S. 136 / Nr. 31 Organisation der Bundesrechtspflege (f)

BGE 63 I 136

31. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 24 mai 1937 dans la cause
Ministère public de la Confédération contre Lebet et consorts.

Regeste:
Recevabilité d'un recours en cassation contre un jugement fondé sur un
verdict. Jugement n'ayant pas fait l'objet d'un recours de droit cantonal.
Portée plus étendue du recours de droit fédéral (art. 268 PPF).
Attitude du TF à l'égard de jugements rendus sur la base d'un verdict.
Inapplicabilité de l'art. 277 PPF. Le TF doit examiner si les réponses du jury
impliquent une violation du droit fédéral (art. 269). La décision d'un jury
qui résout en même temps le fait et le droit, notamment quant à la
culpabilité, échappe pratiquement à l'examen de la Cour de cassation.

A. - Par jugement du 11 janvier 1937, le Tribunal correctionnel de Neuchâtel a
libéré André Lebet, Charles Tissot et Charles Grivaz du chef d'infraction à
l'arrêté fédéral du 21 juin 1935 tendant à garantir la sûreté de la

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Confédération. Le Tribunal était assisté d'un jury qui répondit de la manière
suivante aux questions posées:
Ire question: Lebet a-t-il, sur territoire suisse, durant l'année 1936,
pratiqué dans l'intérêt de la France et au préjudice de l'Allemagne, un
service de renseignements militaires, en engageant Charles-André Tissot comme
pilote d'avion dans ce service, en survolant avec lui plusieurs fois le
territoire allemand où il prenait des vues photographiques de caractère
militaire qui lui étaient commandées par les services militaires français et
dont il remettait ensuite les films aux services français, sur territoire
français, ces vols étant chaque fois effectués au départ de Lausanne?
Réponse: oui.
2e question: Lebet est-il coupable?
Réponse: 3 oui, 3 non.
3e question: Tissot a-t-il sur territoire suisse, durant l'année 1936,
pratiqué dans l'intérêt de la France et au préjudice de l'Allemagne un service
de renseignements militaires en acceptant de piloter et en pilotant Lebet
depuis Lausanne pour survoler le territoire allemand et lui permettre la prise
de photographies destinées au service d'espionnage français?
Réponse: oui.
4e question: Tissot est-il coupable?
Réponse: non.
5e question: Grivaz a-t-il, sur territoire suisse, dans les premiers mois de
l'année 1936, favorisé un service de renseignements militaires dans l'intérêt
de la France et au préjudice de l'Allemagne en mettant en relations Lebet avec
Serod dit Girard, officier au service de renseignements français qui s'était
adressé à lui pour lui demander s'il connaissait quelqu'un, sachant bien
l'allemand, de nationalité suisse et qui se chargerait de renseigner
l'Etat-major français sur ce qui se passait de l'autre côté du Rhin?
Réponse: oui.

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6e question: Grivaz est-il coupable?
Réponse: 3 oui, 3 non.
Le jugement d'acquittement contient un seul considérant ainsi conçu:
«Vu la déclaration du jury aux questions posées par le président, déclaration
prononçant la non culpabilité des accusés».
B. - Par acte du 21 janvier 1937, le Ministère public de la Confédération
s'est pourvu en nullité contre ce jugement auprès de la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral. Il conclut au renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision. Dans son mémoire à l'appui du pourvoi, le
recourant prétend que les réponses du jury aux questions 2, 4 et 6 violent la
notion de dol du droit fédéral. Or, même en présence d'un verdict, la Cour de
cassation peut revoir l'application du droit fédéral, tout au moins en
examinant les hypothèses raisonnables qui ont pu former la base de la décision
du jury. En l'espèce, les réponses du jury aux questions 1, 3 et 5 établissent
clairement les faits et leur donnent même leur qualification juridique; en
revanche, les jurés ont mal résolu la question de droit relative à la
culpabilité, car l'existence de l'intention comme aussi la conscience de
l'illicéité ressortent nettement des constatations faites.
Considérant en droit:
1. - il échet d'examiner tout d'abord si le jugement attaqué est un jugement
de dernière instance cantonale, comme le soutient le recourant, ou si au
contraire il pouvait encore faire l'objet d'un recours de droit cantonal.
L'art. 486 du Code de procédure pénale neuchâtelois statue que tout jugement
principal peut être soumis à la Cour de cassation. Il résulte d'autre part,
tant de cas traités par le Tribunal fédéral (cf. notamment l'arrêt Thorens du
1er février 1937) que des renseignements fournis en l'espèce par la Cour
cantonale que le moyen cantonal de la cassation s'étend aussi à
l'interprétation du droit pénal fédéral.

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On peut seulement se demander s'il y a lieu de faire une exception pour les
jugements qui reposent sur un verdict, attendu qu'aux termes de l'art. 449
CPPN la déclaration du jury ne peut jamais être soumise à aucun recours. Mais
on ne peut inférer de cet article que la même règle s'applique au jugement que
le Tribunal rend sur la base d'un verdict. Il découle en effet de l'art. 445
CPPN que c'est la cour et non le jury qui se prononce sur la qualification
juridique de l'infraction (ci-dessous, cons. 3); cette circonstance milite en
faveur de la recevabilité d'un recours en cassation contre le jugement
lui-même. Les parties doivent d'ailleurs disposer d'une voie de droit leur
permettant d'attaquer la contrariété du jugement et du verdict. De fait, ainsi
qu'il ressort d'une lettre de la Cour de cassation cantonale, cette
juridiction se saisit de tels recours. Mais il reste que le point de savoir si
le jury a eu tort de répondre à une question oui ou non ne peut jamais être
soulevé, autant du moins qu'on est en présence d'un verdict régulier,
c'est-à-dire qui n'est ni incomplet ni contradictoire. L'examen de la Cour
cantonale se limite donc aux deux hypothèses envisagées ci-dessus: erreur de
qualification et fausse interprétation du verdict. Au contraire, le recours en
cassation du droit fédéral a, en principe, des effets plus étendus; il permet
au Tribunal fédéral de revoir même le verdict du jury, en tant que celui-ci
résout des questions de droit. Peu importe que cet examen soit «in concreto»
rendu impossible par la manière dont les questions ont été posées au jury,
notamment lorsque le fait et le droit n'ont pas été distingués: dans ce cas,
la Cour est pratiquement liée au verdict (ci-dessous, consid. 2). Mais les
deux recours, du droit cantonal et du droit fédéral, n'en conservent pas
moins, en eux-mêmes, une portée différente. En l'espèce, le recours critique
la décision même du jury; la Cour de cassation cantonale ne fût dès lors pas
entrée en matière. Partant, le jugement attaqué apparaît comme un jugement de
dernière instance. Il est d'autre part de jurisprudence (cf. notamment RO 36 I
287
) que le pour

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voi en cassation fédéral peut être dirigé contre des jugements fondés sur le
verdict d'un jury. Le présent recours est donc recevable.
2. - La recevabilité du recours ne préjuge pas l'attitude que le Tribunal
fédéral doit prendre à l'égard de jugements dont les motifs consistent en une
simple référence à la décision des jurés. On pourrait soutenir que de tels
jugements dussent, en vertu de l'art. 277 PPF, être annulés et renvoyés à
l'autorité cantonale; celle-ci devrait motiver son prononcé de manière à
permettre à la Cour de cassation de revoir l'application de la loi. Cette
solution aurait pour conséquence que les cantons ne pourraient plus déférer la
connaissance des infractions de droit fédéral aux cours d'assises, ou qu'en
dérogation à la règle communément admise les verdicts devraient dans ces cas
être motivés. Mais le Tribunal fédéral a déjà déclaré-il est vrai, avant
l'entrée en vigueur de la nouvelle procédure fédérale- qu'un tel renvoi ne
saurait être envisagé; les art. 160 ss de l'OJ, qui s'appliquaient alors, ne
contenaient aucune disposition relative à la forme des jugements cantonaux et
les cantons étaient libres d'organiser la juridiction chargée de connaître des
infractions de droit fédéral (cf. RO 35 I 177 /8). La loi nouvelle ne permet
pas de dire que l'on ait voulu restreindre la liberté des cantons à cet égard;
on n'y trouve en particulier aucune disposition correspondant à l'art. 63 OJ
prescrivant la forme que doivent revêtir les jugements civils susceptibles
d'un recours en réforme. Le législateur ne pouvait pourtant pas ignorer les
difficultés rencontrées par le Tribunal fédéral dans l'examen des jugements
reposant sur un verdict; ces difficultés avaient aussi été signalées par la
doctrine. Il n'a cependant pas voulu poser une règle qui eût signifié pour les
cantons l'abandon ou la transformation radicale de l'institution du jury, du
moins dans toutes les causes pénales de droit fédéral. La Cour de cassation
n'a donc pas de raison de se départir de sa jurisprudence constante. Elle ne
peut en principe se refuser à examiner si les réponses données par le jury
impliquent une violation du droit fédéral.

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Mais sa mission est rendue singulièrement difficile lorsque les jurés
tranchent non seulement la question de fait mais aussi la question de droit,
et lorsque, dans leur verdict, ils répondent par une seule phrase aux deux
questions. On s'est demandé si, en pareil cas, la Cour ne pouvait pas
elle-même reconstituer les faits d'après le dossier et prendre pour base de sa
décision les faits ainsi établis. La jurisprudence a rejeté cette solution,
parce qu'on ne peut pas faire abstraction des faits qui ont pu résulter des
débats, en particulier des dépositions des témoins dont il ne subsiste aucune
trace. Elle a admis en revanche que le Tribunal fédéral pouvait exercer son
contrôle en envisageant successivement tous les états de fait que le jury a pu
considérer comme constants; le jugement ne pourra alors être cassé que si,
dans tontes les hypothèses entrant en ligne de compte, il implique une
violation de la loi pénale (cf. RO 33 I 657; 35 I 177 /8). Dans ces
conditions, il est souvent impossible au Tribunal fédéral, ainsi que le
relèvent les arrêts cités, de revoir l'application du droit. On ne peut
cependant affirmer que le recours en cassation n'ait pour autant aucun sens.
Il peut principalement atteindre son but en présence d'un jugement de
condamnation, car, dans ce cas, les jurés ont dû constater l'existence des
faits à la base de l'accusation avant d'y voir une infraction à une
disposition du droit pénal fédéral; la juridiction de cassation peut alors
apprécier l'exactitude de cette conclusion. Mais l'examen de la Cour peut, le
cas échéant, porter aussi sur un jugement d'acquittement, à savoir lorsque la
position des questions distingue le fait et le droit: le jury affirme p. ex.
l'existence d'un certain fait, mais nie qu'une prescription légale ait été
violée. En revanche, le recours est voué à l'échec lorsque le verdict ne
permet pas de dire si le jury a nié l'existence d'un fait ou s'il a refusé de
voir dans le fait incriminé une infraction à la loi. Le jugement peut
renfermer une erreur de droit; celle-ci n'apparaît pas et elle ne peut être
redressée. Le moyen de la nullité est en effet dirigé contre le jugement tel
qu'il est; il ne peut soulever d'autres points que ceux qui ressortent du
jugement.

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La décision d'un jury qui résout en même temps le fait et le droit échappe
pratiquement à l'examen de la Cour de cassation.
3. - En l'espèce, le point de savoir si les accusés ont commis les actes qui
leur étaient reprochés a été traité pour lui-même. Le recourant estime que les
questions 1, 3 et 5 portaient aussi sur la qualification juridique desdits
actes et que, dès lors, par leur réponse affirmative, les jurés ont également
résolu la question de l'infraction à l'arrêté fédéral de 1935. Cette manière
de voir a contre elle les termes mêmes du questionnaire; elle est en outre en
désaccord avec le code de procédure cantonal qui, en son art. 433, prévoit que
la première question à poser au jury est celle-ci: «L'accusé a-t-il commis tel
fait?». En répondant à cette question qui est, il est vrai, souvent conçue
dans les termes dont la loi se sert pour définir l'infraction, le jury ne se
prononce pas sur la violation de cette loi; c'est ce qui ressort de l'art. 455
d'après lequel «le tribunal prononce l'absolution si le fait dont l'accusé est
déclaré coupable n'est pas défendu par une loi pénale». Cette prescription
n'aurait pas de sens si le jury devait également trancher la question de
qualification.
Mais les jurés ne se bornent pas à constater les faits; ils doivent encore,
selon l'art. 433, répondre à la question: «Est-il coupable?». Il ne s'agit pas
ici non plus de la qualification juridique de l'acte. Cela résulte tant des
considérations ci-dessus que de la suite de l'art. 433: «Dans le cas où
l'intention coupable n'est pas un élément constitutif du délit» le président
pose au lieu de la question: «Est-il coupable?» la question: «Est-il
punissable pour avoir commis ce fait par imprudence, négligence, légèreté,
etc.?» Les jurés doivent donc, lorsqu'ils ont admis que l'accusé a commis tel
acte, se prononcer encore sur la faute, dol ou négligence, qui lui est
imputable. Mais c'est le tribunal qui, en vertu de l'art. 455, décide si
l'acte commis intentionnellement ou par imprudence constitue un délit; la
parole est donnée à l'accusé pour s'expliquer sur ce point

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(art. 454). L'examen de la culpabilité, que l'art. 433 confie au jury, porte
donc uniquement sur l'existence des éléments constitutifs du dol ou de la
négligence, ainsi que, à n'en pas douter, sur l'existence de causes
d'irresponsabilité ou de faits justificatifs.
La question du dol n'est pas, comme paraît l'admettre le recourant, une simple
question de droit; sa solution dépend essentiellement de l'appréciation de
circonstances de fait. Il suffit de penser à la conscience de l'illicéité de
l'acte, qui est un élément du dol au sens de l'art. 11 CPF. Cela est encore
plus vrai de la responsabilité, dont on ne peut décider sans constater l'état
mental de l'accusé. La question de la culpabilité a été posée aux jurés d'une
manière toute générale; or on ne sait pas s'ils l'ont résolue négativement
parce qu'ils ont considéré que les conditions de fait du dol ou de la
responsabilité n'étaient pas réunies, ou parce qu'ils ont faussement appliqué
ces notions. On est donc en présence d'un cas où l'examen de la Cour de
cassation se heurte à un obstacle insurmontable et où par conséquent le
recours doit être rejeté.
La solution ne serait pas différente si l'on appliquait la méthode proposée
par le recourant et consistant à envisager toutes les «hypothèses
raisonnables» ayant pu former la base de la décision du jury (cf. RO 33 I
657
). Il est en effet impossible en l'espèce de reconstituer la véritable
pensée du jury; la procédure étant orale et le jugement n'étant pas motivé, on
ne sait même pas quelles questions ont été soulevées ni surtout quels éléments
les jurés ont retenus comme décisifs. Il faudrait donc prendre en
considération toutes les hypothèses simplement possibles. Or, à cet égard, on
pourrait supposer que, retenant certains témoignages, le jury ait estimé que
les inculpés n'avaient pas conscience de l'illicéité de leurs actes; ils
auraient cru p. ex. que seul l'espionnage au détriment de la Suisse était
interdit par la législation fédérale. S'il admettait en fait cette ignorance,
le jury pouvait nier l'existence du dol. Il n'est d'ailleurs pas exclu non
plus que la question de

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responsabilité ait elle-même été agitée; le Tribunal fédéral a jugé qu'en
présence d'un verdict d'acquittement on était toujours autorisé à penser que
les jurés avaient résolu négativement cette question (RO 36 I 287). il
apparaît dès lors possible que le jury ait fondé sa décision relative à la
culpabilité sur un état de fait qui légitimait en droit la réponse donnée.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Vgl. auch Nr. 26.-Voir aussi no 26.
Decision information   •   DEFRITEN
Document : 63 I 136
Date : 01. Januar 1936
Published : 24. Mai 1937
Source : Bundesgericht
Status : 63 I 136
Subject area : BGE - Strafrecht und Strafvollzug
Subject : Recevabilité d'un recours en cassation contre un jugement fondé sur un verdict. Jugement n'ayant...


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BStP: 268  277
OG: 63  160
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