S. 189 / Nr. 41 Motorfahrzeugverkehr (f)

BGE 65 II 189

41. Arrêt de la Ire Section civile du 3 octobre 1939 dans la cause Boyer et
«La Foncière» contre Jean et Francis Séchaud

Regeste:
Le for du lieu de l'accident, prévu à l'art. 45 LA, ne vaut pas pour l'action
récursoire exercée par le détenteur et la compagnie qui l'assure contre le
conducteur et son employeur.
Der Gerichtsstand des Unfallortes gemäss Art. 45 MFG gilt nicht für die
Rückgriffsklage des Halters und seiner Haftpflichtversicherung gegen den
Führer und dessen Dienstherrn.
Il foro del luogo dell'infortunio ai sensi dell'art. 45 LCAV non vale per
l'azione di regresso che il detentore e la compagnia, presso la quale egli ò
assicurato, hanno promossa contro il conducente o il suo padrone.

A. - Le 23 mars 1937, Boyer donna au garagiste Jean Séchaud, à Genève, l'ordre
de lui amener à Lausanne la voiture qu'il lui avait confiée pour la réparer.
Le lendemain, Francis Séchaud, frère et employé du garagiste, conduisait la
voiture à Lausanne lorsqu'il heurta le cycliste Georges Lerch et le blessa.
Lerch ouvrit action au for du lieu de l'accident, soit devant le Tribunal
cantonal vaudois, d'une part contre Boyer à titre de détenteur du véhicule et,
d'autre part, contre la compagnie d'assurances la Foncière, à titre d'assureur
de Boyer.

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B. - Dans ce procès, les défendeurs évoquèrent en garantie personnelle Jean et
Francis Séchaud, celui-ci en qualité de conducteur de l'automobile et celui-là
en qualité d'employeur de son frère, sur quoi Jean et Francis Séchaud
déposèrent chacun une demande exceptionnelle, tendante à ce qu'il plaise au
juge:
1. décliner sa compétence pour connaître de l'action intentée par Boyer et la
Foncière contre Jean et Francis Séchaud;
2. dire que Boyer et la Foncière sont éconduits d'instance;
3. condamner Boyer et la Foncière aux frais et dépens.
Les défendeurs à l'exception ont conclu à libération et,
reconventionnellement, à ce qu'il plaise au juge:
1. se déclarer compétent pour connaître des conclusions prises par Boyer et la
Foncière contre Jean et Francis Séchaud;
2 condamner Jean et Francis Séchaud aux frais et dépens.
Le 25 mai 1939, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois déclina sa
compétence et mit les frais à la charge des défendeurs à l'exception.
C. - Contre ce jugement exceptionnel, Boyer et la Foncière ont formé, en temps
utile, un recours de droit civil, fondé sur l'art. 87 al. 3 OJ, en reprenant
leurs conclusions.
Jean et Francis Séchaud concluent au rejet du recours et à la confirmation du
jugement attaqué avec suite de dépens.
Considérant en droit:
1.- L'art. 45 LA prescrit que «L'action contre la personne civilement
responsable peut être intentée devant le tribunal du lieu de son domicile ou
du lieu de l'accident».
Fondés sur ce texte, Boyer et la Foncière, attaqués en dommages-intérêts par
Lerch devant le tribunal du lieu de l'accident, prétendent exercer un recours
contre Jean

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et Francis Séchaud devant le même tribunal. Boyer agit en qualité de détenteur
responsable du dommage causé par son véhicule, la Foncière en qualité
d'assureur de ce détenteur; Jean et Francis Séchaud sont attaqués en qualité,
l'un de conducteur et l'autre d'employeur de celui-ci. Il s'agit donc de
rechercher, en l'espèce, si le détenteur et la compagnie qui l'assure, rendus
responsables des suites d'un accident, peuvent se mettre au bénéfice de l'art.
45 LA pour exercer un recours contre le conducteur et son employeur.
L'affirmative s'imposera si ce recours s'exerce effectivement contre des
«personnes civilement responsables». Il faut donc, en l'espèce, d'une part,
déterminer la nature du droit déduit en justice contre les évoqués en garantie
et, d'autre part, rechercher si ce droit se fonde sur la responsabilité
civile, telle qu'il faut la définir à l'art. 45 LA.
Cet énoncé de la question litigieuse montre d'emblée que, contrairement à ce
qu'affirment les recourants, la détermination du for ne touche en rien au fond
du procès entre Lerch d'une part, Boyer et la Foncière de l'autre et, en
particulier, n'oblige point le juge à rechercher préjudiciellement qui a la
qualité de détenteur.
2.- En l'espèce, les recourants exercent, contre les intimés, quatre droits
distincts les uns des autres. Ce sont, tout d'abord, le double recours du
détenteur contre le conducteur de l'automobile, d'une part, et contre
l'employeur de celui-ci, d'autre part, puis, parallèlement, le double recours
exercé contre ces deux mêmes personnes par la compagnie auprès de laquelle le
détenteur est assuré.
Ces droits de recours ne sont fondés que dans la mesure où les quatre
intéressés répondent chacun du même dommage, subi par la victime de
l'accident. S'ils en répondent, toutefois, c'est en raison de causes
différentes: Boyer, détenteur, en raison de la simple causalité (art. 37 LA),
la Foncière en raison du contrat d'assurance, Francis Séchaud, conducteur du
véhicule, en raison de ses actes

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illicites et Jean Séchaud, en raison de sa qualité d'employeur (art. 55 CO).
Il suit de là que la réclamation des recourants contre les intimés se fonde
sur l'art. 51 CO, qui règle les recours réciproques entre plusieurs personnes
lorsque ces personnes a répondent du même dommage en vertu de causes
différentes (acte illicite, contrat, loi) ". En ce qui concerne la Foncière,
l'art. 72 LCA est en outre applicable.
3.- Il reste donc, d'une part, à définir la notion de «responsabilité civile»,
telle qu'elle se trouve à l'art. 45 LA et, d'autre part, à examiner si les
recours prévus par l'art. 51 CO procèdent de cette responsabilité.
S'agissant d'une règle de for contenue dans une loi spéciale, on peut
présumer, tout d'abord, que le législateur, s'il avait visé, à l'art. 45 LA,
non seulement les actions réglées par cette loi, mais d'autres actions encore,
aurait dû, normalement, le dire d'une manière expresse, ce qu'il n'a pas fait.
De plus, aucun indice sérieux ne peut porter à croire qu'il ait eu de telles
intentions. Au contraire, dans la mesure où la lettre de l'art. 45 LA pourrait
prêter à controverse, sa genèse, en revanche, montre que seules les actions
réglées par la loi spéciale peuvent s'intenter au for du lieu de l'accident.
L'avant-projet du 15 septembre 1930, présenté à la Commission des experts par
le Département fédéral de justice et police, prévoyait, à son art. 39, que «la
personne civilement responsable» devait être recherchée devant le juge de son
domicile et, exceptionnellement, lorsqu'elle avait un domicile à l'étranger,
au for du lieu de l'accident. Des remarques ajoutées à cet article, il
ressort, d'une part, qu'il faut entendre par la «personne civilement
responsable» le «possesseur» du véhicule automobile (la notion de détenteur
n'avait pas encore été créée) et, d'autre part, que c'est en raison de l'art.
59 CF que le for du domicile avait été seul retenu, pour le cas où le
défendeur avait son domicile en Suisse. La Commission des experts ayant estimé
pouvoir admettre, en

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principe, l'action au for du lieu de l'accident, le Département de justice et
police se rangea à cet avis; il supprima la mention du domicile à l'étranger
et soumit aux Chambres le texte qui fut adopté sans modification et figure
aujourd'hui dans la LA sous l'art. 45.
Par «la personne civilement responsable», le Département entendait donc, comme
il vient d'être dit, le «possesseur», notion à laquelle on a substitué celle
de «détenteur». Or, après avoir eu les doutes les plus sérieux sur la
constitutionnalité du for du lieu de l'accident, il est certain que le
Département n'a pas étendu, après coup et plus encore que ne le voulait la
Commission, le cercle des actions relevables de ce for en prenant le terme de
«personne civilement responsable» dans une acception plus large qu'il ne
l'avait fait en premier lieu. Quant au législateur, rien dans les discussions
des commissions ni des Chambres ne permet de croire qu'il ait entendu ce terme
autrement que le rédacteur de l'avant-projet. Au contraire, le Conseil des
Etats a rejeté une proposition qui tendait à soumettre au premier juge saisi
tous les litiges issus d'un même accident. Il l'a rejetée, non pas parce
qu'elle aurait été superflue au regard de l'art. 45 LA, mais bien parce
qu'elle était contraire à la souveraineté cantonale en matière de procédure
civile (Bull. stén. CE 1931 p. 462 et 467, déclaration Bolli). Il n'a donc en
tout cas pas voulu créer un for unique à l'art. 45 LA.
Du reste, le texte allemand, à défaut du texte français, ne peut guère porter
à controverse. Il emploie, en effet, les termes suivants:
«Die Klage gegen den Haftpflichtigen kann beim Gericht seines Wohnsitzes»...
Or, en allemand, le mot «Haftpflicht» désigne, plus spécialement, la
responsabilité pour un dommage déterminé lorsqu'elle ne peut être fondée sur
les dispositions générales (par ex. actes illicites) en matière d'obligations,
mais découle de règles spéciales, qui créent une responsabilité aggravée
(responsabilité dérivant du devoir de

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surveillance, responsabilité causale), telle que la responsabilité du père de
famille, de l'employeur, des chemins de fer, du détenteur d'un véhicule
automobile, etc. Il faut donc admettre, de ce point de vue également, que le
législateur visait, à l'art. 45 LA, les personnes que cette loi charge d'une
responsabilité spéciale.
Il suit de là, en l'espèce, que les prétentions déduites en justice ne visent
point les «personnes civilement responsables» au sens de l'art. 45 LA et
qu'elles ne peuvent, dès lors, être soumises au juge du lieu de l'accident. En
effet, comme il a été dit plus haut, le conducteur et son employeur répondent
envers le détenteur et la compagnie qui l'assure, non pas en vertu des règles
spéciales contenues dans la LA (cf., cependant, l'art. 37 al. 5 LA, qui ne
s'applique pas, en l'espèce), mais en vertu de l'art. 51 CO et, de plus, en ce
qui concerne l'assureur, en vertu de l'art. 72 LCA. L'art. 41 al. 2 LA prévoit
sans doute ces actions, mais c'est uniquement pour spécifier qu'elles
demeurent soumises aux règles générales qui régissent les obligations.
4.- C'est en vain que, pour fonder leur droit de poursuivre les intimés au
lieu de l'accident selon l'art. 45 LA, les recourants invoquent des raisons
d'opportunité et allèguent, par analogie, la jurisprudence du Tribunal fédéral
relative à l'art. 59 CF (notamment l'arrêt Schmidlin, ATF 58 I 165). La Cour
n'a pas à juger, en l'espèce, comme dans l'arrêt Schmidlin, si le juge
cantonal a violé l'art. 59 en se saisissant d'une affaire conformément à une
règle de droit cantonal. Elle doit déterminer uniquement le champ
d'application de l'art. 45 LA et ne saurait étendre le tempérament apporté par
cette disposition au principe de l'art. 59 CF.
Du reste, la solution adoptée par le législateur à l'art. 45 LA n'est pas
exorbitante, du point de vue pratique. Cette disposition a essentiellement
pour but de permettre au lésé d'attaquer le détenteur au lieu de l'accident.
Le détenteur ne souffre pas grand dommage de cette dérogation

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au principe de l'art. 59 CF parce qu'il est nécessairement assuré, et que
l'assureur n'a pas en général avantage à plaider au domicile de son assuré
plutôt qu'au lieu où l'accident s'est produit. Le conducteur, en revanche, et
son employeur, ont un intérêt essentiel à demeurer au bénéfice de l'art. 59
CF. Du reste, leur responsabilité se fonde sur les art. 41 et 55 CO, qui sont
moins favorables au demandeur que l'art. 37 LA. Le lésé n'a donc pas, en
général, intérêt à les rechercher en justice, si ce n'est dans le cas -
lui-même fort rare - où le dommage dépassera la somme assurée. Cet intérêt ne
justifierait guère une dérogation au principe de l'art. 59 CF. Il en va de
même de l'intérêt que le détenteur ou la compagnie auprès de laquelle il est
assuré pourraient avoir à faire juger leur recours contre le conducteur ou
l'employeur de celui-ci dans le même procès où leur responsabilité civile se
trouve mise en cause par le lésé. C'est ainsi, du reste, que, dans les cas où
il appliquait librement l'art. 59 CF, le Tribunal fédéral a toujours dit que
de simples inconvénients de procédure ne justifiaient pas une exception à ce
principe constitutionnel (ATF 53 I 49 et 53).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l'arrêt
attaqué.
Information de décision   •   DEFRITEN
Document : 65 II 189
Date : 01 janvier 1938
Publié : 03 octobre 1939
Source : Tribunal fédéral
Statut : 65 II 189
Domaine : ATF - Droit civil
Objet : Le for du lieu de l'accident, prévu à l'art. 45 LA, ne vaut pas pour l'action récursoire exercée...


Répertoire des lois
CO: 41  51  55
LCA: 72
LNA: 37  41  45
OJ: 87
Répertoire ATF
53-I-47 • 58-I-165 • 65-II-189
Répertoire de mots-clés
Trié par fréquence ou alphabet
acte illicite • action récursoire • allemand • analogie • automobile • calcul • champ d'application • chemin de fer • conseil des états • constitutionnalité • contrat d'assurance • domicile en suisse • domicile à l'étranger • dommages-intérêts • doute • droit cantonal • droit civil • décision • département fédéral • examinateur • exorbitance • forme et contenu • garantie personnelle • lausanne • membre d'une communauté religieuse • mention • montre • opportunité • personne physique • principe constitutionnel • procédure civile • quant • reprenant • responsabilité causale • responsabilité de droit privé • suite d'un accident • tribunal cantonal • tribunal fédéral • viol • vue