Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 1/2}
1C 155/2008
1C 156/2008
1C 181/2008/col
Arrêt du 5 septembre 2008
Ire Cour de droit public
Composition
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Reeb, Fonjallaz et Eusebio.
Greffier: M. Kurz.
Parties
1C 155/2008
Michel Amaudruz,
Michel Yagchi,
recourants, représentés par Me Antoine Boesch, avocat,
1C 156/2008
Soli Pardo,
recourant, représenté par Me Florence Castella, avocate,
1C 181/2008
Michel Starobinski,
Alain Daniel Wenger,
recourants, représentés par Me Christian Grobet, avocat,
contre
Conseil d'Etat de la République et Canton de Genève,
14, rue de l'Hôtel-de-VIlle, case postale 3984,
1211 Genève,
Objet
règlement d'exécution relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics,
recours contre le règlement du Conseil d'Etat du canton de Genève du 3 mars 2008.
Faits:
A.
Le 22 juin 2006, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a partiellement validé l'initiative populaire intitulée "Fumée passive et santé" (IN 129). Celle-ci portait sur l'introduction, dans la Constitution genevoise (Cst./GE), d'un nouvel article 178B intitulé "Protection de l'hygiène publique et de la santé; Fumée passive". Tel qu'il a été validé, le texte de cette disposition était ainsi libellé:
Art. 178B
1Vu l'intérêt public que constitue le respect de l'hygiène publique et la protection de la santé, le Conseil d'État est chargé de prendre des mesures contre les atteintes à l'hygiène et à la santé de la population résultant de l'exposition à la fumée du tabac, dont il est démontré scientifiquement qu'elle entraîne la maladie, l'invalidité et la mort.
2Afin de protéger l'ensemble de la population, il est interdit de fumer dans les lieux publics intérieurs ou fermés, tout particulièrement dans ceux qui sont soumis à une autorisation d'exploitation.
3Sont concernés:
a) tous les bâtiments ou locaux publics dépendant de l'État et des communes ainsi que toutes autres institutions de caractère public;
b) tous les bâtiments ou locaux ouverts au public, notamment ceux affectés à des activités médicales, hospitalières, para-hospitalières, culturelles, récréatives, sportives ainsi qu'à des activités de formation, de loisirs, de rencontres, d'exposition;
c) tous les établissements publics au sens de la législation sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement;
d) les transports publics et les autres transports professionnels de personnes;
e) les autres lieux ouverts au public tels que définis par la loi.
Par arrêt du 28 mars 2007 (cause 1P.541/2006, ATF 133 I 110), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par deux citoyens genevois contre cette décision de validation. Laissant ouverte la question de savoir si le fait de fumer relevait de la liberté personnelle, il a notamment considéré que l'initiative poursuivait un but incontestable d'intérêt public; l'interdiction générale de fumer dans les lieux publics fermés devrait être assortie d'exceptions, en particulier pour les détenus et les pensionnaires d'établissements médicaux, ainsi que pour les lieux publics à usage privatif. Le Grand Conseil avait déjà envisagé de tels assouplissements dans la perspective de la législation d'application.
L'IN 129 a été acceptée en votation populaire le 24 février 2008.
B.
Le 3 mars 2008, le Conseil d'Etat genevois a adopté un règlement d'exécution relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics (ci-après: le règlement, ou RIF), dont la teneur est la suivante:
Chapitre I Dispositions générales
Art. 1 But
Le présent règlement a pour but de définir les modalités de l'interdiction de fumer dans les lieux publics prévue à l'article 178 de la constitution et d'en assurer le respect.
Art. 2 Définitions
1Il faut entendre par lieux publics tous les lieux publics ou privés libres d'accès au public.
2Ne sont pas considérés comme lieux publics:
a) les locaux à caractère exclusivement ou essentiellement privatif qui sont situés dans les bâtiments et établissements visés part l'article 178B, alinéa 3, de la constitution, notamment les chambres individuelles des hôpitaux, cliniques et autres lieux de soins, les chambres d'hôtels et autres lieux d'hébergement professionnel, ainsi que les cellules des lieux de détention et d'internement;
b) les établissements à caractère privé tels que définis par le règlement d'exécution de la loi sur les restaurations, le débit de boissons et l'hébergement, du 31 août 1988.
Art. 3 Champ d'application
1L'interdiction de fumer s'applique à tous les lieux publics qui sont intérieurs ou fermés, tels qu'énumérés à l'art. 178B, alinéa 3, de la constitution.
2Cette interdiction ne s'étend pas aux lieux de vente spécialisés dans le domaine du tabac, disposant d'un local de dégustation réservé aux clients consommateurs de tabac.
3En respect des dispositions internationales, l'Aéroport international de Genève est autorisé à exploiter un fumoir isolé pour les passagers en transit, à la condition expresse que ce local soit ventilé et qu'aucun collaborateur n'y travaille.
Art. 4 Produits interdits
Tous les produits issus du tabac ainsi que ceux qui se fument mais ne contiennent pas à proprement parler du tabac sont interdits.
Art. 5 Contrôle
1Le département de l'économie et de la santé, soit pour lui la direction générale de la santé, est chargé de l'application du présent règlement.
2Elle peut inspecter ou faire inspecter tous les lieux visés par l'interdiction de fumer, en s'assurant la collaboration des agents publics chargés d'appliquer les prescriptions de police relevant de la sécurité, la propreté, la salubrité publiques, ainsi que l'exploitation à titre onéreux des établissements publics au sens de la loi sur la restauration, le débit de boissons et l'hébergement, du 17 décembre 1987.
3L'exploitant ou le responsable des lieux doit en tout temps laisser libre accès pour l'inspection des lieux visés par l'interdiction. Il prend toute mesure utile à cet effet.
Art. 6 Voie d'affichage
L'interdiction de fumer est portée à la connaissance du public par voie d'affichage ou tout autre moyen adéquat.
Chapitre II Sanctions
Art. 7 Sanctions
1Est passible d'une amende de 100 à 1000 fr. celui qui contrevient à l'interdiction de fumer.
2Est passible d'une amende de 100 à 10000 fr. l'exploitant ou le responsable des lieux qui ne fait pas respecter l'interdiction de fumer.
Chapitre III Dispositions finales et transitoires
Art. 8 Entrée en vigueur
Le présent règlement entre en vigueur simultanément à la disposition constitutionnelle sur la protection de l'hygiène publique et de la santé, du 24 février 2008, soit le 1er juillet 2008.
Art. 9 Durée de validité
Le présent règlement a effet jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'exécution de l'art. 178B de la constitution.
[...]
C.
Ce règlement fait l'objet de trois recours en matière de droit public. Le premier (1C 155/2008) est formé par Michel Amaudruz et Michel Yagchi, qui se plaignent du défaut de base légale et d'une violation du principe de la proportionnalité, les exceptions prévues dans le règlement n'étant selon eux pas suffisantes. Le deuxième recours (1C 156/ 2008) est formé par Soli Pardo, qui invoque la liberté personnelle, la nécessité d'une base légale formelle, ainsi qu'une violation des droits politiques. Ces deux recours comportent une demande d'effet suspensif tendant à empêcher l'entrée en vigueur du règlement à la date prévue. A titre principal, les recours tendent à l'annulation du RIF dans son ensemble.
Le troisième recours (1C 181/2008) est formé par Michel Starobinski et Alain Daniel Wenger, qui soutiennent au contraire que le règlement prévoirait trop d'exceptions par rapport au texte constitutionnel. Ils demandent l'annulation des art. 2 et 3 al. 3 du règlement. Ils présentent également une demande d'effet suspensif tendant à empêcher l'application de ces deux dispositions, ainsi qu'à ordonner l'entrée en vigueur et l'application immédiate de l'art. 178B Cst./GE.
Le Conseil d'Etat conclut au rejet des recours, dans la mesure où ils sont recevables. Les recourants ont répliqué.
Les demandes d'effet suspensif ont été rejetées par ordonnance du 19 mai 2008.
Considérant en droit:
1.
Les recours sont dirigés contre un même règlement cantonal. Il y a lieu de joindre les trois causes et de statuer par un seul arrêt.
1.1
Selon l'art. 82 let. b
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours: |
|
a | contre les décisions rendues dans des causes de droit public; |
b | contre les actes normatifs cantonaux; |
c | qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours: |
|
a | contre les décisions rendues dans des causes de droit public; |
b | contre les actes normatifs cantonaux; |
c | qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires. |
1.2 Les recourants ont agi dans le délai prévu à l'art. 101
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 101 Recours contre un acte normatif - Le recours contre un acte normatif doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent sa publication selon le droit cantonal. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 87 Autorités précédentes en cas de recours contre un acte normatif - 1 Le recours est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux qui ne peuvent faire l'objet d'un recours cantonal. |
|
1 | Le recours est directement recevable contre les actes normatifs cantonaux qui ne peuvent faire l'objet d'un recours cantonal. |
2 | Lorsque le droit cantonal prévoit un recours contre les actes normatifs, l'art. 86 est applicable. |
1.3 En vertu de l'art. 89 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 89 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
|
1 | A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire; |
b | est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et |
c | a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. |
2 | Ont aussi qualité pour recourir: |
a | la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions; |
b | l'organe compétent de l'Assemblée fédérale en matière de rapports de travail du personnel de la Confédération; |
c | les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale; |
d | les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. |
3 | En matière de droits politiques (art. 82, let. c), quiconque a le droit de vote dans l'affaire en cause a qualité pour recourir. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 89 Qualité pour recourir - 1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
|
1 | A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque: |
a | a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire; |
b | est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et |
c | a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. |
2 | Ont aussi qualité pour recourir: |
a | la Chancellerie fédérale, les départements fédéraux ou, pour autant que le droit fédéral le prévoie, les unités qui leur sont subordonnées, si l'acte attaqué est susceptible de violer la législation fédérale dans leur domaine d'attributions; |
b | l'organe compétent de l'Assemblée fédérale en matière de rapports de travail du personnel de la Confédération; |
c | les communes et les autres collectivités de droit public qui invoquent la violation de garanties qui leur sont reconnues par la constitution cantonale ou la Constitution fédérale; |
d | les personnes, organisations et autorités auxquelles une autre loi fédérale accorde un droit de recours. |
3 | En matière de droits politiques (art. 82, let. c), quiconque a le droit de vote dans l'affaire en cause a qualité pour recourir. |
En l'occurrence, les recourants sont tous domiciliés dans le canton de Genève. Qu'ils soient ou non fumeurs, ils sont susceptibles d'être atteints par la réglementation attaquée dans la mesure où celle-ci régit l'usage de lieux publics et de "lieux privés libres d'accès au public". La condition de l'atteinte virtuelle apparaît réalisée.
1.4 Les recourants Starobinski et Wenger demandent au Tribunal fédéral d'ordonner l'entrée en vigueur immédiate de l'art. 178B Cst./GE, disposition qui aurait dû être promulguée début mars 2008 déjà. Même s'il doit entrer en vigueur simultanément à l'art. 178B Cst./GE, le règlement attaqué n'a pas pour objet la fixation de l'entrée en vigueur de la disposition constitutionnelle, laquelle dépend d'un acte de promulgation distinct. Au demeurant, le recours est devenu sans objet sur ce point déjà, puisque l'article constitutionnel est entré en vigueur le 1er juillet 2008.
2.
Les recourants Amaudruz, Yagchi et Pardo invoquent en premier lieu les principes de légalité et de séparation des pouvoirs. Les travaux préparatoires relatifs à l'art. 178B Cst./GE, ainsi que l'arrêt du Tribunal fédéral du 28 mars 2007 feraient clairement ressortir que la disposition constitutionnelle devait d'abord faire l'objet d'une loi formelle d'application prévoyant notamment les exceptions à l'interdiction de fumer, ainsi que les sanctions. Faute d'une délégation figurant dans la constitution ou la loi, le Conseil d'Etat ne pouvait se fonder directement sur l'art. 178B Cst./GE.
Les recourants Starobinski et Wenger estiment au contraire que la disposition constitutionnelle serait suffisamment précise pour être directement applicable, ce qui justifierait son entrée en vigueur immédiate, sous réserve des sanctions pénales.
Le Conseil d'Etat rappelle que l'élaboration d'un règlement d'application a été évoquée lors des débats sur l'initiative populaire, afin de permettre une mise en oeuvre rapide de l'interdiction de fumer. Le RIF constituerait une base légale matérielle suffisante au regard des exigences du droit constitutionnel fédéral et cantonal. Les sanctions prévues par le règlement ne seraient pas suffisamment graves pour devoir figurer dans une loi formelle. Le Conseil d'Etat conteste par ailleurs une atteinte aux droits fondamentaux (liberté personnelle, protection de la sphère privée et liberté économique) en relevant que le principe de l'interdiction de fumer dans les lieux publics est déjà posé à l'art. 178B Cst./GE, et que le RIF ne ferait que permettre des assouplissements. Le Conseil d'Etat insiste également sur le caractère transitoire du règlement (art. 9 RIF), destiné uniquement à permettre d'appliquer la disposition constitutionnelle en attendant l'adoption de la loi formelle.
2.1 Sous réserve de sa signification particulière en droit pénal et en droit fiscal, le principe de la légalité (art. 5 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 5 Principes de l'activité de l'État régi par le droit - 1 Le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. |
|
1 | Le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. |
2 | L'activité de l'État doit répondre à un intérêt public et être proportionnée au but visé. |
3 | Les organes de l'État et les particuliers doivent agir de manière conforme aux règles de la bonne foi. |
4 | La Confédération et les cantons respectent le droit international. |
2.2 Le principe de la séparation des pouvoirs est garanti, au moins implicitement, par toutes les constitutions cantonales; il représente un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5 et les références). Ce principe assure le respect des compétences établies par la constitution cantonale. Il appartient donc en premier lieu au droit public cantonal de fixer les compétences des autorités (ATF 130 I 1 consid. 3.1 p. 5, 128 I 113 consid. 2c p. 116 et les nombreuses références citées). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'Etat d'empiéter sur les compétences d'un autre organe (ATF 119 Ia 28 consid. 3 in fine p. 34; 106 Ia 389 consid. 3 p. 394); en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des règles de droit, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 118 Ia 305 consid. 1a p. 309). En droit fédéral, l'art. 164 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 164 Législation - 1 Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
|
1 | Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
a | à l'exercice des droits politiques; |
b | à la restriction des droits constitutionnels; |
c | aux droits et aux obligations des personnes; |
d | à la qualité de contribuable, à l'objet des impôts et au calcul du montant des impôts; |
e | aux tâches et aux prestations de la Confédération; |
f | aux obligations des cantons lors de la mise en oeuvre et de l'exécution du droit fédéral; |
g | à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales. |
2 | Une loi fédérale peut prévoir une délégation de la compétence d'édicter des règles de droit, à moins que la Constitution ne l'exclue. |
une délégation législative, à moins que la Constitution ne l'exclue (al. 2).
2.3 Sans être expressément consacré en droit genevois (sauf en ce qui concerne l'indépendance du pouvoir judiciaire, posée à l'art. 130
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 130 Budget et comptes - La Cour des comptes établit chaque année son budget de fonctionnement inscrit au budget cantonal dans une rubrique spécifique, ainsi que ses comptes et son rapport de gestion. Ces derniers sont soumis à l'approbation du Grand Conseil. |
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 116 Organisation - 1 Le pouvoir judiciaire est exercé par: |
|
1 | Le pouvoir judiciaire est exercé par: |
a | le Ministère public; |
b | les juridictions en matière constitutionnelle, administrative, civile et pénale. |
2 | Les tribunaux d'exception sont interdits. |
3 | La justice est administrée avec diligence. |
2.4 Comme le prévoit l'art. 116
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 116 Organisation - 1 Le pouvoir judiciaire est exercé par: |
|
1 | Le pouvoir judiciaire est exercé par: |
a | le Ministère public; |
b | les juridictions en matière constitutionnelle, administrative, civile et pénale. |
2 | Les tribunaux d'exception sont interdits. |
3 | La justice est administrée avec diligence. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 164 Législation - 1 Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
|
1 | Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
a | à l'exercice des droits politiques; |
b | à la restriction des droits constitutionnels; |
c | aux droits et aux obligations des personnes; |
d | à la qualité de contribuable, à l'objet des impôts et au calcul du montant des impôts; |
e | aux tâches et aux prestations de la Confédération; |
f | aux obligations des cantons lors de la mise en oeuvre et de l'exécution du droit fédéral; |
g | à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales. |
2 | Une loi fédérale peut prévoir une délégation de la compétence d'édicter des règles de droit, à moins que la Constitution ne l'exclue. |
L'exécutif cantonal peut aussi, dans certains cas, adopter des ordonnances indépendantes, c'est-à-dire directement fondées sur la constitution. Tel est le cas à Genève en ce qui concerne les règlements de police, expressément visés à l'art. 125
SR 131.234 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst.-GE) Cst.-GE Art. 125 Principes - 1 Les magistrates et magistrats du pouvoir judiciaire sont soumis à la surveillance du Conseil supérieur de la magistrature. |
|
1 | Les magistrates et magistrats du pouvoir judiciaire sont soumis à la surveillance du Conseil supérieur de la magistrature. |
2 | La loi peut confier des fonctions du Conseil supérieur de la magistrature à une instance intercantonale. |
2.5 En l'occurrence, le règlement attaqué a le caractère d'une ordonnance de substitution, puisque le législateur genevois n'a pas encore adopté de loi d'exécution. A ce sujet, les recourants Starobinski et Wenger prétendent à tort que l'art. 178B Cst./GE serait d'application immédiate et permettrait à lui seul d'instaurer l'interdiction de fumer dans les lieux publics. Le contraire ressort en effet tant des travaux préparatoires que du texte constitutionnel lui-même.
2.5.1 Lors du traitement de l'initiative IN 129, il est apparu d'emblée que la disposition constitutionnelle devrait faire l'objet d'une législation d'exécution. Dans son rapport du 11 janvier 2006 sur la validité de l'initiative, le Conseil d'Etat relevait déjà que plusieurs aspects essentiels de la mise en oeuvre de l'interdiction de fumer n'étaient pas prévus par l'initiative, notamment la question des sanctions, ou celle de savoir qui est responsable en fonction du type de lieu. Le Conseil d'Etat estimait aussi que le texte de l'initiative était trop absolu, de sorte qu'il y aurait lieu de lui opposer un contre-projet visant à circonscrire l'interdiction, soit en modifiant l'alinéa 3 de l'article constitutionnel, soit dans le cadre de la loi d'application. Le Conseil d'Etat rappelait que compte tenu de l'importance de la législation d'application, le législateur jouirait d'une grande marge de manoeuvre. Dans son rapport du 6 juin 2006, la Commission législative du Grand Conseil relevait que le problème essentiel de l'initiative résidait dans le respect du principe de la proportionnalité. Elle préconisait une légère modification du texte de l'art. 178B Cst./GE, destinée à permettre au législateur, dans la loi d'exécution, de
définir les lieux concernés par l'interdiction de fumer. Des avis de droit ont été produits: ils concluaient unanimement qu'une interdiction totale serait disproportionnée. Dans sa décision d'invalidation partielle, le Grand Conseil a suivi cet avis.
2.5.2 Dans son arrêt du 28 mars 2007, confirmant cette décision, le Tribunal fédéral a tenu compte en ces termes de l'interprétation que le Grand Conseil se proposait de faire du texte constitutionnel (consid. 6.2):
"Même si elle n'est pas très explicite sur ce point, l'initiative évoque à l'art. 178B al. 3 let. e Cst./GE l'adoption d'une législation d'exécution. Celle-ci est d'ailleurs inhérente à ce genre de réglementation, qui ne comporte aucun détail sur sa mise en oeuvre. Or, il paraît évident qu'une mesure aussi générale que l'interdiction de fumer dans les lieux publics fermés n'est pas directement applicable: elle devra être assortie par exemple d'un éventuel délai d'introduction, de mesures de contrôle et de sanctions; en outre, conformément à la volonté manifestée par le Grand Conseil, un certain nombre de dérogations et d'exceptions devront accompagner l'interdiction. Il y a lieu toutefois de relever que, contrairement à ce qui semble ressortir de l'al. 1 de l'art. 178B Cst./GE, ces différents aménagements ne pourront être adoptés directement par le Conseil d'État. Le principe de la base légale autorise en effet une délégation à l'exécutif, pour autant toutefois que le contenu essentiel de la réglementation figure déjà dans une loi formelle, notamment lorsque les particuliers sont gravement touchés dans leur situation juridique (ATF 118 Ia 245 consid. 3 p. 246). En l'occurrence, les points essentiels tels que les exceptions à
l'interdiction de fumer ne figurent pas dans la norme constitutionnelle; ils devront donc faire l'objet d'une loi au sens formel. Il n'en demeure pas moins que le simple fait que la norme constitutionnelle doive faire l'objet d'une législation d'exécution ne saurait justifier une invalidation totale en raison de sa prétendue imprécision (ATF 128 I 295 consid. 5b/aa p. 309)."
Le Tribunal fédéral a également rappelé que, selon la volonté exprimée par le Grand Conseil, les aménagements exigés par le principe de la proportionnalité devraient être prévus dans la législation d'exécution (consid. 7.3 - 7-5).
2.5.3 Lors des débats devant le Grand Conseil après l'acceptation de l'initiative par le peuple, la loi d'application a été évoquée plusieurs fois, y compris par le Conseiller d'Etat chargé du département de la santé. Celui-ci a clairement fait savoir qu'une loi devrait être élaborée, mais que, compte tenu des délais inhérents à la procédure parlementaire, un règlement pourrait être adopté entre-temps.
La nécessité d'une loi formelle d'application ressort enfin du règlement attaqué lui-même: selon l'art. 9 RIF, le règlement n'a effet que jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi d'exécution de l'art. 178B Cst./GE.
2.5.4 Sur le vu de ce qui précède, on ne saurait considérer que l'art. 178B Cst./GE serait d'application immédiate, ni qu'il permettrait à lui seul d'instaurer une interdiction absolue de fumer dans les lieux publics.
2.6 Le Conseil d'Etat soutient que le RIF devrait être considéré comme une ordonnance indépendante reposant directement sur la disposition constitutionnelle. Il fait ainsi référence à l'alinéa 1 de l'art. 178B Cst./GE, selon lequel, "Vu l'intérêt public que constitue le respect de l'hygiène publique et la protection de la santé, le Conseil d'Etat est chargé de prendre des mesures contre les atteintes à l'hygiène et à la santé de la population résultant de l'exposition à la fumée du tabac, dont il est démontré scientifiquement qu'elle entraîne la maladie, l'invalidité et la mort."
2.6.1 Comme cela ressort des travaux préparatoires, cet alinéa ne concerne pas l'exécution de la disposition constitutionnelle relative à l'interdiction de fumer dans les lieux publics, visée à l'alinéa 2, mais les mesures plus générales de protection de l'hygiène publique et de la santé en rapport avec le problème de la fumée passive. Tel était déjà l'avis clairement exprimé par le Conseil d'Etat dans son rapport du 11 janvier 2006: l'alinéa 1er ne contenait que des règles déclaratoires; sa normativité était limitée et ne pouvait être interprétée comme une délégation législative - de rang constitutionnel - en faveur du Conseil d'Etat. Le Tribunal fédéral l'a également rappelé dans son arrêt du 28 mars 2007, en considérant que l'art. 178B al. 1 Cst./GE ne permettait pas au Conseil d'Etat d'adopter directement les aménagements qui doivent nécessairement assortir l'interdiction de fumer dans les lieux publics; la norme constitutionnelle ne contenait aucun des points essentiels (telles que les exceptions à prévoir) permettant de circonscrire le cadre de l'activité réglementaire.
2.6.2 Outre qu'elle ne comporte pas de délégation suffisante au Conseil d'Etat, la norme constitutionnelle ne fixe pas, même dans les grandes lignes, les points sur lesquels devrait porter le règlement d'exécution: l'extension de la définition de lieux ouverts au public est expressément de la compétence du législateur (art. 178B al. 3 let. e Cst./GE); le pouvoir de contrôle conféré au Département de l'économie et de la santé (art. 5 RIF), ainsi que les sanctions aux consommateurs et aux exploitants (art. 7 RIF) constituent des normes primaires qui n'ont pas leur place dans un simple règlement d'exécution.
2.6.3 Selon la jurisprudence relative à l'art. 164 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 164 Législation - 1 Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
|
1 | Toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale. Appartiennent en particulier à cette catégorie les dispositions fondamentales relatives: |
a | à l'exercice des droits politiques; |
b | à la restriction des droits constitutionnels; |
c | aux droits et aux obligations des personnes; |
d | à la qualité de contribuable, à l'objet des impôts et au calcul du montant des impôts; |
e | aux tâches et aux prestations de la Confédération; |
f | aux obligations des cantons lors de la mise en oeuvre et de l'exécution du droit fédéral; |
g | à l'organisation et à la procédure des autorités fédérales. |
2 | Une loi fédérale peut prévoir une délégation de la compétence d'édicter des règles de droit, à moins que la Constitution ne l'exclue. |
2.7 Le Conseil d'Etat relève enfin que le règlement n'a qu'une nature provisoire, de manière à permettre une application rapide de la disposition constitutionnelle. Comme cela est relevé ci-dessus, le gouvernement cantonal est sans doute compétent pour prendre des mesures de police en cas d'urgence. Cela suppose toutefois un danger grave et imminent, qui ne puisse être écarté par les moyens légaux ordinaires, nécessitant une intervention immédiate de l'autorité (ATF 111 Ia 246 consid. 3a p. 248 et les arrêts cités). En l'occurrence, le constituant genevois s'est clairement prononcé en faveur d'une interdiction de fumer dans les lieux publics fermés. S'il est certes souhaitable, pour des raisons de santé publique évidentes, que cette interdiction soit mise en oeuvre dans les meilleurs délais, on ne se trouve pas dans un cas d'urgence justifiant le recours, même limité dans le temps, à la clause générale de police (cf. ATF 121 I 22 consid. 4a p. 25).
2.8 Dépourvu de toute base légale ou constitutionnelle, le règlement attaqué doit être annulé, pour violation de la séparation des pouvoirs, sans qu'il y ait lieu d'en examiner le contenu au regard du principe de la proportionnalité.
3.
Les recours 1C 155 et 156/2008 sont par conséquent admis, et le règlement attaqué est annulé. Les recourants, qui obtiennent gain de cause, ont droit à des dépens, à la charge du canton de Genève (art. 68 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
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1 | Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe. |
2 | En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige. |
3 | En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles. |
4 | L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie. |
5 | Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer. |
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
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1 | En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties. |
2 | Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis. |
3 | Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés. |
4 | En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours. |
5 | Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement. |
Le Tribunal fédéral prononce:
1.
Les recours 1C 155/2008, 1C 156/2008 et 1C 181/2008 sont joints.
2.
Les recours 1C 155/2008 et 1C 156/2008 sont admis et le règlement d'exécution relatif à l'interdiction de fumer dans les lieux publics, adopté le 3 mars 2008 par le Conseil d'Etat genevois, est annulé.
3.
Une indemnité de dépens de 1500 fr. est allouée aux recourants Michel Amaudruz et Michel Yagchi d'une part, et au recourant Soli Pardo d'autre part, à la charge du canton de Genève.
4.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
5.
Le recours 1C 181/2008 est déclaré sans objet; il n'est pas perçu de frais judiciaires, ni alloué de dépens.
6.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Conseil d'Etat du canton de Genève.
Lausanne, le 5 septembre 2008
Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:
Féraud Kurz