosovo, Municipal Profiles, Profile of H._______, november 2011). Plus généralement, le Tribunal estime qu'en dépit des problèmes encore vécus aujourd'hui par les Serbes du Kosovo (Etat désigné par le Conseil fédéral comme "safe country", avec effet au 1er avril 2009), l'on ne saurait soutenir que les membres de cette communauté soient, du seul fait de leur origine ethnique, victimes de persécutions dans ce pays, où l'intéressé est retourné vivre depuis la fin de la guerre jusqu'à son départ et où séjournent encore ses parents ainsi
que ses deux frères. Certes, le recourant a souligné que nonobstant le fait que de nombreux méfaits commis par des Albanais de D._______ entre 2000 et 2005 (plusieurs maisons serbes avaient été minées, et des Serbes, dont un cousin éloigné âgé de quinze ans, avaient été assassinés en raison uniquement de leur appartenance ethnique) avaient été dénoncés à la police, aucun de ces cas n'avait pu être élucidé. Cela n'est toutefois pas suffisant pour conclure que les autorités locales n'ont rien entrepris ou ont renoncé à poursuivre les auteurs d'actes pénalement répréhensibles tels que ceux allégués par l'intéressé, et qu'elles ne seraient donc pas en mesure d'offrir une protection appropriée pour empêcher la perpétration de tels actes illicites.

3.4. Au regard de ce qui précède, et dès lors que les motifs allégués par le recourant en relation avec son lieu d'origine ne répondent pas aux exigences en matière de pertinence fixées par l'art. 3 LAsi, le Tribunal n'est pas tenu d'examiner si l'intéressé dispose, sur la base des éléments concrets de vie qui prévalent sur place, de possibilités de refuge alternatives dans le nord du Kosovo, dans les municipalités où la communauté serbe est majoritaire, et si l'on peut exiger de sa part qu'il s'y installe et y bâtisse une nouvelle existence (cf. ATAF D-4935/2007 du 21 décembre 2011).

3.5. En tout état de cause, l'on peut attendre du recourant qu'il s'efforce d'obtenir la protection de la Serbie avant de requérir celle de la Suisse, dans la mesure où il apparaît détenir la nationalité serbe (cf. à ce sujet art. 1A ch. 2 al. 2 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés [Conv. réfugiés, RS 0.142.30] et JICRA 2000 n° 15 consid. 12a p. 127 s.). Le Tribunal a en effet constaté (cf. ATAF 2010/41 consid. 6.4.2 p. 580) que, selon la nouvelle constitution serbe entrée en vigueur le 8 novembre 2006, l'indépendance du Kosovo est expressément exclue et qu'en conséquence, les personnes provenant de cet Etat sont, en principe, reconnues par les autorités serbes comme des ressortissants serbes, ce qui leur confère un droit à la nationalité. Pour le surplus, l'intéressé n'a nullement démontré que sa sécurité ne serait pas garantie en Serbie ou que les autorités serbes ne voudraient - ou ne pourraient - pas le protéger. En effet, sa crainte d'y être poursuivi, à l'instar de Milosevic qui avait entre-temps été livré à la justice pénale internationale, ne repose sur aucun élément concret et sérieux, le Tribunal se limitant à relever que l'intéressé n'était pas un haut gradé de l'armée serbe et n'a jamais été soupçonné de crimes contre l'humanité.

Au demeurant, il sied de rappeler que les Serbes du Kosovo remplissant les conditions pour être reconnues comme ressortissants du Kosovo en vertu de la loi sur la nationalité de ce pays, peuvent également devenir ressortissantes serbes sans perdre leur nationalité kosovare, dès lors que le Kosovo admet la nationalité multiple. En conséquence, l'intéressé peut se prévaloir de la nationalité serbe, mais aussi kosovare, puisqu'il était citoyen de l'ex-Yougoslavie, au 1er janvier 1998, et qu'il était, à cette époque, domicilié sur le territoire actuel de la République du Kosovo (ATAF 2010/41 précité consid. 6.4.1 p. 579).

3.6. Dans ces circonstances, le Tribunal considère l'intéressé comme citoyen du Kosovo et de la Serbie, en mesure de requérir la protection de l'un ou l'autre de ces Etats.

3.7. Vu ce qui précède, le recours, en tant qu'il est dirigé contre le refus de la qualité de réfugié et de l'asile, doit être rejeté et la décision querellée confirmée sur ces deux points.

4.

4.1. Lorsqu'il rejette la demande d'asile ou qu'il refuse d'entrer en matière à ce sujet, l'ODM prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l'exécution ; il tient compte du principe de l'unité de la famille (art. 44 al. 1 LAsi). Le renvoi ne peut être prononcé, selon l'art. 32 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile relative à la procédure (OA 1, RS 142.311), lorsque le recourant d'asile dispose d'une autorisation de séjour ou d'établissement valable, ou qu'il fait l'objet d'une décision d'extradition ou d'une décision de renvoi conformément à l'art. 121 al. 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst., RS 101).

4.2. Aucune exception à la règle générale du renvoi n'étant en l'occurrence réalisée, le Tribunal est tenu, de par la loi, de confirmer cette mesure.

5.

5.1. Il convient de noter à titre préliminaire que les trois conditions posées par l'art. 83 al. 2 à 4 LEtr, empêchant l'exécution du renvoi (illicéité, inexigibilité et impossibilité) sont de nature alternative : il suffit que l'une d'elles soit réalisée pour que le renvoi soit inexécutable.

5.2. En l'occurrence, c'est sur la question de l'exigibilité que le Tribunal portera son examen.

5.2.1. Selon l'art. 83 al. 4 LEtr, l'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale. Cette disposition s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).

5.2.2. S'agissant de la situation générale prévalant notamment dans les enclaves serbes au nord du Kosovo ou en Serbie, il est notoire qu'il n'y règne pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, laquelle permettrait d'emblée - et indépendamment des circonstances du cas d'espèce - de présumer, à propos de tous les ressortissants de ces deux Etats, l'existence d'une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.

5.2.3. Il sied donc d'examiner si, en raison d'éléments liés à la personne du recourant, l'exécution du renvoi au nord du Kosovo ou en Serbie impliquerait une mise en danger concrète de celui-ci. S'agissant de ce dernier Etat, le Tribunal a considéré que l'exécution du renvoi vers la Serbie de personnes d'ethnie serbe provenant du Kosovo était raisonnablement exigible, en règle générale, à condition de soigneusement pondérer, dans chaque cas d'espèce, les critères déterminants tels que le niveau de formation de ces personnes, leurs qualifications et expérience professionnelles, leurs liens avec la Serbie, notamment sur les plans social et familial, leur situation médicale, leurs moyens financiers disponibles, ou encore leurs liens avec la Serbie et les facteurs facilitant ou freinant l'installation sur place, respectivement l'intégration (ATAF 2010/41 précité consid. 8.3.3.6 p. 588 ss).

5.2.4. En l'espèce, comme l'a retenu à bon droit l'ODM, l'exécution du renvoi du recourant à B._______ (commune de D._______, sise au sud du Kosovo), lieu de son dernier domicile, n'apparaît pas raisonnablement exigible, une mise en danger concrète liée à l'ethnie ne pouvant être exclue pour les Serbes en dehors de leurs enclaves situées au Nord. En revanche, l'office a considéré que l'intéressé, jeune, en bonne santé, au bénéfice d'une bonne formation professionnelle, disposait d'une alternative de domicile au nord du Kosovo, où l'exécution du renvoi s'avérait raisonnablement exigible; l'office a souligné par ailleurs qu'en tant que ressortissant serbe, il était loisible à l'intéressé de s'établir en Serbie, l'exigence d'alternative de domicile y étant également remplie. Pareille appréciation ne saurait toutefois être suivie par le Tribunal. Certes, l'intéressé est jeune, sans charge de famille, et n'a pas allégué souffrir de troubles de santé particuliers. Cependant, il ressort du dossier qu'en dépit d'une formation de technicien sur machines achevée en 1992 ou 1993, il n'a acquis aucune expérience pratique dans ce domaine, puisqu'il a toujours travaillé comme agriculteur avant son départ du Kosovo (cf. pv d'audition du 14 septembre 2007, p. 3). Ses connaissances linguistiques ne sont pas non plus très étendues et se limitent à sa langue maternelle serbo-croate et à une compréhension restreinte de l'albanais (cf. pv d'audition du 4 juillet 2007, p. 2). Les perspectives de s'insérer dans le monde du travail et de couvrir ses besoins économiques vitaux n'apparaissent dès lors pas très favorables, d'autant que la situation économique prévalant dans les enclaves serbes au nord du Kosovo est désastreuse, le taux de chômage des Serbes s'élevant à près de 70%. Les difficultés auxquelles il pourrait être confronté sur le plan du marché du logement ne sont pas non plus négligeables, la minorité serbe étant exposée à des discriminations dans ce domaine également . Dans ces circonstances, un renvoi de l'intéressé au nord du Kosovo, où il n'a jamais vécu ou travaillé, n'apparaît guère envisageable (cf. Arrêt du 30 août 2011, D-403/2009). Il en va de même d'une éventuelle installation en Serbie, au regard des critères jurisprudentiels rappelés ci-dessus (consid. 5.2.3 supra). En effet, selon ses déclarations, l'intéressé n'a jamais séjourné en Serbie et n'y est donc pas enregistré. Il aurait certes la possibilité, en tant que personne déplacée, de se faire enregistrer, à certaines conditions, auprès des autorités serbes de son lieu de résidence, afin de bénéficier des mêmes droits que la population autochtone, en matière notamment d'accès au système de santé et au système scolaire. Cependant, même si ces
entraves d'ordre administratif pouvaient être surmontées, l'intéressé devrait composer avec un environnement économique général peu favorable, à savoir un taux de chômage élevé, l'effondrement général du système social, et un recul de l'aide internationale pour les réfugiés (ATAF 2010/41 précité consid. 8.3.3.4 p. 586). Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas que le recourant puisse, malgré sa formation et une certaine capacité d'adaptation qu'il a démontrée en exerçant sporadiquement une activité lucrative en Suisse, avoir les ressources nécessaires, à court ou moyen terme, pour assurer sa subsistance et acquérir des moyens d'existence durables. Par ailleurs, il ne dispose, en Serbie, d'aucun réseau solide qui lui permettrait une intégration sociale ou économique, son frère C._______ ayant entre-temps quitté Smederevo pour retourner vivre dans le village de B._______ avec les siens (cf. let. D supra). Quant à la présence alléguée d'oncles à Smederevo (cf. pv d'audition du 4 juillet 2007, p. 5), elle ne saurait constituer un facteur favorable, aucun élément du dossier ne permettant de retenir de manière certaine que ceux-ci vivraient toujours sur place et seraient en mesure d'assister financièrement le recourant ou de faciliter ses recherches d'emploi ou d'autres démarches. Il paraît dès lors aléatoire, faute d'indices allant dans le sens contraire, de considérer que l'intéressé pourra compter sur un réel soutien familial en cas de renvoi en Serbie. Ses possibilités de subvenir seul à ses besoins vitaux apparaissent largement compromises, compte tenu également du fait qu'il aurait quitté son pays en juin 2007, soit depuis plus de quatre ans et demi.

5.2.5. Dans ces conditions, au vu de la conjugaison de facteurs défavorables affectant l'intéressé, il y a lieu de prononcer son admission provisoire ; celle-ci, en principe d'une durée d'un an (art. 85 al. 1 LEtr), renouvelable si nécessaire, apparaît mieux à même d'écarter les risques sérieux qu'il court actuellement en cas de retour.

6.

En conséquence, le recours, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi, doit être admis, et la décision attaquée annulée sur ce point. L'autorité de première instance est donc invitée à prononcer l'admission provisoire du recourant.

7.

7.1. Des frais réduits de procédure, s'élevant à Fr. 300, doivent être mis à la charge du recourant, dont les conclusions ont été partiellement rejetées (cf. art. 63 al. 1 PA et 2 et 3 let. b du règlement du 21 février 2008 concernant les frais, dépens et indemnités fixés par le Tribunal administratif fédéral [FITAF, RS 173.320.2]). L'intéressé s'étant acquitté d'une avance de frais à hauteur de. 600 francs, le solde, soit. 300 francs, devra lui être restitué par le Service financier du Tribunal.

7.2. Le recourant, qui a eu gain de cause sur une partie de ses conclusions, a droit à des dépens partiels, pour les frais occasionnés par la présente procédure (cf. 64 al. 1 PA et 7 al. 1 et 2 FITAF).

En l'occurrence il ne se justifie pas d'allouer des dépens, le recourant n'ayant pas fait appel aux services d'un mandataire et le recours ne lui ayant pas occasionné des frais indispensables et relativement élevés.

(dispositif page suivante)

Par ces motifs, le Tribunal administratif fédéral prononce :

1.
Le recours est rejeté, en tant qu'il porte sur l'asile et le renvoi.

2.
Le recours est admis, en tant qu'il porte sur l'exécution du renvoi.

3.
L'ODM est invité à régler les conditions de séjour de l'intéressé conformément aux dispositions sur l'admission provisoire des étrangers.

4.
Les frais réduits de procédure, d'un montant de 300 francs, sont mis à la charge du recourant. Ils sont intégralement compensés par l'avance de frais déjà versée de 600 francs. Le solde, soit 300 francs, devra être restitué au recourant par le service financier du Tribunal.

5.
Il n'est pas alloué de dépens.

6.
Le présent arrêt est adressé au recourant, à l'ODM et à l'autorité cantonale compétente.

Le président du collège : La greffière :

Gérard Scherrer Germana Barone Brogna

Expédition :
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : D-961/2009
Date : 07 mai 2012
Publié : 16 mai 2012
Source : Tribunal administratif fédéral
Statut : Non publié
Domaine : Asile
Objet : Asile et renvoi ; décision de l'ODM du 16 janvier 2009


Répertoire des lois
Cst: 121
LAsi: 3  44  105
LEtr: 83  85
LTAF: 31  33
LTF: 83
OA 1: 32
PA: 5  48  52  63
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
kosovo • albanie • ethnie • pression • tribunal administratif fédéral • avance de frais • guerre civile • admission provisoire • vue • calcul • lieu d'origine • décision • quant • insulte • examinateur • acquittement • mois • formation professionnelle • office fédéral des migrations • croate • oncle • constitution fédérale • intégration sociale • première instance • construction et installation • pays d'origine • loi fédérale sur la procédure administrative • réfugié • loi sur le tribunal fédéral • membre d'une communauté religieuse • ue • prévenu • loi sur le tribunal administratif fédéral • directeur • mise en danger de la vie • titre • décision de renvoi • demandeur d'asile • augmentation • menace • danger • expérience • journal • bâle-ville • bâtiment d'habitation • audition ou interrogatoire • lieu • défense militaire • empêchement • militaire • acte illicite • place de parc • territoire douanier • mesure de protection • fausse indication • tribunal • accès • appareil technique • nouvelles • condition • droit public • fuite • passeur • exigibilité • activité lucrative • entrée en vigueur • langue maternelle • incident • partie intégrante • osce • crime contre l'humanité • autorisation de séjour • race • réseau social • droit fondamental • procédure administrative • titre préliminaire • agriculteur • otan • traduction • document de voyage • centre d'enregistrement • autorité inférieure • incombance • tribunal fédéral • intérêt public • conseil fédéral • audition d'un parent • recherche d'emploi • subsidiarité • italie • autorité cantonale • plan social • décision incidente • presse • agression • qualité pour recourir • doctrine • intégrité corporelle
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BVGE
2010/41 • 2009/52 • 2008/34 • 2007/10
BVGer
D-403/2009 • D-4935/2007 • D-961/2009
JICRA
1993/10 S.65 • 1996/29 • 2000/15 S.127 • 2006/18