S. 182 / Nr. 32 Obligationenrecht (f)

BGE 79 II 182

32. Arrêt de la Ire Cour civile du 19 mai 1953 dans la cause de Trey frères
S.A. contre laboratoire André de Trey S.A.

Regeste:
Rapports entre le droit des raisons de commerce et la loi sur la concurrence
déloyale.
L'utilisation d'une raison de commerce conforme aux exigences de la loi
touchant la formation des raisons de commerce peut néanmoins dans certaines
circonstances constituer un acte de concurrence déloyale.
Verhältnis des Firmenrechts zum Wettbewerbsrecht.
Der Gebrauch einer Firmabezeichnung, die den gesetzlichen Anforderungen an die
Firmenbildung entspricht. kann unter Umständen gleichwohl eine unlautere
Wettbewerbshandlung darstellen.
Rapporti tra il diritto sulle ditte commerciali e la legge sulla concorrenza
sleale.
L'uso d'una ditta commerciale conforme alle esigenze della legislazione sulla
formazione delle ditte commerciali può tuttavia costituire in certe
circostanze un atto di concorrenza sleale.


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A. - La société anonyme de Trey frères est inscrite au registre du commerce de
Zurich depuis le 21 juillet 1920 sous la raison sociale: «Gebr. de Trey,
Aktiengesellschaft», «de Trey frères, Société anonyme», «Société anonyme
Fratelli de Trey». Elle a pour but la fabrication et le commerce de
spécialités dentaires ainsi que l'importation et l'exportation de produits
dentaires de tous genres. Elle avait repris les affaires de la maison de Trey
frères, à Zurich; la cession était effectuée par la reprise de l'actif et du
passif et par le payement d'une somme de 3 750 000 francs, opéré par la remise
aux propriétaires de la maison de Trey frères de 750 actions nominatives
entièrement libérées de 5000 fr. chacune. Cinq cents actions étaient
attribuées à sieur Emmanuel de Trey et deux cent cinquante à sieur Maurice de
Trey. La société anonyme de Trey frères a fait enregistrer tant en Suisse qu'à
l'étranger diverses marques, notamment la marque verbale «de Trey» pour ses
produits. Ses affaires et ses intérêts s'étendent sur divers pays,
spécialement en Europe mais également en Amérique.
Sieur Emmanuel de Trey a été jusqu'en 1932 président et, jusqu'en 1935,
directeur général de la société anonyme de Trey frères. Il s'était engagé à ne
pas s'intéresser directement ou indirectement à une entreprise concurrente
-durant les dix années qui suivraient l'expiration de son engagement. Il a
quitté le service de la société en 1935.
La société défenderesse est une société anonyme qui se fit inscrire le 4 mars
1949 au registre du commerce du canton de Genève sous la raison sociale:
«Isolation Réforme S.A.», avec comme but la fabrication et la vente d'articles
techniques, notamment pour l'isolation thermique et électrique. Son conseil
d'administration était composé d'Emmanuel de Trey, comme président, et d'André
de Trey, fils du prénommé, en qualité de secrétaire.
Un an plus tard, lors de son assemblée générale du 2 mars 1950, la
défenderesse a modifié sa raison qui devint:

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«Laboratoire de Trey S.A.». Elle décida en même temps de modifier également
son but qu'elle définit de la manière suivante: «La fabrication et la vente de
produits chimiques, pharmaceutiques et techniques, en particulier pour
l'isolation thermique et électrique». La composition du conseil
d'administration resta la même. En automne 1950, elle a fait enregistrer en
Suisse la marque «Treol» pour de l'eau, de la poudre et de la pâte dentifrice.
L'étiquette du flacon d'eau dentifrice porte outre le mot Treol l'indication
suivante: «Elixir dentifrice du Docteur E. de Trey» ainsi qu'un dessin donnant
l'impression d'un triangle.
Par lettre du 9 février 1951 la société de Trey frères S.A. s'est adressée à
la société Laboratoire de Trey S.A. pour lui faire observer que les éléments
caractéristiques de leurs deux raisons étaient identiques et par conséquent de
nature à provoquer des confisions, et l'a invitée à supprimer le nom de Trey
dans sa raison.
La société Laboratoire S.A. a rejeté cette demande en contestant le danger de
confusion, attendu, disait-elle, que les sièges des deux sociétés étaient
différents.
Au cours de l'année 1951, la société Laboratoire de Trey SA. a acquis la
représentation de la maison Caulk, maison américaine spécialisée dans les
produits dent aires. D'après la société de Trey frères S.A., cette
représentation avait été obtenue grâce à l'entremise de sieur Emmanuel de Trey
qui s'était rendu en Amérique à cet effet au mois de mai 1951. Comme, à ce
moment-là, sieur Emmanuel de Trey était à la fois membre du conseil
d'administration de la société de Trey frères S.A. et président du conseil
d'administration de la société Laboratoire de Trey S.A., elle voyait là un
acte de concurrence tombant sous le coup de la clause de non-concurrence que
sieur Emmanuel de Trey avait signée lors de la cession de son affaire.
Le 20 juin 1952, la société de Trey frères S.A. a communiqué à sieur Emmanuel
de Trey une copie du procès-verbal de l'assemblée de son conseil
d'administration aux

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termes duquel ce dernier était invité à modifier sans délai la raison sociale
de la société Laboratoire de Trey S.A., de façon que le nom de Trey n'y figure
plus, et à renoncer à toute activité directe ou indirecte de nature à
concurrencer les produits de Trey frères S.A. Le 25 juin 1951 sieur Emmanuel
de Trey s'est démis de ses fonctions d'administrateur de la société de Trey
frères S.A.
Le même jour, cette dernière a introduit contre la société Laboratoire de Trey
S.A. une action tendant à faire reconnaître qu'elle avait un droit exclusif à
employer dans sa raison les mots «de Trey», à faire par conséquent interdire à
la défenderesse de se servir de ces mots soit dans sa raison soit comme marque
et faire ordonner la destruction de leurs emballages, papiers d'affaires, etc.
portant lesdits mots.
Deux jours plus tard, la défenderesse a transformé sa raison et l'indication
de son but. Depuis le 27 juin 1951 sa raison est «Laboratoire André de Trey
S.A. Genève», et son but est ainsi défini: «La fabrication et la vente de
produits chimiques, pharmaceutiques et dentaires».
A la suite de cette modification, la demanderesse a formulé ses conclusions
comme suit: «Plaise à la Cour:
1. Dire et déclarer que la demanderesse a un droit exclusif à employer dans sa
raison sociale les mots «de Trey a;
2. Dire que la raison sociale de la défenderesse, inscrite au Registre du
commerce du canton de Genève le 18 mars 1950, soit a Laboratoire de Trey S.A.
a était susceptible de créer une confusion induisant les tiers en erreur et
portant préjudice à la demanderesse
3. Dire que la nouvelle raison sociale: «Laboratoire André de Trey S.A. Genève
a, inscrite le 2 juillet 1951, crée une confusion induisant les tiers en
erreur et portant préjudice à la demanderesse
4. Déclarer annulée ladite raison sociale et ordonner sa radiation au Registre
du commerce du canton de Genève;
5. Faire défense à la défenderesse d'utiliser toute raison sociale ou marque
où figureraient les mots «de Trey» avec ou sans adjonction de prénom ou de
tout autre qualificatif;
6. Ordonner la destruction de tous les emballages, papier à lettres, factures,
étiquettes et documents généralement quelconques portant la raison sociale
incriminée;
7. Ordonner la publication du jugement à intervenir dans dix journaux, au
choix de la demanderesse et aux frais de la

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défenderesse, en fixant le coût de chaque insertion à 250 fr. au maximum
8. Condamner en outre la défenderesse ai paiement envers la demanderesse de la
somme de 100 000 fr. à titre de dommages. intérêts
9. Condamner, au surplus, la défenderesse à payer à la demanderesse, en
application de l'article 129 LPC, la somme de 5000 fr.;
10. Condamner, enfin, la défenderesse en tous les frais et dépens de la
présente instance.
La demanderesse exposait en résumé qu'elle exploite depuis plus de trente ans,
sous les noms «de Trey», universellement connus, une fabrique de produits dent
aires que ce nom, élément distinctif de sa raison sociale, lui a été vendu
lorsqu'elle a racheté l'entreprise qu'en mars 1950, la défenderesse qui avait
alors une activité toute différente, sous la raison «Isolation Réforme S.A. «,
a changé cette raison en «Laboratoire de Trey S.A. «et plus tard en
«Laboratoire André de Trey S.A. Genève», ce qui créait une confusion
préjudiciable avec la sienne, étant donné que cette nouvelle raison couvrait
également des produits dentaires; que la mauvaise foi de la défenderesse était
d'autant plus manifeste que son administrateur Emmanuel de Trey avait été
aussi le sien jusqu'en juin 1951 et s'était engagé à ne pas collaborer avec la
concurrence tant qu'il serait à son service.
La défenderesse a conclu au déboutement. Elle reconnaissait que pour une
partie de son activité, celle qui touche aux produits dent aires, elle était
en concurrence avec la demanderesse, mais soutenait que rien ne saurait
restreindre son droit d'user commercialement du nom «de Trey», porté par ses
dirigeants, lesquels appartiennent à une famille dont plusieurs membres l'ont
illustrée par des recherches et des découvertes dans le domaine des produits
dentaires; qu'en tout cas la demanderesse n'en avait pas le monopole, et qu'au
surplus les deux raisons étaient suffisamment distinctes, surtout depuis
l'adjonction du prénom «André» dans sa raison, et enfin que la demanderesse
n'avait subi aucun préjudice.

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Par jugement du 27 juin 1952, la Cour de justice civile de Genève a débouté la
demanderesse de toutes ses conclusions et l'a condamnée aux dépens de la
défenderesse.
La demanderesse a recouru en réforme en reprenant les conclusions transcrites
ci-dessus.
L'intimée a conclu au rejet du recours.
Considérant en droit:
1.- L'art. 9
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 9 - 1 L'offre est considérée comme non avenue, si le retrait en parvient avant l'offre ou en même temps au destinataire, ou si, étant arrivé postérieurement, il est communiqué au destinataire avant que celui-ci ait pris connaissance de l'offre.
1    L'offre est considérée comme non avenue, si le retrait en parvient avant l'offre ou en même temps au destinataire, ou si, étant arrivé postérieurement, il est communiqué au destinataire avant que celui-ci ait pris connaissance de l'offre.
2    La même règle s'applique au retrait de l'acceptation.
CO autorise les sociétés anonymes à former librement leur raison
sociale. Elles sont donc libres en principe d'y introduire un nom
patronymique, mais encore faut-il, selon ce même article, qu'elles respectent
les dispositions générales sur la formation des raisons, en particulier le
principe de la véracité, le principe selon lequel la raison ne doit pas
induire en erreur et celui de l'exclusivité.
En l'espèce, il n'est pas contestable que le nom «de Trey» est l'élément
frappant dans l'une et l'autre raisons. Etant donnée la tendance qu'ont non
seulement les commerçants mais le public en général à abréger les désignations
servant de raisons de commerce, il est à prévoir que les raisons des deux
sociétés en cause prendront souvent dans le langage des personnes qui auront
affaire avec elles la forme raccourcie de a de Trey».
En effet, le mot «laboratoire» est une désignation d'objet, fréquemment
utilisée dans l'industrie chimique. La demanderesse s'en sert du reste
elle-même dans certains pays pour caractériser son genre d'activité, au su des
membres du conseil d'administration de la société défenderesse. Quant au mot a
frères» il sera probablement aussi souvent omis dans l'énoncé de la raison de
la demanderesse que le prénom a André a ou le mot «Genève» dans celui de la
raison de la défenderesse. Ce qui par conséquent demeurera gravé dans la
mémoire des acheteurs sera le nom «de Trey». Mais cela ne suffit pas pour
pouvoir affirmer que la raison qu'a choisie la défenderesse le 27 juin 1951
est inadmissible au regard des dispositions légales régissant la formation

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des raisons de commerce. La raison «Laboratoire André de Trey S.A. Genève» est
en tous points conforme à la vérité. Le conseil d'administration de cette
société est composé de personnes portant ce nom, c'est-à-dire de sieur
Emmanuel de Trey et d'André de Trey, son fils, chimiste de profession,
directeur de la société. L'affaire rentre indubitablement dans la catégorie
d'entreprises qu'on désigne communément sous le nom de laboratoires. Enfin la
raison «Laboratoire André de Trey S.A. Genève» respecte le principe de
l'exclusivité. A la différence de la raison «Laboratoire de Trey S.A. «, qui
pouvait évidemment prêter à confusion, la raison «Laboratoire André de Trey
S.A. Genève» se distingue clairement de la raison «de Trey frères S.A. «. Le
fait que des tiers et même la poste ont confondu parfois les deux sociétés
n'est pas un motif suffisant pour dire que la défenderesse n'avait pas le
droit de choisir comme raison de commerce les mots «Laboratoire André de Trey
S.A. Genève». En effet, lorsque deux raisons contiennent les mêmes noms
patronymiques, quoi que l'entreprise la plus jeune ait fait pour se distinguer
de l'ancienne, et quelque attention qu'on puisse exiger des cercles d'affaires
intéressés, il subsistera toujours un risque de confusion (cf. RGZ 170 p.
270).
C'est il tort par conséquent que la recourante a demandé qu'on lui reconnaisse
un droit exclusif à l'emploi du nom de Trey dans sa raison de commerce
(conclusions No 1). Admettre ce chef de conclusions équivaudrnit à interdire
absolument aux sociétés anonymes d'adopter une raison contenant un nom
patronymique qui serait déjà utilisé comme raison par une société de personnes
ou de capitaux s'occupant d'affaires du même genre, ce qu'on ne saurait
admettre. D'une part et à la différence de l'ancien droit, l'art. 950 al. 2
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 950 - 1 Les sociétés commerciales et les sociétés coopératives peuvent, sous réserve des dispositions générales sur la formation des raisons de commerce, former librement leur raison de commerce. Celle-ci doit en désigner la forme juridique.
1    Les sociétés commerciales et les sociétés coopératives peuvent, sous réserve des dispositions générales sur la formation des raisons de commerce, former librement leur raison de commerce. Celle-ci doit en désigner la forme juridique.
2    Le Conseil fédéral détermine les abréviations autorisées des formes juridiques.
CO
permet, en effet, aux sociétés anonymes d'introduire un nom patronymique dans
leurs raisons. D'autre part, les principes qui régissent la formation des
raisons de commerce, notamment le principe de l'exclusivité, selon lequel la
raison doit se distinguer nettement

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de toute autre raison déjà inscrite, n'ont pas pour conséquence d'interdire de
façon absolue l'utilisation d'un nom patronymique qui serait déjà employé
comme raison ou dans la raison d'une maison de commerce de fondation plus
ancienne, mais uniquement de n'en permettre l'utilisation qu'à certaines
conditions jugées nécessaires pour sauvegarder le droit similaire du titulaire
de la raison où ce nom figure déjà. Or, comme on l'a déjà dit, la raison
actuelle de la défenderesse satisfaisait à cet égard à ces conditions. Les
conclusions No 1 de la demande et du recours ne sauraient donc être admises.
2.- Si, au regard des dispositions légales concernant les raisons de commerce,
la raison «Laboratoire André de Trey S.A. Genève» échappe à toute critique,
comme on vient de le dire, on ne saurait toutefois en conclure qu'il était
loisible à la défenderesse de se servir de cette raison pour l'exploitation de
n'importe quel genre d'entreprise. S'agirait-il même d'une raison contenant le
nom patronymique du chef de l'entreprise, ce dernier n'a pas le droit d'en
user de manière à porter préjudice à des concurrents, lorsque pareil usage
constitue un acte de concurrence déloyale. Le droit d'exploiter une affaire
sous son propre nom n'est pas absolu il a pour limites le droit des
concurrents d'exiger le respect des dispositions qui répriment les actes de
concurrence déloyale, ces dispositions étant applicables concurremment avec
celles qui régissent la formation et la composition des raisons de commerce.
Le litige se ramène donc en l'espèce à la question de savoir si la
demanderesse est en droit de faire interdire à la défenderesse l'usage de sa
raison actuelle en vertu de la loi du 30 septembre 1943 sur la concurrence
déloyale.
La demanderesse a soutenu et persiste à soutenir que si la défenderesse a
modifié sa raison de commerce primitive en lui donnant tout d'abord la teneur
suivante: «Laboratoire de Trey S.A.», puis celle-ci: «Laboratoire André de
Trey S.A. Genève», c'est dans l'intention manifeste de lui faire une
concurrence déloyale grâce à la

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confusion créée par le nom «de Trey «. Certains faits sembleraient, il est
vrai, donner corps à ce grief. On comprend parfaitement que la défenderesse
ait estimé devoir renoncer à la raison «Isolation-Réforme S.A. «lorsqu'elle
s'est décidée à s'occuper également de la fabrication et de la vente
d'articles et de produits dent aires mais le fait qu'elle s'est précisément
avisée, à ce moment-là, d'introduire dans sa nouvelle raison le nom «de Trey
«, alors qu'elle savait pertinemment qu'elle allait exercer son activité dans
un domaine dans lequel la défenderesse s'était acquis une renommée pour ainsi
dire universelle sous ce nom-là, et qu'elle-même, en sa qualité de société
anonyme, pouvait adopter n'importe quelle désignation de fantaisie, incline à
penser qu'elle entendait bien tirer un avantage du nom de Trey. Or elle ne
pouvait le faire qu'au détriment de la société «de Trey frères S.A. «. Aussi
bien est-il constant que des confusions se sont produites entre les deux
maisons du jour où le nom de Trey a été introduit dans la raison de la
défenderesse. Il n'est toutefois pas nécessaire de rechercher si c'est
réellement dans l'intention de profiter abusivement de la renommée dont la
société «de Trey frères S.A.» bénéficiait dans le domaine des articles et
produits dentaires que la défenderesse a choisi pour raison de commerce une
raison dans laquelle figurait le nom «de Trey». Aux termes de l'art. 1er de la
loi sur la concurrence déloyale, du 30 septembre 1943, il peut en effet y
avoir concurrence déloyale dans le seul emploi de procédés contraires à la
bonne foi, sans même qu'il y ait eu chez l'auteur de ces procédés une
intention de tromper, notamment dans le fait, comme dit l'alinéa 1er lettre d,
de prendre des mesures de nature à faire naître une confusion avec les
marchandises, l'activité ou l'entreprise d'autrui. Que la défenderesse ait ou
non cherché à faire naître une confusion entre ses marchandises et son
activité avec celles de la demanderesse, il reste en tout cas que le seul fait
d'avoir choisi pour raison une désignation qui contenait le nom «de Trey»
constituait vu les circonstances

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un procédé contraire aux règles de la bonne foi et tombant par conséquent sous
le coup de la loi de 1943 (cf. RO 73 II 117 et arrêt non publié Kressco A.G.
c. Kressmann du 2 décembre 1947).
3.- L'art 2 de la loi de 1943 dispose que celui qui, par un acte de
concurrence déloyale, est atteint ou menacé dans sa clientèle, son crédit ou
sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses. intérêts matériels en
général peut demander: a) la constatation du caractère illicite de l'acte, b)
la cessation de cet acte, c) la suppression de l'état de fait qui ne résulte
et, s'il s'agit d'allégations inexactes ou fallacieuses, leur rectification,
d) en cas de faute, la réparation du dommage.
Si le choix de la raison «Laboratoire André de Trey S.A. Genève» constitue,
comme on l'a dit, un procédé contraire à la bonne foi, parce qu'il devait
faire abusivement profiter la défenderesse de la renommée que la demanderesse
s'était acquise sous sa raison «de Trey frères S.A.», à plus forte raison en
était-il ainsi de la raison «Laboratoire de Trey S.A.». Les conclusions Nos 2
et 3 de la demande et du recours sont donc fondées en principe.
Le sort des conclusions No 4 dépend en réalité de la solution de la question
que posent les conclusions No 5, c'est-à-dire de la question de savoir si l'on
peut faire défense à la défenderesse d'utiliser toute raison sociale où
figureraient les mots «de Trey», «avec ou sans adjonction de prénom ou de tout
autre qualificatif». Etant donné, comme on l'a dit, que le nom de «de Trey»
est celui sous lequel la demanderesse s'est fait connaître et qui est
actuellement lié intimement à ses produits, il faut reconnaître que, quelles
que soient les adjonctions qu'on y fasse, la demanderesse n'échapperait pas
ait risque de voir confondre ses produits avec ceux de la défenderesse. On
doit donc faire droit aux conclusions No 5 de la demande et du recours. Quant
aux conclusions No 4, elles seront admises en ce sens seulement que la
défenderesse bénéficiera du délai d'un mois pour éliminer de sa raison le nom
«de Trey».

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Cette décision comporte naturellement l'obligation pour la défenderesse de ne
pas faire usage ou de ne plus faire usage comme marque ni d'une raison qui
contiendrait le nom «de Trey» ni même d'une marque où ce nom serait représenté
sous forme d'une marque figurative. Les conclusions No 6 de la demanderesse
doivent donc être également admises.
On ne saurait se prononcer, en l'état de la cause, sur les conclusions Nos 7 à
10 de la demanderesse. Il appartiendra à la Cour de justice de le faire après
avoir ordonné les enquêtes qu'elle jugera utiles au sujet des allégations dont
la preuve a été offerte par l'une et l'autre partie.
Le Tribunal fédéral prononce:
Le recours est admis et le jugement rendu par la Cour de justice civile de
Genève, réformé en ce sens que:
a) les conclusions No 2 du recours sont admises en principe,
b) les conclusions Nos 3 et 4 du recours sont admises en ce sens que l'intimée
est tenue, dans le délai d'un mois, à compter de ce jour, de supprimer dans sa
raison sociale le nom de Trey,
c) les conclusions Nos 5 et 6 sont admises.
Les conclusions No 1 sont rejetées.
Pour le surplus, la cause est renvoyée devant la juridiction cantonale pour
qu'elle statue sur les autres conclusions de la demande ainsi que sur les
frais et dépens de l'instance cantonale.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 79 II 182
Date : 01 janvier 1953
Publié : 19 mai 1953
Source : Tribunal fédéral
Statut : 79 II 182
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Rapports entre le droit des raisons de commerce et la loi sur la concurrence déloyale.L'utilisation...


Répertoire des lois
CO: 9 
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 9 - 1 L'offre est considérée comme non avenue, si le retrait en parvient avant l'offre ou en même temps au destinataire, ou si, étant arrivé postérieurement, il est communiqué au destinataire avant que celui-ci ait pris connaissance de l'offre.
1    L'offre est considérée comme non avenue, si le retrait en parvient avant l'offre ou en même temps au destinataire, ou si, étant arrivé postérieurement, il est communiqué au destinataire avant que celui-ci ait pris connaissance de l'offre.
2    La même règle s'applique au retrait de l'acceptation.
950
SR 220 Première partie: Dispositions générales Titre premier: De la formation des obligations Chapitre I: Des obligations résultant d'un contrat
CO Art. 950 - 1 Les sociétés commerciales et les sociétés coopératives peuvent, sous réserve des dispositions générales sur la formation des raisons de commerce, former librement leur raison de commerce. Celle-ci doit en désigner la forme juridique.
1    Les sociétés commerciales et les sociétés coopératives peuvent, sous réserve des dispositions générales sur la formation des raisons de commerce, former librement leur raison de commerce. Celle-ci doit en désigner la forme juridique.
2    Le Conseil fédéral détermine les abréviations autorisées des formes juridiques.
LPC: 129
Répertoire ATF
73-II-110 • 79-II-182
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
raison de commerce • société anonyme • concurrence déloyale • conseil d'administration • registre du commerce • adjonction • mois • droit exclusif • directeur • risque de confusion • destruction • tombe • quant • fin • décision • dommages-intérêts • marchandise • bilan • isolation • décompte • rapport entre • bonne foi subjective • enfant • déclaration • fortune • condition • titre • monopole d'état • monopole économique • vue • désignation de fantaisie • allaitement • maximum • procès-verbal • marque figurative • acheteur • action nominative • reprenant • la poste • marque verbale • société de personnes • tribunal fédéral • assemblée générale • chimiste
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