Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
8C 615/2009

Arrêt du 28 septembre 2009
Ire Cour de droit social

Composition
MM. les Juges Ursprung, Président,
Frésard et Maillard.
Greffier: M. Métral.

Parties
M.________, représentée par Me Bernard Ayer, avocat,
recourante,

contre

Tribunal cantonal, Section administrative,
route André-Piller 21, 1762 Givisiez,
intimé,

Allianz Suisse Société d'Assurances, avenue du Bouchet 2, 1209 Genève.

Objet
Assurance-accidents (retard injustifié).

Faits:

A.
Le 7 novembre 2007, M.________ a recouru devant le Tribunal administratif du canton de Fribourg (aujourd'hui, Tribunal cantonal) contre une décision sur opposition du 5 octobre 2007 d'Allianz Suisse, société d'assurances. Par cette décision, l'assurance-accidents refusait notamment de lui allouer une rente d'invalidité, et lui reconnaissait le droit à une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 5 %. Devant la juridiction cantonale, M.________ concluait à l'octroi d'une indemnité pour une atteinte à l'intégrité de 50 % et d'une rente « adaptée à son état de santé ». L'intimée a déposé sa réponse le 28 novembre 2007, en concluant au rejet du recours. Par acte du 15 janvier 2008, la recourante a présenté des « contre-observations », en maintenant ses conclusions.

Le 1er septembre 2008, M.________ s'est adressée au Tribunal cantonal pour lui demander dans quel délai il envisageait de statuer sur le recours. La juridiction cantonale lui a répondu le 4 septembre 2008 que les recours étaient traités dans l'ordre chronologique de leur inscription au rôle et qu'il ne lui était pas possible de lui indiquer un délai précis dans lequel elle statuerait. Le 22 juin 2009, la recourante s'est derechef adressée au Tribunal cantonal pour l'inviter à statuer d'ici au 3 juillet 2009, sans quoi elle déposerait un recours pour déni de justice. La juridiction cantonale lui a répondu, le 29 juin 2009, qu'elle avait demandé et obtenu des forces de travail supplémentaires en raison d'une surcharge, mais qu'elle ne pourrait vraisemblablement pas statuer avant l'automne.

B.
Le 17 juillet 2009, M.________ a interjeté un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire. Elle conclut à la constatation d'un déni de justice de la part du Tribunal cantonal fribourgeois, au renvoi de la cause à cette autorité pour qu'elle statue sans délai sur le recours contre la décision sur opposition du 5 octobre 2007, et à la condamnation de l'Etat de Fribourg au paiement des frais et dépens. Le Tribunal cantonal s'est déterminé le 12 août 2009.
Considérant en droit:

1.
Le litige devant la juridiction cantonale porte sur des prestations au titre de l'assurance-accidents obligatoire. Le jugement à rendre par le Tribunal cantonal pourrait donc conduire les parties à interjeter un recours en matière de droit public (art. 82
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 82 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours:
a  contre les décisions rendues dans des causes de droit public;
b  contre les actes normatifs cantonaux;
c  qui concernent le droit de vote des citoyens ainsi que les élections et votations populaires.
LTF). Dans cette mesure, la voie du recours en matière de droit public pour déni de justice (art. 94
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 94 Déni de justice et retard injustifié - Le recours est recevable si, sans en avoir le droit, la juridiction saisie s'abstient de rendre une décision sujette à recours ou tarde à le faire.
LTF) est ouverte. Un tel recours n'est soumis à aucun délai (art. 100 al. 7
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 100 Recours contre une décision - 1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
1    Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.
2    Le délai de recours est de dix jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
b  les décisions en matière d'entraide pénale internationale et d'assistance administrative internationale en matière fiscale;
c  les décisions portant sur le retour d'un enfant fondées sur la Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants92 ou sur la Convention du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants93.
d  les décisions du Tribunal fédéral des brevets concernant l'octroi d'une licence visée à l'art. 40d de la loi du 25 juin 1954 sur les brevets95.
3    Le délai de recours est de cinq jours contre:
a  les décisions d'une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour effets de change;
b  les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours concernant des votations fédérales.
4    Le délai de recours est de trois jours contre les décisions d'un gouvernement cantonal sur recours touchant aux élections au Conseil national.
5    En matière de recours pour conflit de compétence entre deux cantons, le délai de recours commence à courir au plus tard le jour où chaque canton a pris une décision pouvant faire l'objet d'un recours devant le Tribunal fédéral.
6    ...96
7    Le recours pour déni de justice ou retard injustifié peut être formé en tout temps.
LTF).

2.
La voie du recours en matière de droit public étant ouverte, le recours constitutionnel subsidiaire n'est pas recevable (art. 113
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 113 Principe - Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.
LTF).

3.
Le retard injustifié à statuer est une forme particulière du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
1    Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
2    Les parties ont le droit d'être entendues.
3    Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
Cst et l'art. 6 § 1 CEDH (qui n'offre à cet égard pas une protection plus étendue [ATF 103 V 190 consid. 2 p. 192]). Il y a retard injustifié à statuer lorsque l'autorité administrative ou judiciaire compétente ne rend pas la décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prévu par la loi ou dans un délai que la nature de l'affaire ainsi que toutes les autres circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 131 V 407 consid. 1.1 p. 409 et les références). Entre autres critères, sont notamment déterminants le degré de complexité de l'affaire, l'enjeu que revêt le litige pour l'intéressé ainsi que le comportement de ce dernier et celui des autorités compétentes (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332; 125 V 188 consid. 2a p. 191). A cet égard, il appartient, d'une part, au justiciable d'entreprendre certaines démarches pour inviter l'autorité à faire diligence, notamment en incitant celle-ci à accélérer la procédure ou en recourant pour retard injustifié. D'autre part, si on ne saurait reprocher à l'autorité quelques « temps morts », qui sont inévitables dans une procédure, elle ne peut invoquer une organisation déficiente ou
une surcharge structurelle pour justifier la lenteur excessive de la procédure; il appartient en effet à l'Etat d'organiser ses juridictions de manière à garantir aux citoyens une administration de la justice conforme aux règles (ATF 130 I 312 consid. 5.2 p. 332 et les références).

En droit des assurances sociales, la procédure de première instance est par ailleurs gouvernée par le principe de célérité. Ce principe est consacré à l'art. 61 let. a
SR 830.1 Loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA)
LPGA Art. 61 Procédure - Sous réserve de l'art. 1, al. 3, de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative48, la procédure devant le tribunal cantonal des assurances est réglée par le droit cantonal. Elle doit satisfaire aux exigences suivantes:
a  elle doit être simple, rapide et en règle générale publique;
b  l'acte de recours doit contenir un exposé succinct des faits et des motifs invoqués, ainsi que les conclusions; si l'acte n'est pas conforme à ces règles, le tribunal impartit un délai convenable au recourant pour combler les lacunes, en l'avertissant qu'en cas d'inobservation le recours sera écarté;
c  le tribunal établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement;
d  le tribunal n'est pas lié par les conclusions des parties; il peut réformer, au détriment du recourant, la décision attaquée ou accorder plus que le recourant n'avait demandé; il doit cependant donner aux parties l'occasion de se prononcer ou de retirer le recours;
e  si les circonstances le justifient, les parties peuvent être convoquées aux débats;
f  le droit de se faire assister par un conseil doit être garanti; lorsque les circonstances le justifient, l'assistance judiciaire gratuite est accordée au recourant;
fbis  pour les litiges en matière de prestations, la procédure est soumise à des frais judiciaires si la loi spéciale le prévoit; si la loi spéciale ne prévoit pas de frais judiciaires pour de tels litiges, le tribunal peut en mettre à la charge de la partie qui agit de manière téméraire ou fait preuve de légèreté;
g  le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d'après l'importance et la complexité du litige;
h  les jugements contiennent les motifs retenus, l'indication des voies de recours ainsi que les noms des membres du tribunal et sont notifiés par écrit;
i  les jugements sont soumis à révision si des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont découverts ou si un crime ou un délit a influencé le jugement.
LPGA, qui exige des cantons que la procédure soit simple et rapide; il constitue l'expression d'un principe général du droit des assurances sociales (ATF 110 V 54 consid. 4b p. 61).

4.
En l'espèce, le recours a été interjeté devant l'autorité précédente le 7 novembre 2007. L'intimée a déposé sa réponse le 28 novembre suivant et l'échange d'écritures s'est achevé par la transmission des « contre-observations » de la recourante le 15 janvier 2008. Par la suite, aucun acte d'instruction n'a été accompli par la juridiction cantonale jusqu'au dépôt du recours pour déni de justice en juillet 2009. La recourante a adressé deux requêtes en vue d'obtenir une décision rapide, auxquelles le Tribunal cantonal a répondu sans toutefois statuer sur le recours.

Sur le fond, le litige porte sur le droit de la recourante à une indemnité pour atteinte à l'intégrité et à une rente d'invalidité de l'assureur-accidents. A lire le recours déposé en procédure cantonale, il s'agit en particulier d'apprécier le taux de l'atteinte à l'intégrité et d'analyser les critères jurisprudentiels en matière de causalité adéquate posés par la jurisprudence (ATF 115 V 133; 134 V 109). La solution du litige nécessite une appréciation minutieuse des preuves constituées de nombreux rapports médicaux ou expertises.

Compte tenu de ces éléments, un délai de dix-huit mois entre la fin de l'échange d'écritures et le dépôt du recours devant le Tribunal fédéral (par une écriture déposée à la poste le 17 juillet 2009) est certainement à la limite de ce qui est admissible, surtout si l'on considère qu'à ce jour la juridiction cantonale n'a pas encore statué. Il n'apparaît cependant pas excessif au point de constituer une violation des art. 29 al. 1
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 29 Garanties générales de procédure - 1 Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
1    Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.
2    Les parties ont le droit d'être entendues.
3    Toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit, à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès, à l'assistance judiciaire gratuite. Elle a en outre droit à l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la sauvegarde de ses droits le requiert.
Cst. et 6 par. 1 CEDH. A titre de comparaison, on notera que le Tribunal fédéral a admis un retard inadmissible à statuer, après avoir considéré au vu des circonstances qu'un délai de 24 mois entre la fin de l'échange d'écritures et le prononcé du jugement cantonal ne pouvait plus être qualifié de raisonnable, tout en relevant qu'un tel délai représentait une situation limite (arrêt 9C 831/2008 du 12 décembre 2008 consid. 2.2, in Plädoyer 3/2009 p. 62). Dans une affaire analogue à la présente cause, le Tribunal fédéral a jugé qu'en rendant son jugement 25 mois après le dépôt du recours, alors que la cause se trouvait apparemment en état d'être jugée depuis un peu plus de 18 mois, la juridiction cantonale n'avait pas fait preuve d'un retard injustifié dans le traitement de la cause (ordonnance du 19 août
2009, cause 9C 433/2009 consid. 2.2; comp. également avec les arrêts [du Tribunal fédéral des assurances] I 473/04 du 29 novembre 2005 et I 314/99 du 16 juillet 1999 et l'arrêt [du Tribunal fédéral] 8C 681/2008 du 20 mars 2009 consid. 3).

Dans ces conditions, la recourante n'est pas fondée, à ce stade, à se plaindre d'un retard inadmissible à statuer.

5.
La recourante, qui succombe, n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
LTF). Il se justifie, vu les circonstances, de renoncer à percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
, seconde phrase, LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.

2.
Le recours en matière de droit public est rejeté.

3.
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.

4.
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à l'Office fédéral de la santé publique.

Lucerne, le 28 septembre 2009

Au nom de la Ire Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: Le Greffier:

Ursprung Métral