Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal

{T 0/2}
4A 489/2010, 4A 531/2010

Arrêt du 6 janvier 2011
Ire Cour de droit civil

Composition
Mmes et MM. les Juges Klett, Présidente, Corboz,
Rottenberg Liatowitsch, Kolly et Kiss.
Greffière: Mme Monti.

Participants à la procédure
4A 489/2010
X.________ SA, représentée par Me Gilles de Reynier,
recourante,

contre

Y.________, représentée par Me Valérie Schweingruber Dupraz,
intimée,

et

4A 531/2010
Y.________, représentée par Me Valérie Schweingruber Dupraz,
recourante,

contre

X.________ SA, représentée par Me Gilles de Reynier,
intimée.

Objet
contrat de bail à loyer; diminution du loyer,

recours contre l'arrêt rendu le 29 juillet 2010
par la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal
du canton de Neuchâtel.

Faits:

A.
Le 23 octobre 1992, la société X.________ SA, en tant que locataire, et Y.________ SA, en tant que bailleresse, ont conclu un bail portant sur des locaux commerciaux sis en ville de Neuchâtel. D'une durée initiale de cinq ans, c'est-à-dire jusqu'au 31 décembre 1997, le bail devait être reconduit de cinq ans en cinq ans à défaut de résiliation par l'une des parties six mois avant l'échéance. Le contrat de bail prévoyait que le loyer pouvait être indexé à l'indice officiel des prix à la consommation. Le loyer net initial a été fixé à 16'500 fr. par mois. Il a par la suite été modifié en raison de l'évolution de l'indice des prix à la consommation, la dernière fois le 19 octobre 2006 au montant de 17'709 fr., avec effet dès le 1er janvier 2007. Le 21 mars 2007, la locataire a demandé une diminution du loyer de 5'059 fr. par mois dès le 1er janvier 2008. Elle invoquait une baisse du taux hypothécaire du marché qui avait passé, depuis la conclusion du contrat de bail en 1992, de 6,75% à 3%. La bailleresse a refusé d'entrer en matière. La tentative de conciliation devant l'autorité de conciliation en matière de bail à loyer a échoué. Le 20 novembre 2007, la locataire a introduit une requête en diminution de loyer devant le Tribunal
civil du district de Neuchâtel. Par jugement du 4 septembre 2009, le Tribunal civil a rejeté la requête, au motif que le taux hypothécaire de référence n'avait pas varié entre octobre 2006, date de la dernière augmentation de loyer, et novembre 2007, date de la requête en diminution.

B.
La locataire a interjeté recours auprès de la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal neuchâtelois, concluant à ce que le loyer mensuel net soit diminué de 4'456 fr. à 13'253 fr. dès le 1er janvier 2008. La bailleresse a conclu au rejet. Par arrêt du 29 juillet 2010, la Cour de cassation civile a partiellement admis le recours et accordé une diminution du loyer mensuel net de 2'144 fr., fixant celui-ci à 14'298 fr. dès le 1er janvier 2008. Elle a constaté que la locataire aurait pu demander une diminution de loyer en juin 2002 pour cause de baisse du taux hypothécaire et qu'elle y avait renoncé, et elle a déduit de cette inaction que la locataire avait estimé le loyer d'alors correct et tacitement renoncé à se prévaloir de baisses du taux hypothécaire antérieures à juin 2002. Elle a donc pris en compte une diminution du taux hypothécaire de référence de 4,25% en juin 2002 à 3% en mars 2007, à savoir une baisse de 1,25% entraînant une réduction de loyer de 13,04% calculée sur le loyer de 16'442 fr. en vigueur en juin 2002.

C.
Tant la locataire (4A 489/2010) que la bailleresse (4A 531/2010) interjettent un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. La locataire conclut à ce que la réduction soit portée à 4'456 fr. et le loyer mensuel net en conséquence fixé à 13'253 fr. Selon elle, les taux hypothécaires déterminants pour le calcul de la diminution sont celui prévalant à la date de la conclusion du contrat en 1992 et celui d'octobre 2007, à savoir 6,75% et 3,25%, d'où une différence de 3,50% se répercutant à hauteur de 27,01% sur le loyer. La bailleresse conclut à ce qu'il soit dit que la locataire n'a pas droit à une diminution de loyer. Pour elle, le calcul doit se fonder, comme l'avait admis le Tribunal civil, sur le taux hypothécaire à la date de la dernière augmentation de loyer et celui à la date de la demande de diminution, deux taux en l'espèce identiques. A titre subsidiaire, elle oppose à la diminution du loyer une augmentation des charges, invoquée en instance cantonale, et elle soutient en outre que la diminution devait être calculée à partir du loyer actuel et non pas du loyer à l'échéance du précédent délai de résiliation.

Chaque partie conclut au rejet du recours de la partie adverse. Dans le cadre de sa réponse au recours de la bailleresse, la locataire admet néanmoins que la diminution doit être calculée à partir du loyer actuel; en outre, elle conteste le montant alloué à titre de dépens par les instances cantonales.

Considérant en droit:

1.
Les deux recours sont dirigés contre le même jugement et concernent le même loyer. Il se justifie de les joindre et de statuer dans un seul arrêt (cf. art. 24
SR 273 Loi fédérale du 4 décembre 1947 de procédure civile fédérale
PCF Art. 24 - 1 Le demandeur qui entend exercer plusieurs actions contre le même défendeur peut les joindre dans une seule demande si le Tribunal fédéral est compétent pour connaître de chacune d'elles. Cette condition n'est pas exigée pour des prétentions accessoires.
1    Le demandeur qui entend exercer plusieurs actions contre le même défendeur peut les joindre dans une seule demande si le Tribunal fédéral est compétent pour connaître de chacune d'elles. Cette condition n'est pas exigée pour des prétentions accessoires.
2    Plusieurs personnes peuvent agir comme demandeurs ou être actionnées comme défendeurs par la même demande:
a  s'il existe entre elles, en raison de l'objet litigieux, une communauté de droit ou si leurs droits ou leurs obligations dérivent de la même cause matérielle et juridique. Le juge peut appeler en cause un tiers qui fait partie de la communauté de droit. L'appelé en cause devient partie au procès;
b  si des prétentions de même nature et reposant sur une cause matérielle et juridique essentiellement de même nature forment l'objet du litige et que la compétence du Tribunal fédéral soit donnée à l'égard de chacune d'elles.
3    Le juge peut en tout état de cause ordonner la disjonction, s'il l'estime opportun.
PCF et art. 71
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 71 - Lorsque la présente loi ne contient pas de dispositions de procédure, les dispositions de la PCF31 sont applicables par analogie.
LTF; ATF 131 V 59 consid. 1; 124 III 382 consid. 1a).

2.
Dans sa réponse au recours de la bailleresse, la locataire critique le montant des dépens alloués par l'autorité cantonale. Cette critique ne figure pas dans le recours qu'elle a déposé. Présentée après l'échéance du délai de recours, elle est tardive et partant irrecevable.

3.
Le litige porte sur le montant du loyer dû en vertu d'un contrat de bail de durée indéterminée (cf. art. 255 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 255 - 1 Le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
1    Le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
2    Il est de durée déterminée lorsqu'il doit prendre fin, sans congé, à l'expiration de la durée convenue.
3    Les autres baux sont réputés conclus pour une durée indéterminée.
et 3
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 255 - 1 Le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
1    Le bail peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée.
2    Il est de durée déterminée lorsqu'il doit prendre fin, sans congé, à l'expiration de la durée convenue.
3    Les autres baux sont réputés conclus pour une durée indéterminée.
CO). La valeur litigieuse en cas de recours est déterminée par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente, à savoir une réduction de loyer de 4'456 fr. par mois entièrement contestée par la bailleresse (art. 51 al. 1 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 51 Calcul - 1 La valeur litigieuse est déterminée:
1    La valeur litigieuse est déterminée:
a  en cas de recours contre une décision finale, par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente;
b  en cas de recours contre une décision partielle, par l'ensemble des conclusions qui étaient litigieuses devant l'autorité qui a rendu cette décision;
c  en cas de recours contre une décision préjudicielle ou incidente, par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité compétente sur le fond;
d  en cas d'action, par les conclusions de la demande.
2    Si les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation.
3    Les intérêts, les fruits, les frais judiciaires et les dépens qui sont réclamés comme droits accessoires, les droits réservés et les frais de publication du jugement n'entrent pas en ligne de compte dans la détermination de la valeur litigieuse.
4    Les revenus et les prestations périodiques ont la valeur du capital qu'ils représentent. Si leur durée est indéterminée ou illimitée, le capital est formé par le montant annuel du revenu ou de la prestation, multiplié par vingt, ou, s'il s'agit de rentes viagères, par la valeur actuelle du capital correspondant à la rente.
LTF); les prestations périodiques indéterminées sont capitalisées à raison de vingt fois le montant de la prestation annuelle (art. 51 al. 4
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 51 Calcul - 1 La valeur litigieuse est déterminée:
1    La valeur litigieuse est déterminée:
a  en cas de recours contre une décision finale, par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente;
b  en cas de recours contre une décision partielle, par l'ensemble des conclusions qui étaient litigieuses devant l'autorité qui a rendu cette décision;
c  en cas de recours contre une décision préjudicielle ou incidente, par les conclusions restées litigieuses devant l'autorité compétente sur le fond;
d  en cas d'action, par les conclusions de la demande.
2    Si les conclusions ne tendent pas au paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation.
3    Les intérêts, les fruits, les frais judiciaires et les dépens qui sont réclamés comme droits accessoires, les droits réservés et les frais de publication du jugement n'entrent pas en ligne de compte dans la détermination de la valeur litigieuse.
4    Les revenus et les prestations périodiques ont la valeur du capital qu'ils représentent. Si leur durée est indéterminée ou illimitée, le capital est formé par le montant annuel du revenu ou de la prestation, multiplié par vingt, ou, s'il s'agit de rentes viagères, par la valeur actuelle du capital correspondant à la rente.
LTF). Il en résulte en l'espèce une valeur litigieuse de 1'069'440 fr. (4'456 x 12 x 20). Pour le surplus, la décision émane de la dernière instance cantonale. La voie du recours en matière civile est ouverte (art. 74 al. 1 let. a
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 74 Valeur litigieuse minimale - 1 Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
1    Dans les affaires pécuniaires, le recours n'est recevable que si la valeur litigieuse s'élève au moins à:
a  15 000 francs en matière de droit du travail et de droit du bail à loyer;
b  30 000 francs dans les autres cas.
2    Même lorsque la valeur litigieuse minimale n'est pas atteinte, le recours est recevable:
a  si la contestation soulève une question juridique de principe;
b  si une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
c  s'il porte sur une décision prise par une autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et de faillite;
d  s'il porte sur une décision prise par le juge de la faillite ou du concordat;
e  s'il porte sur une décision du Tribunal fédéral des brevets.
et art. 75 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 75 Autorités précédentes - 1 Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
1    Le recours est recevable contre les décisions prises par les autorités cantonales de dernière instance, par le Tribunal administratif fédéral ou par le Tribunal fédéral des brevets.37
2    Les cantons instituent des tribunaux supérieurs comme autorités cantonales de dernière instance. Ces tribunaux statuent sur recours, sauf si:
a  une loi fédérale prévoit une instance cantonale unique;
b  un tribunal spécialisé dans les litiges de droit commercial statue en instance cantonale unique;
c  une action ayant une valeur litigieuse d'au moins 100 000 francs est déposée directement devant le tribunal supérieur avec l'accord de toutes les parties.
LTF).

4.
Le litige porte sur la diminution d'un loyer indexé, demandée pour cause de baisse du taux hypothécaire de référence.

4.1 Deux méthodes de calcul sont applicables pour déterminer si le loyer est admissible. Une première méthode, dite absolue, vise à examiner, sur la base des prix du marché et des coûts supportés par le bailleur, mais sans égard aux stipulations antérieures des parties, si le loyer est en soi abusif, respectivement s'il procure un rendement excessif. La deuxième méthode, dite relative, consiste à contrôler si une adaptation du loyer en cours de bail est admissible en fonction des rapports contractuels entre les parties et de la confiance éveillée auprès de la partie adverse; pour ce faire, le juge examine en particulier l'évolution des critères de fixation du loyer entre le moment de la fixation du précédent loyer et celui de la fixation du loyer contesté (ATF 120 II 240 consid. 2 p. 242 s.). Le principe de la confiance implique que la partie qui ne conteste pas une adaptation de loyer ne peut pas ensuite se prévaloir du fait qu'elle était abusive ou insuffisante (ATF 124 III 67 consid. 3 p. 68); une modification de loyer n'est donc en principe admissible que si les circonstances ont changé depuis la dernière adaptation. En cours de bail, les facteurs absolus sont relativisés, en ce sens qu'une hausse tendant à obtenir un
rendement en soi non abusif peut être exclue parce qu'elle va à l'encontre du principe de la confiance (ATF 121 III 163 consid. 2c).

Une demande de diminution de loyer s'apprécie en règle générale selon la méthode relative. Le locataire peut demander une diminution notamment à cause d'une baisse des charges du bailleur, en particulier d'une baisse du taux hypothécaire de référence intervenue depuis la dernière fixation du loyer (ATF 133 III 61 consid. 3.2.2.2). Par dernière fixation, il faut entendre, en dehors de la détermination du loyer en début de bail, la modification du loyer correspondant à une adaptation à de nouvelles bases de calcul; une modification du bail qui ne remet pas en cause le montant du loyer, en d'autres termes qui ne constitue pas une nouvelle fixation du loyer en fonction de bases de calcul modifiées, ne constitue pas un point de référence pour juger de l'admissibilité d'une adaptation ultérieure (ATF 126 III 124 consid. 2a p. 126).

Lors d'une modification de loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu en outre de voir si et dans quelle mesure les variations antérieures ont entraîné une modification du loyer (art. 13 al. 4
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 13 Taux hypothécaires - (art. 269a, let. b, CO)
1    Une augmentation du taux hypothécaire de 1/4 % donne droit, en règle générale, à une hausse maximum de loyer de:
a  2 % quand les taux hypothécaires dépassent 6 %;
b  2,5 % quand les taux hypothécaires se situent entre 5 et 6 %;
c  3 % quand les taux hypothécaires sont inférieurs à 5 %.
2    S'il existe des plans de paiement au sens de l'art. 269a, let. d, ou des contrats-cadres au sens de l'art. 269a, let. f, CO, seules ces réglementations sont applicables lors d'une modification du taux hypothécaire.
3    Si le loyer est calculé durablement sur la base des coûts, à l'exclusion des critères des loyers usuels dans le quartier et de la compensation du renchérissement, le bailleur peut, en cas de hausse du taux hypothécaire, répercuter sur le loyer l'augmentation des charges relatives à l'ensemble du capital investi.
4    Lors d'une modification du loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu de voir en outre si et dans quelle mesure les variations antérieures ont entraîné une modification du loyer.
OBLF). Il s'agit d'une brèche pratiquée dans la méthode relative. Le juge ne s'arrête pas à la dernière modification du loyer déclarée unilatéralement, mais poursuit son examen rétrospectif jusqu'à la dernière modification du loyer consécutive à une variation du taux hypothécaire (ATF 119 II 348 consid. 4b/dd). La portée de cette règle a toutefois été atténuée; le juge ne remonte pas au-delà d'une modification consensuelle du loyer, ou d'une transaction qui a pris en compte le taux hypothécaire, ou d'une précédente majoration de loyer fondée sur le taux hypothécaire que le locataire n'a pas contestée, ou enfin d'une fixation du loyer selon la méthode absolue (ATF 119 II 348 consid. 4b; cf. aussi ATF 124 III 67 consid. 3 p. 69).

4.2 Les parties peuvent convenir à l'avance que le loyer est adapté en fonction de l'indice suisse des prix à la consommation. Le contrat est valable si le bail est conclu pour une durée déterminée minimale de cinq ans pendant laquelle le bailleur ne peut pas donner le congé (art. 269b
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269b - Les conventions prévoyant que le loyer est adapté en fonction d'un indice ne sont valables que si le bail est conclu pour une durée minimale de cinq ans et que la référence est l'indice suisse des prix à la consommation.
CO; art. 17 al. 4
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 17 - (art. 269b CO)
1    Si les parties ont conclu, pour un bail d'habitation, une convention prévoyant l'indexation du loyer, l'augmentation de ce dernier ne pourra dépasser la hausse de l'indice suisse des prix à la consommation.15
2    En cas de baisse de l'indice, les loyers doivent être adaptés en proportion.
3    Les hausses de loyer basées sur l'indice suisse des prix à la consommation peuvent être notifiées pour la fin d'un mois moyennant un préavis minimum de 30 jours.16
4    Un bail est conclu pour cinq ans au sens de l'art. 269b CO si le bailleur ne peut donner le congé pour une durée minimale de cinq ans.17
OBLF). La clause d'indexation continue à s'appliquer après l'écoulement de cette durée originale si le bail se renouvelle, par reconduction tacite ou en vertu d'une option, pour cinq ans au moins (ATF 124 III 57 consid. 3b p. 60). L'indexation est le mode exclusif de fixation du loyer pendant la durée du bail; sous réserve de prestations supplémentaires, l'évolution des charges et autres facteurs ne sont pas pris en considération (ATF 124 III 57 consid. 3a). Le bailleur et le locataire peuvent par contre solliciter une majoration respectivement une diminution du dernier loyer indexé pour le prochain terme de résiliation (art. 269d
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 269d - 1 Le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton.
1    Le bailleur peut en tout temps majorer le loyer pour le prochain terme de résiliation. L'avis de majoration du loyer, avec indication des motifs, doit parvenir au locataire dix jours au moins avant le début du délai de résiliation et être effectué au moyen d'une formule agréée par le canton.
2    Les majorations de loyer sont nulles lorsque:
a  elles ne sont pas notifiées au moyen de la formule officielle;
b  les motifs ne sont pas indiqués;
c  elles sont assorties d'une résiliation ou d'une menace de résiliation.
3    Les al. 1 et 2 sont aussi applicables lorsque le bailleur envisage d'apporter unilatéralement au contrat d'autres modifications au détriment du locataire, par exemple en diminuant ses prestations ou en introduisant de nouveaux frais accessoires.
et 270a
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 270a - 1 Le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation, s'il a une raison d'admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et 269a, à cause d'une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier d'une baisse des frais.
1    Le locataire peut contester le montant du loyer et en demander la diminution pour le prochain terme de résiliation, s'il a une raison d'admettre que la chose louée procure au bailleur un rendement excessif au sens des art. 269 et 269a, à cause d'une notable modification des bases de calcul, résultant en particulier d'une baisse des frais.
2    Le locataire doit adresser par écrit sa demande de diminution au bailleur, qui a un délai de 30 jours pour se déterminer. Si le bailleur ne donne pas suite à la demande, qu'il ne l'accepte que partiellement ou qu'il ne répond pas dans le délai prescrit, le locataire peut saisir l'autorité de conciliation dans un délai de 30 jours.
3    L'al. 2 n'est pas applicable lorsque le locataire qui conteste une augmentation de loyer en demande simultanément la diminution.
CO), à savoir pour l'échéance du bail, original ou reconduit. Cette majoration ou diminution peut être déterminée soit à l'aide de la méthode relative, soit au moyen de la méthode absolue, selon le choix de la partie requérante (ATF 123 III 76 consid. 4c p. 82 s.).

Le mode particulier de fixation du loyer indexé, qui revêt un caractère aléatoire, autorise le recours à la méthode absolue en dérogation à la jurisprudence imposant de relativiser les motifs absolus en cours de bail. Les parties conviennent en effet de ne tenir compte que de la variation de l'indice des prix à l'exclusion de tous les autres facteurs susceptibles d'influer sur le rendement, pari qui peut se révéler en fin de compte favorable au bailleur ou au locataire. Le locataire ne peut ainsi pas présumer de bonne foi que le dernier loyer indexé procure un rendement suffisant au bailleur, puisque celui-ci est empêché d'invoquer une hausse fondée sur d'autres facteurs (ATF 123 III 76 consid. 4c).

Cette dernière constatation a aussi pour conséquence qu'en cas d'application de la méthode relative, le point de comparaison doit s'effectuer avec le loyer fixé au début du bail à loyers indexés (ATF 123 III 76 consid. 4c p. 83, confirmé à l'ATF 125 III 358 consid. 1b/bb p. 361 s.). Toutefois, si un tel bail a été prolongé tacitement, la date de référence pour apprécier le bien-fondé d'une modification requise à la nouvelle échéance est en principe celle du dernier renouvellement du bail. En effet, à ce moment-là, les parties ont la possibilité de requérir une augmentation ou diminution de loyer; si une telle faculté n'est pas exercée, chaque partie peut se prévaloir de l'inaction de l'autre. A chaque échéance de la clause d'indexation reconduite, les parties ont le droit de demander l'application de la méthode absolue, même si les circonstances ne se sont pas modifiées depuis la date d'expiration de la durée initiale pour laquelle le bail à loyers indexés a été conclu (ATF 123 III 76 consid. 4c p. 83; 121 III 397 consid. 2b/bb p. 404 par analogie).
En l'espèce, la locataire motive sa requête de diminution du loyer par la seule baisse du taux hypothécaire de référence. Elle se prévaut ainsi de la méthode relative.

4.3 Le point contesté en l'espèce est la date de la dernière fixation du loyer à prendre en considération dans le cadre de la méthode relative. La locataire soutient que c'est la date de la conclusion du contrat initial en octobre 1992 et la bailleresse que c'est celle de la dernière adaptation du loyer au renchérissement le 19 octobre 2006; la Cour de cassation civile a retenu une troisième date, celle à laquelle la locataire a précédemment pour la dernière fois renoncé à la possibilité de demander une modification du loyer pour cause de variation du taux hypothécaire, à savoir juin 2002.

La date du 19 octobre 2006 n'entre d'emblée pas en considération. L'adaptation de loyer intervenue à ce moment-là était uniquement fondée sur l'évolution de l'indice des prix à la consommation; elle n'avait aucun lien avec le taux hypothécaire de référence qui ne pouvait de toute façon être invoqué que pour l'échéance contractuelle.

En juin 2002, la locataire n'a pas demandé de diminution du loyer pour cause de baisse du taux hypothécaire, et le bail a été reconduit tacitement pour cinq ans dès le 1er janvier 2003 avec le même loyer. Il n'y a donc pas eu de modification consensuelle du loyer, ni de transaction prenant en compte le taux hypothécaire, ni d'augmentation du loyer fondée sur le taux hypothécaire que la locataire n'a pas contestée; le loyer n'a pas non plus été fixé selon la méthode absolue. Les conditions permettant de s'écarter de la règle de l'art. 13 al. 4
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 13 Taux hypothécaires - (art. 269a, let. b, CO)
1    Une augmentation du taux hypothécaire de 1/4 % donne droit, en règle générale, à une hausse maximum de loyer de:
a  2 % quand les taux hypothécaires dépassent 6 %;
b  2,5 % quand les taux hypothécaires se situent entre 5 et 6 %;
c  3 % quand les taux hypothécaires sont inférieurs à 5 %.
2    S'il existe des plans de paiement au sens de l'art. 269a, let. d, ou des contrats-cadres au sens de l'art. 269a, let. f, CO, seules ces réglementations sont applicables lors d'une modification du taux hypothécaire.
3    Si le loyer est calculé durablement sur la base des coûts, à l'exclusion des critères des loyers usuels dans le quartier et de la compensation du renchérissement, le bailleur peut, en cas de hausse du taux hypothécaire, répercuter sur le loyer l'augmentation des charges relatives à l'ensemble du capital investi.
4    Lors d'une modification du loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu de voir en outre si et dans quelle mesure les variations antérieures ont entraîné une modification du loyer.
OBLF ne sont pas données.

Cette disposition spéciale, qui étend le champ d'application temporel de la méthode relative pour le seul facteur du taux hypothécaire (ATF 119 II 32 consid. 3c/bb p. 34), prime le principe énoncé à titre général par la jurisprudence consistant à se référer, pour le calcul du loyer fondé sur la méthode relative, à la date de la dernière reconduction du bail à loyers indexés. Il y a donc lieu d'examiner si et dans quelle mesure les variations antérieures du taux hypothécaire ont entraîné une modification du loyer (art. 13 al. 4
SR 221.213.11 Ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF)
OBLF Art. 13 Taux hypothécaires - (art. 269a, let. b, CO)
1    Une augmentation du taux hypothécaire de 1/4 % donne droit, en règle générale, à une hausse maximum de loyer de:
a  2 % quand les taux hypothécaires dépassent 6 %;
b  2,5 % quand les taux hypothécaires se situent entre 5 et 6 %;
c  3 % quand les taux hypothécaires sont inférieurs à 5 %.
2    S'il existe des plans de paiement au sens de l'art. 269a, let. d, ou des contrats-cadres au sens de l'art. 269a, let. f, CO, seules ces réglementations sont applicables lors d'une modification du taux hypothécaire.
3    Si le loyer est calculé durablement sur la base des coûts, à l'exclusion des critères des loyers usuels dans le quartier et de la compensation du renchérissement, le bailleur peut, en cas de hausse du taux hypothécaire, répercuter sur le loyer l'augmentation des charges relatives à l'ensemble du capital investi.
4    Lors d'une modification du loyer faisant suite à une variation du taux hypothécaire, il y a lieu de voir en outre si et dans quelle mesure les variations antérieures ont entraîné une modification du loyer.
OBLF). Or le loyer initial fixé en 1992 n'a jamais été adapté à l'évolution du taux hypothécaire. Il s'ensuit que la dernière fixation du loyer déterminante en l'espèce pour le calcul de la diminution du loyer au 1er janvier 2008 est la fixation du loyer initial en octobre 1992.

4.4 La diminution se rapporte au loyer dû à l'échéance contractuelle, à savoir à fin 2007, et non pas au loyer précédent, comme l'a retenu à tort la Cour de cassation civile. Car la clause d'indexation était valable et l'adaptation correspondante du loyer ne peut pas être remise en cause dans le cadre d'une requête fondée sur la méthode relative. La locataire l'admet au demeurant expressément dans sa réponse au présent recours de la bailleresse.

5.
Lorsque le locataire se prévaut de la méthode relative pour demander une diminution du loyer, le bailleur peut lui opposer des facteurs relatifs comme la hausse d'autres frais ou le rendement non abusif de la chose louée (ATF 122 III 257 consid. 3 p. 258). Dans sa réponse du 11 janvier 2008 adressée au Tribunal civil (ch. 14 ss), la bailleresse a invoqué une hausse des frais d'entretien; la locataire admet dans sa réponse au présent recours de la bailleresse qu'il y aurait lieu d'en tenir compte, à condition qu'elle soit prouvée. La Cour de cassation civile ne s'est pas prononcée à ce sujet; la cause doit dès lors lui être renvoyée.

6.
La bailleresse succombe sur la question de principe. Il se justifie dès lors de mettre les frais judiciaires et les dépens de la locataire à sa charge (art. 66 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 66 Recouvrement des frais judiciaires - 1 En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
1    En règle générale, les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie qui succombe. Si les circonstances le justifient, le Tribunal fédéral peut les répartir autrement ou renoncer à les mettre à la charge des parties.
2    Si une affaire est liquidée par un désistement ou une transaction, les frais judiciaires peuvent être réduits ou remis.
3    Les frais causés inutilement sont supportés par celui qui les a engendrés.
4    En règle générale, la Confédération, les cantons, les communes et les organisations chargées de tâches de droit public ne peuvent se voir imposer de frais judiciaires s'ils s'adressent au Tribunal fédéral dans l'exercice de leurs attributions officielles sans que leur intérêt patrimonial soit en cause ou si leurs décisions font l'objet d'un recours.
5    Sauf disposition contraire, les frais judiciaires mis conjointement à la charge de plusieurs personnes sont supportés par elles à parts égales et solidairement.
et 68 al. 1
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 68 Dépens - 1 Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
1    Le Tribunal fédéral décide, dans son arrêt, si et dans quelle mesure les frais de la partie qui obtient gain de cause sont supportés par celle qui succombe.
2    En règle générale, la partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie qui a obtenu gain de cause, selon le tarif du Tribunal fédéral, tous les frais nécessaires causés par le litige.
3    En règle générale, aucuns dépens ne sont alloués à la Confédération, aux cantons, aux communes ou aux organisations chargées de tâches de droit public lorsqu'ils obtiennent gain de cause dans l'exercice de leurs attributions officielles.
4    L'art. 66, al. 3 et 5, est applicable par analogie.
5    Le Tribunal fédéral confirme, annule ou modifie, selon le sort de la cause, la décision de l'autorité précédente sur les dépens. Il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable ou laisser à l'autorité précédente le soin de les fixer.
et 2
SR 173.110 Loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) - Organisation judiciaire
LTF Art. 2 Indépendance - 1 Dans l'exercice de ses attributions judiciaires, le Tribunal fédéral est indépendant et n'est soumis qu'à la loi.
1    Dans l'exercice de ses attributions judiciaires, le Tribunal fédéral est indépendant et n'est soumis qu'à la loi.
2    Ses arrêts ne peuvent être annulés ou modifiés que par lui-même et conformément aux dispositions de la loi.
LTF).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Les causes 4A 489/2010 et 4A 531/2010 sont jointes.

2.
Le recours de Y.________ est rejeté.

3.
Le recours de X.________ SA est partiellement admis.

4.
L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

5.
Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de Y.________.

6.
Y.________ est condamnée à verser à X.________ SA la somme de 6'000 fr. à titre de dépens.

7.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 6 janvier 2011

Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: La Greffière:

Klett Monti