93 I 305
38. Arrêt du 17 mai 1967 dans la cause Rialto-Film AG et consorts contre Conseil d'Etat du canton de Genève.
Regeste (de):
- Filmzensur.
- 1. Es verstösst nicht gegen Art. 31 BV, die Kinos einerseits und die Theater und übrigen Schaustellungsunternehmen anderseits als verschiedene Gewerbezweige zu behandeln und nur die ersteren der Vorzensur zu unterstellen (Erw. 2a).
- 2. Eine in einem Kanton getroffene Anordnung verstösst nicht schon deshalb gegen Art. 4 BV, weil sie im Widerspruch mit einem in einem andern Kanton getroffenen Entscheid steht (Erw. 2c).
- 3. Eine Behörde verletzt den Grundsatz der Rechtsgleichheit durch einen Entscheid nur dann, wenn dieser mit einem von ihr selber erlassenen andern Entscheid unvereinbar ist (Erw. 4).
- 4. Prüfungsbefugnis des Bundesgerichts in bezug auf die Schädlichkeit eines Films. Da es sich um eine Tatfrage handelt, überprüft das Bundesgericht den kantonalen Entscheid mit besonderer Zurückhaltung; es kommt ihm nicht die Stellung einer eidgenössischen Zensurkommission zu (Erw. 3a).
Regeste (fr):
- Censure des films cinématographiques.
- 1. Il n'est pas contraire à l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit.
1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. 2 Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. 3 Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. 4 Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. - 2. Une disposition prise par un canton ne viole pas l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999
Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche.
- 3. Une autorité ne viole le principe d'égalité qu'en rendant une décision inconciliable avec une autre mesure dont elle est l'auteur (consid. 4).
- 4. Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral quant au caractère nocif d'un film. S'agissant d'une question de fait, le Tribunal fédéral ne revoit la décision cantonale qu'en usant d'une retenue particulière; il n'a pas à se muer en une commission fédérale de censure (consid. 3a).
Regesto (it):
- Censura dei film.
- 1. Non è contrario all'art. 31 CF attribuire a rami economici differenti i cinema e le altre imprese di spettacolo e sottoporre soltanto i primi alla censura preventiva (consid. 2a).
- 2. Una disposizione presa in un cantone non viola l'art. 4 CF per il solo motivo ch'essa è in contraddizione con una decisione resa in un altro cantone (consid. 2c).
- 3. Un'autorità viola il principio dell'eguaglianza soltanto se emana una decisione inconciliabile con un'altra decisione presa da lei medesima (consid. 4).
- 4. Potere d'esame del Tribunale federale quanto al carattere nocivo di un film. Trattandosi d'una questione di fatto, il Tribunale federale non riesamina la decisione cantonale che con un particolare riserbo; non deve tramutarsi in una commissione federale di censura (consid. 3a).
Sachverhalt ab Seite 306
BGE 93 I 305 S. 306
A.- Par décision du 21 octobre 1966, le Département genevois de justice et police, sur préavis de la Commission cantonale de contrôle des films cinématographiques, a interdit sur le territoire cantonal la projection du film "Répulsion", en indiqant les motifs suivants: "Film nocif par son climat général et le sadisme de certaines images. L'absence de motivation, en dehors de la description minutieuse d'un cas pathologique, confère à cette oeuvre un caractère d'atrocité gratuite". Saisi d'un recours de la Société distributrice Rialto-Film AG, à Zurich, et du propriétaire de salle Eric Chasalle, le Conseil d'Etat genevois confirma le 10 janvier 1967 la décision du Département de justice et police. L'argument du film, tel qu'il ressort de la décision du Conseil d'Etat, est le suivant: "Le film interdit a pour thème l'histoire d'une jeune femme psychopathe qui vit avec sa soeur ainée, laquelle entretient une liaison avec un homme marié. Traumatisée par cette liaison, l'héroïne glisse peu à peu dans une folie qui lui fait éprouver une véritable répulsion - d'où le titre du film - à l'égard des réalités de l'amour physique. Alors qu'elle se trouve seule pendant quelques jours, elle subit une suite de terreurs et de cauchemars. Sous l'influence de cette
BGE 93 I 305 S. 307
psychose, elle sera amenée à tuer successivement deux hommes qui étaient entrés dans l'appartement. A la fin, elle sera retrouvée dans un état de totale prostration, apparemment mourante ou morte". Le Conseil d'Etat fonda sa décision sur l'article 41 du "Règlement concernant les salles de spectacle ou de réunion et, d'une manière générale, tous les grands établissements publics", du 23 novembre 1945, dont la teneur est la suivante: "Sont interdits les spectacles contraires à la morale et à l'ordre public, notamment ceux qui représentent des actes sanguinaires ou qui sont de nature à suggérer, à provoquer ou à glorifier des actes criminels ou délictueux." Dans l'application de ce texte, relevait le Conseil d'Etat, il tient compte des conceptions dominantes et de l'effet des films sur le public en général, indépendamment de leur valeur artistique. En l'espèce il constata, à la suite de plusieurs critiques, que "Répulsion" dépeignait avec réalisme des actes sanguinaires et contenait des scènes érotiques qui confinent à l'obscénité; il en tira la conclusion que ce film pouvait être nocif, quelque soit le message que son auteur entendait exprimer.
B.- Agissant par la voie du recours de droit public, Rialto-Film AG et Chasalle requièrent le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat et de l'inviter à autoriser la projection de "Répulsion" dans le canton pour le public de plus de 18 ans. Subsidiairement, ils demandent au Tribunal fédéral de voir le film interdit. Plus subsidiairement, ils proposent de charger des experts de comparer ce film à d'autres, qui ont été autorisés dans le canton. Les moyens qu'ils exposent, en invoquant les art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
BGE 93 I 305 S. 308
d'interdire à un cinéma de présenter un film que les téléspectateurs verront peut-être à leur domicile ou dans les établissements publics. D'autre part, "Répulsion" a été projeté dans douze cantons suisses et à l'étranger sans entraves; aujourd'hui que les conceptions morales tendent à s'uniformiser, il n'y a aucune raison d'empêcher les habitants de Genève - pour la plupart Confédérés ou étrangers - d'assister à un spectacle qui est licite ailleurs. Il est contraire à l'article 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
C.- Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. Rialto-Film AG a le droit exclusif de louer "Répulsion" aux cinémas suisses; Eric Chasalle est propriétaire des cinémas "Ciné 17" et "L'Ecran", dans l'un desquels il se propose de projeter ce film. Lésés l'un et l'autre dans leurs intérêts juridiques par l'arrêté du Conseil d'Etat, les deux recourants ont vocation pour agir. Outre l'annulation de la décision attaquée, ils demandent au Tribunal fédéral d'inviter le Conseil d'Etat à autoriser la projection du film "Répulsion" devant toute personne âgée de plus de 18 ans. S'agissant d'une cause où une autorisation de police a été refusée, cette deuxième conclusion est recevable (RO 84 I 113, 87 I 116; de même 91 I 484 s. et les arrêts cités).
2. Les recourants s'en prennent d'abord à la censure des cinémas, telle qu'elle est instituée à Genève. Ils reprochent en premier lieu au Conseil d'Etat de n'appliquer qu'aux cinémas l'art. 41 du règlement de 1945. Ils critiquent ensuite le fait qu'à la différence d'autres spectacles, les films sont soumis au contrôle d'une commission spéciale. Puis ils laissent entendre
BGE 93 I 305 S. 309
que le développement de la télévision prive de sa raison d'être toute forme de censure des cinémas. Enfin ils s'insurgent contre le refus d'admettre à Genève des films dont la projection est autorisée ailleurs. Or aucun des moyens soulevés ne peut être retenu pour violation des dispositions constitutionnelles invoquées. a) Une mesure étatique est incompatible avec l'art. 31
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 31 Privation de liberté - 1 Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
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1 | Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est dans les cas prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit. |
2 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté a le droit d'être aussitôt informée, dans une langue qu'elle comprend, des raisons de cette privation et des droits qui sont les siens. Elle doit être mise en état de faire valoir ses droits. Elle a notamment le droit de faire informer ses proches. |
3 | Toute personne qui est mise en détention préventive a le droit d'être aussitôt traduite devant un ou une juge, qui prononce le maintien de la détention ou la libération. Elle a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable. |
4 | Toute personne qui se voit privée de sa liberté sans qu'un tribunal l'ait ordonné a le droit, en tout temps, de saisir le tribunal. Celui-ci statue dans les plus brefs délais sur la légalité de cette privation. |
BGE 93 I 305 S. 310
jeunes ou non, ils connaissent en général les dangers auxquels ils s'exposent. En limitant dès lors aux films le contrôle de la commission spéciale, le règlement du 23 novembre 1945 n'encourt pas le grief d'inconstitutionnalité. b) Contrairement à l'opinion des recourants, le développement de la télévision ne rend pas superflue la censure des films projetés dans les cinémas. Sans doute la télévision présente-t-elle des films qui ont passé dans les cinémas, et l'augmentation constante du nombre des téléspectateurs donne-t-elle aux émissions de télévision une importance qui intéresse l'ordre public. Mais le maintien du contrôle des représentations cinématographiques par les cantons ne crée pas une inégalité au profit de la télévision et au détriment des cinémas. En effet, les spectacles télévisés n'échappent pas à toute surveillance: en Suisse comme en France, il sont soumis au contrôle de l'Etat. La télévision suisse - ainsi que cela ressort du procès-verbal de la Conférence des chefs des Départements cantonaux de justice et police, tenue en 1961 à Genève (p. 19/20) - obéit aux directives du Conseil fédéral, selon lesquelles "les émissions doivent être irréprochables au point de vue culturel et moral; elles doivent... contribuer à la formation intellectuelle, morale et esthétique du public, répondre au désir d'information et de saine distraction de celui-ci et contribuer à l'éducation de la jeunesse...". En particulier, les organes de cette société s'abstiennent de présenter des films qui ont fait l'objet de mesures restrictives dans un ou plusieurs cantons (loc. cit. p. 20). Quant à l'Office de radiodiffusion-télévision française, il est placé sous la tutelle étatique; il est donc soumis lui aussi à un contrôle (Revue du droit public et de la science politique, 1964, p. 1152 ss.). Il reste évidemment les films diffusés par d'autres émetteurs étrangers; s'ils peuvent heurter l'ordre public ou la morale il n'y a pas de raison d'en accroître la diffusion en Suisse en supprimant la censure des représentations cinématographiques. Comme on l'a dit à la même Conférence des chefs des Départements cantonaux de justice et police, "cela reviendrait à aligner nos conceptions sur celles de l'étranger" (procès-verbal p. 20). c) En prétendant contraire à l'art. 4
SR 101 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 Cst. Art. 4 Langues nationales - Les langues nationales sont l'allemand, le français, l'italien et le romanche. |
BGE 93 I 305 S. 311
territoire genevois d'un film autorisé dans d'autres cantons et à l'étranger, les recourants se méprennent sur la portée de cette disposition. Que la législation de police diffère de canton à canton, que des dispositions identiques ou analogues soient appliquées diversement dans l'un ou l'autre, c'est une conséquence de la sphère d'autonomie dont jouissent les cantons (l'"Eigenständigkeit" cantonale), qui prévaut sur l'art. 4
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Il n'y a pas de raison de s'écarter de cette jurisprudence en ce qui concerne la censure des films. Au contraire, il est significatif que, dans un Etat unitaire tel que la France, la juridiction administrative ait jugé qu'un même film, "Les liaisons dangereuses", pouvait être interdit dans certaines villes et toléré dans d'autres (Revue du droit public et de la science politique, 1964, p. 855 s.).
3. Les recourants contestent que "Répulsion" soit un film nocif au sens de l'art. 41 du règlement du 23 novembre 1945. Pour en décider, l'autorité doit tenir compte de la réaction subjective probable du public ordinaire des salles de spectacle (RO 87 I 118). Les recourants ont demandé que le Tribunal fédéral ordonne, avant de rendre sa décision, la vision du film frappé d'interdiction; la Cour de céans estime inutile d'y procéder, pour les raisons suivantes: a) Le point à trancher est une question de fait, dont le Tribunal fédéral ne revoit la solution qu'en usant d'une retenue particulière (RO 78 I 302; 87 I 119 s.). Non seulement les exigences de l'ordre public et de la moralité publique varient au gré des circonstances et des conceptions locales, mais la valeur d'un film, plus que celle d'autres spectacles, est sujette à des appréciations diverses (RO 87 I 119 s.). Le Tribunal fédéral n'a pas à se muer en une commission fédérale de censure. b) Les nombreux articles de presse joints au recours et à la réponse constituent des éléments d'appréciation explicites et importants sur la nature du film: leur seule lecture permet à la Cour de se convaincre que le Conseil d'Etat n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation.
BGE 93 I 305 S. 312
S'il est vrai que quelques journalistes n'accompagnent leurs commentaires d'aucune réserve d'ordre moral, ils constituent cependant une minorité, dont le Conseil d'Etat n'était pas obligé d'adopter la manière de voir. Peu importe également que tous les critiques louent les qualités esthétiques de "Répulsion", parfois dans les termes les plus élogieux; cet aspect du film ne relève pas de la police du commerce et de l'industrie (arrêt Sphinx-Film SA du 3 mai 1961, consid. 4 lit. a).
4. Les recourants soutiennent qu'il est incompatible avec l'art. 4
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Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Rejette le recours.