126 II 63
8. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 18 janvier 2000 dans la cause 2'206 agriculteurs suisses contre Confédération suisse (recours de droit administratif)
Regeste (de):
- Art. 69 aBV; Art. 3 VG; Tierseuchengesetz vom 1. Juli 1966 (TSG); Verantwortlichkeit des Bundes für die wirtschaftlichen Folgen der Krise im Zusammenhang mit dem Rinderwahnsinn (BSE).
- Die Tierseuchengesetzgebung bezweckt, auch Einzelpersonen gegen wirtschaftlichen Schaden zu schützen (E. 3a).
- Die Entschädigung durch den Bund (Art. 32 ff. TSG in Verbindung mit Art. 3 des Bundesbeschlusses vom 13. Dezember 1996 über befristete Sofortmassnahmen gegen die BSE im schweizerischen Rindviehbestand [RS 916.41]) schliesst die betroffenen Landwirte von der Möglichkeit einer Schadenersatzklage für den ungedeckten Teil ihres Verlustes nicht aus (E. 3b).
Regeste (fr):
- Art. 69 aCst.; art. 3 LRCF; loi fédérale sur les épizooties du 1er juillet 1966 (LFE); responsabilité de la Confédération pour les conséquences économiques de la crise de la vache folle (ESB).
- La législation sur les épizooties a également pour but de protéger les particuliers contre les atteintes qui entraînent un dommage patrimonial (consid. 3a).
- L'indemnisation par la Confédération (art. 32 ss LFE, en relation avec l'art. 3 de l'AF du 13 décembre 1996 concernant des mesures temporaires urgentes destinées à combattre l'ESB dans le cheptel bovin suisse [RS 916.41]) n'a pas pour effet de déchoir les agriculteurs lésés de la possibilité d'agir en responsabilité pour le solde de leur préjudice (consid. 3b).
Regesto (it):
- Art. 69 vCost.; art. 3 LResp; legge federale sulle epizoozie del 1o luglio 1996 (LFE); responsabilità della Confederazione per le conseguenze economiche della crisi della vacca pazza (ESB).
- La legislazione sulle epizoozie ha pure per scopo la tutela di privati da danni patrimoniali (consid. 3a).
- Le indennità versate dalla Confederazione (art. 32 segg. LFE in relazione all'art. 3 del decreto federale del 13 dicembre 1996 sulle misure temporanee immediate volte a combattere l'ESB nell'effettivo bovino svizzero [RS 916.41]) non hanno per effetto di privare gli agricoltori della possibilità di far valere mediante un'azione di responsabilità la parte restante del loro danno (consid. 3b).
Sachverhalt ab Seite 64
BGE 126 II 63 S. 64
A.- a) L'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), communément appelée "maladie de la vache folle", est une maladie infectieuse des bovins causée par des prions, à savoir des protéines transmissibles sans substance héréditaire propre; l'agent pathogène est situé essentiellement dans la cervelle, les yeux et la moelle épinière. Elle se manifeste par une diminution de la productivité et des troubles du comportement, tels que l'anxiété et l'agressivité. La période d'incubation dure en moyenne cinq ans. En l'état actuel des connaissances, la contamination a pour origine des aliments pour animaux qui ont subi un traitement thermique insuffisant et contiennent de la cervelle ou de la moelle épinière provenant d'animaux infectés. La maladie conduit à la mort en quelques mois; il n'existe encore ni vaccin ni traitement. Le diagnostic ne peut être posé qu'après le décès sur la base d'examens au microscope et d'analyses immuno-histochimiques d'échantillons de cervelle. Parmi les encéphalopathies spongiformes se manifestant chez l'homme, la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) est la plus importante. La transmission de l'ESB à l'homme et à d'autres espèces animales doit être considérée comme vraisemblable. b) Apparue en Grande-Bretagne en 1986, l'ESB a été, pour la première fois, diagnostiquée en Suisse le 2 novembre 1990; au 15 juin 1999, elle a été constatée chez 304 vaches, dont 66 cas de "born after ban" (BAB), à savoir de bovins nés après l'entrée en vigueur, le 1er décembre 1990, de l'interdiction d'utiliser des farines animales pour l'alimentation des ruminants. La propagation de la maladie en Suisse a pour cause des composants d'aliments pour le bétail issus d'animaux atteints et dont le traitement thermique a été insuffisant; selon le Conseil fédéral, "il s'agit vraisemblablement de farines de viande ainsi que de farines de viande et d'os provenant de Grande-Bretagne qui ont été munies, semble-t-il, de nouvelles indications d'origine et de qualité en Europe continentale, puis importées en
BGE 126 II 63 S. 65
Suisse" (Message concernant des mesures temporaires destinées à combattre l'ESB dans le cheptel bovin suisse et à en atténuer les conséquences économiques du 16 septembre 1996, FF 1996 IV 1294 in fine). c) Pour lutter contre l'ESB, la Suisse a, notamment, pris les mesures suivantes (FF 1996 IV 1295 ch. 131): - en 1989, l'Office vétérinaire fédéral (OVF) a informé les vétérinaires sur les caractéristiques de la maladie et veillé à l'installation d'un laboratoire de référence à la faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Berne; - par ordonnance du 13 juin 1990, l'OVF a interdit l'importation des animaux de l'espèce bovine, de la viande bovine et certains aliments pour animaux en provenance de Grande-Bretagne (RS 916.443.39); - dès l'apparition du premier cas d'ESB en Suisse, l'OVF a ordonné, le 8 novembre 1990, que les organes et les tissus d'animaux de l'espèce bovine âgés de plus de six mois susceptibles de contenir l'agent pathogène (cervelle, moelle épinière, rate, thymus et intestin, tissus lymphatiques et nerveux visibles ainsi que ganglions lymphatiques) ne soient plus mis dans le commerce comme denrées alimentaires; - le 29 novembre 1990, l'OVF a interdit, avec effet au 1er décembre suivant, d'affourager de la farine de viande, de la farine de viande et d'os, de la farine animale, de la farine de cretons ainsi que de la farine d'os dégraissés aux animaux des espèces bovine, ovine et caprine (RO 1990 1920); - toutes ces mesures ont été finalement intégrées dans l'ordonnance du 27 juin 1995 - modifiée les 17 avril et 16 septembre 1996 (RO 1996 1215, 2559) - sur les épizooties (OFE; RS 916.401); - le 3 avril 1996, le Conseil fédéral a étendu, avec effet au 1er mai suivant, à la viande et aux produits à base de viande vendus à l'étal l'obligation de déclarer le pays de production (RO 1996 1211); - le 13 décembre 1996, les Chambres fédérales ont adopté un arrêté fédéral concernant des mesures temporaires urgentes destinées à combattre l'ESB dans le cheptel bovin suisse (RS 916.41), complété par l'ordonnance d'exécution du Conseil fédéral du 18 décembre 1996 (RS 916.411); - le 1er juillet 1998, le Conseil fédéral a décidé de soumettre les graisses animales à un traitement thermique à 133oC pendant 20 minutes (RO 1998 1578).
BGE 126 II 63 S. 66
d) Selon les données du Département fédéral des finances, l'évolution du prix du bétail de boucherie entre 1985 et fin avril 1999 a été la suivante: Catégorie Taureaux MT T3 Vaches VK T3 Vaches VK T3
Année fr./kg poids mort fr./kg poids mort fr. par vache
1985 10.88 8.74 2447
1986 10.52 8.20 2296
1987 11.11 7.66 2145
1988 12.50 9.36 2621
1989 12.05 9.44 2643
1990 11.13 8.34 2335
1991 10.31 7.16 2005
1992 10.33 6.26 1753
1993 10.99 7.34 2055
1994 10.81 8.50 2380
1995 9.29 7.24 2027
1996 7.71 3.88 1086
1997 7.75 4.34 1215
1998 7.48 4.56 1277
1999 6.40 4.30 1204
B.- Le 19 mars 1997, 2'165 agriculteurs suisses ont saisi le Département fédéral des finances d'une réclamation en dommages-intérêts contre la Confédération suisse; en bref, ils ont reproché aux offices concernés (OVF; Office fédéral de l'agriculture [OFAG]; Office fédéral des affaires économiques extérieures [OFAEE]) de n'avoir pas adopté les mesures propres à empêcher la propagation de l'ESB en Suisse et, dès lors, d'être responsables des pertes qu'ils ont subies à la suite de la chute du prix du bétail de boucherie et du bétail d'élevage. Le 7 avril, 41 nouveaux agriculteurs ont introduit une demande analogue. Par décision du 12 février 1999, le Département a rejeté la demande.
C.- Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit administratif des demandeurs, annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Erwägungen
Extrait des considérants:
3. Celui qui réclame des dommages-intérêts fondés sur l'art. 3 al. 1 de la loi fédérale du 14 mars 1958 sur la responsabilité de la Confédération, des membres de ses autorités et de ses fonctionnaires
BGE 126 II 63 S. 67
(LRCF; RS 170.32) doit établir l'illicéité de l'acte ou de l'omission commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions (ATF 106 Ib 357 consid. 2b p. 361; JOST GROSS, Schweizerisches Staatshaftungsrecht, Berne 1995, N. 11.6). En l'espèce, après avoir implicitement retenu que les omissions dénoncées par les recourants étaient susceptibles d'engager la responsabilité de la Confédération (ATF 89 I 483 consid. 6 p. 489 ss [concernant précisément une affaire d'épizooties]; en général: ATF 123 II 577 consid. 4d/ff p. 583; 118 Ib 473 consid. 2b p. 476/477 et les citations), le Département a nié que l'atteinte alléguée fût illicite (en général: ATF 123 II 577 consid. 4d/aa - cc et les citations), car la législation en matière d'épizooties "a pour but de protéger la santé des animaux et des hommes, et non de protéger la valeur marchande des animaux". Cette opinion ne saurait être suivie. a) Il faut souligner d'emblée que l'art. 69 aCst., dans sa teneur adoptée le 4 mai 1913, répond davantage à des préoccupations d'ordre économique et social qu'à des motifs purement sanitaires; il s'ensuit que seules tombent dans la compétence de la Confédération les maladies transmissibles d'une certaine gravité ayant des conséquences néfastes sur le plan économique et social (MALINVERNI, in Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, N. 15 ad art. 69 aCst.; MARKUS MÜLLER, Zwangsmassnahmen als Instrument der Krankheitsbekämpfung, Bâle 1992, p. 26/27). Aussi est-ce en se référant à des "dommages économiques" que le Conseil fédéral a constamment rappelé la nécessité de combattre les épizooties frappant le cheptel (FF 1911 V 323; 1915 I 536 et 1965 II 1082; cf. ég. FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, Eidgenössische Tierseuchengesetzgebung, 2e éd., p. 1; MICHAEL KREIENBÜHL, Rechtskritische Behandlung der allgemeinen staatlichen Tierseuchenbekämpfungsmassnahmen in der Schweiz, thèse Fribourg 1972, p. 7/8 et 33); il l'a clairement réaffirmé à propos de l'ESB (FF 1996 IV 1303: "La lutte ... ne doit pas seulement tenir compte de la protection de la santé, mais aussi des conséquences économiques et des incidences sur le commerce international"). C'est donc logiquement que l'art. 1er al. 1 let. d
IR 0.916.443.934.92 Übereinkommen vom 11. Juli 1914 zwischen der Schweiz und Frankreich betreffend den Veterinärpolizeidienst (Viehseuchen) im internationalen Bahnhof Vallorbe Viehseuchen Art. 1 - Die Ausübung des polizeilichen grenztierärztlichen Dienstes hinsichtlich des Viehes, der Fleischwaren und sonstigen tierischen Produkte, die auf den Linien Frasne-Vallorbe oder Pontarlier-Vallorbe aus der Schweiz nach Frankreich oder aus Frankreich nach der Schweiz befördert werden, hat auf den Quais und in den zu diesem Zweck bestimmten Gebäulichkeiten im internationalen Bahnhof Vallorbe stattzufinden. |
BGE 126 II 63 S. 68
KREIENBÜHL, op. cit., p. 103; A. NABHOLZ, Neue Wege in der Tierseuchenbekämpfung, in Festschrift zum 50Jährigen Bestehen des Eidgenössischen Veterinäramtes, Berne 1964, p. 77). Comme l'expose le Département, le but de la loi est d'éradiquer, combattre et surveiller les épizooties (art. 1a al. 2
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BGE 126 II 63 S. 69
du préjudice économique éprouvé de ce chef par un agriculteur (FF 1965 II 1097; FRITSCHI/NABHOLZ/RIEDI, op. cit., N. 7 ad art. 27
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BGE 126 II 63 S. 70
base de l'art. 32 LFE sont principalement d'ordre social (FF 1975 II 119); il n'y a là rien de commun avec l'obligation de réparer le préjudice résultant de l'acte illicite d'un fonctionnaire. Dès lors, c'est avec raison que les recourants soutiennent que l'indemnisation prévue par les art. 32 ss LFE n'a pas pour effet de les priver du droit de rechercher la Confédération au titre de sa responsabilité. A cet égard, il convient de rappeler que, en dépit des indemnités qui leur ont été allouées à la suite de la catastrophe de Tchernobyl (RO 1988 628, 632), les lésés n'ont pas été déchus pour autant de la possibilité de réclamer à la Confédération le solde de leur préjudice (KNOEPFLER/SCHWEIZER, Tchernobyl, action ouverte en Suisse, for et droit applicable, Beihefte zur ZSR, Heft 9, Bâle 1989, p. 46 ss ch. IV).