Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}

4A 543/2013

Arrêt du 13 février 2014

Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et M. les Juges fédéraux Klett, présidente,
Kolly, Hohl, Kiss et Niquille.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
A.________ SA, représentée par
Me Christophe Wagner,
demanderesse et recourante,

contre

X.________ A G, représentée par Me Pierre Heinis,
défenderesse et intimée,
Y.________ AG, représentée par Me Marcel Eggler et Me Philippe Schweizer,
intervenante et intimée,
Z.________ AG, représentée par
Me Benoît Ribaux,
intervenante et intimée.

Objet
conclusions non chiffrées; interruption de la prescription,

recours en matière civile contre l'arrêt rendu
le 25 septembre 2013 par la Cour d'appel civile
du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Faits:

A.
Dans le cadre d'un litige relatif à la garantie des défauts affectant un ouvrage immobilier, plus précisément des dalles anti-vibratoires, le maître d'oeuvre A.________ SA a ouvert action le 19 octobre 2004 contre l'entrepreneur X.________ AG. Cette partie défenderesse a dénoncé le litige aux sociétés Y.________ AG et Z.________ AG.
La demande en paiement contenait une conclusion n° 1 portant sur un montant de 294'300 fr., et une conclusion n° 2 exigeant " un montant de CHF 200'000.- au minimum + intérêts ... ". Cette deuxième conclusion, selon le mémoire de demande, se rapportait au dommage consécutif au défaut, constitué de trois postes s'élevant au minimum à 234'760 fr., 7'860 fr. et 450'000 fr. La demanderesse expliquait que des précisions devaient encore être obtenues pour calculer ce dommage, lequel pouvait être fixé au minimum à 200'000 fr. Elle se réservait le droit de préciser ce montant ultérieurement, en ajoutant qu'il ne comprenait pas le coût qui allait nécessairement résulter des travaux d'enlèvement, respectivement de réfection des dalles. En même temps qu'elle ouvrait action, la demanderesse a requis la mise en oeuvre d'une expertise (art. 367 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 367 - 1 Après la livraison de l'ouvrage, le maître doit en vérifier l'état aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires, et en signaler les défauts à l'entrepreneur, s'il y a lieu.
1    Après la livraison de l'ouvrage, le maître doit en vérifier l'état aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires, et en signaler les défauts à l'entrepreneur, s'il y a lieu.
2    Chacune des parties a le droit de demander, à ses frais, que l'ouvrage soit examiné par des experts et qu'il soit dressé acte de leurs constatations.
CO) afin de mieux déterminer les défauts et leurs conséquences.
La demanderesse a ensuite amplifié la conclusion n° 2 dans sa réplique du 6 avril 2009, demandant le paiement de 4'350'000 fr. au minimum plus intérêts; le 18 novembre 2009, elle l'a réduite à 1'876'187 fr. Le 31 mai 2010, elle a confirmé ce dernier montant et celui de la conclusion n° 1 (294'300 fr.) dans le cadre d'une réforme, institution du droit de procédure cantonal alors applicable. La défenderesse, appuyée par les deux intervenantes, a invoqué la prescription par rapport à la conclusion n° 2.
Par "jugement sur moyens séparés" du 21 février 2013, le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers a constaté que la conclusion n° 2 était "prescrite en tant qu'elle porte sur un montant supérieur à CHF 200'000.00 ". En résumé, il a admis que la prescription de cinq ans (art. 371 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 371 - 1 Les droits du maître en raison des défauts de l'ouvrage se prescrivent par deux ans à compter de la réception de l'ouvrage. Le délai est cependant de cinq ans si les défauts d'un ouvrage mobilier intégré dans un ouvrage immobilier conformément à l'usage auquel il est normalement destiné sont à l'origine des défauts de l'ouvrage.
1    Les droits du maître en raison des défauts de l'ouvrage se prescrivent par deux ans à compter de la réception de l'ouvrage. Le délai est cependant de cinq ans si les défauts d'un ouvrage mobilier intégré dans un ouvrage immobilier conformément à l'usage auquel il est normalement destiné sont à l'origine des défauts de l'ouvrage.
2    Les droits du maître en raison des défauts d'un ouvrage immobilier envers l'entrepreneur et envers l'architecte ou l'ingénieur qui ont collaboré à l'exécution de l'ouvrage se prescrivent par cinq ans à compter de la réception de l'ouvrage.
3    Pour le reste, les règles relatives à la prescription des droits de l'acheteur sont applicables par analogie.
CO) avait commencé à courir au plus tôt le 24 avril 2002 et au plus tard le 9 mai 2002, que son cours avait été interrompu par le dépôt de la demande le 19 octobre 2004à concurrence de 200'000 fr. et qu'il n'y avait plus eu d'acte interruptif jusqu'à la réplique d'avril 2009.

B.
Statuant par arrêt du 25 septembre 2013 sur le recours (converti en appel) de la demanderesse, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a confirmé le jugement attaqué. En résumé, la cour a jugé que la demanderesse avait introduit une action pour un montant déterminé en réservant simplement ses droits, sans démontrer que les conditions de l'art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO et d'une action non chiffrée se trouvaient réunies, si bien que le dépôt de l'action le 19 octobre 2004 avait interrompu la prescription pour un montant de 200'000 fr. seulement.

C.
La demanderesse (ci-après: la recourante) saisit le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile. Elle conclut principalement à ce qu'il soit dit et constaté que "la conclusion n° 2 telle que formulée dans le mémoire après réforme du 31 mai 2010 n'est pas prescrite, y compris pour la somme excédant CHF 200'000.-", subsidiairement à ce qu'il soit dit que "les conclusions telles que formulées dans le mémoire après réforme du 31 mai 2010 ne sont prescrites que pour un montant excédant CHF 620'620.10 + intérêts à 5% l'an depuis le 1er mai 2002".
La défenderesse (ci-après: l'intimée) conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. L'intervenante Y.________ AG conclut au rejet du recours; quant à l'intervenante Z.________ AG, elle a renoncé à se déterminer. L'autorité précédente se réfère à son arrêt.

Considérant en droit:

1.
L'arrêt attaqué est une décision partielle tranchant définitivement le sort de la prétention objet de la conclusion n° 2 de la demande, en tant qu'elle excède le montant de 200'000 fr. Il est susceptible de recours immédiat (art. 91
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 91 Décisions partielles - Le recours est recevable contre toute décision:
a  qui statue sur un objet dont le sort est indépendant de celui qui reste en cause;
b  qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts.
LTF).

2.
La recourante se plaint d'abord d'une violation du droit d'être entendu, dont le sous-principe implique une motivation suffisante de la décision rendue. Elle relève que le raisonnement de l'autorité précédente ne fait pas de sens, respectivement qu'il n'a pas été suffisamment explicité.
Le droit d'être entendu implique l'obligation de motiver les décisions. Il suffit toutefois que le juge mentionne brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige (ATF 133 III 439 consid. 3.3).
En l'espèce, l'autorité précédente a longuement explicité les raisons l'ayant conduite à retenir que la prescription était acquise. Les motifs sont clairs et parfaitement reconnaissables pour le lecteur de l'arrêt. La recourante ne dit pas, ni a fortiori ne démontre qu'elle aurait été dans l'impossibilité de les saisir et de les attaquer. Savoir si ces motifs sont pertinents ne relève pas du droit d'être entendu. Le grief est infondé.

3.
La recourante se plaint ensuite d'une constatation manifestement inexacte des faits.
Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
1    Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2    Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95.
3    Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99
LTF); en tant que cour suprême, il est instance de révision du droit, et non pas juge du fait. Il peut certes rectifier ou compléter les faits s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire (art. 97 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 97 Établissement inexact des faits - 1 Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause.
1    Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause.
2    Si la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le recours peut porter sur toute constatation incomplète ou erronée des faits.89
et art. 105 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
1    Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2    Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95.
3    Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99
LTF). Néanmoins, l'exception prévue par ces dispositions ne permet pas aux parties de rediscuter les faits de la cause comme si elles plaidaient devant un juge d'appel. La partie recourante qui entend faire rectifier l'état de fait doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions pour ce faire seraient réalisées (ATF 133 IV 286 consid. 6.2); dans la mesure où le grief a trait au caractère arbitraire de l'établissement des faits, les exigences de motivation sont celles, plus strictes, de l'art. 106 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 106 Application du droit - 1 Le Tribunal fédéral applique le droit d'office.
1    Le Tribunal fédéral applique le droit d'office.
2    Il n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant.
LTF (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3).
La motivation du grief ne satisfait pas à ces exigences. Dans une argumentation quelque peu obscure, la recourante se limite à exposer son point de vue. Quant à savoir qui a l'obligation de réduire le dommage, il s'agit d'une question de droit matériel. Le grief est irrecevable.

4.
La recourante, enfin, dénonce une violation du droit fédéral (art. 135
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 135 - La prescription est interrompue:
1  lorsque le débiteur reconnaît la dette, notamment en payant des intérêts ou des acomptes, en constituant un gage ou en fournissant une caution;
2  lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite.
CO). Selon elle, la conclusion n° 2 devait être qualifiée non pas de conclusion chiffrée, comme l'a fait l'autorité précédente, mais de conclusion non chiffrée suspendant la prescription pour l'ensemble de la créance, quand bien même sa quotité n'était pas connue.

4.1. Contrairement à l'avis de l'intimée, le grief porte sur une question de droit. Celle-ci doit être examinée sur la base des faits retenus par l'autorité précédente (art. 105 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 105 Faits déterminants - 1 Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
1    Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente.
2    Il peut rectifier ou compléter d'office les constatations de l'autorité précédente si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95.
3    Lorsque la décision qui fait l'objet d'un recours concerne l'octroi ou le refus de prestations en espèces de l'assurance-accidents ou de l'assurance militaire, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente.99
LTF). Dans la mesure où il s'agit de déterminer pour quel montant la prescription a été interrompue par le dépôt de la demande le 19 octobre 2004, seuls importent les faits existant à ce moment-là; les faits ou événements postérieurs évoqués par l'autorité précédente sont sans pertinence.

4.2. La prescription est interrompue notamment lorsque le créancier fait valoir ses droits par une action devant un tribunal (art. 135 ch. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 135 - La prescription est interrompue:
1  lorsque le débiteur reconnaît la dette, notamment en payant des intérêts ou des acomptes, en constituant un gage ou en fournissant une caution;
2  lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite.
CO). Jurisprudence et doctrine s'accordent à dire que la prescription n'est interrompue que jusqu'à concurrence de la somme indiquée. S'il entend sauvegarder ses droits, le créancier qui ne connaît pas encore le montant exact de sa créance doit donc soit interrompre la prescription pour le montant le plus élevé pouvant entrer en ligne de compte, soit accomplir un acte interruptif ne nécessitant pas l'indication d'un montant déterminé, tel que l'action en paiement non chiffrée ou l'action en constatation du fondement juridique de la prétention litigieuse (ATF 133 III 675 consid. 2.3.2).
A l'époque où la procédure était du ressort des cantons, la jurisprudence avait posé les principes suivants: les cantons sont libres d'exiger des conclusions chiffrées dans les actions en paiement, mais ce principe ne vaut pas sans limite. Le droit fédéral exclut notamment d'exiger du demandeur qu'il chiffre ses conclusions dans des cas où il n'est pas en mesure de fixer précisément ses prétentions; cette hypothèse est réalisée non seulement lorsque le montant exact du dommage ne peut pas être établi et doit être équitablement déterminé par le juge (art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO), mais aussi lorsque les éléments permettant de chiffrer les prétentions du demandeur doivent encore être établis dans le cadre de la procédure probatoire (ATF 116 II 215 consid. 4a).
Le CPC réglemente désormais l'action en paiement non chiffrée à son art. 85.
En l'occurrence, l'action a été introduite en 2004, de sorte que les exigences sur la formulation des conclusions étaient en principe définies par le droit de procédure neuchâtelois; les restrictions du droit fédéral évoquées ci-dessus étaient toutefois applicables.

4.3. Le litige concerne des défauts affectant des dalles anti-vibratoires. La conclusion n° 2 se rapporte d'une part au dommage consécutif au défaut, d'autre part au dommage lié à la réfection des dalles; il ne peut rien être tiré d'autre de l'arrêt attaqué, peu explicite à ce sujet. Quoi qu'il en soit, l'autorité précédente a constaté que la recourante, en formulant la conclusion n° 2, voulait s'aménager la possibilité d'augmenter ses conclusions au terme de la procédure probatoire; elle a aussi relevé que parallèlement à la demande, la recourante avait requis une expertise afin de mieux déterminer les défauts de l'ouvrage, requête à laquelle le juge instructeur a fait droit.
Il s'avère donc que lorsque l'action a été intentée, les éléments nécessaires pour chiffrer le dommage dû à la moins-value ou à la réfection de l'ouvrage devaient encore être établis dans la procédure probatoire; dans ce cadre, une action non chiffrée est possible. En outre, faute de savoir si et, le cas échéant, quand l'ouvrage serait réparé, le poste du dommage causé par les dalles défectueuses pouvait s'accroître après le dépôt de la demande, et ne pouvait donc pas non plus être sérieusement chiffré; pour ce type de dommage, qui peut être établi et n'est partant pas susceptible d'être arrêté en équité (art. 42 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 42 - 1 La preuve du dommage incombe au demandeur.
1    La preuve du dommage incombe au demandeur.
2    Lorsque le montant exact du dommage ne peut être établi, le juge le détermine équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée.
3    Les frais de traitement pour les animaux qui vivent en milieu domestique et ne sont pas gardés dans un but patrimonial ou de gain font l'objet d'un remboursement approprié, même s'ils sont supérieurs à la valeur de l'animal.25
CO), une action non chiffrée est aussi licite. Même si l'on admet que la recourante pouvait faire une estimation du dommage consécutif au défaut jusqu'à la date de la demande, à ce stade elle ne pouvait pas précisément établir l'entier de ce dommage.

4.4. La recourante a conclu, pour les divers postes du dommage, au paiement de 200'000 fr. au minimum, relevant que le dommage était probablement plus élevé et se réservant expressément le droit d'en préciser ultérieurement le montant. On ne saurait en déduire que ce faisant, elle a ouvert action pour un montant précis et déterminé. Tant le texte de la conclusion n° 2 que les explications dans le mémoire sont sans ambiguïté: la recourante demandait un montant équivalent ou supérieur à 200'000 fr., sans limite supérieure. Une telle conclusion indéterminée ne peut pas être qualifiée de conclusion chiffrée (cf. art. 85 al. 1
SR 272 Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC) - Loi sur les fors
CPC Art. 85 Action en paiement non chiffrée - 1 Si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée, il peut intenter une action non chiffrée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire.
1    Si le demandeur est dans l'impossibilité d'articuler d'entrée de cause le montant de sa prétention ou si cette indication ne peut être exigée d'emblée, il peut intenter une action non chiffrée. Il doit cependant indiquer une valeur minimale comme valeur litigieuse provisoire.
2    Une fois les preuves administrées ou les informations requises fournies par le défendeur, le demandeur doit chiffrer sa demande dès qu'il est en état de le faire. La compétence du tribunal saisi est maintenue, même si la valeur litigieuse dépasse sa compétence.
2 e phrase CPC); qu'elle contienne une limite inférieure n'y change rien.
Vrai est-il que les motifs de la recourante pour retenir ce montant minimal de 200'000 fr. demeurent obscurs et que la recourante aurait peut-être pu arriver à un chiffre plus réaliste, à tout le moins pour le dommage déjà subi en raison des dalles défectueuses. Mais peu importe, dès lors qu'une action non chiffrée était licite. Est décisif le fait que la demande en justice du 19 octobre 2004 ne laissait planer aucun doute sur les prétentions non chiffrées que la recourante faisait valoir à l'encontre de l'intimée. Il faut donc admettre que la prescription a été interrompue pour l'entier de la prétention.

5.
L'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée à l'autorité précédente pour suite de la procédure et règlement du sort des frais et dépens de la procédure d'appel. Les intimées X.________ AG et Y.________ AG succombent. En conséquence, elles supportent solidairement les frais et dépens de la présente procédure de recours (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
et 5
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
, art. 68 al. 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
et 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
LTF; cf. art. 106 al. 3
SR 272 Code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC) - Loi sur les fors
CPC Art. 106 Règles générales de répartition - 1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement.
1    Les frais sont mis à la charge de la partie succombante. La partie succombante est le demandeur lorsque le tribunal n'entre pas en matière et en cas de désistement d'action; elle est le défendeur en cas d'acquiescement.
2    Lorsqu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause.
3    Lorsque plusieurs personnes participent au procès en tant que parties principales ou accessoires, le tribunal détermine la part de chacune aux frais du procès. Il peut les tenir pour solidairement responsables.
CPC).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est annulé.

2.
L'exception de prescription est rejetée.

3.
La cause est renvoyée à l'autorité précédente.

4.
Les frais judiciaires, arrêtés à 16'000 fr., sont mis à la charge des intimées X.________ AG et Y.________ AG, solidairement entre elles.

5.
Les intimées X.________ AG et Y.________ AG sont condamnées solidairement à verser à la recourante une indemnité de 18'000 fr. à titre de dépens.

6.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 13 février 2014

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse

La Présidente: Klett

La Greffière: Monti