95 I 169
25. Extrait de l'arrêt du 23 mai 1969 dans la cause Pictet contre Commission vaudoise de recours en matière d'impôt.
Regeste (de):
- Wehrsteuer auf dem im Betriebe eines buchführungspflichtigen Unternehmens bei der Veräusserung von Liegenschaften erzielten Kapitalgewinn (Art. 21 Abs. 1 lit. d WStB).
- Fall des Ehemannes,der seiner Ehefrau für den Betrieb ihres Unternehmens eine ihm gehörende Liegenschaft zur Verfügung stellt, aber selber nicht Kaufmann ist.
Regeste (fr):
- Impôt pour la défense nationale sur le bénéfice en capital obtenu, dans l'exploitation d'une entreprise astreinte à tenir des livres, par l'aliénation d'immeubles (art. 21 al. 1 litt . d AIN).
- Cas du mari qui met un immeuble lui appartenant à la disposition de sa femme pour qu'elle y exploite son entreprise, mais qui n'est pas lui-même commerçant.
Regesto (it):
- Imposta per la difesa nazionale sul profitto in capitale conseguito nell'esercizio di un'azienda avente l'obbligo di tenere contabilità mediante l'alienazione di immobili (art. 21 cpv. 1 lett. d DIN).
- Caso del marito che mette un proprio immobile a disposizione della moglie, perchè vi eserciti la sua azienda, ma che non è lui stesso commerciante.
Sachverhalt ab Seite 170
BGE 95 I 169 S. 170
Résumé des faits:
Pictet est invalide et incapable de travailler depuis 1946. Sa femme a subvenu aux besoins du ménage en exploitant une pension, inscrite au registre du commerce dès 1950 (raison individuelle). Primitivement installée dans des locaux loués, l'entreprise a été transférée en 1952 dans un bâtiment acheté par Pictet. Depuis lors, ce bâtiment a figuré au bilan de la pension de dame Pictet. Sa valeur a fait l'objet d'amortissements à raison de 1% par an. A la vente de l'immeuble, en 1963, le bénéfice réalisé a été porté dans les comptes de l'entreprise comme produit d'exploitation.
Les autorités fiscales ont imposé le bénéfice réalisé lors de la vente de l'immeuble à titre de bénéfice en capital au sens de l'art. 21 al. 1 litt . d AIN. Pictet a contesté cette taxation. Débouté par la Commission cantonale de recours, il a formé un recours de droit administratif, que le Tribunal fédéral a admis.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. En vertu de l'art. 21 al. 1 litt . d AIN, les bénéfices en capital obtenus dans l'exploitation d'une entreprise astreinte à tenir des livres, par l'aliénation ou la réalisation de biens, sont soumis à l'impôt pour la défense nationale. Un bénéfice en capital provient de l'exploitation de l'entreprise lorsque le bien aliéné ou réalisé faisait partie de la fortune commerciale. Si le bien appartenait à la fortune privée du commerçant, l'impôt n'est pas dû. Lorsque l'appartenance d'un bien à l'un ou l'autre des patrimoines est douteuse, il faut prendre en considération l'ensemble des circonstances de fait pour décider de son attribution (RO 941 466 consid.1; 93 I 364 et les arrêts cités).
2. En matière d'impôt pour la défense nationale, chacun des époux est un contribuable distinct (RO 76 I 400). Par la substitution
BGE 95 I 169 S. 171
fiscale que prévoit l'art. 13 AIN, le mari reprend l'obligation fiscale de sa femme; il apparaît dès lors seul comme partie à la procédure de taxation et de recours. Néanmoins, avant d'être ajoutés conformément à cette disposition, le revenu imposable du mari et celui de la femme doivent être déterminés séparément. Si l'un des époux exploite une entreprise astreinte à tenir des livres, au sens des art. 21 al. 1 litt . d AIN et 957 CO, il sera taxé selon son revenu commercial, tandis que l'autre époux, qui n'exploite pas une telle entreprise, sera taxé selon les règles ordinaires. Cette situation ne se modifie pas du seul fait que l'époux non astreint à tenir une comptabilité met un immeuble à la disposition de son conjoint pour qu'il y exploite son entreprise. L'époux propriétaire de l'immeuble n'en acquiert pas pour autant une fortune commerciale. Il se trouve dans la même position que celui qui met un immeuble à la disposition d'un tiers quelconque. Même si ce tiers est une société anonyme que le propriétaire domine et où il occupe un poste dirigeant, l'immeuble continue à faire partie de la fortune privée (RO 79 I 63/64). Dans son arrêt du 29 novembre 1957 en la cause W. F. contre Commission cantonale soleuroise de recours (RO 83 I 337 ss.; RDAF 1959, p. 130), le Tribunal fédéral a jugé que n'était pas imposable à titre de revenu le bénéfice réalisé lors de la vente de l'immeuble appartenant à l'épouse et mis à la disposition du mari, qui exploitait l'entreprise. La solution doit être la même dans la situation inverse, qui est celle de la présente espèce. Le régime matrimonial étant sans conséquence du point de vue fiscal, peu importe que le mari ait eu, dans la cause F., la jouissance de l'immeuble de la femme en vertu des règles de l'union des biens, alors qu'ici la femme, commerçante, n'a aucun droit de jouissance sur les biens du mari. Quel que soit le régime matrimonial, les époux se doivent l'un à l'autre assistance (art. 159
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
|
1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |
3. L'administration fiscale relève que l'épouse du recourant a fait figurer l'immeuble au bilan de son entreprise et que le recourant lui-même a opéré, sur la valeur de cet immeuble,
BGE 95 I 169 S. 172
des amortissements qui ont été admis. Elle n'en déduit pas toutefois - et elle a raison - que l'immeuble soit devenu un élément de la fortune commerciale de l'épouse du recourant. Celui qui exploite seul une entreprise commerciale ne peut faire figurer à son actif des immeubles appartenant à un tiers. Ce serait méconnaître les principes de clarté et de sincérité qui régissent l'établissement du bilan (art. 959
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 959 - 1 Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
|
1 | Le bilan reflète l'état du patrimoine et la situation financière de l'entreprise à la date du bilan. Il se compose de l'actif et du passif. |
2 | L'actif comprend les éléments du patrimoine dont l'entreprise peut disposer en raison d'événements passés, dont elle attend un flux d'avantages économiques et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. Aucun autre élément du patrimoine ne peut être porté au bilan. |
3 | L'actif circulant comprend la trésorerie et les actifs qui seront vraisemblablement réalisés au cours des douze mois suivant la date du bilan, dans le cycle normal des affaires ou d'une autre manière. Tous les autres actifs sont classés dans l'actif immobilisé. |
4 | Le passif comprend les capitaux étrangers et les capitaux propres. |
5 | Les capitaux étrangers comprennent les dettes qui résultent de faits passés, qui entraînent un flux probable d'avantages économiques à la charge de l'entreprise et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant. |
6 | Les capitaux étrangers à court terme comprennent les dettes qui seront vraisemblablement exigibles dans les douze mois suivant la date du bilan ou dans le cycle normal des affaires. Toutes les autres dettes sont classées dans les capitaux étrangers à long terme. |
7 | Les capitaux propres sont présentés et structurés en fonction de la forme juridique de l'entreprise. |
4. Il faut encore se demander si le recourant possède luimême une fortune commerciale, dont l'immeuble serait un élément. Du fait que l'immeuble et le bénéfice réalisé lors de sa vente ont été portés dans les comptes de dame Pictet, les autorités fiscales veulent déduire que le recourant est entré en qualité d'associé dans l'entreprise de sa femme. De fait, des époux peuvent, même sans inscription sur le registre du commerce, former entre eux une société en nom collectif, lorsqu'ils ont la volonté de se lier ainsi et qu'ils agissent sous une raison sociale (art. 552
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 552 - 1 La société en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs personnes physiques, sous une raison sociale et sans restreindre leur responsabilité envers les créanciers de la société, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelque autre industrie. |
|
1 | La société en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs personnes physiques, sous une raison sociale et sans restreindre leur responsabilité envers les créanciers de la société, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelque autre industrie. |
2 | Les membres de la société sont tenus de la faire inscrire sur le registre du commerce. |
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 530 - 1 La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun. |
|
1 | La société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun. |
2 | La société est une société simple, dans le sens du présent titre, lorsqu'elle n'offre pas les caractères distinctifs d'une des autres sociétés réglées par la loi. |
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 551 - La dissolution de la société ne modifie pas les engagements contractés envers les tiers. |
BGE 95 I 169 S. 173
circonstances démontrait que les époux Pictet ont effectivement eu la volonté de créer une telle société. Or il n'est pas établi que ces époux entendaient aller au-delà de la collaboration qu'implique déjà le mariage et exploiter sous une raison sociale (art. 552
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 552 - 1 La société en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs personnes physiques, sous une raison sociale et sans restreindre leur responsabilité envers les créanciers de la société, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelque autre industrie. |
|
1 | La société en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs personnes physiques, sous une raison sociale et sans restreindre leur responsabilité envers les créanciers de la société, pour faire le commerce, exploiter une fabrique ou exercer en la forme commerciale quelque autre industrie. |
2 | Les membres de la société sont tenus de la faire inscrire sur le registre du commerce. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
|
1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 159 - 1 La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
|
1 | La célébration du mariage crée l'union conjugale. |
2 | Les époux s'obligent mutuellement à en assurer la prospérité d'un commun accord et à pourvoir ensemble à l'entretien et à l'éducation des enfants. |
3 | Ils se doivent l'un à l'autre fidélité et assistance. |
BGE 95 I 169 S. 174
Il n'apparaît pas au demeurant que le recourant et sa femme aient choisi pour organiser leurs rapports pécuniaires une construction juridique insolite, non conforme à la réalité économique, dans le dessein d'éluder l'impôt. Pictet, qui disposait de quelque argent, a acheté l'immeuble. Sa femme, seule capable de travailler, y a installé son entreprise et a supporté les charges du ménage. Les époux se sont ainsi conformés aux devoirs généraux du mariage. Il n'est pas nécessaire de construire artificiellement une société en nom collectif les liant entre eux pour expliquer leur façon d'agir.
Le recours doit dès lors être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle procède à la taxation du recourant sans faire entrer dans le revenu imposable le bénéfice en capital obtenu lors de la vente de l'immeuble.