S. 351 / Nr. 54 Bundesrechtliche Abgaben (f)

BGE 71 I 351

54. Arrêt du 12 juillet 1945 dans la cause Compagnie d'assurances La
Providence-Incendie contre Genève.


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Regeste:
Impôt pour la défense nationale. Taxation de l'agence d'une compagnie
d'assurances française. Art. 3 de la Convention franco-suisse conclue le 13
octobre 1937 en vue d'éviter la double imposition en matière d'impôts directs,
Protocole final ad art. 3 de ladite convention.
Wehrsteuer: Berechnung des in der Schweiz steuerbaren Einkommens und Vermögens
einer französischen Versicherungsunternehmung, die in der Schweiz Prämien
einzieht und Risiken übernimmt. Art. 3, § 3 des Doppelbesteuerungsabkommens
mit Frankreich und §1, Abs. 4, und § 4, Abs. 2 des Schlussprotokolls zu Art.
3.
Imposta per la difesa nazionale: Tassazione dell'agenzia d'una compagnia
francese d'assicurazioni. Art. 3 della Convenzione franco-svizzera conclusa il
13 ottobre 1937 per evitare i casi di doppia imposta; protocollo finale ad
art. 3 di questa convenzione.

A. ­ Pour la première période de l'impôt pour la défense nationale, les
autorités genevoises ont taxé l'agence de Genève de la Compagnie d'assurance
La Providence Incendie, à Paris (la Compagnie), conformément à l'art. 52 ch. 2
AIN. Elles ont calculé tout d'abord la somme que devrait payer la Compagnie si
la totalité de son entreprise était imposable en Suisse et elles ont fixé le
montant de l'impôt à 0,41 % de cette somme, en appliquant la proportion entre
le montant des primes perçues en Suisse et le montant total des primes perçues
par l'entreprise entière. Ce mode de répartition se trouve indiqué au
paragraphe 4 al. 2 i. f. du Protocole final ad art. 3 de la Convention conclue
le 13 octobre 1937 entre la Confédération suisse et la République française en
vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts directs (la
Convention).
La Compagnie forma une réclamation, le 24 mai 1943, en demandant à être
entièrement exonérée de l'impôt pour la défense nationale. Elle invoquait la
Convention et alléguait que, son agence de Genève ayant une comptabilité
régulière, le paragraphe 4 du Protocole final ad art. 3 ne lui était pas
applicable et que, cette comptabilité faisant ressortir, non pas un bénéfice,
mais une perte pour la

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période de calcul, le paragraphe 5 du Protocole final ad art 3 la libérait de
tout impôt. La réclamation fut rejetée le 3 novembre 1943.
La Compagnie déféra alors l'affaire à la Commission cantonale de recours de
l'impôt pour la défense nationale, mais elle fut déboutée, le 12 septembre
1944, en bref par les motifs suivants:
La recourante est soumise au paiement de l'impôt pour la défense nationale en
vertu de l'art. 3 , paragraphe 1er de la Convention, du paragraphe 1er i.f. du
Protocole final ad art. 3 et de l'art. 3 ch. 3 lit. d AIN. Quant à l'impôt, il
faut le calculer selon l'un des modes fixés au paragraphe 4 al. 2 du Protocole
final ad art. 3. En effet, le paragraphe précité «contient l'énonciation de
deux principes distincts: le premier se rapportant généralement aux
entreprises industrielles, commerciales et financières, le second ayant trait
essentiellement aux entreprises d'assurance».
Du reste, même si l'al. 1 du paragraphe 4 précité était applicable en
l'espèce, ce qui serait en soi possible, la comptabilité produite ne faisant
pas «ressortir exactement et distinctement le revenu appartenant ou revenant à
l'agence suisse de la recourante», il n'y aurait pas lieu d'engager des
pourparlers longs et coûteux, car on ne voit pas que ces pourparlers puissent
fixer autre chose que l'un des modes de calcul déjà établis par l'al. 2 du
paragraphe 4.
B. ­ Contre cette décision, la Compagnie a formé, en temps utile, un recours
de droit administratif devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à ce qu'il
plaise à la Cour de céans annuler la décision attaquée et dire que «vu le
résultat déficitaire de l'exploitation de l'Agence de Genève, celle-ci sera
exonérée de l'impôt pour la défense nationale pour la première période 1941 -
1942». Elle argumente en bref comme suit:
L'agence que la Compagnie entretient à Genève est un établissement stable aux
termes de l'art. 3 paragraphe 1er de la Convention et du paragraphe 1 i. f. du
Protocole final ad art. 3. Son activité étant déficitaire, elle ne peut

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être soumise à l'impôt pour la défense nationale. En effet, lorsque, comme en
l'espèce, il existe des établissements stables dans chacun des deux Etats,
chacun d'entre eux doit
a) n'imposer que le revenu provenant de l'activité de l'établissement situé
sur son territoire, ce revenu ne pouvant excéder le montant des bénéfices
réalisés par cet établissement (Convention art. 3 paragraphe 3 et protocole
final ad art. 3 paragraphe 5);
b) se baser, pour ce faire, sur la comptabilité dudit établissement (Message
du Conseil fédéral cité et circulaire du 18 avril 1939 ad II A.)
c) subsidiairement seulement et à défaut de comptabilité régulière: les deux
Etats doivent s'entendre pour arrêter les règles de ventilation qui, pour les
compagnies d'assurances, sont déjà prévues d'avance (paragraphe 4 al. 2, ad
art. 3 protocole final).
Le Message du Conseil fédéral du 20 décembre 1937 répète textuellement ces
principes. La Commission de recours erre donc complètement en cherchant à
forcer les textes dans un sens contraire.
Interpréter le paragraphe 4 du Protocole final ad art. 3 comme le fait la
Commission, c'est admettre qu'il contient une contradiction. Les deux alinéas
de ce paragraphe 4 prévoient en réalité deux solutions subsidiaires: à défaut
de comptabilité, les deux Etats s'entendront, mais lorsqu'il s'agit
d'entreprises d'assurances, leur entente pourra porter sur l'un des deux modes
de calcul prévus à l'alinéa 2. Le texte ne prévoit donc ces modes de calcul
qu'à titre facultatif, ce qui prouve bien qu'une entente entre les deux Etats
contractants demeure nécessaire même lorsqu'il s'agit de sociétés
d'assurances. Cependant, le paragraphe 4 n'est en tout cas pas applicable en
l'espèce, car le compte établi par l'agence de Genève est complet; il est
«l'image exacte des revenus appartenant ou devant être attribués à
l'entreprise suisse de la recourante». C'est donc cette comptabilité seule qui
est déterminante pour la taxation.
C. ­ La Commission se réfère aux considérants de la décision attaquée.
D. ­ L'Administration fédérale des contributions conclut au rejet du recours.
Son argumentation sera résumée en tant que besoin dans les motifs du présent
arrêt.

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Considérant en droit:
1. D'après la Convention franco-suisse conclue le 13 octobre 1937 en vue
d'éviter la double imposition en matière d'impôts directs, lorsqu'une
entreprise possède des établissements stables dans les deux Etats, chacun
d'eux ne peut imposer que le revenu provenant de l'activité des établissements
stables situés sur son territoire (art. 3 paragraphe 3). La Convention définit
l'établissement stable «une installation permanente de l'entreprise dans
laquelle s'exerce, en totalité ou en partie, l'activité de cette entreprise»
(art. 3 paragraphe 2). Et le Protocole final qualifie établissements stables
«les succursales, les fabriques, usines et ateliers, les comptoirs de vente
ainsi que les dépôts gérés par des agents non autonomes» (paragraphe 1er ad
art. 3). Mais, s'agissant des entreprises d'assurances, le Protocole final
prévoit, par exception à la règle générale, que, pour l'assiette de l'impôt
sur les bénéfices industriels et commerciaux, elles sont considérées comme
ayant un établissement stable dans l'un des Etats «dès l'instant qu'elles y
perçoivent des primes ou qu'elles assurent des risques situés sur le
territoire de cet Etat» (paragraphe 1er al. 4 ad art. 3).
La recourante est donc indubitablement soumise en Suisse à l'impôt pour la
défense nationale, qui frappe les bénéfices commerciaux. Mais elle prétend
que, son agence à Genève ayant une comptabilité régulière, elle doit être
imposée uniquement sur les bénéfices de son agence, tels qu'ils ressortent de
cette comptabilité (art. 3 de la Convention) et que, cette comptabilité
révélant une perte pour la période de calcul, elle n'a pas à payer d'impôt
pour la première période. Le fisc cantonal et l'Administration fédérale des
contributions allèguent au contraire principalement que toutes les entreprises
d'assurances étrangères qui ont un établissement stable en Suisse ­ au sens
spécial du paragraphe 1er al. 4 du Protocole final ad art. 3 ­ sont soumises
indistinctement et quelle que soit la nature de

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leur comptabilité, à la règle exceptionnelle inscrite au paragraphe 4 al. 2 du
Protocole final ad art. 3.
Le paragraphe 4 comprend deux alinéas. Le premier fixe le mode de
détermination du revenu des établissements stables qui n'ont pas de
comptabilité régulière faisant ressortir exactement et distinctement leurs
revenus. Le second formule les règles selon lesquelles on déterminera le
revenu imposable des entreprises d'assurances pour leurs établissements
stables. Si l'on avait voulu limiter l'application de ce deuxième alinéa aux
seuls établissements stables qui n'ont pas de comptabilité régulière au sens
de l'alinéa 1, il aurait fallu soit ne pas faire un alinéa spécial, soit
marquer de quelque façon la portée restreinte qu'on lui attribuait.
Le texte de cet alinéa porte, il est vrai, que le revenu imposable «pourra» et
non «devra» être évalué selon l'un des deux systèmes de répartition indiqués.
La recourante y voit une référence au premier alinéa en ce sens que cette
faculté de choisir le système de répartition appartiendrait aux deux Etats qui
devraient s'entendre sur ce point. Mais, comme le relève l'Administration
fédérale des contributions, l'expression «pourra être évalué» se justifie
simplement par le choix qui est offert à l'autorité fiscale entre deux règles
de répartition.
L'interprétation littérale du paragraphe 4, sans être décisive, est donc
contraire à la thèse de la recourante. Mais celle-ci invoque aussi le Message
du Conseil fédéral du 16 décembre 1937 (FF 1937 III p. 523), selon lequel «la
ventilation des bénéfices se fera de préférence sur la base de la comptabilité
de chaque établissement stable. A défaut de comptabilité ou si celle-ci ne
donne pas une image exacte du revenu de l'établissement stable, les autorités
compétentes des deux Etats s'entendront, le cas échéant, pour arrêter les
règles de ventilation». Et le message ajoute: «en ce qui concerne les
entreprises d'assurance, le paragraphe 4 du protocole final ad art. 3 contient
déjà certaines de ces règles». Le texte français du message

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paraît donc établir entre le premier et le deuxième alinéa le rapport qu'y
voit la recourante. Mais, dans le texte allemand (BBl 1937 III p. 507), la
dernière phrase du passage précité est conçue en ces termes: «Für die
Versicherungsgesellschaften enthält der Paragraph 4 des Schlussprotokolls zum
Art. 3 Ausscheidungsregeln». Elle indique que le 2e alinéa est indépendant du
premier et contient les règles applicables aux entreprises d'assurances. Elle
corrobore donc les premiers résultats de l'interprétation littérale. Or,
l'Administration fédérale des contributions affirme dans sa réponse ­ et il
n'y a aucune raison d'en douter ­ que le message a été rédigé premièrement en
allemand et que la rédaction du paragraphe en cause n'a pas été modifiée après
coup. Il est dès lors manifeste que le texte français n'est qu'une traduction
erronée du texte allemand.
L'opinion du Conseil fédéral sur la portée du 2e alinéa du paragraphe 4 se
trouve du reste clairement exprimée dans la circulaire que cette autorité a
adressée, le 18 avril 1939, aux gouvernements des cantons concernant la
Convention. La recourante croit pouvoir, il est vrai, invoquer cette
circulaire à l'appui de sa thèse, mais elle ne reproduit pas exactement ni
complètement le passage décisif, lequel est libellé comme suit:
«Il y a lieu de se demander ici comment les revenus de l'entreprise seront
répartis sur chacun de ces établissements stables. On se réglera en premier
lieu sur la comptabilité. A défaut de livres faisant ressortir exactement et
distinctement les revenus de chaque établissement stable, les autorités
compétentes des deux Etats s'entendront pour arrêter les règles de ventilation
(paragraphe 4 ibid).
«Le revenu des établissements stables des entreprises d'assurances est établi
selon une procédure spéciale, qui est fixée au 2e alinéa du paragraphe 4 du
protocole final ad art. 3.»
On ne saurait indiquer d'une façon plus claire que les entreprises
d'assurances échappent à la règle générale et

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que, pour elles, la détermination du revenu imposable a lieu d'après des
règles particulières.
L'interprétation qui ressort de l'examen du texte lui-même et qu'a adoptée le
Conseil fédéral avant la Commission cantonale de recours et l'Administration
fédérale des contributions est du reste conforme à la volonté des parties
contractantes. On a vu que, contrairement au principe général (art. 3
paragraphe 2 de la Convention et paragraphe 1er du Protocole final ad art. 3)
et par une véritable fiction, la Convention admet que les entreprises
d'assurances possèdent un établissement stable dans l'un des Etats dès
l'instant où elles y perçoivent des primes et y assurent des risques, même si
l'agent de l'entreprise est autonome (paragraphe 1er al. 4 Protocole final ad
art. 3). Cette règle exceptionnelle est conforme au système français
d'imposition (Message précité, p. 522 al. 4). Elle soumet à l'impôt les
sociétés d'assurances étrangères pour des affaires qui, fréquemment, ne
pourront guère être groupées dans une comptabilité régulière et distincte,
propre à faire ressortir exactement le revenu qui en provient (paragraphe 4
al. 1 du Protocole final ad art. 3). On comprend dès lors que les Etats
contractants aient, pour le domaine spécial des assurances, renoncé
complètement à appliquer le système direct de répartition des bénéfices,
système qui nécessite une «comptabilité régulière» au sens du paragraphe 4 al.
l précité.
Aussi bien, la tendance générale est-elle de s'en tenir, pour la répartition
des bénéfices des entreprises d'assurances, à des systèmes indirects de
calcul. Le procédé le plus fréquemment utilisé est basé sur la répartition des
primes. C'est celui qui est usuel en Suisse, soit dans le domaine
intercantonal (RO 48 I 367 ss.; arrêt non publié du 18 septembre 1925 en la
cause Leipziger Feuerversicherungsanstalt; ROBERT et EHRENSBERGER, Lexikon für
schweiz. Steuerrecht, p. 812; WETTER, Die internationale Doppelbesteuerung,
insbesondere bei Erwerbsunternehmung, p. 225), soit dans le domaine
international (RO 40

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I 457; Blätter für zürch. Rechtsprechung 1927, no 109; Zentralblatt für
Staats- und Gemeindeverwaltung 1931, pp. 205 à 207).
En France, l'art. 82 de la loi du 13 juillet 1925 avait introduit le régime
dit du forfait, suivant lequel les sociétés d'assurance étrangères peuvent
demander d'être taxées, pour leur établissement stable, d'après le coefficient
déterminé selon les résultats obtenus par les cinq sociétés françaises les
plus représentatives de la branche exploitée (cf. DALLOZ, Recueil périodique
1925,4e partie, pp. 311 et 312). Bien que cette faculté ait été en principe
abrogée en 1934 (cf. DALLOZ, Recueil hebdomadaire de jurisprudence 1934, Notes
fiscales; Recueil périodique 1934, p. 69 et 4e partie, p. 207), la pratique
l'avait, semble-t-il, maintenue.
On conçoit par conséquent que les deux délégations aient pu vouloir instituer,
à titre de régime spécial pour les entreprises d'assurances, l'application
soit du système du forfait, soit de celui de la répartition des primes.
2. ­ Il est dès lors superflu de rechercher si le compte établi pour l'agence
de Genève de la recourante répond ou non aux exigences de l'al. 1, paragraphe
4 du Protocole final ad art. 3, si, en d'autres termes, il est ou non de
nature à faire ressortir exactement et distinctement les revenus de l'agence.
3. ­ Le 2e alinéa du paragraphe 4 du Protocole final ad art. 3 ne concerne que
la répartition du revenu imposable. Pour les impôts sur la fortune, la
Convention se borne à prévoir, à son art. 13, qu'ils ne sont prélevés «que par
l'Etat auquel les dispositions de la convention confèrent le droit d'imposer
les revenus provenant de ladite fortune», le paragraphe 2 de l'art. 13 réglant
le cas de la fortune qui ne produit généralement pas de revenu.
En l'absence de règles contractuelles sur la répartition de la fortune, il se
justifie d'appliquer par analogie, comme pour le revenu, le système du rapport
entre les primes qui, ainsi que le Tribunal fédéral l'a jugé tout récemment
(RO 70 I 268), est le plus approprié aussi pour déterminer

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la part de la fortune afférente à l'agence d'une entreprise d'assurances
étrangère.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 71 I 351
Date : 01. Januar 1945
Publié : 11. Juli 1945
Source : Bundesgericht
Statut : 71 I 351
Domaine : BGE - Verwaltungsrecht und internationales öffentliches Recht
Objet : Impôt pour la défense nationale. Taxation de l'agence d'une compagnie d'assurances française. Art...


Répertoire des lois
AIN: 3  52
Répertoire ATF
48-I-367 • 70-I-264 • 71-I-351
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
vue • conseil fédéral • double imposition • tribunal fédéral • allemand • période de calcul • autorité fiscale • convention franco-suisse • interprétation littérale • calcul de l'impôt • calcul • rapport entre • recours de droit administratif • ordonnance administrative • accès • décision • partie au contrat • transaction • confédération • suisse
... Les montrer tous
FF
1937/III/507 • 1937/III/523