S. 19 / Nr. 3 Handels- und Gewerbefreiheit (f)

BGE 66 I 19

3. Arrêt du 19 janvier 1940 dans la cause Schneiter et S.I. Clair-Matin contre
Genève.

Regeste:
Police des constructions.
L'interdiction d'installer dans un immeuble de nouveaux magasins uniquement en
raison de l'existence dans le voisinage de magasins du même genre sort du
pouvoir de police des cantons et viole de ce fait l'art. 31 CF.
Les restrictions de police au droit de construire ne sont d'ailleurs pas non
plus conciliables avec cette disposition si le but qu'elles se proposent
pourrait aussi bien être atteint par des mesures qui n'entraveraient pas ou
entraveraient moins les citoyens dans l'exercice de leur profession ou de leur
industrie.
Baupolizei.
Die kantonale Baupolizei überschreitet ihre Befugnisse und verletzt Art. 31
BV, wenn sie die Errichtung eines neuen Geschäftes auf einer Liegenschaft nur
deswegen verbietet, weil sich in der Nachbarschaft bereits Verkaufsläden
derselben Art befinden.

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Baupolizeiliche Beschränkungen sind übrigens mit Art. 31 BV nicht vereinbar,
wenn der von ihnen erstrebte Zweck sich in gleicher Weise durch Massnahmen
erreichen lässt, die den Bürger in der Ausübung seines Berufes oder Gewerbes
nicht oder nicht in gleichem Grade einschränken.
Polizia edilizia
Il divieto di istallare in uno stabile negozi unicamente pel fatto che
esistono nelle vicinanze negozi del medesimo genere esorbita dalle competenze
dei cantoni in materia di polizia e viola quindi l'art. 31 CF.
Le restrizioni previste dalla polizia edilizia non sono del resto conciliabili
con l'art. 31 CF se lo scopo che si prefiggono potrebbe essere raggiunto con
provvedimenti che non ostacolerebbero o ostacolerebbero in minor grado
l'esercizio di una professione o di un'industria da parte dei cittadini.

A. ­ Aux termes de l'art. 3 al. 1er de la loi genevoise sur les constructions
et les installations (LCI), «le Département des travaux publics peut interdire
ou n'autoriser que sous réserve de modification toute nouvelle construction
qui, soit par ses dimensions, soit par sa situation, soit par son aspect
extérieur, peut nuire au caractère ou à l'intérêt d'un quartier, d'une rue ou
d'un chemin, d'un site naturel ou de points de vue accessibles au public».
Une loi du 10 octobre 1936 concernant l'établissement d'arcades commerciales
(terme usité à Genève pour désigner des locaux commerciaux donnant directement
sur la rue) contient les dispositions suivantes:
«Article premier. ­ En complément de l'art. 3 de la loi sur les constructions
et installations diverses, du 9 mars 1929, modifiée les 4 mai 1933 et 2 juin
1934, le Département des travaux publics interdira l'établissement d'arcades
commerciales dans de nouvelles constructions ou la transformation d'anciennes
constructions en vue de l'établissement de nouvelles arcades commerciales,
dans le cas où des raisons d'esthétique s'opposeraient à ces constructions ou
transformations ou si, en raison des locaux commerciaux existant dans le
voisinage, il ne convient pas d'en autoriser de nouveaux. Avant de donner
toute autorisation pour la construction de locaux commerciaux, il demandera le
préavis des communes intéressées,

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du Département du commerce et de l'industrie et des associations de
commerçants.
«Art. 2. ­ Les reconstructions de quartiers ne sont pas soumises aux présentes
dispositions; cependant, il devra être tenu compte, dans l'établissement des
plans d'aménagement de la situation du commerce à Genève et du préavis des
associations de commerçants. ­ La présente loi portera ses effets jusqu'au 31
décembre 1939 et pourra être prorogée par le Grand Conseil.»
Le 12 juillet 1939, le Grand Conseil a adopté une loi progogeant jusqu'au 31
décembre 1942 la loi du 10 octobre 1936 et a prévu la possibilité d'une
nouvelle prorogation après cette date. Aucune demande de referendum n'ayant
été formulée, le Conseil d'Etat a, le 23 août 1939, promulgué la loi du 12
juillet 1939.
B. ­ La S.I. Clair-Matin B avait obtenu le 2 février 1939 l'autorisation de
construire au Chemin de Contamines no 19 un immeuble locatif ne comprenant que
des appartements. Mais, dans une requête du 27 février 1939, elle demanda la
permission de transformer en magasin l'une des pièces d'un appartement du
rez-de-chaussée. Elle exposait que cette transformation lui avait été demandée
par Dlle Schneiter, à laquelle elle avait loué l'appartement en question. La
locataire se proposait d'exploiter dans ce magasin un commerce de tabacs,
papeterie et journaux.
Sur préavis défavorable du Département du commerce et de l'industrie et de la
Fédération genevoise des sociétés de détaillants, le Département des travaux
publics refusa d'autoriser la transformation projetée. Les recours de la S.I.
Clair-Matin contre cette décision furent successivement rejetés par la
Commission de recours instituée par la LCI et par le Conseil d'Etat.
C. ­ La S. I. Clair-Matin B, d'une part, et Dlle Schneiter, d'autre part, ont
adressé au Tribunal fédéral deux recours de droit public tendant à
l'annulation de la loi genevoise du 12 juillet 1939 qui prorogeait celle du 10
octobre 1936 concernant l'établissement d'arcades commerciales. Pour

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les recourants, la loi attaquée est contraire à l'art. 31 CF, car elle permet
d'interdire l'établissement de nouvelles arcades commerciales afin de protéger
les commerçants installés dans le voisinage. La genèse de la loi montre
qu'elle a été édictée pour des motifs d'économie publique. Son but est de
venir en aide au petit commerce en limitant le nombre des exploitations. Elle
tend ainsi à favoriser certaines classes de citoyens au préjudice d'autres
classes.
D. ­ L'Etat de Genève a conclu à l'irrecevabilité et subsidiairement au rejet
du recours. Il présente en résumé les observations suivantes:
La loi attaquée constitue un simple complément momentané de la LCI, dont la
constitutionnalité n'a jamais été discutée. Elle ne déborde pas du cadre des
pouvoirs accordés aux cantons par l'art. 702
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 702 - Dem Bunde, den Kantonen und den Gemeinden bleibt es vorbehalten, Beschränkungen des Grundeigentums zum allgemeinen Wohl aufzustellen, wie namentlich betreffend die Bau-, Feuer- und Gesundheitspolizei, das Forst- und Strassenwesen, den Reckweg, die Errichtung von Grenzmarken und Vermessungszeichen, die Bodenverbesserungen, die Zerstückelung der Güter, die Zusammenlegung von ländlichen Fluren und von Baugebiet, die Erhaltung von Altertümern und Naturdenkmälern, die Sicherung der Landschaften und Aussichtspunkte vor Verunstaltung und den Schutz von Heilquellen.
CC. Ses dispositions
s'harmonisent parfaitement avec le caractère général de la LCI qui réglemente
toute la police des constructions. Cette dernière loi permet d'interdire une
construction pour de simples motifs d'ordre esthétique, de limiter la hauteur
des constructions et, d'une manière générale, d'obliger le propriétaire à se
conformer aux diverses règles d'urbanisme. On ne voit pas pourquoi les
pouvoirs publics, qui pourraient valablement interdire la construction
d'arcades dans une région déterminée, dans un quartier ou dans une rue, ne
pourraient pas à fortiori limiter le nombre des arcades lorsque celui-ci est
excessif. Cette limitation est dictée par l'intérêt public qui s'oppose à ce
qu'on continue de voir, à Genève, dans certaines rues ou certains quartiers,
de longues séries de locaux non utilisés et, de ce fait, sales et mal
entretenus. Les incidences économiques des nouvelles prescriptions relatives
aux arcades ­ incidences qui peuvent être moins importantes que celles de
certaines interdictions fondées sur des motifs d'esthétique - répondent au
désir de toute la population commerçante de Genève. Elles ne suffisent pas à
conférer à des dispositions de police un caractère économique qui violerait le
principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Au reste, les

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pouvoirs fédéraux ont, à plusieurs reprises, donné l'exemple en montrant que,
dans l'intérêt supérieur du pays, la règle générale de l'art. 31 CF ne peut et
ne doit pas toujours être interprétée stricto sensu.
Extrait des motifs:
L'art. 31 consacre le régime de la libre concurrence (RO 59 I 61 et les arrêts
cités). Cela signifie en première ligne qu'on ne peut interdire à une personne
l'exercice d'une profession ou d'une industrie pour le seul motif qu'elle
ferait concurrence à des entreprises existantes, leur enlèverait des clients,
diminuerait leurs recettes ou rendrait même leur exploitation impossible.
L'art. 31 litt. e permet à la vérité aux cantons d'édicter des dispositions
touchant l'exercice des professions commerciales et industrielles, mais il
prévoit en même temps que ces dispositions ne peuvent rien renfermer de
contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie. Il ne peut
dès lors s'agir que de mesures de police destinées à empêcher que la sécurité,
la tranquillité, la moralité et la santé publiques ne soient compromises par
la façon dont une profession est exercée, ou à lutter contre les atteintes
portées à la bonne foi dans les affaires par des procédés déloyaux destinés à
tromper le public. Ces mesures ne doivent pas avoir pour but d'entraver le
libre jeu de la concurrence et de corriger ses effets (RO 63 I 220; 59 I 111;
61 I 108).
Au regard de ces principes, il apparaît d'emblée que la loi genevoise du 10
octobre 1936, prorogée par celle du 12 juillet 1939, est directement contraire
à l'art. 31 CF dans toute la mesure où elle permet à l'autorité d'interdire
l'installation de nouveaux magasins, uniquement en considération des magasins
déjà existants dans le voisinage. Car une telle disposition n'a d'autre but
que de parer aux effets de la libre concurrence. Elle va au delà même d'une
disposition soumettant le commerce de détail à la clause dite de besoin, car
la seule présence d'un autre magasin dans le quartier permet, quelles que
soient les nécessités

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locales, d'interdire l'ouverture d'une nouvelle arcade. Or la clause de besoin
est déjà incompatible avec la liberté du commerce et de l'industrie et les
cantons ne peuvent l'introduire pour les auberges qu'en vertu d'une
disposition spéciale de la Constitution fédérale. De fait, la disposition
attaquée ne vise pas à autre chose qu'à protéger le commerce de détail par la
limitation de la concurrence. Cela ressort de son texte même. Les rapports
présentés au Grand Conseil et les discussions qui ont eu lieu lors de
l'élaboration de la loi de 1936 et de sa prorogation prouvent qu'on avait en
vue un but purement économique. En déposant le projet qui est à l'origine de
la loi, le député Duboule disait notamment:
«La multiplication du nombre des commerces dans le canton de Genève est
devenue une des causes principales de la crise très sérieuse que subit le
commerce de détail à Genève... Toutes les associations de commerçants sans
exception se sont trouvées d'accord pour que l'on cesse de créer de nouveaux
commerces et de nouvelles arcades...»
Et dans le rapport présenté à l'occasion de la prorogation de la loi, on lit
ce qui suit:
«La situation du petit et moyen commerce ne s'est malheureusement pas
améliorée. C'est lui porter un secours direct que de limiter encore le nombre
des arcades commerciales.» (cf. en outre Mémorial no 17 du 3 octobre 1936, p.
1122 et sv.; no 18 du 10 octobre 1936, p. 1170 et sv.).
L'inconstitutionnalité de la disposition attaquée ne saurait naturellement
disparaître du fait qu'elle a été incorporée dans une loi relative à la police
des constructions. Sans doute les cantons ont-ils ­ en vertu d'ailleurs de
leur souveraineté et non de l'art. 702
SR 210 Schweizerisches Zivilgesetzbuch vom 10. Dezember 1907
ZGB Art. 702 - Dem Bunde, den Kantonen und den Gemeinden bleibt es vorbehalten, Beschränkungen des Grundeigentums zum allgemeinen Wohl aufzustellen, wie namentlich betreffend die Bau-, Feuer- und Gesundheitspolizei, das Forst- und Strassenwesen, den Reckweg, die Errichtung von Grenzmarken und Vermessungszeichen, die Bodenverbesserungen, die Zerstückelung der Güter, die Zusammenlegung von ländlichen Fluren und von Baugebiet, die Erhaltung von Altertümern und Naturdenkmälern, die Sicherung der Landschaften und Aussichtspunkte vor Verunstaltung und den Schutz von Heilquellen.
CC qui n'a qu'un caractère déclaratif
(cf. RO 64 I 208) ­ le droit d'édicter des règles sur la police des
constructions, mais ils doivent en le faisant respecter les principes de la
Constitution fédérale qui restreignent leur souveraineté. Des règles de
police, notamment en matière de constructions, peuvent évidemment avoir des
répercussions économiques sans pour cela se heurter à l'art. 31 CF. Mais cette
garantie

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constitutionnelle défend d'introduire dans un règlement de police des
dispositions visant uniquement à limiter la liberté du commerce et de
l'industrie. D'ailleurs des restrictions relevant effectivement de la police
des constructions ou de l'urbanisme ne sont pas non plus conciliables avec
l'art. 31 CF lorsque le but qu'elles se proposent pourrait aussi bien être
atteint par des mesures qui n'entraveraient pas ou entraveraient moins les
citoyens dans l'exercice de leur profession ou de leur industrie. L'Etat de
Genève ne saurait à cet égard prétendre justifier l'interdiction d'ouvrir de
nouvelles arcades par la préoccupation d'éviter l'aspect fâcheux que pourrait
donner à certaines rues ou à certains quartiers un trop grand nombre de
magasins inoccupés et, pour cette raison, sales et mal entretenus. Il est
évidemment possible, en effet, d'assurer par des mesures de police appropriées
un entretien convenable des locaux inoccupés et de leurs abords. A supposer
même que les pouvoirs publics puissent prendre, dans le cadre de la police des
constructions, des mesures destinées à concentrer davantage dans certaines
rues ou dans certains quartiers la vie commerciale de la ville, il reste que
la disposition attaquée permet d'interdire l'installation de nouveaux locaux
commerciaux non seulement pour des motifs esthétiques, mais aussi ­ et c'est
là son but principal ­ en raison uniquement des magasins déjà existants dans
le voisinage, abstraction faite de toute autre considération. C'est en quoi la
disposition attaquée est inconstitutionnelle.
L'Etat de Genève se prévaut, dans sa réponse, des restrictions qui ont été
apportées à plusieurs reprises par les pouvoirs fédéraux à la liberté du
commerce et de l'industrie. Mais, en dehors des cas où la constitutionnalité
d'un acte législatif échappe à son examen, le Tribunal fédéral ne peut,
lorsqu'il est régulièrement saisi, qu'appliquer aussi longtemps qu'elles
restent en vigueur les dispositions de la Constitution fédérale. Il convient
au surplus de relever que, lors des délibérations relatives à l'arrêté sur les
grands magasins et magasins à prix uniques, les Chambres fédérales ont
repoussé une proposition tendant à la limitation

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du commerce de détail en général, après que l'on eut fait valoir qu'une telle
mesure serait en contradiction si absolue avec le principe de la libre
concurrence qu'elle en impliquerait l'abandon définitif et qu'il était au
surplus fort douteux qu'une telle mesure fût de nature à recueillir
l'assentiment du peuple (cf. Bull. sténog. C.N. 1933, pp. 687/8, 692/3,
698/9). Cela montre que la solution à donner à l'espèce ne dépend en aucune
façon d'une interprétation plus ou moins large de l'art. 31 CF, interprétation
qui pourrait éventuellement s'inspirer de l'évolution des idées et des
tendances en matière de liberté de commerce et d'industrie.
Le fait que la loi attaquée doit avoir en principe une durée limitée ne
saurait la mettre à l'abri du grief d'inconstitutionnalité, à supposer
d'ailleurs que cette limitation dans la durée ne soit pas rendue vaine par des
prorogations successives que la loi du 12 juillet 1939 réserve expressément.
En effet, le droit pour les cantons de déroger momentanément, en raison de
circonstances exceptionnelles, à l'art. 31 CF ne pourrait découler lui-même
que d'une disposition constitutionnelle fédérale qui apporterait dans ce sens
une restriction à la garantie de la liberté du commerce et de l'industrie.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
admet les recours, en ce sens que la loi du 10 octobre 1936 concernant
l'établissement d'arcades commerciales, prorogée par la loi du 12 juillet
1939, est annulée dans la mesure où elle permet d'interdire, en raison des
locaux commerciaux existant dans le voisinage, l'établissement d'arcades
commerciales dans de nouvelles constructions ou la transformation d'anciennes
constructions en vue de l'établissement de nouvelles arcades.
Vgl. auch Nr. 1 und 8. ­ Voir aussi nos 1 et 8.