Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal
Numéro de dossier: BB.2005.2
Arrêt du 5 avril 2005 Cour des plaintes
Composition
Les juges pénaux fédéraux, Tito Ponti, présidence, Barbara Ott et Walter Wüthrich, La greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni
Parties
A.______
représenté par MMes Marc Bonnant, Carlo Lombardini, et Maurice Turrettini plaignant
contre
Ministère public de la Confédération, 3003 Berne, intimé
Objet
Plainte contre une opération du Ministère public de la Confédération (art. 105 bis al. 2
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Faits:
A. Suite aux événements du 11 septembre 2001 (attentats à New York et Washington), le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) a ouvert une enquête de police judiciaire contre inconnu(s) le 15 septembre 2001. Le 25 octobre 2001, l’enquête a été étendue à A.______, ressortissant saoudien résidant à Z.______ (Arabie Saoudite); celui-ci est soupçonné d'avoir financé, en tant que président de la Fondation B.______, l’organisation terroriste Al-Qaïda dirigée par Oussama Ben Laden. Les accusations formulées contre A.______ concernent en particulier des transferts de fonds d’un montant de 1,25 million de US$ effectués en Suisse en 1998 en faveur d’un certain E.______, soupçonné d’être l’un des principaux financiers du groupe terroriste susmentionné.
B. Le nom de A.______ figure sur la liste Bush II (visant à bloquer les avoirs et à interdire les transferts de fonds appartenant à des personnes soupçonnées d’avoir des liens avec les organisations terroristes telles que Al-Qaïda) et dans l’annexe 2 (personnes physiques et personnes morales soumises aux sanctions financières) de l’ordonnance du 2 octobre 2000 du Conseil fédéral instituant des mesures à l’encontre de personnes et entités liées à Oussama Ben Laden, au groupe "Al-Qaïda" ou aux Taliban (RS 946.203). A.______ est par ailleurs désigné comme défendeur - parmi d’innombrables autres personnes physiques et morales, ainsi que divers Etats ou autorités gouvernementales du Moyen-Orient - dans le cadre d’une procédure civile collective ouverte aux Etats-Unis par les familles des victimes du 11 septembre 2001, entamée le 15 août 2002 et connue sous le nom de « Burnett Lawsuit », qui vise à l’indemnisation des familles des victimes pour un montant dépassant 1 trillion de US$.
C. A.______ a été entendu en qualité d'inculpé par le représentant du MPC le 1er juillet 2003, lors d’une audition organisée dans les locaux de l’ambassade suisse à Y.______ (Arabie Saoudite). A cette occasion, il s'est notamment expliqué sur les transactions effectuées en 1998 en faveur de Oussama Ben Laden: selon le prévenu, les versements en question étaient des donations de nature philanthropique - et, partant, absolument légitimes - destinées à la construction de logements pour étudiants universitaires au Yémen. La documentation relative à ces donations (pièces justificatives de la construction, extraits bancaires…) a été envoyée au MPC le 25 août 2003.
Par la suite (décembre 2003), le MPC a fait parvenir aux conseils du prévenu une liste de plus de deux cents questions écrites, auxquelles ce dernier a répondu par courrier du 12 mars 2004.
D. Suite à une plainte de A.______ auprès de la Cour des plaintes, en septembre 2004, le MPC a renoncé au mandat qu'il avait confié dans cette affaire à F.______ en raison de ses connaissances du monde lié au terrorisme islamiste. Pour motif, il invoquait que ce dernier - chargé par l'étude américaine représentant les victimes dans la "Burnett Lawsuit" de faire des recherches - pouvait être directement intéressé à l'affaire (cf. arrêt BK_B 094/04 du 16 septembre 2004).
E. Par courrier du 8 décembre 2004, le MPC a informé les représentants de A.______ qu'ils recevraient sous peu un rapport émis par G.______ également mandatée par lui. Le 17 décembre, à la demande de ces derniers, il leur a fait parvenir le mandat, daté du 9 décembre 2004, visant à l'établissement d'un rapport clarifiant les liens, même indirects, du plaignant ou de ses sociétés avec le monde terroriste, y compris d'éventuels soutiens financiers. Il indiquait en outre que G.______ lui avait certes affirmé avoir eu des contacts avec les demandeurs de la "Burnett Lawsuit", mais plus depuis près de 18 mois.
F. Le 29 décembre 2004, le MPC a précisé aux avocats de A.______ que le mandat concerné avait été confié à G.______ au début 2004 et qu'il n'entendait ni la récuser ni demander aux autorités américaines si elle faisait l'objet d'une enquête pénale de leur part.
G. Le 10 janvier 2005, A.______ a déposé plainte devant la Cour des plaintes contre le courrier précité. Invoquant la partialité et l'absence d'indépendance de G.______, il conclut principalement à la révocation immédiate du mandat qui lui a été confié, à la restitution de toutes les pièces du dossier qu'elle aurait pu obtenir ainsi qu'à la production d'un engagement de la part de cette dernière qu'elle n'en a conservé aucune, à la destruction de son rapport et au versement au dossier de l'intégralité des notes du MPC en relation avec elle ainsi que de la correspondance qu'ils auraient pu échanger. Il requiert subsidiairement d'ordonner au MPC d'interpeller les autorités américaines pour savoir si G.______ fait l'objet d'une enquête pour violation d'un secret de fonction et de verser au dossier les notes personnelles de ce dernier ainsi que toute la correspondance que celui-ci aurait pu échanger avec elle, sous suite de frais et dépens.
H. Dans sa réponse du 9 février 2005, le MPC conclut au rejet de la plainte. Contestant la partialité de G.______, il soutient que de toute façon, à ce stade de l'enquête, la mise en œuvre de spécialistes ne constitue pas une désignation d'"experts judiciaires" au sens des articles 91 ss
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Les arguments avancés de part et d'autre au cours de la présente procédure seront repris dans les considérants en droit en tant que de besoin.
La Cour considère en droit:
1. A l’exemple de l’ancienne Chambre d’accusation du Tribunal fédéral, dissoute le 31 mars 2004, la Cour des plaintes examine d’office la recevabilité des plaintes qui lui sont adressées (ATF 122 IV 188 consid. 1 p. 190 et arrêts cités); en particulier, elle n’est pas liée par la dénomination de l’acte ou par l’autorité désignée comme compétente dans celui-ci.
1.1 Les opérations et les omissions du procureur général peuvent faire l’objet d’une plainte devant la Cour des plaintes en vertu des art. 214
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1.2 Dans son arrêt du 16 septembre 2004 (BK_B 094/04), la Cour des plaintes a admis que la lettre par laquelle le Procureur fédéral refusait de révoquer le mandat confié à un expert constitue une «opération» susceptible de faire l’objet d’une plainte au sens de l’art. 105bis al. 2
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1.3 Dans ses conclusions, le plaignant demande notamment le versement au dossier de la procédure pénale de toutes les notes internes du MPC en relation avec G.______. La décision attaquée ne fait aucune mention du refus du procureur de verser ces documents au dossier. En ce qui concerne les notes, c'est dans sa lettre adressée aux avocats du plaignant le 8 décembre 2004, et reçue par eux le lendemain, que le MPC indiquait qu'elles ne sont pas destinées au dossier et qu'elles ne leur seront jamais adressées (BB act 1.8). Dans ce courrier, il spécifiait que le prévenu pouvait recourir contre ce refus devant la Cour de céans. Cet acte, qui au vu du considérant 1.2 ci-dessus, était susceptible de faire l'objet d'une plainte, n'a pas été attaqué. Il ne saurait donc être remis en cause aujourd'hui. Sur ce point les conclusions du plaignant sont donc irrecevables.
1.4 Le plaignant sollicite également que la correspondance - y compris électronique - échangée entre le MPC et G.______ soit versée au dossier afin de pouvoir avoir une idée des entretiens ayant pu se dérouler entre ces derniers. Toutefois, il n'a jusqu'à présent jamais demandé expressément au MPC à avoir accès à cette correspondance. Il ne peut dès lors faire valoir cette requête pour la première fois devant l'autorité de céans alors que l'on ignore si le MPC lui refuse l'accès à ces documents, dont on ne sait d'ailleurs s'ils existent vraiment. De plus, la décision attaquée ne fait aucune mention de cet objet. Ainsi, cette conclusion doit-elle être, elle aussi, tenue pour irrecevable. Du reste, A.______ ayant reçu copie du mandat adressé à G.______ par le MPC (BB act 1.12), pièce spécifiant clairement ce en quoi consistait la mission confiée à cette dernière, on ne voit pas quels autres documents il pourrait exiger. Ce, d'autant que dans sa lettre du 8 décembre 2004 (BB act. 1.8), le MPC spécifiait vouloir lui communiquer, en même temps que le rapport établi par G.______, tous les documents officiels en lien avec ce mandat.
2. Le plaignant soutient que G.______ a été désignée en tant qu'expert au sens des articles 91 ss
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2.1 Les article 91 ss
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2.2 En l'espèce, la procédure en est au stade de l'enquête préliminaire. Ainsi, sur le principe, le MPC était-il autorisé à faire appel à une personne extérieure à ses services pour clarifier les liens du plaignant et de ses sociétés avec le monde du terrorisme. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient ce dernier, et au vu de la jurisprudence précitée, G.______ ne saurait être considérée comme une experte judiciaire. Enfin, on ne saurait remettre en cause le fait qu'elle ait eu accès à certaines pièces du dossier afin de pouvoir mener à bien le mandat lui ayant été confié.
3. Le plaignant demande la récusation de G.______ au motif qu'elle ne remplirait pas les garanties d'impartialité et d'indépendance nécessaires à assurer un mandat d'expert.
Selon l'art. 99
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4. A titre de conclusion subsidiaire, le plaignant requiert notamment d'ordonner au MPC d'interpeller les autorités de poursuite américaines afin de déterminer si G.______ fait effectivement l'objet d'une enquête pour de potentielles violations d'un secret de fonction. Le MPC s'y oppose; selon lui la démarche du plaignant ne vise qu'à la discréditer.
Dans la mesure où en l'espèce, les règles de la révocation ne s'appliquent pas à G.______, il y a lieu de se demander ce que les investigations requises par le plaignant pourraient amener à la présente affaire. Les accusations de violation du secret de fonction relatées par le plaignant, si elles sont avérées, ne sont pas intervenues dans le cadre de l'enquête menée en Suisse. Il n'y a donc pas lieu de donner suite au grief soulevé à cet égard par le plaignant.
5. La plainte est rejetée.
6. Selon l'art. 156 al. 1
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Par ces motifs, la Cour prononce:
1. La plainte en tant que recevable est rejetée.
2. Un émolument de Fr. 2'500.-- est mis à la charge du plaignant; il est compensé par l'avance de frais déjà versée.
Bellinzone, le 18 septembre 2007
Au nom de la Cour des plaintes
du Tribunal pénal fédéral
Le président: la greffière:
Distribution
- MMes Marc Bonnant, Carlo Lombardini, et Maurice Turrettini,
- Ministère public de la Confédération, 3003 Berne.
Indication des voies de recours
Cet arrêt n'est pas sujet à recours.