90 II 9
2. Extrait de l'arrêt de la Ire cour civile du 21 janvier 1964 dans la cause Zufferey contre O. Kull et Cie.
Regeste (de):
- 1. Art. 19 Abs. 3 ZGB. Relativer Begriff der Urteilsfähigkeit, deren Vorhandensein vermutet wird; Rechts- und Tatfrage (Erw. 3).
- 2. Ein 12jähriger Sekundarschüler löst von Hand die zur Befestigung eines schweren Elektrizitäts-Leitungsmastes dienenden Schraubenmuttern; Bewusstsein der Gefährlichkeit dieser Handlung; Verschuldensbewertung (Erw. 4 und 5).
- 3. Mitverschulden des Unternehmens wegen Nichtanziehens der Schraubenmuttern (Erw. 6).
Regeste (fr):
- 1. Art. 19 al. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 19 - 1 Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10
1 Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10 2 Elles n'ont pas besoin de ce consentement pour acquérir à titre purement gratuit ni pour régler les affaires mineures se rapportant à leur vie quotidienne.11 3 Ils sont responsables du dommage causé par leurs actes illicites. - 2. Un collégien de douze ans dévisse à la main les écrous destinés à fixer solidement un lourd pylône: conscience du caractère dangereux de cet acte; appréciation de la faute commise (consid. 4 et 5).
- 3. Faute concurrente de l'entreprise qui ne serre pas lesdits écrous (consid. 6).
Regesto (it):
- 1. Art. 19 cpv. 3
SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907
CC Art. 19 - 1 Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10
1 Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10 2 Elles n'ont pas besoin de ce consentement pour acquérir à titre purement gratuit ni pour régler les affaires mineures se rapportant à leur vie quotidienne.11 3 Ils sont responsables du dommage causé par leurs actes illicites. - 2. Un allievo ginnasiale di 12 anni svita a mano le madreviti destinate a fissare saldamente un pesante pilone: coscienza del carattere pericoloso di tale atto; apprezzamento della colpa (consid. 4 e 5).
- 3. Colpa concorrente dell'impresa che non fissa le madreviti (consid. 6).
Sachverhalt ab Seite 9
BGE 90 II 9 S. 9
A.- a) En mai 1954, la société anonyme L'Energie de l'Quest-Suisse et les Forces motrices de Mauvoisin SA ont chargé une maison spécialisée, la société en nom
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collectif O. Kull et Cie, à Zurich, de construire une partie de la ligne à haute tension Chandolin-Riddes-Morgins. A cette fin, un pylône no 41 fut implanté le 17 août sur les rochers exposés au vent de Vérossaz, au-dessus du village des Cases et à proximité immédiate d'un sentier public. Haut de 44 m 40, il pesait 12 tonnes et reposait sur quatre socles de béton; chacun de ceux-ci assurait deux tiges filetées, auxquelles le pylône était fixé par de gros écrous, des contre-écrous et des rondelles. L'achèvement du travail resta en suspens pendant plus de cinq mois, durant lesquels n'importe qui pouvait desserrer les écrous à la main, même après le réglage définitif de la position du pylône (plombage). Un surveillant de L'Energie de l'Quest-Suisse rappela à plusieurs reprises au technicien de l'entrepreneur l'obligation de poinçonner les pylônes, ultime opération précédée du blocage des écrous. Le 27 janvier 1955, la ligne n'était pas encore tirée. b) Pierre Zufferey, né le 20 novembre 1942, était entré en septembre 1954 au collège de l'Abbaye de St-Maurice. Il y fut un élève médiocre de la section classique, mais son développement était normal. Le 27 janvier 1955, un chanoine conduisait en promenade un groupe de collégiens, dont faisaient partie Zufferey et son camarade Serge Quéloz, âgé de quinze ans. Ces derniers s'attardèrent près du pylône no 41 et dévissèrent en dix minutes, sans l'aide d'outils ou de pierres, les écrous de trois des quatre pieds. Mis au courant peu après, le chanoine n'accorda aucune importance à leur récit et n'entreprit aucune démarche. Le dimanche 30 janvier, le vice-président de Vérossaz vit les écrous sur les socles sans se poser, lui non plus, aucune question. La nuit suivante, un coup de foehn très violent renversa le pylône. Celui-ci fut entièrement détruit. Son remplacement coûta 30 849 fr. 40. Les 15 et 20 août 1957, les maîtres de l'ouvrage cédèrent à l'entrepreneur leurs droits contre Quéloz, Zufferey, leurs pères et le collège de St-Maurice.
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B.- Le 28 octobre 1958, O. Kull et Cie a actionné Zufferey en réparation du dommage causé, vu l'opposition faite par celui-ci à sa poursuite. En exécution d'une convention du 20 mai 1949, elle a renoncé à appeler en cause et à évoquer en garantie l'Abbaye. Le défendeur a conclu à libération. Le 19 septembre 1963, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné le défendeur à réparer la moitié du dommage, soit 15 424 fr. 70 avec intérêt au 5% dès le 31 janvier 1955.
C.- Zufferey prie le Tribunal fédéral de réformer ce jugement et de rejeter l'action ou, subsidiairement, d'allouer au plus le quart de la demande. L'intimée conclut au rejet du recours.
Erwägungen
Considérant en droit:
1. Lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer (art. 50 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 50 - 1 Lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice. |
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1 | Lorsque plusieurs ont causé ensemble un dommage, ils sont tenus solidairement de le réparer, sans qu'il y ait lieu de distinguer entre l'instigateur, l'auteur principal et le complice. |
2 | Le juge appréciera s'ils ont un droit de recours les uns contre les autres et déterminera, le cas échéant, l'étendue de ce recours. |
3 | Le receleur n'est tenu du dommage qu'autant qu'il a reçu une part du gain ou causé un préjudice par le fait de sa coopération. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 143 - 1 Il y a solidarité entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun d'eux soit tenu pour le tout. |
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1 | Il y a solidarité entre plusieurs débiteurs lorsqu'ils déclarent s'obliger de manière qu'à l'égard du créancier chacun d'eux soit tenu pour le tout. |
2 | À défaut d'une semblable déclaration, la solidarité n'existe que dans les cas prévus par la loi. |
2. Tel qu'il a été commis, l'acte du recourant supposait nécessairement que les écrous ne fussent pas serrés. Il n'en reste pas moins que, selon le cours ordinaire des choses, il était de nature à compromettre la solidité du pylône. La causalité n'a pas été interrompue par le coup de foehn, qui est chose normale et prévisible.
3. Sous réserve de l'art. 54 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 54 - 1 Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé. |
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1 | Si l'équité l'exige, le juge peut condamner une personne même incapable de discernement à la réparation totale ou partielle du dommage qu'elle a causé. |
2 | Celui qui a été frappé d'une incapacité passagère de discernement est tenu de réparer le dommage qu'il a causé dans cet état, s'il ne prouve qu'il y a été mis sans sa faute. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 19 - 1 Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10 |
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1 | Les personnes capables de discernement mais privées de l'exercice des droits civils ne peuvent contracter une obligation ou renoncer à un droit qu'avec le consentement de leur représentant légal.10 |
2 | Elles n'ont pas besoin de ce consentement pour acquérir à titre purement gratuit ni pour régler les affaires mineures se rapportant à leur vie quotidienne.11 |
3 | Ils sont responsables du dommage causé par leurs actes illicites. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 16 - Toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. |
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d'influencer sa volonté (RO 55 II 229 consid. 4; 67 II 52; 70 II 140). Cette capacité est relative (RO 44 II 449). Le juge doit rechercher in concreto, pour un acte déterminé ou une série d'actes, si le défendeur la possédait au moment où il a accompli celui qui a donné lieu au litige. De par la loi, l'absence de discernement résulte de causes déterminées, dont le jeune âge (art. 16

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 16 - Toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 12 - Quiconque a l'exercice des droits civils est capable d'acquérir et de s'obliger. |
Le juge du fait apprécie les preuves et constate souverainement, en principe, l'état dans lequel se trouvait le défendeur lorsqu'il a agi. La cour de réforme peut revoir, en revanche, la conclusion qu'il en a tirée dans la mesure où elle dépend de la notion même de la capacité de discernement; en d'autres termes, elle examine s'il a posé le problème d'une manière conforme au droit (RO 43 II 741 consid. 2; 44 II 118 et 184; 47 II 170 in fine; 50 II 92).
4. Le 27 janvier 1955, le recourant était âgé de douze ans et deux mois. Il répond de son acte illicite s'il pouvait ce jour-là discerner le caractère dangereux de son comportement (RO 70 II 140 consid. 2). Il n'est pas nécessaire qu'il en ait entrevu toutes les conséquences possibles. Il suffit qu'il ait eu conscience de compromettre la solidité et la cohésion du pylône et de créer ainsi un péril. La Cour cantonale s'est placée à ce point de vue concret. Elle a recherché, il est vrai, si le recourant a eu ou a dû avoir le sentiment que son acte portait atteinte au bien d'autrui et était de nature à causer un dommage; mais si l'on se
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reporte à sa description sommaire de l'expérience d'un garçon de douze ans, on voit qu'elle entendait par cette formule la conscience du risque de compromettre la stabilité du pylône. Il s'ensuit qu'elle a bien posé le problème. Pour le résoudre, elle a constaté en fait que le recourant était normalement développé, mais un élève médiocre. A son avis, un garçon de son âge sait, sans études spéciales de mécanique, ce que sont un écrou et une vis, et que le premier joint deux pièces de façon qu'elles ne se séparent pas; ses jeux d'enfants et l'utilisation d'une bicyclette, notamment, l'en ont instruit. La grandeur des écrous, en outre, a attiré son attention sur l'importance de leur fonction. En s'exprimant ainsi, la Cour cantonale s'est référée pour une part à son expérience de la vie et a apprécié une preuve indirecte. Huit ans après le fait, elle ne pouvait reconnaître autrement l'état dans lequel avait agi une personne qui se présentait à elle âgée de vingt ans. De leurs constatations, les premiers juges ont conclu que le recourant jouissait du discernement tel qu'ils l'ont - correctement - défini.
5. Le juge détermine l'étendue de la réparation d'après les circonstances et la gravité de la faute (art. 43 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 43 - 1 Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
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1 | Le juge détermine le mode ainsi que l'étendue de la réparation, d'après les circonstances et la gravité de la faute. |
1bis | Lorsqu'un animal qui vit en milieu domestique et n'est pas gardé dans un but patrimonial ou de gain, est blessé ou tué, le juge peut tenir compte dans une mesure appropriée de la valeur affective de l'animal pour son détenteur ou les proches de celui-ci.26 |
2 | Des dommages-intérêts ne peuvent être alloués sous forme de rente que si le débiteur est en même temps astreint à fournir des sûretés. |

SR 210 Code civil suisse du 10 décembre 1907 CC Art. 16 - Toute personne qui n'est pas privée de la faculté d'agir raisonnablement en raison de son jeune âge, de déficience mentale, de troubles psychiques, d'ivresse ou d'autres causes semblables est capable de discernement au sens de la présente loi. |
6. De par l'art. 44 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 44 - 1 Le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. |
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1 | Le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. |
2 | Lorsque le préjudice n'a été causé ni intentionnellement ni par l'effet d'une grave négligence ou imprudence, et que sa réparation exposerait le débiteur à la gêne, le juge peut équitablement réduire les dommages-intérêts. |
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des faits dont la partie lésée est responsable ont contribué à créer le dommage ou à l'augmenter. En l'espèce, la faute concurrente du lésé (et dans une certaine mesure des sociétés qui lui ont cédé leurs créances: art. 169 al. 1

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 169 - 1 Le débiteur peut opposer au cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les exceptions qui lui appartenaient au moment où il a eu connaissance de la cession. |
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1 | Le débiteur peut opposer au cessionnaire, comme il aurait pu les opposer au cédant, les exceptions qui lui appartenaient au moment où il a eu connaissance de la cession. |
2 | S'il possédait contre le cédant une créance non encore exigible à cette époque, il peut invoquer la compensation, pourvu que sa créance ne soit pas devenue exigible postérieurement à la créance cédée. |

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 58 - 1 Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien. |
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1 | Le propriétaire d'un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d'entretien. |
2 | Est réservé son recours contre les personnes responsables envers lui de ce chef. |
7. Il suit de là que la réparation ne doit pas couvrir tout le dommage. Sur ce point, le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve l'appréciation du juge cantonal. Celui-ci a cependant quelque peu mésusé de son pouvoir en l'espèce. Vu les fautes respectives des parties et les circonstances de la cause, on ne saurait allouer une indemnité supérieure au sixième du préjudice, soit environ 5000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 1955. Il n'y a pas lieu de corriger cette décision parce qu'elle exposerait le débiteur à la gêne (art. 44 al. 2

SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat CO Art. 44 - 1 Le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. |
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1 | Le juge peut réduire les dommages-intérêts, ou même n'en point allouer, lorsque la partie lésée a consenti à la lésion ou lorsque des faits dont elle est responsable ont contribué à créer le dommage, à l'augmenter, ou qu'ils ont aggravé la situation du débiteur. |
2 | Lorsque le préjudice n'a été causé ni intentionnellement ni par l'effet d'une grave négligence ou imprudence, et que sa réparation exposerait le débiteur à la gêne, le juge peut équitablement réduire les dommages-intérêts. |
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celui-ci prétend ne posséder aucune fortune, a renoncé à ses études et poursuivi sa formation commerciale. Mais il a vingt et un ans et gagne sa vie. Il peut en outre se retourner contre d'autres responsables.
Dispositiv
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
Admet partiellement le recours et, réformant dans cette mesure le jugement attaqué, condamne le défendeur et recourant à payer à la demanderesse et intimée la somme de 5000 fr. avec intérêts à 5% dès le 31 janvier 1955.