S. 12 / Nr. 3 Handels- und Gewerbefreiheit (f)

BGE 67 I 12

3. Arrêt du 17 janvier 1941 dans la cause Caillat contre Vaud, Conseil d'Etat.

Regeste:
Arrêté fédéral tendant à la protection du métier de cordonnier (AMC).
1. Recevabilité du recours de droit public contre l'application d'une loi
administrative ou de police au sens de l'art. 189 al. 2 OJ lorsque le recours
ordinaire au Conseil fédéral est exclu. Pouvoir d'examen du Tribunal fédéral.

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2. L'autorité cantonale ne peut, dans le cadre de l'art. 7 de l'AMC soumettre
à des conditions de moralité l'octroi du permis prévu par l'art. 1 er dudit
arrêté.
Est arbitraire une décision qui s'inspire de considérations manifestement
étrangères à la disposition applicable.
3. Le principe de la liberté du commerce et de l'industrie défend aux cantons
de subordonner à des conditions de moralité l'autorisation d'exercer un
métier, tant que l'activité considérée n'expose pas le public à des risques
particuliers.
1. - Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde gegen die Anwendung von
Gesetzen administrativer oder polizeilicher Natur im Sinne von Art. 189 Abs. 2
OG, wenn die ordentliche Beschwerde an den Bundesrat ausgeschlossen ist.
Kognitionsbefugnis des Bundesgerichtes.
2. - Die kantonale Behörde kann die Erteilung der in Art. 1 des BB über die
Massnahmen zum Schutze des Schuhmachergewerbes vorgesehenen Bewilligung nicht
gestützt auf den Art. 7 1. o. davon abhängig machen, dass der Gesuchsteller
gewisse moralische Anforderungen erfülle.
Eine Entscheidung, die offensichtlich von andern als den der anwendbaren
Vorschrift zugrunde liegenden Erwägungen ausgeht, ist willkürlich.
3. - Der Grundsatz der Handels- und Gewerbefreiheit verbietet den Kantonen,
für die Erlaubnis zur Berufsausübung Gründe der Moralität des Gesuchstellers
in Betracht zu ziehen, wenn dessen Berufstätigkeit für das Publikum nicht mit
besonderen Gefahren verbunden ist.
Decreto federale concernente provvedimenti per proteggere il mestiere del
calzolaio (del 23 dicembre 1936).
1. Ricevibilità del ricorso di diritto pubblico contro l'applicazione d'una
logge amministrativa o di polizia ai sensi dell'art. 189 op. 2 OGF.
Sindacabilità da parte del Tribunale federale.
2. L'autorità cantonale non può subordinare, in virtù dell'art. 7 del decreto
suddetto, il rilascio del permesso previsto dall'art. 1 a requisiti di
moralità.
È arbitraria una decisione basata su considerazioni manifestamente estranee
alla disposizione applicabile.
3. Il principio della libertà di commercio e d'industria vieta ai cantoni di
subordinare a requisiti di moralità l'autorizzazione di esercitare un
mestiere, purchè quest'ultimo non esponga il pubblico a rischi particolari.

A. - Gustave Caillat, né le 30 mai 1880 à Buchillon, originaire de Féchy
(Vaud), a, de 1898 à 1929, subi 15 condamnations pour vol, parfois avec
effraction, ou pour recel. Depuis 1929, Caillat paraissait s'être amendé. Il
avait ouvert un atelier de cordonnier au Valentin, à Lausanne, où il resta
deux ans. En 1931, il s'installa au chemin des Allières et se fit une bonne
clientèle qui se montrait satisfaite de son travail. Le casier judiciaire ne

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révèle pour cette période qu'une condamnation à une amende pour outrage à un
agent.
En 1939, Caillat acheta à bas prix d'un repris de justice nommé Blanc un petit
lot de cuir de provenance suspecte, en fait volé. Peu après, Blanc, sur le
point d'être arrêté, tira sur un agent et le tua. Caillat n'était pour rien
dans l'affaire, mais l'achat de cuir à l'inculpé Blanc fut découvert. Caillat
fut poursuivi pour recel et condamné, le 1 er novembre 1939, à trois mois de
prison. Son bail fut résilié et son atelier fermé.
Avant d'être jugé pour recel à fin 1939, Caillat, qui voulait s'établir à
nouveau, avait sollicité le 13 novembre du Département de justice et police du
canton de Vaud le permis prévu à l'art. 1 er de l'arrêté fédéral du 23
décembre 1936 tendant à protéger le métier de cordonnier (AMC). Il s'agissait
d'un atelier à Bellevaux. Faisant état du casier judiciaire du requérant et de
sa dernière condamnation, le Département refusa le permis par décision du 4
janvier 1940 rendue en application de l'art. 7 de l'AMC. Caillat revint à la
charge le 1 er mars 1940, puis le 16 mai, cette fois pour un atelier à
l'Avenue d'Echallens. Le Département maintint son refus.
Le requérant recourut au Conseil d'Etat qui, le 13 juillet, confirma la
décision du Département de justice et police par les mêmes motifs.
B. - Contre cet arrêté, notifié le 13 juillet, Caillat a formé le 23 juillet
un recours de droit public. Il soutient que la décision du Conseil d'Etat
viole l'art. 31 CF et repose sur une application arbitraire de l'art. 7 de
l'AMC.
C. - Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours. L'art. 31 CF ne garantit
le libre exercice du commerce et de l'industrie que dans les limites de
l'ordre public général (RO 46 I 291). L'exercice du métier de cordonnier est
restreint par l'AMC. Il s'agit dès lors uniquement de savoir si l'art. 7 de
cet arrêté a été appliqué arbitrairement. Tel n'est pas le cas. Les mots «dans
la règle», figurant à cette disposition ouvrent la porte à des exceptions

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même lorsque, comme en l'espèce, le requérant remplit par ailleurs les
conditions de l'arrêté. Le casier judiciaire du recourant, sa dernière
condamnation, justifiaient ici un refus exceptionnel.
Considérant en droit:
1.- Bien qu'il s'agisse de l'application d'une loi administrative ou de police
au sens de l'art. 189 al. 2 OJF, le Tribunal fédéral est compétent pour se
saisir du recours, du moment que l'arrêté du 12 novembre 1938 prorogeant celui
du 23 décembre 1936 a exclu le recours ordinaire au Conseil fédéral (cf. arrêt
non publié Klingenfuss c. Conseil d'Etat genevois, du 2 février 1940).
Toutefois, la connaissance du Tribunal fédéral ne saurait être aussi étendue
que l'était. celle du Conseil fédéral lorsqu'il statuait, comme autorité
administrative supérieure, en vertu de l'art. 5 de l'arrêté du 28 septembre
1934 ou de l'art. 10 de l'arrêté du 23 décembre 1936. Le Tribunal fédéral ne
peut intervenir que si, dans l'application de l'arrêté en vigueur, l'autorité
cantonale a violé les droits constitutionnels du recourant. A cet égard, il ne
peut examiner la constitutionnalité de l'arrêté lui-même, celui-ci étant de
portée générale et émanant de l'Assemblée fédérale. Il doit se borner à
rechercher si, comme le soutient le recourant, le Conseil d'Etat a donné à une
disposition concrète une interprétation arbitraire. Si tel était le cas, le
Conseil d'Etat serait sorti du cadre de l'arrêté et le recourant serait en
droit d'opposer la garantie de l'art. 31 CF aux motifs de droit cantonal sur
lesquels l'autorité aurait en réalité fondé son refus.
2.- L'art. 7 de l'AMC dispose que «la permission d'ouvrir un atelier occupant,
le maître compris, deux personnes au plus et n'usant que des machines d'un
usage général ne peut dans la règle être refusée à un requérant qui a obtenu
le diplôme de maître. .. ou qui est autorisé à porter le titre de maître en
vertu de l'art. 61 de la loi du 26 juin 1930 sur la formation
professionnelle». Le

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recourant remplit ces conditions; il se propose d'ouvrir un atelier de type
artisanal et il a le droit de porter le titre de maître, car il a exercé sa
profession d'une façon indépendante avant l'introduction des examens prévus
par la loi sur la formation professionnelle (art. 42 et ss; cf. art. 61 litt.
a et art. 48 al. 2 de ladite loi). L'administration vaudoise s'est cependant
autorisée de la réserve exprimée à l'art. 7 de l'arrêté de 1936 par les mots
«dans la règle» pour refuser le permis en raison de la moralité du requérant.
Il s'agit de savoir si la réserve indiquée couvre des motifs de cette nature,
ou tout au moins si l'on peut sans arbitraire lui attribuer cette portée.
L'AMC du 23 décembre 1936, prorogé par arrêté du 12 novembre 1938 jusqu'à fin
1941, n'est qu'une modification d'un premier arrêté fédéral du 28 septembre
1934. Il ressort des messages du Conseil fédéral du 4 juin 1934 (FF 34 II p.
421 et ss) et du 3 novembre 1936 (FF 36 III p. 29 et ss), notamment des
considérants relatifs aux mesures pouvant être prises par la Confédération (1
er message, p. 437) et de ceux touchant l'institution du permis obligatoire
pour l'ouverture d'ateliers de réparations (p. 437) que le but de cette
législation a été exclusivement économique. Il s'agissait d'intervenir pour la
protection d'une industrie en état de crise aiguë. Aucun des motifs du Conseil
fédéral ou des desiderata des gouvernements cantonaux ou des associations
professionnelles résumées dans le message de 1934 (FF p. 427 ch. 2 et 428 ch.
3) n'autorise à admettre que l'AMC ait voulu -p. ex. pour protéger la
clientèle contre le détournement des souliers confiés au ressemeleur -
soumettre la permission d'ouvrir un atelier de réparations à des conditions
spéciales de moralité du requérant. Les seules considérations envisagées sont
de nature économique (existence d'un besoin, absence d'opposition avec
d'importants intérêts économiques) et, s'il est fait une réserve en faveur de
l'équité, c'est pour accorder l'autorisation malgré le défaut des conditions
requises (cf. art. 3 litt. a de l'arrêté

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de 1934). Toute idée d'organisation professionnelle, dans le sens d'un
assainissement du métier, est étrangère à la réglementation adoptée.
L'arrêté de 1936 ne se place pas sur un autre terrain. Il a au contraire
restreint le pouvoir d'appréciation de l'autorité cantonale. Le Conseil
fédéral voulait que le permis fût accordé, sans égard au besoin, à tous les
requérants en droit de porter le titre de maître; ce n'est que pour les autres
que l'ancienne réglementation devait continuer à s'appliquer (FF 1936 III p.
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et 48). L'art. 7 consacre cette distinction (cf. al. 1 er et 5), mais il
l'atténue en permettant de déroger à la règle de l'octroi obligatoire du
permis au maître cordonnier. Cette réserve a été introduite par le Conseil des
Etats (Bull. stén., 1936 p. 463) pour tenir compte des cas où l'«équité»
justifierait un refus. Mais, pour rejeter exceptionnellement la requête d'un
maître cordonnier, l'autorité ne peut évidemment se fonder sur d'autres motifs
que ceux qui justifieraient, à l'égard d'un cordonnier ordinaire, le refus du
permis, car le premier - qu'on a voulu favoriser - ne saurait être moins bien
traité que le second. Or, d'après l'alinéa 5 de l'art. 7, les motifs qui
légitiment un refus se résument à l'absence d'un besoin. n ne peut donc s'agir
aussi, à l'alinéa 1 er , que de circonstances économiques - p. ex. l'existence
d'ateliers déjà trop nombreux dans un lieu déterminé - que le législateur
(contre l'avis du Conseil fédéral, voir message 1936 p. 39) a voulu réserver
même à l'égard des maîtres cordonniers. Dans une circulaire du 27 janvier
1937, le Département fédéral de l'économie publique a d'ailleurs recommandé
aux cantons de ne faire exception à la règle qu'en cas de nécessité, ce pour
éviter que le privilège institué ne devienne illusoire. Quoi qu'il en soit, on
ne saurait, dans le système de l'arrêté, étendre la réserve indiquée à des
considérations du genre de celles que retient la décision attaquée.
C'est ce qu'a jugé le Conseil fédéral dans une décision du 1 er avril 1935
rendue sous l'empire de l'arrêté du

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28 septembre 1934. Le Conseil d'Etat de Bâle-Campagne avait refusé à un nommé
Deppeler, qui avait reçu congé de son propriétaire, la permission de
transférer son atelier de réparations dans un autre local. Entre autres motifs
de refus, l'autorité cantonale avait fait état du casier judiciaire du
requérant. Le Conseil fédéral a déclaré que les condamnations antérieures du
recourant ne pouvaient exercer aucune influence sur la décision à prendre.
C'est en vain que l'intimé objecte qu'il s'agissait alors d'un simple
transfert et non, comme en l'espèce, de l'ouverture d'un nouvel atelier, car
l'art. 2 in fine de l'arrêté de 1934 assimilait déjà les deux cas (cf. art. 3
litt. a de l'arrêté de 1936). Il est vrai qu'à la différence du Conseil
fédéral, la Cour de droit public ne peut annuler une décision cantonale que si
elle est entachée d'arbitraire. Mais tel est bien le cas.
On doit sans doute, sous l'angle de l'art. 4 CF et nonobstant les
recommandations du Département fédéral compétent, reconnaître aux cantons la
plus grande liberté d'apprécier les circonstances de nature économique qui
militeraient contre l'octroi du permis à un cordonnier remplissant les
conditions posées par l'art. 7 AMC. Mais, en l'espèce, les autorités vaudoises
se sont inspirées de considérations qui, d'après ce qui précède, sortent
manifestement du cadre de l'arrêté; elles ont ainsi outrepassé leur pouvoir
d'appréciation et leurs décisions sont dès lors arbitraires.
3.- Si le Conseil d'Etat ne peut, en vertu de l'AMC, opposer au recourant ses
condamnations antérieures, il n'est pas non plus recevable à le faire par des
motifs de police tirés du droit cantonal. Le principe de la liberté du
commerce et de l'industrie détend en principe aux cantons de subordonner
l'autorisation d'exercer un métier à des conditions de moralité ou à la
possession d'un certificat de bonne vie et moeurs; une restriction de ce genre
n'est licite que si l'activité considérée expose le public à des risques
particuliers (arrêt non publié Elsener c. Zoug,

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consid. 2, du 30 avril 1937; cf. RO 53 I 118; 57 I 168; 58 I, 157, 229). Ce
n'est pas le cas en l'espèce. En fait, les délits commis par le recourant, et
même le dernier relatif à un achat de cuir, ne sont pas de nature à mettre sa
clientèle en péril. Il faut noter d'ailleurs que si Caillat a été plusieurs
fois condamné, il s'était amendé depuis une dizaine d'années et avait donné
toute satisfaction à ses clients. On ne voit pas l'intérêt social qu'il
pourrait y avoir à mettre le recourant dans l'impossibilité de gagner sa vie
d'une façon indépendante.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral
admet le recours et annule l'arrêté du Conseil d'Etat du canton de Vaud du 13
juillet 1930.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 67 I 12
Date : 31. Dezember 1941
Publié : 16. Januar 1941
Source : Bundesgericht
Statut : 67 I 12
Domaine : BGE - Verfassungsrecht
Objet : Arrêté fédéral tendant à la protection du métier de cordonnier (AMC).1. Recevabilité du recours de...


Répertoire des lois
OJ: 189
Répertoire ATF
46-I-283 • 53-I-114 • 57-I-165 • 67-I-12
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
conseil d'état • conseil fédéral • tribunal fédéral • autorité cantonale • vaud • casier judiciaire • cuir • arrêté fédéral • pouvoir d'appréciation • formation professionnelle • autorisation d'exercer • recours de droit public • viol • département fédéral • droit cantonal • association professionnelle • commerce et industrie • membre d'une communauté religieuse • prévenu • directeur
... Les montrer tous
FF
1936/III/38