Bundesstrafgericht Tribunal pénal fédéral Tribunale penale federale Tribunal penal federal

Numéros de dossiers: BP.2010.62 - BP.2010.63 (Procédures principales: BB.2010.100 - BB.2010.101)

Arrêt du 3 novembre 2010 Ire Cour des plaintes

Composition

Les juges pénaux fédéraux Tito Ponti, président, Roy Garré et Patrick Robert-Nicoud , la greffière Claude-Fabienne Husson Albertoni

Parties

1. Mouvement citoyens genevois, c/o Monsieur Eric Stauffer, 1, rue des Grandes Portes, 1213 Onex, 2. Eric Stauffer, 1, rue des Grandes Portes, 1213 Onex, tous deux représentés par Me Soli Pardo, avocat, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4, requérants

contre

Ministère public de la Confédération, représenté par Laurence Boillat, Procureure fédérale suppléante de la Confédération, case postale, 3003 Berne, intimé

Objet

Effet suspensif (art. 218 PPF)

Vu:

- l’enquête de police judiciaire ouverte par le Ministère public de la Confédération (ci-après: MPC) le 22 octobre 2010 à l’encontre d’Eric Stauffer, président du Mouvement citoyens genevois (ci-après: MCG) pour outrages aux Etats étrangers (art. 296
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CP),

- la décision de séquestre provisoire rendue par le MPC le 22 octobre 2010 ordonnant:

« 1. Toute référence, sous forme de texte ou d’image, à M. Kadhafi et à l’Etat libyen ou un de ses représentants sur l’affiche établie en vue de la votation fédérale du 28 novembre 2010 doit être supprimée sur-le-champ par le MCG, représenté par son président Eric Stauffer.

2. Toute affiche qui continuerait d’être diffusée par le MCG sous quelque forme que ce soit, sans la suppression prévue au chiffre 1, est immédiatement séquestrée provisoirement au titre de mesure conservatoire à fin de sûreté.

3. La Société générale d’affichage supprime la photographie de M. Kadhafi sur toute affiche en sa possession et renonce à diffuser une affiche qui n’aurait pas été modifiée dans ce sens. »

- la plainte formée contre cette décision par le MCG et Eric Stauffer le 25 octobre 2010 concluant à l’annulation de cette dernière, sous suite de frais et dépens, l’effet suspensif devant être préalablement accordé à la plainte,

- les déterminations du MPC du 29 octobre 2010 concluant à ce que la demande d’effet suspensif déposée par le MCG soit déclarée irrecevable, faute de qualité pour agir, et rejetée pour celle d’Eric Stauffer,

- l’indication faite aux parties par le Président de l’autorité de céans le 26 octobre 2010 que « l’effet suspensif n’est pas octroyé à titre superprovisoire »,

Et considérant:

qu’aux termes des art. 214ss
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
PPF (applicables par renvoi de l'art. 105bis al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
PPF et en vertu de l'art. 28 al. 1 let. a
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
LTPF), il peut être porté plainte contre les opérations ou les omissions du MPC;

que lorsque la plainte concerne une opération du MPC, elle doit être déposée dans les cinq jours à compter de celui où le plaignant a eu connaissance de cette opération (art. 217
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
PPF);

que l'ordonnance attaquée date du 22 octobre 2010 de sorte que la demande d’effet suspensif exposée dans la plainte du 25 octobre 2010 l’a été en temps utile (art. 217
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
PPF);

que le droit de plainte - et à fortiori celui de demander l’effet suspensif - appartient aux parties, ainsi qu'à toute personne à qui l'opération ou l'omission a fait subir un préjudice illégitime (art. 214 al. 2
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
PPF);

que de jurisprudence constante, la légitimation pour se plaindre suppose l'existence d'un préjudice personnel et direct, l’atteinte portée à un tiers ne suffit en principe pas (JdT 2008 IV 66 no 301ss, p. 159 et références citées);

que dès lors, seule est recevable à se plaindre la personne qui est directement et personnellement lésée par une décision ou une mesure (arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2005.123 du 9 février 2005, consid. 1.4 et références citées) et qui a un intérêt digne de protection à agir, soit tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée que peut faire valoir une personne atteinte par cette dernière;

que l'intérêt digne de protection consiste en « l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait » (ATF 131 II 649 consid. 3.1 p. 651), le plaignant devant pouvoir se prévaloir d'un intérêt direct et concret, ou du moins se trouver dans un rapport particulier et spécialement étroit avec l'objet du litige (ATF 133 II 400 consid. 2.2 p. 404; 133 II 409 consid. 1.3 p. 413; 131 II 361 consid. 1.2 p. 365). Le recours d'un particulier formé dans l'intérêt général ou dans l'intérêt d'un tiers est exclu (ATF 133 II 468 consid. 1 p. 469 ss.; 131 II 649 consid. 3.1 p. 651);

qu’en l’espèce les plaignants sont d’une part le MCG et, d’autre part, Eric Stauffer,

que le MPC remet en cause la qualité pour agir du MCG considérant qu’en tant qu’association, elle ne saurait être, en tant que telle, immédiatement et personnellement touchée par la mesure querellée;

que selon ses statuts, le MCG est une association politique au sens des art. 60ss
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
CC dont le but est « de promouvoir une politique qui se situe hors du clivage traditionnel ‘’ droite - gauche ’’ et qui a pour fondement principal la défense du Citoyen Souverain et de la démocratie directe telle que garantie par la Constitution de la République et Canton de Genève. En outre, le MCG entend protéger et promouvoir la famille, cellule essentielle de toute société » (art. 2.1; act. 8.2);

qu’une association est habilitée à agir si elle défend ses propres intérêts juridiquement protégés, celle-ci, pas plus qu’un particulier ne pouvant se prévaloir de la défense d’intérêt public, principes s’appliquant également à un parti politique (ATF 123 I 41 consid. c ff p. 45);

qu’en l’espèce, il apparaît que c’est l’association MCG qui est directement atteinte dans sa liberté d’expression, telle que restreinte par la décision du MPC;

qu’à ce titre, contrairement à ce que soutient le MPC, elle est bien habilitée à se plaindre de la décision attaquée et à demander l’octroi de l’effet suspensif;

qu’en ce qui concerne Eric Stauffer, il est inculpé dans la procédure concernée;

que cependant, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser que si un inculpé est indirectement lésé par une mesure contestée, il ne peut se voir reconnaître la qualité pour agir (arrêts du Tribunal pénal fédéral BB.2009.33 du 30 septembre 2009 consid. 1.5.1; BK_B 064/04a du 30 juillet 2004 consid. 1.2 et 1.3; BK_B 071/04 du 12 octobre 2004 consid. 1);

que le plaignant invoque souffrir d’un préjudice important porté à ses droits fondamentaux, sans cependant préciser lequel;

qu’en particulier, la mesure querellée ne le prive pas, en tant que particulier, de la possibilité de s’exprimer;

qu’on ne saurait donc voir dans la suppression de toute référence, sous forme de texte ou d’image à M. Kadhafi et à l’Etat libyen ou un de ses représentants sur l’affiche établie par le MCG telle qu’ordonnée par le MPC, une lésion personnelle et directe à l’encontre des intérêts du plaignant;

qu’en conséquence, il faut admettre qu’il n’a en l’espèce pas la qualité pour agir en tant que particulier;

que dès lors, en ce qui concerne Eric Stauffer, la plainte, ainsi que la demande d’effet suspensif doivent être déclarées irrecevables;

que, selon l'art. 218 PPF, la plainte ne suspend l'exécution de la décision entreprise que si la Cour des plaintes ou son président l'ordonne;

que le but premier d'une telle mesure est le maintien d'un état qui garantit l'efficacité de la décision ultérieure, quel que soit son contenu;

que l'octroi ou le refus de l'effet suspensif dépend de la pesée des intérêts en présence et doit être fonction de chaque cas d'espèce (ATF 107 Ia 269 consid. 1 p. 270);

que le plaignant doit démontrer qu'il est sur le point de subir un préjudice important et irréparable lié à l'absence d'effet suspensif (JdT 2008 IV 66; no 312 p. 161);

qu'en l'espèce, le MCG soutient que « le fait de voir son affiche amputée d’une de ses parties dans une campagne électorale ne durant que quelques jours privera des milliers de citoyens de la possibilité de la voir complète et d’être ainsi informés »;

que, ce faisant, le plaignant ne démontre pas le caractère important et irréparable de l'éventuel préjudice qu'il subirait personnellement du fait de l'absence d'effet suspensif;

qu’il n’invoque en effet que les intérêts des citoyens genevois, soit de tiers;

qu'en tout état de cause, l'octroi de l'effet suspensif ne saurait avoir pour conséquence de compromettre l'efficacité de la mesure ordonnée, pour peu que celle-ci, comme c'est le cas en l'espèce, ne soit pas d'emblée injustifiée (Bösch, Die Anklagekammer des Schweizerischen Bundesgerichts [Aufgaben und Verfahren], thèse, Zurich 1978, p. 87);

qu’en l’occurrence, autoriser la publication de l’affiche dans son intégralité aurait pour conséquence de vider la mesure querellée de sa substance;

que la requête d'effet suspensif doit ainsi être rejetée;

que les frais de la présente ordonnance seront réglés conjointement avec ceux de la décision au fond.

Par ces motifs, la Ire Cour des plaintes prononce:

1. Dans la mesure où elle est recevable, la demande d’effet suspensif est rejetée.

2. Les frais de la présente ordonnance seront réglés conjointement avec ceux de la décision au fond.

Bellinzone, le 3 novembre 2010

Au nom de la Ire Cour des plaintes

du Tribunal pénal fédéral

Le président: La greffière:

Distribution

- Me Soli Pardo, avocat, rue Prévost-Martin 5, case postale 60, 1211 Genève 4

- Ministère public de la Confédération, à l’att. de Laurence Boillat, Procureure fédérale suppléante de la Confédération, case postale, 3003 Berne

Indication des voies de recours

Il n'existe pas de voie de recours ordinaire contre cette arrêt.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : BP.2010.62
Date : 03 novembre 2010
Publié : 16 novembre 2010
Source : Tribunal pénal fédéral
Statut : Non publié
Domaine : Cour des plaintes: procédure pénale
Objet : Effet suspensif (art. 218 PPF).


Répertoire des lois
CC: 60__
CP: 296
SR 311.0 Code pénal suisse du 21 décembre 1937
CP Art. 296 - Quiconque, publiquement, outrage un État étranger dans la personne de son chef, dans son gouvernement ou dans la personne d'un de ses agents diplomatiques ou d'un de ses délégués officiels à une conférence diplomatique siégeant en Suisse ou d'un de ses représentants officiels au sein d'une institution interétatique ou de son organisation établie ou siégeant en Suisse, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
LTPF: 28
PPF: 105bis  214  214__  217  218
Répertoire ATF
107-IA-269 • 123-I-41 • 131-II-361 • 131-II-649 • 133-II-400 • 133-II-409 • 133-II-468
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
affiche • attribution de l'effet suspensif • campagne électorale • case postale • cour des plaintes • droit fondamental • décision • effet suspensif • forme et contenu • information • intérêt digne de protection • intérêt juridique • intérêt public • liberté d'expression • légitimation active et passive • objet du litige • parti politique • photographe • plaignant • police judiciaire • prolongation • provisoire • tribunal pénal fédéral • vue
Décisions TPF
BK_B_064/04a • BB.2009.33 • BK_B_071/04 • BP.2010.63 • BP.2010.62 • BB.2010.100 • BB.2005.123 • BB.2010.101
JdT
2008 IV 66