99 Ib 336
41. Arrêt de la Ire Cour civile du 18 septembre 1973 dans la cause Gimo SA contre Bureau fédéral de la propriété intellectuelle.
Regeste (de):
- Widerruf einer zu Unrecht registrierten Markenübertragung.
- Art. 16 MSchG und 19 Abs. 1 Ziff. 1 VO. Urkunde, welche die Übertragung beweist (Erw. 1).
- Voraussetzungen des Widerrufs oder der Änderung eines gesetzwidrigen Verwaltungsaktes, insbesondere betreffend die Übertragung einer Marke (Erw. 2).
- Zuständigkeit (Erw. 3).
Regeste (fr):
- Révocation du transfert d'une marque enregistré à tort.
- Art. 16
LMF et 19 al. 1 ch. 1 OMF. Pièce prouvant le transfert (consid. 1).
- Conditions de la révocation ou de la modification d'un acte administratif contraire au droit, en particulier du transfert d'une marque (consid. 2).
- Compétence (consid. 3).
Regesto (it):
- Revoca della trasmissione registrata a torto di una marca.
- Art. 16
LMF e 19 cpv. 1 OMF. Documento comprovante la trasmissione (consid. 1).
- Presupposti della revoca o della modifica di un atto amministrativo illegittimo, in particolare della trasmissione di una marca (consid. 2).
- Competenza (consid. 3).
Sachverhalt ab Seite 337
BGE 99 Ib 336 S. 337
A.- Le 16 décembre 1969, le Bureau fédéral de la propriété intellectuelle (ci-après: le Bureau) a enregistré au nom de dame Dorothée Moschini la marque "Mil Color" pour "couleurs, vernis et laques sous formes d'aérosols pour automobiles". Le 3 novembre 1970, dame Moschini, son époux Gilbert et Guy Donnet ont conclu une convention, qui renferme notamment les clauses suivantes: dame Moschini "est propriétaire de la société simple Gimo, qui comprend notamment la marque de fabrique Mil Color, ainsi que les machines et installations pour la fabrication et la commercialisation de spray pour la carrosserie automobile"; la valeur des "marchandises, installations, stock des marchandises en magasin, débiteurs, etc." est estimée à 50 000 fr. Les époux Moschini "se proposent de constituer une société anonyme sous le nom de Gimo SA, au capital social de 50 000 fr. entièrement libéré et constitué par les apports de M. et Mme Moschini... et l'inventaire des marchandises au 30 septembre 1970"; ils "s'engagent à céder à M. Guy Donnet... 25 actions de fr. 1000.-- du capital social pour le prix de fr. 25 000.--". Un "acte constitutif de société anonyme" du 22 février 1971 désigne comme fondateurs les époux Moschini et Francis Nicolet. Selon un chiffre IV intitulé "approbation d'une convention relative à des apports en nature", "la société acquiert" de Nicolet et des époux Moschini "un stock de marchandises diverses, des fournitures et du matériel de bureau d'une valeur totale de fr. 39 130.30". La "Convention d'apports" en question, passée le même jour et entre les mêmes personnes, indique le détail et la valeur, soit 39 130 fr. 30, de l'"apport" de Nicolet et des époux Moschini. Il n'est pas question dans cette convention ni dans l'acte constitutif de la société du commerce de dame Moschini ni de la marque Mil Color. Gimo SA a été inscrite au registre du commerce de Lausanne le 16 mars 1971. Elle a notamment pour but la "fabrication et
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diffusion de produits de la marque Mil Color". Gilbert Moschini était inscrit comme administrateur avec la signature individuelle. Il a été remplacé le 26 janvier 1972 par Bernard Grosjean. Le 3 octobre 1972, le bureau d'ingénieurs-conseils Dériaz, Kirker et Cie, agissant pour Gimo SA, a demandé la transmission de la marque Mil Color à cette société. Il produisait à l'appui de sa demande la convention du 3 novembre 1970 et un extrait du registre du commerce. Le Bureau a satisfait à cette requête.
B.- Par lettre du 13 décembre 1972, dame Moschini a requis le Bureau de retransférer à son nom la marque Mil Color. Elle faisait valoir que le bureau Dériaz, Kirker et Cie avait utilisé pour obtenir le transfert une procuration qui lui avait été donnée dans un but précis. Elle se référait à cet égard à une déclaration du même jour de l'administrateur Grosjean de Gimo SA Selon cette déclaration, celui-ci n'avait délégué ses pouvoirs au bureau Dériaz et Kirker que pour le dépôt d'une sous-marque, "Le Perroquet"; il n'avait jamais requis le transfert de la marque "Mil Color" ni chargé un tiers de le faire; dans la mesure où cette marque avait été inscrite au nom de Gimo SA, il requérait le Bureau de la retransférer au nom de dame Moschini. Mais le 17 janvier 1973, Gimo SA a demandé au Bureau, sous la signature de son administrateur Grosjean, de ne pas retransférer la marque; elle se référait à la convention entre Guy Donnet et les époux Moschini. Le Bureau a écrit aux parties le 24 janvier 1973 que le transfert de la marque Mil Color avait été effectué à tort le 12 octobre 1972 et qu'il devrait procéder à une rectification en ce sens que la marque resterait enregistrée au nom de dame Moschini; il relevait que l'acte constitutif de Gimo SA et la convention d'apports du 22 février 1971, pièces déterminantes pour décider si le transfert avait effectivement eu lieu ou pas, faisaient totalement abstraction du transfert ou de l'apport à Gimo SA de la marque Mil Color. Dame Moschini s'est déclarée d'accord avec la rectification proposée. Gimo SA a conclu au maintien de "l'enregistrement du 12 octobre 1972". Par décision du 6 avril 1973, le Bureau a annulé l'inscription de Gimo SA comme titulaire de la marque Mil Color et réinscrit en cette qualité dame Moschini.
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C.- Gimo SA a formé un recours de droit administratif. Elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et à l'inscription à son nom de la marque Mil Color. Le Bureau propose le rejet du recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. La transmission d'une marque suppose la production d'une déclaration, légalisée, de l'ancien titulaire de la marque, d'après laquelle celle-ci a été transmise au nouveau titulaire avec l'entreprise ou la partie de l'entreprise dont elle sert à distinguer les produits ou marchandises, ou une autre pièce qui prouve cette transmission (art. 16
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A défaut d'une pièce justificative suffisante au sens de l'art. 16
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BGE 99 Ib 336 S. 340
la marque Mil Color. En donnant suite à la requête du 3 octobre 1972, il violait le droit fédéral.
2. a) Selon la jurisprudence, il est conforme à la nature du droit public et de l'intérêt public qu'un acte administratif qui ne correspond pas à la loi ne soit pas irrévocable. Mais la sécurité du droit peut d'autre part exiger qu'une décision administrative ayant acquis l'autorité formelle de la chose jugée ne soit pas remise en question. En l'absence de prescription légale autorisant la révocation ou la modification d'une décision administrative contraire au droit, la mise en balance de l'intérêt qu'il y a d'une part à appliquer le droit objectif, d'autre part à éviter l'insécurité juridique dicte la solution. Le postulat de la sécurité du droit l'emporte notamment lorsque l'acte administratif a fondé des droits subjectifs, lorsque la décision a été prise sur la base d'une procédure d'opposition et d'enquête destinée à permettre d'examiner l'intérêt public sous tous ses aspects et de le comparer aux intérêts privés auxquels il se heurte, enfin lorsque le particulier a déjà fait usage d'un droit qui lui avait été accordé (RO 91 I 95 s.; 78 I 406 s. et citations).
Le Tribunal fédéral a considéré que les autorités administratives préposées à la tenue du registre du commerce devaient veiller au respect du principe de la véracité des inscriptions; elles ont l'obligation d'intervenir d'office lorsqu'une inscription n'est pas conforme à la vérité, le cas échéant en rapportant ou en modifiant leurs décisions (RO 56 I 361, 478); demeure réservé l'effet réparateur ("Heilungstheorie") du registre (RO 64 II 281 et les arrêts cités). Il a également jugé que l'autorité ne pouvait se voir opposer la force de chose jugée d'une décision constatant la soumission d'une entreprise à la loi sur les banques si les circonstances se sont modifiées de façon telle que cet assujettissement ne se justifie plus; le risque dérivant de la perte de la protection conférée aux créanciers par la loi sur les banques ne saurait justifier le maintien d'une décision d'assujettissement dans ces conditions (RO 87 I 496 s. consid. 5). b) L'enregistrement d'une marque n'a qu'un effet déclaratif; ni le transfert d'une marque opéré à tort ni son usage par la personne inscrite ne confèrent à cette dernière le droit à la marque (RO 83 II 333; DAVID, Kommentar zum Schweizerischen Markenschutzgesetz, 2e éd. 1960, n. 27 ad art. 13). La personne inscrite bénéficie seulement d'une présomption (RO 74 II 186). En cas de litige, il appartient au juge et non pas à l'administration
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de décider si la marque existe et qui en est titulaire. L'inscription n'a de portée que pour le fardeau de la preuve (RO 89 II 102). c) En l'espèce, la sécurité du droit ne postule pas le maintien de l'enregistrement de la marque Mil Color au nom de la recourante, opéré à tort à la suite de la demande de transfert du 3 octobre 1972. La décision du Bureau n'a pas conféré de droits subjectifs à la recourante. Elle n'a pas été prise à l'issue d'une procédure d'opposition et d'enquête. Dans la mesure où la recourante a fait usage de la marque et qu'elle y était autorisée, c'est en vertu d'un contrat et non d'un droit dérivant de l'enregistrement. La répartition du fardeau de la preuve en cas de procès civil demeure sans incidence sur la sécurité du droit. Au demeurant, il ne tenait qu'à la recourante de bénéficier d'un enregistrement régulier, en obtenant et en produisant à l'appui de sa demande la déclaration de l'ancien titulaire de la marque prévue par l'art. 19
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3. a) La recourante conteste la compétence du Bureau pour ordonner cette rectification. Celle-ci équivaut selon elle à une radiation que le Bureau n'est habile à opérer qu'aux conditions de l'art. 24
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LMF): cet auteur envisage une hypothèse très différente de la présente espèce, soit la radiation d'une marque enregistrée par erreur en Suisse alors qu'elle ne l'était pas à l'étranger et que la preuve de la protection au lieu d'établissement du déposant aurait dû être fournie. b) La recourante reproche au Bureau d'avoir modifié sa jurisprudence ("Praxisänderung") entre le 12 octobre 1972, date à laquelle il considérait que les conditions du transfert étaient remplies, et le 24 janvier 1973, où il a exprimé l'opinion contraire. Sans doute le Bureau a-t-il tout d'abord enregistré le transfert sur la base de la demande du 3 octobre 1972 et des pièces qui l'accompagnaient. Mais il a reconnu après coup qu'il s'était trompé dans l'examen de ces pièces et, partant, de la légitimité de la demande de transfert au regard des art. 16
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4. Le Bureau était non seulement fondé à révoquer le transfert, enregistré à tort, de la marque Mil Color et à rétablir l'inscription antérieure à cet enregistrement, mais il était aussi tenu de le faire. Les allégations présentées par la recourante le 5 mars 1973 en réponse à la lettre du 24 janvier du Bureau n'apportaient aucune preuve de la transmission de la marque. Ni l'affirmation selon laquelle la marque avait été transférée avec l'entreprise, malgré l'absence d'une clause expresse, ni la remise à la recourante des boîtes de peinture et des étiquettes
BGE 99 Ib 336 S. 343
portant la marque Mil Color ne constituaient la preuve exigée par l'art. 19
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Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.