S. 126 / Nr. 21 Markenschutz (f)

BGE 73 II 126

21. Arrêt de la Ire Cour civile du 17 juin 1947 dans la cause Davidoff & Cie
contre Caisse autonome de gestion des bons de la défense nationale,
d'exploitation industrielle des tabacs et d'amortissement de la dette
publique.

Regeste:
Portée de l'enregistrement international d'une marque opéré sur la base d'un
dépôt fait à l'étranger. Art. 7 LMF, 5 de l'Arrangement de Madrid, 6 de la
Convention d'Union de Paris (consid. 1).
Cas dans lesquels une indication de provenance peut être utilisée comme
marque. Validité d'une marque constituée par une indication de provenance
(«cigarettes françaises») lorsque la fabrication et la vente du produit auquel
elle se rapporte font l'objet d'un monopole au profit du titulaire de la
marque (consid. 2).
Faculté pour le demandeur d'invoquer concurremment les dispositions de la loi
sur les marques de fabrique et celles de la loi sur la concurrence déloyale
(consid. 8).
Tragweite der Eintragung einer ausländischen Marke im internationalen
Markenregister. Art. 7 MSchG, Art. 5 des Madrider Abkommens, Art. 6 der
Pariser Verbandsübereinkunft (Erw. 1).
Zulässigkeit der Verwendung einer Herkunftsbezeichnung als Marke. Gültigkeit
einer durch eine Herkunftsbezeichnung («cigarettes françaises») gebildeten
Marke, wenn Fabrikation und Verkauf der damit bezeichneten Ware Gegenstand
eines Monopolrechtes zu Gunsten des Markeninhabers sind (Erw. 2).
Befugnis des Klägers, die Vorschriften des MSchG und des UWG kumulativ
anzurufen (Erw. 8).
Portata dell'iscrizione d'una marca estera nel registro internazionale delle
marche. Art. 7 LMF. art. 5
SR 414.110.12 Convention du 1er/31 mars 1909 entre le Conseil fédéral suisse et le Conseil d'Etat de Zurich au sujet du partage des pièces qui constituent le musée commun de paléontologie
Art. 5 - Aussi longtemps que les chaires d'histoire naturelle n'auront pas été séparées, le principe de répartition, tel qu'il ressort de la présente convention, devra être observé à l'occasion de toute pièce faisant l'objet d'un nouvel achat ou d'un don accepté.
dell'Accordo di

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Madrid, art. 6 della Convenzione d'Unione di Parigi (consid. 1).
Casi in cui è ammissibile come marea l'uso d'un'indicazione di provenienza.
Validità d'una marca costituita da un'indicazione di provenienza («cigarettes
françaises»), quando la fabbricazione e la vendita del prodotto cui essa si
riferisce sono l'oggetto d'un monopolio a favore del titolare della marca
(consid. 2).
Facoltà dell'attore d'invocare cumulativamente le disposizioni della legge
sulle marche di fabbrica e quelle della logge sulla concorrenza sleale
(consid. 8).

A. ­ Le monopole des tabacs existe en France depuis le décret-loi du 29
décembre 1810. Il s'applique à l'achat, à la fabrication et à la vente.
L'exploitation du monopole a été confiée par une loi du 7 août 1926 à la
«Caisse autonome de gestion des bons de la défense nationale, d'exploitation
industrielle des tabacs et d'amortissement de la dette publique ',,
établissement public jouissant de la personnalité civile et de l'autonomie
financière (désigné ci-dessous en abrégé: la Caisse).
Le 9 juillet 1930, le «Service d'exploitation industrielle des tabacs» ayant
son siège au Ministère des Finances à Paris (désigné ci-dessous en abrégé: le
SEITA) a fait enregistrer en France sous le no 167.117 une marque représentant
un emballage avec les inscriptions: «20 Cigarettes françaises no 50, douces et
aromatiques», et, sur les côtés: «Manufacture de l'Etat, France, Série D. no
3, Contributions indirectes, Cigarettes».
Cette marque a été enregistrée au Bureau international pour la protection de
la propriété industrielle le 17 octobre 1930 sous le no 71.920, en faveur du
SEITA.
Le 9 juillet 1930 le SEITA a fait en outre enregistrer en France 8 autres
marques (nos 167.108, 167.109, 167.111, 167.113, 167.114, 167.115, 167.119,
167.124), les sept premières pour des cigarettes, la dernière pour du tabac.
Elles comportent toutes le mot «caporal» (caporal ordinaire, caporal supérieur
ou caporal doux). Les marques 167.114 et 167.115 renferment entre autres la
mention «vente en Suisse».
Toutes ces marques ont été enregistrées au Bureau international le 17 octobre
1930 en faveur du SEITA sous

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les nos 71.911, 71.912, 71.914, 71.916, 71.917, 71.918, 71.922, 71.927.
B. ­ Par convention du 9 juillet 1937, passée entre le SEITA et la Société
anonyme Rinsoz & Cie et Ormond, fabrique de cigares, tabacs et cigarettes à
Vevey, celle-ci s'est engagée à fabriquer des cigarettes «pour le compte de la
Régie française des tabacs», notamment des cigarettes des modules «Boyards» et
«Françaises». Il était convenu entre les parties que la composition de ces
cigarettes serait fixée par le SEITA et communiquée à la Société Rinsoz & Cie
et Ormond.
Le même jour, le directeur général du SEITA a pris un arrêté conférant à la
Société Rinsoz & Cie et Ormond le titre d'«agent spécial du SEITA pour la
vente en Suisse des produits fabriqués en Suisse par la Régie française et des
produits fabriqués importés en Suisse...» pour une période de sept années,
commençant le 1er juillet 1937 et prenant fin le 30 juin 1944. La Société a
conservé cette qualité après cette date. Elle fabrique, avec des tabacs en
feuilles qui lui sont fournis par la Régie française et selon la composition
fixée par celle-ci, tous les produits de la Régie destinés au marché suisse.
Les cigarettes de la Régie sont fabriquées avec du tabac français mélangé à du
tabac américain (Maryland, Kentucky et Virginie). Les tabacs résultant de ce
mélange sont brun foncé, plus forts et plus rudes que les tabacs d'Orient.
C. ­ La maison Davidoff & Cie, qui n'était à l'origine qu'un marchand de
cigarettes au détail, s'est mise à en fabriquer. Elle se contenta d'abord de
vendre ses produits dans ses magasins, puis finit par les vendre à d'autres
détaillants. A partir de 1936, elle a mis en vente une partie de ses
cigarettes sous la dénomination «La Française». Elle se sert également sur une
partie des emballages destinés à la vente des cigarettes a La Française» du
mot «Caporal». Entre autres emballages de ces cigarettes, elle utilise une
boîte à tiroir, de couleur grise, bordée d'un liséré blanc et portant sur
l'une des faces, en médaillon,

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la tête d'un officier colonial français entourée d'un cercle blanc.
D. ­ Par exploit du 13 avril 1945, la Caisse a assigné Davidoff & Cie devant
la Cour de justice civile de Genève aux fins d'ouïr celle-ci:
leur faire défense de faire usage de la marque «La Française»,
ordonner la destruction de toutes les cigarettes et de tous les emballages
portant la marque «La Française»,
les condamner à payer à la Caisse, avec intérêt à 5%, dès le 13 avril 1945, la
somme de 25 000 fr. à titre de dommages-intérêts,
ordonner la publication à leurs frais du dispositif de l'arrêt à intervenir
dans la Feuille officielle suisse du commerce et dans le journal «Le Tabac»,
et les condamner en tous les dépens.
La Caisse reprochait en résumé à Davidoff & Cie d'imiter sa marque «Cigarettes
françaises» et de se servir d'une fausse indication de provenance,
contraventions prévues par l'art. 24
SR 414.110.12 Convention du 1er/31 mars 1909 entre le Conseil fédéral suisse et le Conseil d'Etat de Zurich au sujet du partage des pièces qui constituent le musée commun de paléontologie
Art. 5 - Aussi longtemps que les chaires d'histoire naturelle n'auront pas été séparées, le principe de répartition, tel qu'il ressort de la présente convention, devra être observé à l'occasion de toute pièce faisant l'objet d'un nouvel achat ou d'un don accepté.
de la loi fédérale sur les marques du 26
novembre 1890 modifiée par celles du 21 décembre 1928 et du 22 juin 1939 (LMF)
ainsi que d'user de procédés constituant de la concurrence déloyale (art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48

CO et 1er ch. 2 lettres b et d de la loi fédérale du 30 septembre 1943 sur la
concurrence déloyale (LCD).
E. ­ Davidoff & Cie ont conclu à ce qu'il plaise à la Cour «déclarer
l'instance irrecevable et en tout cas mal fondée, débouter la demanderesse de
toutes ses conclusions et la condamner en tous les dépens, déclarer nulle et
de nul effet la marque internationale no 71.920 du 17 octobre 1930, en ce qui
concerne la Suisse; en ordonner la radiation et en tant que de besoin au
Bureau international de la propriété intellectuelle à Berna pour ce qui
concerne la Suisse; si mieux n'aime la Cour ordonner la radiation de ladite
marque pour non usage en vertu de l'art. 9
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
LMF».
Les moyens invoqués par les défendeurs peuvent se résumer de la manière
suivante: La marque no 71.920 n'a

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pas été déposée par la Caisse demanderesse mais par SEITA qui n'avait pas
qualité pour le faire, n'ayant pas la personnalité juridique. Au surplus, le
SEITA n'est pas demandeur. La marque n'est pas valable parce que générique. La
réclamation de la Caisse est tardive, la fabrication de la cigarette «La
Française» par Davidoff & Cie remontant à 1936. Elle se heurte en outre à
l'enregistrement de la marque «La Française» par la Direction des douanes
fédérales, en application de l'ACF sur l'importation du tabac, du 27 décembre
1937. Il n'y a pas fausse indication de provenance, étant donné que
l'expression «Cigarettes françaises» désigne le genre du tabac et non sa
provenance; au reste les produits de la Régie française destinés à la Suisse
ne sont pas fabriqués en France, mais en Suisse, à Vevey. Les dispositions de
la loi sur la concurrence déloyale ne peuvent pas être invoquées
cumulativement avec celles de la loi sur les marques de fabrique. La
comparaison des emballages démontre qu'aucune confusion n'est possible pour
l'acheteur: ceux des défendeurs portent tous le nom et l'adresse de ceux-ci.
Le mot «caporal» est l'appellation habituelle d'un tabac noir et fort. La
Caisse ne faisant pas d'affaires en Suisse ne peut souffrir de dommage. La
marque ne saurait être dépréciée, car la qualité des cigarettes Davidoff n'est
pas inférieure à celle des cigarettes de la Régie française.
La Caisse a conclu au rejet des conclusions reconventionnelles de Davidoff &
Cie
F. ­ Par arrêt du 17 janvier 1947, la Cour de justice civile
a déclaré la demande recevable,
fait défense à Davidoff & Cie d'utiliser la marque «La Française» pour la
vente de leurs cigarettes,
condamné Davidoff & Cie à payer à la Caisse la somme de 8000 fr. à titre de
dommages-intérêts, avec intérêt à 5 % dès le 13 avril 1945, ainsi que celle de
1000 fr. pour indemnité judiciaire, sans intérêt,
ordonné: 1° la destruction des cigarettes et des emballages portant la marque
«La Française»,

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2° la publication du dispositif du jugement dans la Feuille officielle suisse
du commerce et le journal «Le Tabac» à deux reprises et aux frais de Davidoff
& Cie, ce par les soins de la Caisse et à condition que chacune des insertions
n'excède pas 100 fr.,
et condamné Davidoff & Cie aux dépens.
G. ­ Davidoff & Cie ont recouru en réforrme en reprenant leurs conclusions
libératoires et reconventionnelles.
La Caisse a formé un recours joint, en concluant à ce que l'indemnité allouée
par la Cour fût portée à 25 000 fr. avec intérêt à 5% du 13 avril 1945,
modération de justice réservée.
Le Tribunal fédéral a rejeté les deux recours.
Extrait des motifs:
1. ­ C'est avec raison que la Cour de justice a jugé que la question du statut
juridique de la Caisse et du SEITA et celle de leurs rapports relèvent du
droit français. Le Tribunal fédéral n'est donc pas compétent pour les revoir
et doit ainsi tenir pour constant, d'une part, que la Caisse possède la
personnalité juridique, tandis que le SEITA ne la possède pas, et, d'autre
part, que le SEITA dépend de la Caisse et qu'en faisant enregistrer la marque
internationale no 71.920, il a agi comme représentant de la Caisse,
l'enregistrement des marques rentrant d'ailleurs dans ses attributions.
Davidoff & Cie soutiennent toutefois qu'en admettant même que l'enregistrement
de la marque au nom du SEITA ait été régulier au regard du droit français, le
SEITA ne saurait cependant se prévaloir de la marque en Suisse, l'art. 7 LMF
exigeant sous peine de nullité que l'auteur de l'enregistrement possède la
personnalité juridique.
C'est à tort que la Caisse objecte que l'art. 7 LMF n'est pas applicable en
l'espèce du moment qu'il s'agit d'une marque ayant fait l'objet d'un
enregistrement international sur la base d'un dépôt en France. L'art. 5 de
l'Arrangement de Madrid dispose ce qui suit: «Dans les pays où leur
législation les:y autorise, les administrations auxquelles

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le Bureau international notifiera l'enregistrement d'une marque auront la
faculté de déclarer que la protection ne peut être accordée à cette marque. Un
tel refus ne pourra être opposé que dans les conditions qui s'appliqueraient,
en vertu de la Convention générale, à une marque déposée à l'enregistrement
national». Il y a là un renvoi à l'art. 6 de la Convention d'Union, d'après
lequel «toute marque de fabrique ou de commerce régulièrement enregistrée dans
le pays d'origine sera admise au dépôt et protégée telle quelle dans les
autres pays de l'Union», sous les réserves énumérées dans la Convention
elle-même. S'inspirant du chiffre 4 du Protocole final de la Convention
d'Union, le Tribunal fédéral a toujours interprété l'art. 6 de cette
convention en ce sens qu'il ne se rapporte qu'à la forme extérieure de la
marque et de son dépôt, tandis que les questions de fond, telles que celles de
l'imitation, de la priorité, restent soumises à la législation de l'Etat dans
lequel la protection est requise (RO 36 II 448, 39 II 359;, 52 II 304, 53 II
355
etc.). Or la question de savoir qui est en droit de faire enregistrer une
marque est également une question de fond, car elle a trait précisément aux
conditions dans lesquelles une marque est susceptible de bénéficier de la
protection légale...
2. ­ Davidoff & Cie persistent à contester que les termes «cigarettes
françaises» puissent constituer une marque valable, ces mots étant ­
disent-ils ­ génériques et dépourvus de toute originalité.
La question de savoir si la protection doit être refusée à, une marque à
raison du caractère générique des mots qui la composent ou du fait qu'ils
seraient tombés dans le domaine public se pose, il est vrai, aussi bien pour
les marques internationales que pour les marques suisses (RO 36 II 433, 55 I
267
, 56 I 48, 63 I 92, 68 I 204, 72 I 239; cf. MATTER p. 59).
a) Il est exact que le mot «cigarettes» et le mot «françaises» n'ont pas
d'originalité en soi. Ils ne sauraient, en d'autres circonstances que celles
de l'espèce,

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constituer une marque valable. En effet, une indication de provenance ne peut,
en règle générale, être monopolisée; elle est la propriété commune de tous les
producteurs de la même localité (art. 18
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
LMF; RO 43 II 96, 72 I 240), et le
nom d'un pays, pas plus que celui d'une localité, ne peut en principe servir à
lui seul de marque (RO 55 II 271 et 72 I 240). Ce principe souffre toutefois
des exceptions (RO 55 I 271), et il en est ainsi notamment lorsque la localité
dont le nom est employé comme marque est la propriété exclusive du titulaire
de la marque (cf. en ce qui concerne le droit italien, GHIRON, Diritto
industriale II p 35). En pareil cas, le producteur jouit d'un monopole de fait
et aucun autre producteur ne peut par conséquent être lésé du fait de ne pas
pouvoir se servir du même nom pour marquer ses propres produits. Employé par
tout autre producteur que le propriétaire de la localité, ce nom constituerait
une marque déceptive et par conséquent nulle. Or la situation est exactement
la même lorsqu'on est en présence non plus d'un monopole de fait mais d'un
monopole de droit. Lors donc que dans un pays comme la France l'achat, la
fabrication et la vente des tabacs font l'objet d'un monopole, les mots
désignant ce pays, tels que «de France» ou «française» ajoutés aux mots
«cigarettes» ou «tabac», ne sauraient par définition même constituer un bien
commun; ils doivent être considérés comme la propriété exclusive du
bénéficiaire du monopole, c'est-à-dire de l'Etat.
Peu importe qu'il n'y ait pas de monopole du tabac en Suisse. Tenir compte de
l'existence du monopole des tabacs en France n'équivaut pas à reconnaître que
le droit français puisse à cet égard étendre son empire hors du territoire de
cet Etat, comme paraît le croire le jugement du Tribunal de commerce de
Bruxelles, du 23 mai 1908, cité par Davidoff & Cie, c'est admettre simplement
comme un fait la situation créée par l'application de la loi française en
France.
...........................................................

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8. ­ La Caisse a également reproché à Davidoff & Cie des actes de concurrence
déloyale tombant sous le coup de l'art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
CO, pour autant qu'ils ont été
commis avant le 1er mars 1945, et sous le coup de l'art. 1er
SR 241 Loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (LCD)
LCD Art. 1 - La présente loi vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée.
de la loi
fédérale sur la concurrence déloyale du 30 septembre 1943 (LCD), pour autant
qu'ils l'ont été depuis le 1er mars 1945.
Les rapports entre l'art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
CO et les lois spéciales sur la protection de la
propriété industrielle ont donné lieu à une série d'arrêts. Pour ce qui est en
particulier de la loi sur les marques de fabrique, il a été jugé que ses
dispositions n'excluaient celles du droit commun sur la responsabilité
dérivant des actes illicites que «pour autant qu'elles règlent complètement
(erschöpfend) la matière et accordent à l'intéressé une protection plus forte
que ne le fait le droit commun ­ les actes qui ne sont pas interdits par la
loi spéciale mais qui sont analogues aux faits qu'elle réprime et présentent
les caractères des actes illicites dans le sens des art. 41
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 41 - 1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
1    Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
2    Celui qui cause intentionnellement un dommage à autrui par des faits contraires aux moeurs est également tenu de le réparer.
et suiv. CO
demeurant toutefois susceptibles d'être réprimés en vertu de ces dispositions»
(RO 54 II 63; dans le même sens: 50 II 201, 55 II 253, 60 II 255 /256). Le
Tribunal fédéral a estimé en conséquence que l'art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
CO réprimait tout usage
illicite d'une marque enregistrée et de nature à créer une confusion qui ne
consistait pas dans sa reproduction sur la marchandise, sur son emballage ou
sur des écriteaux placés sur la marchandise (cas visés par la loi sur les
marques) mais bien dans son emploi dans des catalogues, prix courants,
réclames ou en-têtes de lettres commerciales (RO 60 II 256).
Cette jurisprudence a donné lieu à de nombreuses critiques (cf. A. WIELAND,
Unerfreuliches und Unpraktisches aus dem Schweizerischen Warenzeichenrecht,
dans S.J.Z. 22 p. 211; FERRUCCIO BOLLA, Protezione dei marchi e concorrenza
sleale in diritto svizzero, p. 49 à 54; RUDOLF PFISTER, Untersuchungen über
das Verhältnis der Grundsätze über den unlauteren Wettbewerb zu den
Bestimmungen der gewerblichen Spezialgesetze, p. 46 et 47,

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cf. également MATTER, loc. cit. p. 31 et suiv. 257 et suiv., DAVID, loc. cit.
p. 50 et suiv., qui tout en se ralliant à la jurisprudence du Tribunal fédéral
proposent cependant de l'amender sur certains points).
Quoi qu'il en soit des rapports de la loi sur les marques avec l'art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
CO,
actuellement abrogé, il faut convenir que cette jurisprudence ne peut plus
être maintenue en ce qui concerne les rapports de la loi sur les marques avec
la loi du 30 septembre 1943 sur la concurrence déloyale. Elle procédait en
effet d'un principe qui a en tout cas cessé d'être vrai, à savoir que la loi
sur les marques, lex specialis, assurait au titulaire d'une marque une
protection plus étendue et plus efficace que les règles applicables en matière
de concurrence déloyale, considérées comme lex generalis. Actuellement, la
protection découlant de la loi sur la concurrence déloyale est, même sur
certains points, plus étendue et plus efficace que celle qui résulte de la loi
sur les marques. Sans parler des dispositions de caractère pénal, il suffit à
cet égard de rappeler qu'elle donne l'action en suppression de l'état de fait
résultant de l'acte illicite (art. 2 al. 1
SR 414.110.12 Convention du 1er/31 mars 1909 entre le Conseil fédéral suisse et le Conseil d'Etat de Zurich au sujet du partage des pièces qui constituent le musée commun de paléontologie
Art. 2 - Toutes les autres pièces des collections communes de paléontologie deviennent la propriété de l'Ecole polytechnique.
lettre c) et la possibilité
d'obtenir la publication du jugement (art. 6) indépendamment de toute faute,
alors que d'après la loi sur les marques, la suppression de cet état de fait
et la publication du jugement sont simplement des modes de réparation du
dommage, réparation qui suppose une faute (art. 41
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 41 - 1 Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
1    Celui qui cause, d'une manière illicite, un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenu de le réparer.
2    Celui qui cause intentionnellement un dommage à autrui par des faits contraires aux moeurs est également tenu de le réparer.
CO). D'autre part, la loi
sur la concurrence déloyale permet, lorsque l'acte de concurrence déloyale est
commis par un employé, d'intenter contre l'employeur les actions prévues à
l'art. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 2 - 1 Si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, lors même que des points secondaires ont été réservés.
1    Si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, lors même que des points secondaires ont été réservés.
2    À défaut d'accord sur les points secondaires, le juge les règle en tenant compte de la nature de l'affaire.
3    Sont réservées les dispositions qui régissent la forme des contrats.
, 1er
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 1 - 1 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.
1    Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté.
2    Cette manifestation peut être expresse ou tacite.
alinéa, lettres a, b et c, sans que l'employeur puisse apporter
la preuve libératoire de l'art. 65 al. 1
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 65 - 1 Le défendeur a droit au remboursement de ses impenses nécessaires ou utiles; néanmoins, s'il était déjà de mauvaise foi lors de la réception, les impenses utiles ne lui sont remboursées que jusqu'à concurrence de la plus-value existant encore au moment de la restitution.
1    Le défendeur a droit au remboursement de ses impenses nécessaires ou utiles; néanmoins, s'il était déjà de mauvaise foi lors de la réception, les impenses utiles ne lui sont remboursées que jusqu'à concurrence de la plus-value existant encore au moment de la restitution.
2    Les autres impenses ne lui donnent droit à aucune indemnité, mais il a la faculté d'enlever, avant toute restitution, ce qu'il a uni à la chose et qui en peut être séparé sans dommage pour elle, si le demandeur ne lui offre la contre-valeur de ses impenses.
CO, alors que cela lui est possible
en matière d'infractions à la loi sur les marques. Sur d'autres points, il est
vrai, cette dernière assure une protection plus efficace et étendue: Ainsi en
est-il du monopole dont bénéficie le titulaire de la marque et des
présomptions qui en découlent, notamment celle de l'art. 6 (cf. GERMANN
Concurrence

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déloyale, p. 342 et 343 et PFISTER, OP. cit. p. 47). Il n'y a donc aucune
raison de dénier au lésé la faculté d'invoquer la loi sur la concurrence
déloyale concurremment avec la loi sur les marques de fabrique et de fonder sa
demande sur celle qui, dans la situation donnée, lui paraîtra la plus propre à
lui procurer le résultat désiré (même solution en droit français, cf.
ALEXANDROFF, Traité théorique et pratique des marques et de la concurrence
déloyale, tome I nos 31 et suiv., et en droit allemand, cf. ROSENTHAL,
Kommentar, 4e éd. p. 31). Il va de soi cependant que le titulaire de la
marque, de même du reste que celui d'un autre droit de propriété industrielle,
ne saurait invoquer la loi sur la concurrence déloyale pour éluder les
dispositions des lois sur la propriété industrielle, notamment celles qui
limitent dans le temps les droits qu'elles confèrent; la protection spéciale
accordée par les lois sur les marques, les brevets et autres droits
industriels reste naturellement subordonnée aux conditions particulières
qu'elles prévoient (RO 57 II 458).
En vertu de ce qui précède, on doit ainsi considérer comme contraire à la loi
sur la concurrence déloyale (art. 1er al. 2 lettres b et d) l'emploi à titre
de marque de la dénomination «La Française» dès le 1er mars 1945. Quant à
l'emploi de cette dénomination à un autre titre qu'à celui de marque, il était
illicite soit avant cette date, soit après; en tant qu'il s'agit de l'époque
antérieure au 1er mars, il constituait un acte réprimé par l'art. 48
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 48
CO, et en
tant qu'il s'agit de la période postérieure, il constituait une infraction à
l'art. 1er al. 2 lettres b et d de la loi sur la concurrence déloyale.
Vgl. auch Nr. 18. ­ Voir aussi no 18.